Archive dans avril 2025

Télétravail : la guerre des coûts est déclarée

Les entreprises françaises souhaitant un vaste retour au bureau ont désormais une alliée : la Cour de cassation. Son arrêt du 19 mars indique que « l’occupation du domicile du salarié à des fins professionnelles constitue une immixtion dans sa vie privée, de sorte qu’il peut prétendre à une indemnité dès lors qu’un local professionnel n’est pas mis à sa disposition ». Jusque-là, rien de nouveau : il en va ainsi pour un travailleur itinérant ne disposant d’aucun bureau et consacrant donc une partie de son domicile à son activité professionnelle.

C’est l’ajout suivant qui détonne : « ou qu’il a été convenu que le travail s’effectue sous la forme du télétravail ». Or, légalement, le télétravail doit résulter d’un double accord : cela signifie donc que s’il est « convenu », cela entraîne le versement de cette « indemnité compensant la sujétion résultant de cette modalité d’exécution du contrat ». « Sujétion », mais donc librement choisie, et plébiscitée car fondée sur l’équation globale du télétravail : flexibilité et meilleur équilibre vie professionnelle et vie personnelle.

Certes, l’envolée de la facture énergétique pèse lourdement sur les ménages comme sur nombre de (grandes) entreprises, qui ont comprimé leurs coûts immobiliers avec de rudes programmes de « flex office », réduisant excessivement les postes disponibles. Reste à savoir qui doit payer l’électricité nécessaire au télétravail.

Que disent les textes ? L’ordonnance du 22 septembre 2017 a supprimé l’obligation patronale de prise en charge des coûts liés au télétravail, et l’accord interprofessionnel du 26 novembre 2020 en a fait également le thème d’une éventuelle négociation. Prudent, aucun n’évoque cette onéreuse prise en charge spécifique, par ailleurs rarissime en Europe – c’est le cas par exemple au Portugal.

Frais récurrents

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Coralie Chevallier, nouvelle présidente du Hcéres : « Mon projet est celui d’une réforme en profondeur, dont l’objectif est de simplifier l’évaluation »

Première femme à diriger le Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur (Hcéres), la scientifique est entrée en fonctions en pleine crise de l’institution. Dans un entretien au « Monde », elle liste les changements qu’elle compte apporter et réaffirme que l’existence et l’indépendance du Hcéres sont des garants de la démocratie.

SNCF : SUD-Rail appelle à la grève des contrôleurs de TGV pour le pont du 8 mai

Des syndicalistes de SUD-Rail, le 2 juin 2016, à Rennes.

Le syndicat SUD-Rail a appelé, vendredi 4 avril, les contrôleurs de TGV à se mettre en grève les vendredi 9, samedi 10 et dimanche 11 mai, en plein week-end de pont du 8 mai, pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail. Le syndicat a aussi appelé les conducteurs à faire grève le 7 mai.

SUD-Rail, deuxième syndicat du groupe chez les contrôleurs, avait déposé fin mars un préavis allant du 17 avril au 2 juin, couvrant ainsi les vacances scolaires et les ponts du printemps. Le syndicat a donc mis sa menace à exécution après « trois réunions stériles sans le moindre engagement de la direction », a-t-il écrit dans un tract.

SUD-Rail critique notamment les changements de planning constants à la dernière minute. Il réclame, outre des plannings mieux anticipés, une augmentation de 100 euros par mois de la prime de travail des contrôleurs.

Dialogue social tendu

Cette catégorie s’est surtout mobilisée ces dernières années par le biais d’un collectif informel créé sur un groupe Facebook et baptisé « Collectif national ASCT » (CNA). Ce collectif n’a pour le moment pas fait savoir s’il va rejoindre le mouvement lancé par SUD-Rail. Lors des deux dernières grèves à l’initiative du CNA à Noël 2022 et en février 2024, plusieurs centaines de milliers de personnes avaient vu leurs trains annulés.

Le dialogue social s’est tendu ces dernières semaines à la SNCF sous l’impulsion de SUD-Rail. Le syndicat a quitté les négociations des droits syndicaux dans le cadre de l’ouverture à la concurrence et de l’éclatement du groupe en de multiples filiales.

En fin d’année 2024, il avait été, sans succès, à la pointe du combat contre la liquidation de Fret SNCF, transformé en deux filiales avec suppression de 500 emplois.

Le Monde avec AFP

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Uber Eats, Deliveroo… Les revenus des livreurs indépendants ont baissé d’un cinquième voire d’un tiers en quatre ans

Un livreur d’Uber Eats à Toulouse, le 18 mars 2025.

L’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE), s’appuyant sur les données des plateformes de livraison, dévoile vendredi 4 avril que le taux de rémunération horaire brute des livreurs indépendants – 71 000 personnes en France – a chuté ces quatre dernières années.

Entre 2021 et 2024, en tenant compte de l’inflation, ce taux baisse de 34,2 % chez Uber Eats, de 26,6 % chez Stuart et de 22,7 % chez Deliveroo. Un aveu d’échec, selon le syndicat Union-Indépendants, de l’accord signé en 2023 prévoyant que les plateformes versent aux livreurs un revenu minimal horaire de 11,75 euros brut.

L’ARPE a aussi constaté que les temps d’attente entre deux courses s’étaient allongés, de 16,9 % chez Deliveroo et de 35,3 % chez Uber Eats, même si ce calcul « ne prend pas en compte le recours simultané à plusieurs plateformes par un même travailleur » et qu’en réalité le livreur peut ne pas attendre mais effectuer une course pour une autre plateforme.

« Garantie horokilométrique »

Le syndicaliste Fabian Tosolini, d’Union-Indépendants, explique auprès de l’Agence France-Presse (AFP) que les livreurs sont obligés de parcourir des « zones de livraison s’étendant de plus en plus ». Ils se retrouvent ainsi contraints de troquer leur vélo contre un scooter ou une voiture, avec les frais que cela engendre.

« Nous entendons [les] demandes [des livreurs] de rééquilibrer les revenus », a réagi Uber Eats auprès de l’AFP. L’entreprise se déclare « favorable à la mise en place d’un revenu minimal par course et d’une garantie horokilométrique » calculée en fonction de la durée et de la distance des courses, et chiffre à 20,50 euros le revenu horaire brut moyen en 2024 de ses livreurs partenaires. Deliveroo évoque pour sa part, entre 2021 et 2024, un revenu moyen par prestation qui a « toujours été supérieur à 5,50 euros, atteignant 5,70 euros (…) sur 2024 », et un « revenu horaire brut en course (…) de 26,31 euros par heure ».

Union-Indépendants a également analysé les données des plateformes de voitures de transport avec chauffeur (VTC), comme Bolt et Uber, et constate une « baisse continue et généralisée des revenus » entre 2022 et 2024. Le taux horaire s’est effondré de 12 % – soit une perte de 9 500 euros de chiffre d’affaires – chez Bolt, et de 1 % chez Uber, d’après le syndicat, qui souligne que « les travailleurs doivent rester connectés deux fois plus longtemps pour gagner autant ».

Un accord collectif prévoit un revenu minimum de 9 euros par course et de 30 euros de l’heure (sans compter les temps d’attente) pour les chauffeurs VTC. Chez Uber, le temps d’attente moyen entre deux courses a quasiment doublé en deux ans, d’après Union-Indépendants. Un étirement du temps qui provient de « l’afflux de plus en plus important de chauffeurs », saturant l’offre, selon M. Tosolini.

Le Monde avec AFP

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Faute d’une gestion appropriée des fins de carrière, 7 % à 8 % de la population active pourraient devenir inaptes au travail, selon une étude de l’INRS

Un immeuble de bureaux, à Madrid, le 27 janvier 2023.

Mobilisant des experts provenant de diverses organisations (Futuribles, France stratégie, Santé publique France, l’Assurance-maladie…), l’Institut national de recherche et de sécurité au travail (INRS) a publié, mardi 1er avril, une étude prospective sur le vieillissement des actifs d’ici à 2050. Elle analyse différents scénarios et moyens pour s’y adapter « avec un regard de préventeur », indispensable pour relever ce défi, soulignait Pierre-Yves Montéléon, président du conseil d’administration de l’INRS, lors de la présentation de l’étude « Evolutions démographiques à 2050, quels enjeux de santé et sécurité au travail ? »

Le premier levier consiste à prolonger le maintien en emploi des seniors. L’Etat l’a fait jusqu’ici essentiellement avec la réforme des retraites qui bute aujourd’hui sur l’état de santé en fin de carrière. Un quart des personnes âgées de 50 à 64 ans souffrent d’une santé dégradée qui compromet leur maintien en emploi. Leur situation est « fortement corrélée à la pénibilité de leur travail passé », pointent les experts de l’INRS.

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De l’intérim à l’encadrement, le marché de l’emploi se retourne

La morosité est largement partagée sur le marché de l’emploi. « Le rapport salarié-recruteur n’est plus le même qu’il y a trois ans. Le marché de l’emploi se tasse, avec des secteurs où il y a toujours des pénuries de compétences », constate Antoine-Benjamin Lequertier, directeur général de Welcome to the Jungle, un site d’emploi spécialisé dans le recrutement et les services aux employeurs.

Des cadres jusqu’aux intérimaires, la porte se referme. L’Association pour l’emploi des cadres (APEC), qui publie ses prévisions de recrutement jeudi 3 avril, annonce une baisse de 4 % en 2025, avec un passage sous la barre symbolique des 300 000, à 292 600 embauches prévues. Après « une sévère correction de 8 % en 2024 », il n’y aura pas de rebond cette année, selon l’APEC, qui a sondé 8 000 entreprises représentant 1,4 million de salariés.

« Le contexte international crée beaucoup d’attentisme des entreprises. La baisse des investissements est attendue à 0,5 % en 2025, après 1,2 % en 2024. L’instabilité politique a fini par peser sur l’emploi cadre », explique Hélène Garner, directrice des données et des études de l’APEC. Le solde net de créations d’emplois cadres est resté positif en 2024 (697 00), mais la tendance à la baisse se poursuit en 2025, dans tous les secteurs et toutes les régions.

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Quand le management entre au musée

Au Walker Art Center de Minneapolis (Minnesota), aux Etats-Unis, on peut admirer l’un des tableaux du peintre Edward Hopper, Bureau de nuit (1940), dans lequel une relation managériale se laisse deviner. Plus proche de nous, dans l’Aisne, le Familistère de Guise est devenu un musée ouvert au public, où l’on découvre la politique sociale menée par l’industriel Godin en direction des ouvriers de son usine de poêles de fonte au XIXe siècle.

Le management au musée ? C’est aujourd’hui une réalité, de manière diffuse, dans différents établissements à travers la planète. En revanche, l’ouverture au public d’espaces d’exposition entièrement consacrés au fait managérial est, pour sa part, beaucoup plus rare. Le musée lancé par l’université Paris-Dauphine-PSL en 2018 fait figure d’exception, aux côtés d’initiatives éphémères telle l’exposition lancée par l’université Gustave-Eiffel en 2023.

Comment orchestrer un tel musée du management ? Que doit-il présenter ? A qui ? Quelles doivent être les finalités d’une exposition autour de ce thème ? Comment introduire une pensée critique au sein du parcours muséal ? Autant de questions soulevées dans un numéro de la revue Entreprises et histoire (Eska, 2024), qui regroupe plusieurs articles de scientifiques sur le sujet.

Un moyen de contrôle

Si le focus ainsi proposé peut sembler de prime abord « surprenant », comme en conviennent les auteurs eux-mêmes, il permet, au fil d’une réflexion sur les objets qui incarnent le management, de procéder à une définition fine de ce dernier avec une approche historique, soulignant ses multiples implications au sein des organisations.

Le management, notent les auteurs, s’est en particulier imposé comme un moyen de contrôle. En témoigne l’impressionnante pointeuse en bois et métal « pour 150 employés », datant de 1912, qui trône au milieu du musée de l’université Paris-Dauphine-PSL. Autre fonction mise en avant : la communication. Elle est illustrée au sein de l’exposition de l’université Gustave-Eiffel par des panneaux dits « Robert », qui présentaient dans la première moitié du XXe siècle des slogans à destination des ouvriers, tel « Notre devise à tous : maximum de production dans le minimum de temps pour le maximum de salaire ».

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Les bonus de la Silicon Valley ont perdu de leur lustre

L’éditeur de logiciels de gestion Salesforce avait placé la barre très haut. En février 2022, le géant de la Silicon Valley annonce à ses employés qu’ils peuvent se rendre dans un ranch de 30 hectares au sud de San Francisco. Ce lieu de retraite rêvé de 140 pièces, avec amphithéâtre et étang, est le lieu d’accueil des nouvelles recrues. C’est aussi là que se rencontrent les équipes pour apprendre à mieux collaborer, en pratiquant ensemble des séances de méditation, du yoga, des cours de cuisine et autres promenades dans les bois. « Détachez-vous de la technologie, apprenez à vous connaître », conseille-t-on alors chez Salesforce.

Ce ranch est une illustration des généreux avantages annexes qu’ont offerts les acteurs majeurs de la Silicon Valley à leurs équipes pendant de nombreuses années. En pleine guerre des talents, rien n’est trop beau pour garantir la loyauté de ses troupes. Les entreprises alignent hauts salaires et petits à-côtés non négligeables.

Les acteurs majeurs de la Silicon Valley ont offert à leurs équipes de généreux avantages pendant de nombreuses années. Un temps révolu.

Apple propose par exemple un concert gratuit de Stevie Wonder. La star du baseball Barry Bonds participe ainsi à un match de l’équipe d’Excite.com. Dernières illustrations, [l’application de prise de notes] Evernote envoie une femme de ménage au domicile de ses collaborateurs deux fois par mois, et Square [spécialisée dans les paiements numériques] propose dans ses bureaux les services d’un masseur, de l’acupuncture, du yoga et des séances de méditation.

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Diversité en entreprises : l’horizon s’assombrit pour le recrutement

Carnet de bureau. Samedi 29 mars a marqué la journée internationale des nuages, créée par l’écrivain Mathieu Simonet pour « proposer leur entrée dans le patrimoine mondial de l’Unesco », précise Météo France. C’est un bien sombre nuage que l’administration américaine avait poussé la veille d’outre-Atlantique jusqu’au-dessus des entreprises françaises « fournisseurs ou prestataires du gouvernement américain ».

Donald Trump affiche un décret signé dans le bureau Ovale de la Maison Blanche, à Washington, le 26 mars 2025.

Des entreprises ont ainsi reçu une lettre de l’ambassade des Etats-Unis leur intimant l’ordre de se plier à la nouvelle doxa américaine contre les politiques de diversité dans l’acception du décret publié le 20 janvier par la Maison Blanche. Les programmes de « diversité, équité et inclusion » (DEI) favorables à la discrimination positive y sont qualifiés d’illégaux. Les entreprises françaises destinataires du courrier ont également reçu un formulaire de « certification du respect de la loi fédérale américaine sur l’antidiscrimination » à renvoyer dans les cinq jours.

Mais sous le ciel de l’Hexagone, l’heure est plutôt à la consolidation des politiques de diversité au travail. La Défenseure des droits, Claire Hédon, a notamment contribué à faire reconnaître la notion de harcèlement discriminatoire. Constatant à nouveau une hausse des discriminations liées à l’origine ou la religion et en premier lieu dans l’emploi, la Défenseure des droits rappelle son attachement à la mesure des faits incriminés dans le but d’« enclencher des actions correctrices au sein des organisations ».

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La protection de l’enfance confrontée à une pénurie de professionnels

Dans la cuisine de la microstructure Interludes, à Marly (Nord), le 24 mars 2025. De gauche à droite, Sarah Aklil, cheffe de service éducatif, Léa Oversteyns, monitrice éducatrice, et Rosaria Cavallaro, éducatrice spécialisée.

« La protection de l’enfance était le Graal des éducateurs spécialisés, ils s’y engageaient par idéal. Maintenant, ils se tournent plus volontiers vers les secteurs du handicap et du médico-social, où il y a plus de moyens et moins de contraintes », constate Iven Gastard, qui dirige, à Pontivy (Morbihan), un établissement de l’Association pour la réalisation d’actions sociales spécialisées (Arass). Après avoir publié, en janvier, une annonce pour un poste en CDI à plein-temps auprès de mineurs étrangers non accompagnés, il a reçu une seule candidature avec le diplôme requis. Depuis, malgré une redéfinition du poste pour l’ouvrir à d’autres profils, il n’est toujours pas parvenu à le pourvoir.

Dans un contexte où le nombre d’enfants et de jeunes majeurs suivis ou placés progresse, 97 % des établissements et services de la protection de l’enfance ont des difficultés à recruter, et 9 % de leurs postes sont vacants, selon une enquête publiée fin 2023 par l’Union nationale interfédérale des œuvres et organismes privés non lucratifs sanitaires et sociaux. Les services d’aide sociale à l’enfance (ASE), gérés par les départements, sont eux aussi touchés, avec un taux de vacance de 6,9 %, d’après un sondage de l’association Départements de France en 2023.

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