Archive dans avril 2025

Sanctions contre les bénéficiaires du RSA : « Alors qu’en 1988, le problème public était la grande pauvreté, aujourd’hui le problème public est l’assistance »

Le gouvernement envisage une suspension de 30 % à 100 % du revenu de solidarité active (RSA)en cas de non-respect du contrat d’engagement, et cela en application de la loi pour le plein-emploi, qui a créé le principe de la « suspension-remobilisation ».

Dans ce cadre, France Travail peut proposer plus facilement des mesures de suspension ou de suppression du versement du RSA au président du conseil départemental. La loi rapproche le contrôle des bénéficiaires du RSA de celui des chômeurs. Cette évolution était déjà inscrite dans le rapport de préfiguration de France Travail, coordonné par Thibaut Guilluy, aujourd’hui directeur général de l’institution.

Le rapport faisait le reproche d’un « régime de sanction peu applicable et inégalement appliqué ». L’objectif de la réforme est « de le rendre plus simple, plus juste, plus contemporain des manquements constatés et in fine plus applicable et effectif dans le cadre d’un contrat d’engagement unique ». La suspension-remobilisation doit permettre « de nous assurer une meilleure progressivité des sanctions, notamment au moment des premiers engagements ». En d’autres termes, il faudrait surveiller et sanctionner.

Ce constat ne s’appuie sur aucun élément empirique tangible. Certes, il y avait très peu de sanctions dans le régime précédent, mais cela pouvait être le signe qu’il y avait très peu d’abus sanctionnables. Que disent les données ? Parmi les bénéficiaires du RSA en fin d’année, 15 % ont un emploi et 39 % ont une activité au cours de l’année suivante. Pour eux, l’effort d’insertion sociale et professionnelle est manifeste : ils travaillent. Quid des autres ? Deux tiers déclarent des freins à la recherche d’emploi : problèmes de santé, problèmes de garde, absence de moyens de transport.

Une hausse du non-recours

Parmi les bénéficiaires du RSA, 15 % déclarent ne pas souhaiter travailler. Ils se recrutent surtout chez les plus de 50 ans et ceux qui sont au RSA depuis plus de deux ans. Ce sont des personnes découragées. Par construction, leurs premiers engagements sont très anciens et ils sont connus des services sociaux.

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Le taux d’absentéisme dans les entreprises a diminué en 2024, mais les arrêts maladie sont plus longs

Carnet de bureau. Un peu moins de salariés absents, mais plus longtemps, et les cadres sont plus nombreux. C’est ce que nous dit l’Observatoire de la performance sociale 2025 sur l’évolution de l’absentéisme.

Le bilan publié début avril a été réalisé par Ipsos pour le cabinet de conseil Diot-Siaci, recouvrant plus d’un million de salariés en CDI ou en CDD sur la période de 2021 à 2024. Le taux d’absentéisme révélé est en légère baisse annuelle en 2024, à 4,84 %, concerne un peu moins de personnes (33 % contre 38 % en 2023), mais la durée moyenne des arrêts maladie est allongée à 21,5 jours (20,8 en 2023 et 18,4 en 2022). Plus de la moitié de l’absentéisme est constituée par les absences supérieures à 90 jours.

Arrêt de travail. Plus de la moitié de l’absentéisme est constituée par les absences supérieures à 90 jours.

« On constate, comme tout le monde, une grande fatigue, témoigne Claire Silva, DRH du groupe de protection sociale AG2R (15 000 salariés). Depuis 2023, l’absentéisme continue à baisser. Le taux était à plus de 7 % en 2022 dans le groupe. Mais il reste élevé à 5,6 %, avec une hausse des arrêts de longue durée. »

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Des salariés un peu moins absents, même le vendredi

La démographie de l’effectif de l’entreprise, avec 36 % des salariés âgés de plus de 50 ans, explique certes une partie des absences : cette catégorie est exposée à la fois aux pathologies lourdes comme le cancer, à l’assistance de parents devenus dépendants et d’enfants devenus grands, alors même qu’ils sont très investis dans leur travail. Mais cela n’explique pas tout. La DRH n’exclut pas que cette situation d’absentéisme persistant dans toute la société soit liée à l’intensification du travail.

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L’écoanxiété gagne du terrain dans les entreprises

L’écoanxiété progresse à bas bruit dans la société et dans les entreprises, et ce, dans des proportions préoccupantes. Elle concerne tous les âges et toutes les catégories socioprofessionnelles : 4,2 millions de Français âgés de 15 à 64 ans sont « fortement », voire « très fortement », écoanxieux. Tel est le constat d’une étude de l’Observatoire de l’écoanxiété (Obseca), menée en partenariat avec l’Agence de la transition écologique, publiée le 15 avril.

Mais de quoi parle-t-on ? « L’écoanxiété est une détresse mentale et émotionnelle ressentie en réponse à la crise environnementale et au changement climatique », explique Pierre-Eric Sutter, psychologue du travail, fondateur de la Maison des écoanxieux et de l’Obseca. Celle-ci peut se traduire par de la peur, un sentiment d’impuissance et de perte de sens, de la culpabilité, mais aussi par de la colère et de l’indignation.

« Cette écoanxiété est une réaction saine et normale face aux dégradations environnementales présentes et futures », estime Kévin Jean, épidémiologiste, enseignant-chercheur en santé et changements globaux à l’Ecole normale supérieure-PSL.

Manifestation de militants de Greenpeace, devant le siège social de TotalEnergie, dans le quartier de la Défense (Hauts-de-Seine), le 18 novembre 2024.

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Les enjeux de la recherche « à double impact »

Entreprises. L’opposition entre recherche fondamentale et recherche appliquée masque l’existence d’un continuum de recherches « à double impact » qui visent à faire avancer à la fois la science et la société. Une vaste étude récente montre que ce type de recherches a joué un grand rôle dans le développement de la science et des sociétés modernes.

Emmanuelle Charpentier (à gauche) et Jennifer Doudna, lauréates du prix Nobel 2020 de chimie, ici en 2015 à Oviedo, en Espagne, lors de la remise du prix Princesse des Asturies.

Ce double objectif explique aussi le succès ancien et constant des conventions industrielles de formation par la recherche (Cifre), qui offrent à des doctorants de faire leur thèse en entreprise, en lien avec un laboratoire de recherche (Science et industrie à l’aune du double impact. Favoriser les découvertes scientifiques et les innovations de rupture, de Quentin Plantec, Pascal Le Masson et Benoît Weil, Presses des mines, 2024).

La recherche scientifique est toujours confrontée à un double inconnu. Le chercheur qui s’attaque à une énigme fondamentale n’est pas plus assuré de ses résultats académiques que de leurs retombées éventuelles pour la société. Mais cette situation prévaut aussi pour les recherches qui partent d’un problème industriel et social. Leur réussite pratique n’est pas garantie, et elles peuvent se heurter à une énigme scientifique dont la résolution aura une réelle portée.

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A La Riche, près de Tours, la fermeture de l’Intermarché risque de condamner le centre commercial

Les rideaux baissés et les vitrines vidées se succèdent, à mesure que l’on progresse dans l’immense espace vacant. Tandis que la musique résonne dans le vide, des bancs inoccupés attendent désespérément d’accueillir des clients en quête de répit. Voilà longtemps que le centre commercial de La Riche Soleil, situé dans une zone périphérique de La Riche (Indre-et-Loire), près de Tours, n’a pas connu de grand fourmillement de fréquentation, à l’image de l’hypermarché qu’il abrite depuis sa création en 2002.

Les galeries du centre commercial La Riche Soleil, près de Tours (Indre-et-Loire), le 18 mars 2025.

Capable d’accueillir une quarantaine de commerces, la galerie marchande attenante, qui n’a jamais fait le plein, a vu les échoppes se vider peu à peu depuis une dizaine d’années, pour ne plus abriter aujourd’hui que six boutiques − un opticien, deux magasins d’une même marque de vêtements, une pharmacie, un coiffeur et une parfumerie. Dans de grandes difficultés financières depuis plusieurs années, le Géant Casino qui s’y nichait a, lui, connu un changement d’enseigne, fin 2023, après la première vague de cessions de magasins Casino au Groupement Mousquetaires, devenant un Intermarché.

Mais cela n’a pas suffi à donner un nouvel élan à l’hypermarché ou à la galerie commerçante. L’Intermarché fait partie des 30 sur près de 300 ex-Casino rachetés, depuis la fin de 2023, par le Groupement Mousquetaires, dont le groupe a annoncé « envisager la fermeture », début avril. Des magasins jugés « commercialement inexploitables en raison d’un manque d’investissements trop important (…), de taux de charges trop élevés (…) et d’une politique commerciale inadaptée ». Au total, près de 680 emplois sont menacés un peu partout dans l’Hexagone, dont 58 sur le site de La Riche, qui comptabilise, à lui seul, 7,5 millions d’euros de pertes annuelles depuis 2022.

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La moitié de l’effectif du site de ventes de mode BazarChic menacé

Des clients attendent devant l’entrée des Galeries Lafayette, au centre commercial du Prado, à Marseille, le 21 janvier 2025.

Les salariés de BazarChic, le site de « ventes privées » de marques de mode, vivent depuis plusieurs mois dans une « situation de stress maximum » et « un climat de brutalité », selon plusieurs élus (sans étiquette syndicale) du comité social et économique (CSE) qui – signe du niveau de tension actuel – souhaitent préserver leur anonymat.

Cette atmosphère délétère s’est installée depuis que les salariés ont appris en novembre 2024 que leur entreprise allait d’abord fermer. Puis, quelques mois plus tard, lorsqu’ils ont su que la société allait finalement être vendue à un gestionnaire d’actifs par son actionnaire, les Galeries Lafayette. Avec à la clé, un plan social petit par son volume brut (58 personnes sur une centaine de salariés), mais rocambolesque par son histoire, émaillée de tensions et de rebondissements, mettant les nerfs des employés à rude épreuve.

En 2016, le groupe de grands magasins avait racheté l’affaire à ses fondateurs, Liberty Verny et Nathalie Gillier, notamment pour écouler les invendus des anciennes collections des Galeries Lafayette. Doté à cette époque de cinq magasins physiques de déstockage et d’un site spécialisé dans le voyage, en plus de son activité principale, BazarChic, créé en 2006, affichait alors 80 millions d’euros de chiffre d’affaires et comptait 6,4 millions de clients.

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Les plans sociaux se multiplient dans les enseignes du commerce

Les galeries du centre commercial La Riche Soleil, près de Tours, le 18 mars 2025.

« Ce fut déjà très dur lorsque nous sommes passés de Casino à Intermarché en mai 2024, car nous étions presque perçus comme des incapables par notre nouvel employeur. Mais on s’est dit : “Allez, c’est pour nos emplois, on va tenir bon.” », raconte Saida Azzedine. Comme cette responsable administrative, les 122 salariés de l’ex-Géant Casino Plan de Campagne sont « sous le choc » après onze mois à « tenir bon ». Le 3 avril, ils ont appris la fermeture définitive de leur hypermarché, situé dans une zone commerciale au nord de Marseille, car « rien n’avait fuité ».

Certes, depuis quelques semaines, l’inquiétude ne cessait de monter chez les salariés. Tous se demandaient pourquoi le magasin n’avait toujours pas été repris par un adhérent du Groupement Mousquetaires (Intermarché, Netto…) et restait encore aux mains de la structure de tête, en portage, alors que la plupart des magasins rachetés à Casino, fin 2023, avaient trouvé preneur. Et trouvaient également très étrange les « difficultés de plus en plus grandes » qu’ils rencontraient pour commander des produits et les injonctions de la direction « d’étaler les produits sur les étagères » pour les rendre moins vides, raconte Mme Azzedine, également déléguée syndicale Force ouvrière (FO) de cet hypermarché et élue au comité social et économique.

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Le plan d’investissement dans les compétences est un échec

Les salariés français « enregistrent des scores médiocres dans les enquêtes internationales sur les compétences des actifs (…). Le déficit de compétences pèse directement sur l’emploi et l’activité économique ». Tel était le diagnostic dressé en 2017 par l’Etat dans le rapport de présentation du plan d’investissement dans les compétences (PIC).

Doté de 15 milliards d’euros, ce plan pluriannuel se déclinait sur trois axes : il s’agissait de faciliter l’accès à la formation professionnelle pour les personnes les plus éloignées de l’emploi, de mieux répondre aux besoins de compétences de l’économie, et de transformer le système de formation professionnelle.

Agence France Travail, à Asnières-sur-Seine (Hauts-de-Seine), le 16 avril.

Pour s’assurer de l’efficacité de l’action publique, le PIC se voyait adjoindre un conseil scientifique d’évaluation. Huit ans plus tard, dans son rapport final publié le 10 avril, ce conseil a livré son verdict, qui confirme celui de la Cour des comptes en janvier : le PIC a échoué sur l’essentiel.

Piloté par Marc Gurgand, Roland Rathelot, Carole Tuchszirer, trois chercheurs spécialistes de la formation et du marché du travail, le conseil d’évaluation relativise d’abord l’impact du PIC sur le développement de la formation professionnelle.

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