Archive dans janvier 2025

Partage de la valeur : les petites entreprises sont mal préparées à leur nouvelle obligation

Associer davantage les salariés des TPE-PME aux performances de leur entreprise. Depuis le 1er janvier, les entreprises de 11 à 49 salariés sont – au même titre que les plus grandes – concernées par la loi du 29 novembre 2023, transposition de l’accord national interprofessionnel (ANI) sur le partage de la valeur, conclu entre les partenaires sociaux le 10 février 2023.

Sont-elles prêtes ? Rien n’est moins sûr, car selon une étude IFOP pour Primeum, cabinet spécialisé en rémunération variable, 57 % des chefs d’entreprise de 11 à 49 salariés ignorent être concernés par cet élargissement du dispositif. Pire : un tiers des dirigeants déclarent même n’en avoir jamais entendu parler. « Ce ne sera pas le grand soir du partage de la valeur, avertit Mathieu Chauvin, président du groupe Eres, qui accompagne les entreprises sur les sujets d’épargne salariale, retraite et actionnariat salarié. Mais la loi va permettre d’installer progressivement une culture du sujet dans les petites entreprises. » D’après l’association française de gestion (AFG), cette loi pourrait toucher 1,5 million de salariés.

Le dispositif, qui concerne les TPE-PME réalisant un bénéfice net fiscal égal à au moins 1 % du chiffre d’affaires pendant trois années consécutives – 2022, 2023 et 2024 –, est expérimental pour cinq ans. Mais « aucune sanction n’est prévue en cas de non-respect, s’étonne Déborah Fallik, avocate en droit social et associée chez Redlink Avocats. Or, culturellement, les petites entreprises n’ont que rarement mis en place de tels dispositifs, car elles les jugent contraignants. »

« Des choses simples »

Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) chargé des affaires sociales, n’est guère surpris par la méconnaissance des chefs d’entreprise, qui « ont le nez dans le guidon », mais il rappelle l’esprit de l’ANI : « Face au problème des trappes à bas salaires et au manque de perspectives de carrière, nous avons souhaité proposer des choses simples. L’entreprise est une aventure collective et non individuelle. Si une entreprise est bénéficiaire pendant trois ans, il serait choquant que ses salariés n’en profitent pas. »

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Activités sociales du CSE : 2025, année du changement

Droit social. Il est une particularité du droit français d’avoir, en 1945, établi au profit de la représentation élue du personnel dans les entreprises d’au moins 50 salariés, le comité d’entreprise, devenu comité social et économique (CSE). Il est doté d’un monopole de gestion des œuvres sociales, dénommées depuis 1982 « activités sociales et culturelles » (ASC). Il dispose pour cela d’un budget versé essentiellement par l’entreprise.

A la liste non exhaustive de l’article R. 2312-35 du code du travail, les élus peuvent collectivement décider d’autres activités. On citera par exemple les chèques culturels, les chèques-vacances, des bons d’achat de subventions, de l’activité sportive, voire des cadeaux aux enfants de salariés à certaines occasions.

En droit des cotisations sociales, par principe, ces sommes ou avantages en nature versés par le CSE à un salarié en contrepartie ou à l’occasion d’un travail sont soumis à cotisations et contributions sociales sauf s’il s’agit d’un « secours », donc sous conditions de ressources ou d’une indemnité. Par « tolérance », en application de l’instruction ministérielle du 17 avril 1985, les prestations en lien avec les activités sociales et culturelles du CSE sont exonérées jusqu’à un certain niveau – lui-même différent selon chaque activité – de cotisations et contributions sociales.

Le bénéfice de l’exonération est donc lié à la définition des activités sociales et culturelles. L’article L. 2312-78 du code du travail dispose que « les activités sociales et culturelles [sont] établies dans l’entreprise prioritairement au bénéfice des salariés, de leur famille et des stagiaires (…) ».

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La Cour de cassation avait, en 1975 déjà, donc bien avant la codification de la notion, défini « l’œuvre sociale » (donc l’ASC) comme « toute activité non obligatoire légalement, quels qu’en soient sa dénomination, la date de sa création et son mode de financement, exercée principalement au bénéfice du personnel de l’entreprise, sans discrimination, en vue d’améliorer les conditions collectives d’emploi, de travail et de vie du personnel au sein de l’entreprise ».

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« C’est un métier ! » : les cordonniers espèrent remonter la pente, une fois de plus

C’est probablement l’une des professions le plus souvent associées au passé : un petit atelier en centre-ville, de vieux outils et des étagères pleines de chaussures en cuir. Les cordonniers ont presque disparu : de 20 000 à 30 000 dans les années 1950-1960, ils étaient près de 5 000 en 2023. Mais l’histoire de ceux qui réparent, recollent ou reprisent les chaussures n’en est pas à sa première turbulence.

Face à l’émergence des chaussures bon marché dans les années 1980, les cordonniers ont su ajouter une panoplie de services pour compléter leur chiffre d’affaires et maintenir leur commerce : vente de chaussures, de tampons encreurs, doubles de clés, gravure de plaques d’immatriculation, piles, plus récemment relais colis… Ce qui a donné à ce métier son nom officiel : cordonnier multiservices.

« Dans les années 2000, la baisse s’est stabilisée, explique Jean-Pierre Verneau, président de la Fédération française de la cordonnerie. Il y a eu un regain d’intérêt pour la réparation, une évolution dans les colles et matières premières, les cordonniers ont commencé à prouver qu’ils pouvaient aussi réparer des baskets et des sneakers. »

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Les cordonniers sont ainsi en permanente adaptation à la demande, d’autant plus ces dernières années : « J’avais analysé qu’il y avait une très forte demande dans le sport et le matériel de montagne », explique Clément Boutry, qui a ouvert sa boutique en 2019 à Chambéry. Il voit passer trois types de clients : « Des personnes âgées qui ont toujours eu l’habitude, des gens de 40-50 ans ayant des enfants à l’école, qui les poussent vers la réparation, et de plus en plus de moins de 30 ans qui achètent de l’occasion, et sont prêts à investir plus que le prix de l’occasion. »

Revaloriser l’image auprès des jeunes

Certains métiers hybrides en plein essor font appel aux compétences du cordonnier : Sophie Moyeux, qui a fait un stage chez Clément Boutry, a ouvert une boutique à Chambéry où elle répare des vêtements techniques, des sacs à dos ou des tentes. Elle sort de la première promotion « réparateur de matériel outdoor », un nouveau métier créé par l’AFPA de Drôme-Ardèche. « Je ne fais pas de ressemelage de chaussures, mais comme le cordonnier je sais réparer un zip sur des chaussures de ski de fond, illustre-t-elle. On apporte une spécificité, et on peut se renvoyer des clients avec les cordonniers purs, en tout cas la demande est là. »

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La semaine de quatre jours, le grand malentendu

« Ça va vous sembler anecdotique, mais j’ai enfin remonté le placard de la cuisine. Du bricolage que je repoussais depuis des semaines… Ne plus travailler le vendredi, ça m’a changé la vie : j’ai du temps pour moi, pour la maison, pour mes enfants. » Pour rien au monde Benjamin Granier, responsable de l’environnement de travail chez Numix, une petite entreprise de logiciels à Marssac-sur-Tarn (Tarn), ne reviendrait à la semaine de cinq jours. Depuis qu’il s’arrête le jeudi soir, il revit. « Avec trois jours de repos d’affilée, je déconnecte complètement », constate-t-il. Jean-Claude Chaix, acheteur pour l’entreprise d’e-commerce LDLC, ne dit pas autre chose. « Clairement, j’en fais moins. Parfois, on est jeudi midi et je suis déjà en week-end. Je ne me sens plus crevé », explique ce Lyonnais. « Moi, j’ai choisi le mercredi en jour off. En pleine semaine, c’est une vraie coupure, s’enthousiasme Latifa Lefebvre, qui dirige une agence Adecco à Valenciennes (Nord). J’ai repris un abonnement à la piscine et au fitness. »

Du temps libre, quoi de plus précieux dans une société où tout est chronométré et contraint ? « La principale aspiration des salariés est de dégager du temps pour soi, rappelle la sociologue Sandra Hoibian. La période Covid a été l’occasion d’une introspection pour les salariés. L’analyse de la consultation citoyenne [« Equilibre de vie personnelle-vie professionnelle », pilotée par le Conseil économique, social et environnemental] publiée en avril 2024 révèle que la moitié des actifs ne veulent pas que le travail empiète sur leur vie privée. »

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Le temps partiel subi recule

C’est une bonne nouvelle pour les salariés : à l’instar du chômage, le travail à temps partiel (TTP) subi a régressé ces dernières années. « En 2023, 24,4 % des salariés à temps partiel déclarent l’être principalement faute d’avoir trouvé un emploi à temps complet, contre 28,2 % en 2021 », constate Fouad Amar, chargé d’études à la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, et coauteur avec Sonia Makhzoum de cette enquête. La Dares tire ce chiffre des statistiques de l’Insee, qui interroge chaque année environ 200 000 personnes de 15 ans ou plus en France (hors Mayotte) sur leur situation professionnelle.

Pour autant, les auteurs de l’étude de la Dares se défient de « la dichotomie subie/choisie » concernant le TTP, sachant que certains choix en ce domaine s’exercent sous contrainte. Un salarié peut en effet refuser un temps plein pour raisons de santé ou parce qu’il est obligé de s’occuper de ses proches. Quoi qu’il en soit, ce « chiffre noir » du temps partiel subi explique que les syndicats de salariés considèrent souvent le TTP avec suspicion.

L’analyse du profil des salariés concernés révèle de fortes disparités par âge et sexe, avec une constante : tout au long de leur vie professionnelle, les femmes optent plus souvent pour cette formule que les hommes. Cet écart reflète les stéréotypes de genre qui influencent les choix de carrière, sachant que « les métiers dits féminisés se pratiquent plus souvent à temps partiel », rappellent Fouad Amar et Sonia Makhzoum.

Faute de trouver un temps complet

Les pics interviennent aux deux extrémités de la pyramide des âges : 26 % des salariés de 15 à 24 ans et 24,8 % des plus de 55 ans travaillent à temps partiel. Pour les jeunes des deux sexes, le TTP permet souvent de financer leurs études, de gagner de l’argent de poche ou de se constituer une première expérience faute de pouvoir décrocher immédiatement un temps complet.

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« Les Inégalités justifiées » : les « bonnes excuses » face aux écarts de salaires femmes hommes

Selon l’Insee, l’écart de salaire femmes-hommes en équivalent temps plein était, en 2021, d’environ 4 %, à poste comparable (même profession, même employeur). Mais cette statistique en cache une autre : le revenu salarial moyen des femmes était, au global, inférieur de 24 % à celui des hommes dans le secteur privé. Comment expliquer une telle différence ? C’est tout l’objet de l’ouvrage de Marie Donzel, Les Inégalités justifiées (éd. Rue de l’échiquier, 112 p., 13 euros).

Un essai dans lequel la consultante en innovation sociale porte un regard féministe sur les « bonnes excuses » mises en avant par le monde de l’entreprise pour justifier une bonne partie de l’écart constaté pour ne retenir, in fine, que cette différence de rémunération de 4 % (la « part inexpliquée »).

L’autrice déconstruit ainsi au fil des pages, et souvent avec une ironie grinçante, l’ensemble de ces justifications, perçues comme autant de « supercheries ». Il y a tout d’abord le fait que les femmes sont plus nombreuses à temps partiel. « Les mères de famille ont inventé la semaine de quatre jours », résume Mme Donzel. C’est bien souvent pour s’occuper de leurs enfants qu’elles ont décidé de réduire leur temps de travail.

Une organisation qui profite avant tout aux employeurs, assure l’autrice, qui souligne une augmentation de la productivité et une plus grande disponibilité des autres collaborateurs – « le salarié dont la conjointe est à temps partiel est libéré d’une (encore) plus large part de ses obligations domestiques ». Les femmes, de leurs côtés, limitent leurs revenus ainsi que « leur chance d’accès aux opportunités d’évolution professionnelle ».

Des obstacles spécifiques

Mme Donzel s’intéresse également à la moindre ancienneté des femmes à leur poste, avancée pour justifier leur rémunération. L’autrice démonte, ici aussi, les biais qui sont à l’œuvre derrière ce constat. Qu’est-ce qui provoque les changements d’emploi ? L’arrivée d’un enfant, explique-t-elle, ainsi que le rapprochement de conjoint ou l’absence de perspectives professionnelles (le fameux plafond de verre).

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Les augmentations générales de salaires en recul, dans un contexte économique incertain

Lors d’un mouvement de grève national pour les salaires chez Decathlon, aux entrepots logistiques d’Evin Malmaison (Pas-de-Calais), le 9 décembre 2024.

Après trois années à courir derrière une inflation galopante, les prévisions d’augmentations de salaire enregistrées pour 2025 sont révélatrices d’un changement de contexte économique pour les entreprises.

C’est ce que révèle l’étude Salary Budget Planning publiée jeudi 9 janvier par le cabinet de conseil WTW, à partir des réponses de 1 022 entreprises en France appartenant à des secteurs divers (technologies télécoms, industrie, distribution, transports, construction…).

Alors que la saison est aux négociations annuelles obligatoires (NAO), près de la moitié des sociétés interrogées (46 %) déclarent que leur budget d’augmentation a été revu à la baisse par rapport à 2024. Ce qu’elles expliquent d’abord par des prévisions d’inflation en baisse, une inquiétude liée à la gestion des coûts, et « une récession anticipée ou des résultats financiers plus modestes que prévu ».

« Mais la baisse des budgets reste relative », insiste Khalil Ait-Mouloud, directeur de l’activité enquêtes de rémunération chez WTW. Ainsi, l’augmentation médiane (la moitié des entreprises prévoit plus, l’autre moitié prévoit moins) s’élève à + 3,5 % pour 2025, contre + 3,8 % pour cette même étude en 2024, alors que la Banque de France prévoit une inflation sous les 2 % en 2025. « Il faut se rappeler qu’entre 2010 et 2020, période économique plus stable, la médiane était plutôt autour de + 2,5 % », contextualise M. Ait-Mouloud.

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Combien de Français meurent au travail et pourquoi ce chiffre est-il sous-estimé ? Comprendre en trois minutes

Selon le bilan annuel de la Caisse nationale de l’Assurance-maladie, 759 salariés sont morts à la suite d’un accident du travail en 2023. Cela représente, en moyenne, deux par jour. Mais le risque de mourir au travail ne touche pas tous les travailleurs de la même façon. Certains sont plus exposés que d’autres, et il est possible, grâce aux données dont on dispose, d’en dresser un profil type.

Ces chiffres illustrent, selon des collectifs de familles de victimes et des organisations syndicales, une dégradation incontestable des conditions de travail. D’autant plus qu’ils les jugent : en deçà de la réalité ; incomplets, puisqu’ils ne concernent que les personnes salariées ; peut-être inexacts, car des syndicats ont dénoncé des anomalies laissant planer un doute sur leur fiabilité.

Dans cette vidéo, nous effectuons un état des lieux de la mort au travail, pour comprendre qui sont les salariés les plus exposés, mais aussi les difficultés rencontrées par les familles des victimes.

« Comprendre en trois minutes »

Les vidéos explicatives qui composent la série « Comprendre en trois minutes » sont produites par le service Vidéos verticales du Monde. Diffusées en premier lieu sur les plates-formes telles que TikTok, Snapchat, Instagram et Facebook, elles ont pour objectif de remettre en contexte les grands événements dans un format court et de rendre l’actualité accessible à tous.

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