Archive dans 2025

Les conducteurs de camions, premières victimes des malaises mortels au travail

Sur une route, près de Fort-de-France, à la Martinique, le 24 septembre 2024.

Coup de projecteur sur une part d’ombre de l’économie. Les malaises sont à l’origine de plus de la moitié des accidents du travail mortels, le phénomène touchant essentiellement les hommes. C’est l’un des enseignements d’une étude diffusée, lundi 6 janvier, par l’Institut national de recherche et de sécurité (INRS), un centre d’expertises consacré à la prévention des risques professionnels. Il s’agit de la « première » enquête qui tente de cerner un problème aussi méconnu que préoccupant.

En 2023, 759 personnes relevant du régime général de la Sécurité sociale sont mortes à la suite d’un accident lié à l’activité qu’elles exerçaient. Parmi elles, 432 sont décédées après un malaise, sans qu’une « cause externe » (une chute ou un choc, par exemple) ait pu être identifiée. Ce type d’événement a ainsi représenté près de 57 % des accidents du travail mortels, une proportion stable depuis plusieurs années.

L’INRS a voulu y voir plus clair sur ces malaises, fatals pour ceux qui les ont subis, en exploitant une base de données spécifique – appelée « Epicea » : celle-ci n’enregistre pas tous les accidents du travail mortels, depuis sa création, mais elle peut être créditée d’une « représentativité certaine » car elle répertorie un « grand nombre de cas ».

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« Les sentiments de discrimination sur le marché du travail peuvent engendrer une dynamique de prophétie autoréalisatrice »

Les perspectives du marché de l’emploi en France sont moroses. La Banque de France prévoit un accroissement du taux de demandeurs d’emploi à 8 % d’ici à 2026, mettant ainsi fin à la baisse quasi continue du taux de chômage depuis 2015 (hors une remontée éphémère lors de l’épidémie de Covid-19). Dans un contexte général d’accroissement des inégalités économiques, on peut s’interroger sur la façon dont cette augmentation du chômage les renforcera encore.

C’est une des constantes du marché de l’emploi en France : à peu près quel que soit le taux de chômage, il est deux fois plus élevé dans les quartiers dits « prioritaires » que dans le reste du territoire. Plusieurs facteurs peuvent expliquer cet écart. Le niveau d’éducation moyen est, par exemple, plus faible dans ces quartiers. Mais, même à niveau scolaire équivalent, le ratio du simple au double persiste.

Pour expliquer la persistance de telles inégalités entre certains groupes sociaux, les sociologues et économistes mettent en évidence la discrimination. Cependant, il est très difficile de prouver empiriquement l’existence de celle-ci. En effet, pour démontrer qu’un employeur discrimine, par exemple entre une femme et un homme, il faut s’assurer que les candidats soient semblables en tout point, à part leur genre. Or, il est généralement impossible que deux candidats soient parfaitement identiques en tout point sauf un. Ainsi, un sous-champ de l’économie, à la créativité et au raffinement technique parfois époustouflants, s’échine à prouver ou à réfuter la présence de discrimination sur le marché du travail mais aussi dans la police, la justice, les orchestres professionnels, les arbitres de football et même parmi les bookmakers des ligues professionnelles de basket-ball.

Performance dégradée

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Au Bangladesh, ces marques françaises épinglées pour ne pas protéger les droits des salariés

Dans une usine de vêtements à Savar, dans la banlieue de Dhaka, au Bangladesh, le 13 avril 2023.

Une fois encore, les marques occidentales se font épingler au Bangladesh, où elles font fabriquer leurs collections d’habillement à bas prix. Les fournisseurs de 45 enseignes, à l’instar de Zara, H&M ou encore les françaises Kiabi, Decathlon et Carrefour, sont pointés du doigt pour avoir porté plainte contre leurs salariés après les manifestations de 2023.

Plus d’un an après la violente répression des grèves pour une hausse du salaire minimum des travailleurs du secteur textile, en novembre 2023, quelque 40 000 salariés sont toujours menacés d’être poursuivis au pénal, selon Clean Clothes Campaign (CCC), une fédération d’organisations non gouvernementales (ONG) qui militent pour le respect des droits humains.

A l’époque, sans avoir obtenu gain de cause, les ouvriers avaient été contraints de reprendre le chemin des usines. Le salaire minimum avait été augmenté de 56 %, le portant à 12 500 takas, soit environ 100 euros, contre les 23 000 takas revendiqués, soit quelque 180 euros. Quatre ouvriers sont morts, dont trois abattus par les forces de l’ordre, et plus d’une centaine de personnes avaient été arrêtées.

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Dix ans après sa création, le compte personnel de formation a séduit les actifs

Christophe, 50 ans, est sorti du chômage en suivant une formation pour devenir pâtissier. Riwan, un intermittent du spectacle de 30 ans, a pu se payer son permis de conduire, indispensable pour les tournées. Valérie, 30 ans, a financé sa reconversion dans le secteur de la petite enfance. Leur point commun ? Tous racontent sur le site du ministère du travail et de l’emploi qu’ils ont pu évoluer professionnellement grâce au congé personnel de formation (CPF) dont le ministère célébrait les dix ans d’existence par un colloque qui s’est tenu fin novembre 2024.

Créé par la loi du 5 mars 2014 relative à la formation professionnelle, ce dispositif, entré en vigueur en 2015, était une petite révolution : le CPF a placé l’individu au centre et redonné la main aux actifs sur leur formation, en leur accordant des droits rechargeables, qui se conservent en changeant d’employeur.

Géré par la Caisse des dépôts, avec la plateforme Mon compte formation, qui donne accès à 200 000 formations proposées par quelque 14 000 organismes, ce dispositif n’a cessé de gagner en popularité. En cumulé depuis 2015, 9,7 millions de formations ont été validées et 15,8 milliards d’euros ont été dépensés dans le CPF.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Compte personnel de formation : le nombre de dossiers se stabilise

De plus en plus nombreux, les bénéficiaires optent pour des sessions plus courtes, moins chères et plus accessibles. Sur la période 2020-2024, la part des apprenants peu ou pas diplômés grimpe à 18 %, celle des non-cadres à 82 %. Les stages les plus prisés concernent en premier lieu le domaine des transports, de la manutention et du magasinage. Vient ensuite tout ce qui a trait au développement des capacités d’orientation, d’insertion ou de réinsertion sociales et professionnelles, suivi des langues vivantes.

Fraudes et abus

Revers de son succès, de nombreux abus et fraudes ont entaché le CPF : possibilité de financer le permis deux-roues pour une grosse cylindrée, formations bidon, démarchages abusifs, siphonnages de comptes… Ces dérives, qui ont coûté cher aux finances publiques, ont amené l’Etat à réagir avec la publication, le 31 décembre 2024, d’un décret qui prévoit à nouveau de renforcer le contrôle des organismes de formation.

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« Si on me disait de revenir, ce serait hors de question : j’ai construit ma vie ailleurs » : désireux d’un autre cadre de vie, de jeunes diplômés vivent une partie de la semaine loin du bureau

Julie Bénégui a ses marques au salon des grands voyageurs de la gare de Lyon, à Paris. Son sac à dos de transit turquoise sur l’épaule – « J’en ai pris un plus petit, pour me forcer à ne pas emporter toute ma maison à chaque fois », plaisante la jeune femme de 35 ans –, elle considère ce salon d’attente parisien et celui de la gare Saint-Charles, à Marseille, comme son « troisième bureau » depuis qu’elle a changé de vie. Mais pas d’emploi : Julie est toujours responsable des partenariats pour un fournisseur d’électricité et se plaît dans son travail, même si, depuis huit mois, elle ne vit plus à Paris, où se trouvent les locaux de sa société.

Attirée par Marseille, proche de la mer et d’une partie de ses amis, elle a profité d’une occasion offerte par son entreprise de travailler une partie du mois à distance. Elle ne se rend au bureau qu’une fois tous les quinze jours, pour deux ou trois jours. Le reste du temps en télétravail, Julie Bénégui profite avec son conjoint d’un appartement de 72 mètres carrés qu’ils n’auraient « pas pu se permettre à Paris », comme de l’ambiance d’une ville où « les gens marchent lentement dans la rue » et où, en cette fin d’octobre, l’été joue les prolongations.

Avec ce déménagement, elle a renoncé à 5 % de son salaire, mais ses trajets et logements à Paris – à l’hôtel ou en sous-location – sont remboursés, à hauteur de 400 euros mensuels. Surtout, à rebours d’un « métro, boulot, dodo » chaque jour recommencé, ces ruptures dans son quotidien lui apportent sa dose d’enthousiasme. « Quand je pose les pieds sur le quai, je suis impatiente de retrouver mes collègues : ça ne doit pas être une mauvaise chose pour l’employeur de voir un salarié arriver avec le sourire ! », affirme Julie.

Nouveau rapport au temps

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Retraites : ce qui change en 2025

La réforme des retraites de 2023 sera-t-elle partiellement remise en cause en 2025 ? Le premier ministre, François Bayrou, s’est dit favorable à la réouverture de discussions. Mais plusieurs mesures concernant les retraités et futurs retraités sont d’ores et déjà entrées en vigueur le 1er janvier, et d’autres doivent s’appliquer dans les mois à venir.

+ 2,2 % pour les retraites de base

Comment les pensions de base sont-elles revalorisées en 2025 ? C’était l’un des feuilletons de la fin d’année 2024. Le gouvernement avait dans un premier temps annoncé, début octobre, que celles-ci seraient augmentées en juillet 2025 plutôt qu’en janvier.

Après plusieurs rebondissements, et l’abandon des projets de loi budgétaires lié à la censure du gouvernement Barnier, elles sont finalement revalorisées de 2,2 %, sur la base de l’inflation, dès janvier.

Le même taux s’applique à l’allocation de solidarité aux personnes âgées, l’ancien minimum vieillesse, ainsi qu’à toutes les retraites de base (salariés, fonctionnaires, libéraux, commerçants, artisans, etc.), à l’exception de celles des avocats, qui croissent de 1,6 %.

Vous ne verrez pas forcément la couleur de cette hausse en janvier, car certains régimes versent les pensions à terme échu, donc à l’issue du mois pour lequel elles sont dues. Ainsi de l’Assurance-retraite (le régime général, pour les salariés du privé, les artisans et les commerçants), qui versera les pensions de janvier le 7 février (sauf pour la caisse régionale d’Alsace-Moselle).

Revalorisation de certaines retraites complémentaires

Nombre de régimes indexent aussi leurs pensions complémentaires le 1er janvier. Cette année cependant, la principale caisse des libéraux, la Caisse interprofessionnelle de prévoyance et d’assurance-vieillesse (Cipav), a décidé de ne pas le faire.

En revanche, le taux de hausse sera de 0,6 % pour les artisans et commerçants, de 1,93 % pour les experts-comptables et commissaires aux comptes, de 2 % pour les avocats, de 2,2 % pour les agents généraux d’assurance et les agents non titulaires de la fonction publique. Pour les médecins libéraux, le taux sera fixé le 25 janvier. La retraite additionnelle des fonctionnaires est, elle, revalorisée de 4 %.

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Renault : de l’accord social au contrat d’entreprise

Entreprises. En décembre 2024, Renault Group a signé, pour trois ans, avec la CFE-CGC, la CFDT et FO, l’accord « Re-Nouveau France 2025 ».

Cet accord a surtout retenu l’attention des observateurs parce qu’il restreint le télétravail et les congés des cadres. Or, cette lecture ne souligne pas assez le caractère novateur de l’ensemble du dispositif. Car, au-delà d’une mesure catégorielle, l’accord social se rapproche ici d’un « contrat d’entreprise », marquant une étape supplémentaire dans la transformation contemporaine des entreprises.

D’emblée, l’accord vise à maintenir « la protection sociale et la performance au cœur de l’identité du groupe » dans « un paysage industriel en tension marqué par des évolutions réglementaires et l’émergence de nouveaux métiers ». Les partenaires reconnaissent ainsi la nécessité d’affronter des périls qui menacent l’entreprise et tous ses salariés.

Or, pour une telle bataille, la contribution et l’adaptabilité des cadres sont déterminantes. Dans l’automobile, cette population se trouve majoritairement dans les services d’ingénierie et de méthodes, et l’usine la plus performante ne peut compenser une conception inadéquate des véhicules. Et ces cadres seront particulièrement touchés par la réduction de trois à deux jours par semaine du télétravail pour maintenir la vie collective des équipes, ainsi que par une limitation éventuelle des jours de RTT si le forfait légal annuel de 218 jours de travail n’est pas atteint. Cette réduction des droits sert indéniablement la compétitivité de l’entreprise, mais fallait-il négocier des compensations pour la seule catégorie affectée ?

Le partage de la valeur amélioré

De façon originale, l’accord prévoit plusieurs avantages universels comme le maintien de l’indemnisation à 100 % en cas de chômage partiel, même si celle-ci concerne surtout les personnels de fabrication. Sont aussi acquises à tous, cadres compris, une couverture santé plus protectrice que la loi, ainsi que de nouvelles mesures pour l’accueil des jeunes et l’accompagnement des seniors.

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« Il faut arrêter de dire que ce sont les femmes qui doivent changer… C’est à l’entreprise de changer »

Hélène Bernicot.

Hélène Bernicot, 49 ans, est directrice générale du Crédit mutuel Arkéa au côté d’Anne Le Goff. Ce sont les premières et seules femmes à ce jour à diriger une banque en Europe. Celles qui ont mis en place une politique en faveur des femmes au sein de leur entreprise ont raconté leur parcours dans La Fabrique de la décision, un leadership collectif pour une finance engagée (Le Cherche Midi, 2022).

Quel a été votre déclic sur les problèmes de mixité au sein de votre entreprise ?

La première étape, lorsque j’étais en poste aux ressources humaines en 2014, était de réaliser un diagnostic chiffré. Comme pour beaucoup de banques, nos effectifs étaient majoritairement féminins, mais nous avions le syndrome du « tuyau percé » : les femmes étaient de moins en moins nombreuses dans la hiérarchie, jusqu’au sommet, où il n’y en avait plus aucune. Nous sommes arrivés à la conclusion qu’il ne fallait plus que cela ne soit qu’un sujet de femmes, mais que la parité était aussi un sujet d’hommes. Et, pour parler aux hommes qui nous dirigent, il fallait parler leur langage, et donc leur montrer, chiffres à l’appui, qu’il s’agissait aussi de la performance de l’entreprise. Par exemple, une équipe mixte prend moins de risques, est plus innovante et globalement plus performante.

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