Archive dans 2024

Travail à distance : comment le téléprésentéiste donne l’illusion d’être actif alors qu’il fait ses courses

Malgré une incontestable évolution des mœurs, le management à la française n’a pas totalement rompu avec ses démons présentéistes. L’équation absurde consistant à supposer une équivalence entre présence et implication professionnelle continue à être valable, même à distance. A tel point qu’un nouvel archétype a vu le jour, enfant monstrueux du télétravail et de la surveillance corporate : le téléprésentéiste. A la fois absent et omniprésent.

Pour qualifier ce nouvel état, où l’on n’est pas physiquement là mais où l’on se manifeste au travers des outils numériques, le chercheur Christian Licoppe parle de « présence connectée ». « Ce qui donne ici consistance à la présence, ce n’est pas la coprésence des corps et la concentration (hypothétique) de l’attention, c’est la fréquence des contacts et la continuité temporelle qu’ils instaurent », écrit-il dans son texte « Les formes de la présence » (Revue française des sciences de l’information et de la communication, 2012). A la présence comme état (physique et psychique) s’est substituée une présence signalétique, détachée de l’« être ici et maintenant ».

Comme jadis la bonne vieille martingale de la veste laissée sur le dos de la chaise de bureau pour faire croire qu’on est aux toilettes alors qu’on est parti faire ses courses, les signaux envoyés par un usage frénétique de Slack, de Teams et autre Hangout sont parmi les nombreuses astuces que le téléprésentéiste mettra en œuvre pour avoir l’air de se consacrer à fond à son travail.

Se manifester très tôt le matin par un simple « hello » vous fera passer pour un type qui démarre sa journée de travail aux aurores, même si, en vrai, vous êtes en train d’accueillir le chauffagiste en pyjama. Idem si un message vous surprend au rayon charcuterie de Monoprix pendant vos heures de travail : « Je te réponds tout à l’heure, je suis en rendez-vous extérieur », balancera alors, dans la demi-seconde, le téléprésentéiste, qui aime à faire savoir qu’il ne ménage pas sa peine, il est également du genre à poster sur les réseaux sociaux des photos de lui en train d’avaler un sandwich devant son laptop, assorties des hashtags #workfromhome et #viededingue.

Superviser l’activité des salariés à distance

S’insérer dans les boucles de mails, faire coucou à ses supérieurs en leur posant une question « super importante » par texto, intervenir de manière marquante dans une visio avant de couper discrètement la caméra et le son (au passage, choisir un fond d’écran qui évoquera le labeur et non un décor de Riviera mexicaine) sont de bons moyens de se montrer téléimpliqué.

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Galeries Lafayette : pas de décision sur l’avenir de 26 magasins

« Il nous enfume ! » Mercredi 14 février, la tension est palpable à la sortie de l’audience qui devait étudier le plan de sauvegarde d’Hermione Retail, filiale de la Financière immobilière bordelaise, créée par l’homme d’affaires Michel Ohayon, qui exploite sous licence des grands magasins à l’enseigne Galeries Lafayette dans vingt-six villes de province. Dans la salle des pas perdus du tribunal de commerce de Bordeaux, la dizaine de salariées venues des magasins de Tarbes, Dax et même du nord de la France est vent debout.

Ces magasins, qui regroupent 1 100 salariés, situés à Belfort, La Rochelle, Bayonne, Amiens ou encore Libourne, sont, depuis février 2023, placés en procédure de sauvegarde, à la demande de son actionnaire, auprès du tribunal de commerce de Bordeaux. La dette d’Hermione Retail – en cessation de paiement depuis fin 2022 – auprès de ses fournisseurs s’élève à 38 millions d’euros.

Pourtant, le dénouement attendu n’a pas eu lieu. « Il y a une nouvelle proposition de la direction d’Hermione pour poursuivre leur relation contractuelle », explique Stéphane Kadri, avocat des représentants du personnel. Une nouvelle audience aura lieu le 21 février. « Les discussions se poursuivent avec les Galeries Lafayette, parce que les créanciers ont un délai pour se prononcer jusqu’au 22 février », précise MKadri. Selon nos informations, les Galeries Lafayette refuseraient de cautionner ce plan de sauvegarde en l’état.

« Une seule piste »

A la sortie de l’audience, les échanges sont vifs entre Michel Maire, directeur d’Hermione Retail, et les salariées des Galeries Lafayette. « On a qu’une seule piste, c’est celle-ci, utilisons-la », se défend-il, arguant qu’« il n’y a pas eu de licenciements depuis la reprise ».

« C’est normal, ils sont en sous-effectif ! », s’agace Me Kadri. Pour Michel Maire, la proposition formulée par Michel Ohayon est la meilleure pour l’avenir des Galeries Lafayette menacées. « On est contraints aujourd’hui, il n’y a personne d’autre. Je n’ai jamais eu un dossier où ça n’intéresse personne. » Reconnaissant que « ce n’est pas le meilleur des plans », Michel Maire explique : « Vous avez un fonds de commerce qui est là, les clients sont toujours là. »

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Le commerce de l’habillement perd des milliers d’emplois dans l’indifférence

« Et c’est grâce à nous ! », s’emportent les salariées. Véronique Guichenary, représentante du personnel au tribunal, employée administrative de l’enseigne de Dax pour laquelle elle œuvre depuis trente ans, s’inquiète, elle aussi : « Dès qu’on va sortir de la sauvegarde, des marques vont partir. Comment on va faire le chiffre d’affaires ? C’est le chien qui se mord la queue : le commerce perd du chiffre d’affaires tous les jours. »

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Le grand malentendu sur « la valeur travail »

« Le premier combat de mon gouvernement, c’est le travail. » La formule du premier ministre dans sa déclaration de politique générale, le 30 janvier, ouvrait un champ des possibles. Vite réduit. « C’est veiller à ce que ceux qui se lèvent tôt, qui travaillent, gagnent toujours plus que ceux qui ne travaillent pas », a expliqué Gabriel Attal.

« La France qui se lève tôt », mantra de la campagne présidentielle de Nicolas Sarkozy en 2007, centrée sur la « valeur travail ». La recherche de l’expression sur Google exhume directement un article du site du quotidien 20 Minutes sur un déplacement du candidat au marché de Rungis avec « ceux qui se lèvent tôt ». Que constate le journaliste ? Déjà, un décalage entre le discours et la réalité : « Accueilli plutôt chaleureusement, le candidat de l’UMP en est ressorti conforté dans ses convictions de “vouloir libérer le travail, qu’il soit enfin récompensé”, même si les employés du marché lui ont surtout parlé de pénibilité et de retraite à 55 ans pour les travailleurs de nuit. »

Dix-sept ans ont passé, mais la rhétorique de Gabriel Attal est la même, classique à droite de l’échiquier politique : il faut « déverrouiller le travail », « inciter à l’activité », en obligeant les bénéficiaires du RSA à travailler, en supprimant l’allocation de solidarité spécifique pour les chômeurs en fin de droits, en réduisant les droits au chômage des seniors. Et que le travail paie plus, au-dessus du smic en tout cas.

Crises en série

Les « défis » que constituent « l’équilibre vie personnelle-vie professionnelle, la question des horaires, des méthodes de management ou du télétravail » ne sont effleurés qu’en une phrase. Le mot « travail » est scandé près de trente fois, mais il n’est, au fond, jamais question du travail concret, vécu, qui fait le quotidien des Français.

Ces dernières années, plusieurs crises ont pourtant profondément interrogé cette « valeur travail » tant de fois rebattue. Qui étaient les « gilets jaunes » qui revendiquaient en 2018 de pouvoir vivre dignement de leur travail et ont manifesté si vivement leur mal-être démocratique ? Des auxiliaires de vie, des aides-soignantes, des agents logistiques, métiers aux rythmes intenses, mal payés, aux collectifs de travail atomisés.

La pandémie de Covid-19 et ses confinements ont posé la question de la reconnaissance, du sens du travail et de l’utilité sociale, en démontrant combien les métiers peu considérés se révélaient « essentiels ».

En 2023, des Français usés ont nourri les denses cortèges contre la réforme des retraites, abasourdis de devoir travailler deux ans de plus sans meilleure prise en compte de la pénibilité. Tous décrivaient la dégradation de leurs conditions de travail, la réduction des équipes et des délais, dans une course à la rentabilité, génératrice d’accidents du travail.

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Cumuler emploi et retraite est-il toujours intéressant ?

Une fois leur pension calculée et versée, les retraités ont la possibilité de reprendre, de poursuivre ou de commencer une nouvelle activité professionnelle rémunérée. C’est ce qu’on appelle le « cumul emploi-retraite ». Les règles régissant ce dispositif – notamment la possibilité de cumuler ses revenus d’activité avec ses pensions de retraite – dépendent des conditions dans lesquelles la nouvelle activité professionnelle est exercée.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Retraites : l’an I de la réforme

Lorsqu’un retraité démarre une activité relevant d’un autre régime que celui qui lui verse sa pension − par exemple, s’il démarre une activité non salariée alors qu’il était salarié du privé ou du public −, il peut continuer à percevoir sa retraite en totalité, quels que soient le montant de ses revenus professionnels, son âge et les conditions dans lesquelles il a obtenu sa retraite : à taux plein ou à taux minoré. Seul inconvénient de cette formule à laquelle la réforme de 2023 ne remédie pas : ses cotisations sont versées à fonds perdus et ne lui rapportent aucun droit supplémentaire.

Les changements apportés par la réforme de 2023 ne concernent que le cumul intra-régime. C’est-à-dire la situation des retraités qui reprennent ou poursuivent une activité relevant du même régime que celui qui leur verse leur allocation. Dans cette hypothèse, ces derniers ne peuvent cumuler leurs revenus d’activité avec l’intégralité de leur pension qu’à partir de l’âge minimum de la retraite − soit 64 ans au terme de la réforme − et à condition qu’ils aient la durée d’assurance correspondant à leur génération ou, à défaut, à partir de 67 ans.

Cotiser à fonds perdus

A moins de respecter ces règles dites du « cumul intégral », ils entrent dans le cadre du « cumul limité » qui ne leur permet d’additionner leurs revenus d’activité et leurs pensions de retraite que dans une certaine limite. Pour simplifier les choses, celle-ci n’est pas la même d’un régime à l’autre. Par exemple, pour un ancien salarié qui reprend une activité salariée, la somme de ses retraites (base et complémentaire) et de son nouveau salaire ne doit pas dépasser son dernier salaire ou 1,6 smic si cela est plus favorable. S’il dépasse la limite prévue, sa retraite de base est réduite à concurrence du dépassement, tandis que le versement de sa retraite complémentaire est suspendu.

La réforme de 2023 ne modifie pas les règles du cumul intégral et du cumul limité. Mais elle prévoit que les cotisations versées par les retraités en condition de cumul intégral ne le sont plus à fonds perdus : elles leur permettront d’obtenir une deuxième pension auprès de leur régime de base après un délai de carence de six mois pour les salariés qui reprennent une activité chez leur dernier employeur (aucun délai de carence n’est appliqué pour les non-salariés). En revanche, la réforme ne change rien pour les retraités en situation de cumul limité, qui continuent à cotiser à fonds perdus, sans s’ouvrir de nouveaux droits.

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Congé menstruel : une proposition de loi examinée par le Sénat

En 2020, Aurélie, qui n’a pas souhaité communiquer son nom, se réveille aveugle d’une nuit d’été. Cela lui arrive de temps en temps, quand elle a ses règles. Elle perd la vue pendant quelques heures, puis finit par la retrouver. C’est l’un des symptômes de sa « dysménorrhée invalidante », ou syndrome des règles douloureuses. A cette époque, Aurélie est vacataire et travaille à l’accueil d’un musée, en pleine période estivale. De peur d’être renvoyée, elle n’ose pas s’absenter et demande à son mari de l’accompagner jusqu’à son lieu de travail. « J’avais peur de me faire écraser par une voiture en chemin », confie-t-elle. Vomissements, maux de ventre, diarrhées… Les symptômes liés à la dysménorrhée sont très variés.

« L’égalité des chances ne peut exister à moins qu’on ne mette en place des aménagements particuliers pour les femmes souffrant de dysménorrhée », affirme Hélène Conway-Mouret. En avril 2023, la sénatrice socialiste représentant les Français établis hors de France a déposé une proposition de loi visant à « améliorer et garantir la santé et le bien-être au travail ». Examiné en séance plénière jeudi 15 février au Sénat, à l’occasion de la niche parlementaire du groupe Socialiste, écologiste et républicain, le texte prévoit des modalités d’organisation en télétravail pour les femmes souffrant de « dysménorrhée, dont l’endométriose » et la création d’un arrêt de travail spécifique, d’une durée ne pouvant excéder deux jours par mois et valable un an. Il s’appliquerait sans jour de carence et pourrait être mobilisé par toute personne bénéficiant d’une « prescription d’arrêt de travail » délivrée par un médecin ou une sage-femme.

« C’est un grand pas dans la reconnaissance de la souffrance de certaines femmes pendant leurs règles, salue Maud Leblon, de l’association Règles élémentaires. Surtout pour celles, les plus défavorisées socialement, qui ne peuvent pas se permettre de prendre des arrêts avec jours de carence. » Pour les concepteurs du texte, la mise en place de ce dispositif est aussi une manière d’encourager les salariées du public comme du privé à commencer un suivi médical.

« Souvent, les femmes ont renoncé aux soins depuis longtemps », assure Isabelle Derrendinger, présidente du Conseil national de l’ordre des sages-femmes. A toutes celles qui se sont vu répondre « c’est normal, ce sont tes règles », alors qu’elles se plaignaient d’avoir mal au ventre, Isabelle Derrendinger le rappelle : « Non, ce n’est pas normal. Les femmes ne doivent pas vivre leurs douleurs comme une implacable fatalité. »

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Continental va supprimer 7 150 postes dans le monde « au plus tard d’ici 2025 »

Des pneus dans une station de retraitement à l’usine Continental de Hanovre, en Allemagne, le 17 avril 2023.

Dans le cadre d’un plan d’économies visant à accroître sa compétitivité pour la transition délicate vers la mobilité électrique, l’équipementier automobile allemand Continental a annoncé la suppression de 7 150 postes au niveau mondial, mercredi 14 février.

« Environ 5 400 emplois seront touchés » dans l’administration, et 1 750 dans la branche recherche et développement, « au plus tard d’ici 2025 », a affirmé le groupe dans un communiqué qui détaille le plan de restructuration annoncé à la fin de 2023. Cela représente plus de 3 % de l’ensemble des effectifs du groupe.

L’objectif du programme est notamment de réaliser 400 millions d’euros d’économies par an dans la division automobile de l’entreprise. Ce plan prévoit de « rationaliser et simplifier » l’activité, en regroupant des unités administratives ou de recherche et développement.

Coûts de l’énergie trop élevés

« Nous renforcerons ainsi la collaboration, exploiterons les synergies et raccourcirons les délais de développement – et améliorerons ainsi notre compétitivité à long terme », a justifié Philipp von Hirschheydt, chargé de l’automobile au sein du directoire du groupe. Les suppressions de postes « seront mises en œuvre progressivement » et de « la manière la plus socialement responsable possible », a promis le groupe.

Comme l’ensemble du secteur en Allemagne, l’entreprise souffre des coûts de l’énergie trop élevés et de la difficile transition vers la mobilité électrique d’un secteur qui a bâti son succès sur la voiture thermique.

L’été dernier, Continental, l’un des plus gros équipementiers mondiaux, avait déjà annoncé la fermeture d’une de ses usines allemandes, à Gifhorn, arguant de coûts trop élevés et de la baisse de la demande.

L’allemand Bosch, leader mondial, a annoncé à la mi-janvier un plan de suppression de 1 200 emplois dans sa division système électroniques embarqués. Un mois plus tôt, il prévoyait un plan de suppression de 1 500 emplois sur deux sites en Allemagne fabriquant des transmissions. Et le groupe ZF a lui aussi annoncé la fermeture de deux usines coup sur coup ces derniers mois en Allemagne, avec plusieurs centaines de postes supprimés.

Lire : Article réservé à nos abonnés L’industrie automobile allemande doute de son modèle

Le Monde avec AFP

Grève des contrôleurs à la SNCF : les raisons de la mobilisation, qui va fortement perturber le trafic ce week-end

C’est une nouvelle « grève Facebook ». Les contrôleurs, comme en décembre 2022, se sont mobilisés sur les réseaux sociaux, toujours à l’initiative du Collectif national ASCT (agents du service commercial train), le CNA. Ce collectif rassemble 4 000 à 5 000 agents sur 8 000 contrôleurs. Ils ne dialoguent plus sur Facebook, mais plutôt sur des boucles WhatsApp ou Telegram. Le CNA n’ayant pas la possibilité de négocier avec l’entreprise SNCF Voyageurs, les syndicats CGT, SUD-Rail ont pris le relais, à la fois pour déposer le préavis de grève et pour engager les négociations avec la direction.

Une direction qui ne reconnaît pas le collectif et rechigne a lui parler en direct. Mais cette double médiation complique, une fois de plus, la sortie de crise. La grève aura donc bien lieu ce week end et sera très suivie : plus de 70 % des contrôleurs auraient déposé un préavis selon les organisations syndicales.

Joint par Le Monde, Olivier, l’un des contrôleurs à l’origine du collectif, qui ne souhaite pas donner son nom de famille conformément à la règle donnée par le groupe, revient sur les raisons de la grève. Selon lui, la direction ne répond pas aux revendications simples des contrôleurs. Il espère que les discussions avec les syndicats vont reprendre en mars et seront plus constructives, faute de quoi le CNA n’exclut pas de demander aux organisations syndicales de déposer un nouveau préavis de grève « pour un gros week end, en avril ».

Aménagement des fins de carrière

La direction de la SNCF a pourtant annoncé une accélération du recrutement des contrôleurs (200 de plus en 2024, après 653 recrutements en 2023). Et Jean-Pierre Farandou, après avoir reçu toutes les organisations syndicales, a annoncé une nouvelle prime de 400 euros (en plus de celle du même montant versée en décembre) à tous les salariés, ainsi que 1 200 euros d’intéressement. La direction a aussi débloqué la possibilité d’accorder 3 000 promotions supplémentaires qui permettent aux agents qui en bénéficieront de voir leur salaire augmenter de 60 à 80 euros net par mois. Le PDG a enfin annoncé cent recrutements supplémentaires à la police ferroviaire.

« Quel rapport avec ce que nous réclamons ?  », s’interroge le porte-parole du CNA. A l’automne 2022, les contrôleurs se sont mobilisés pour une meilleure reconnaissance de leur métier et de ses contraintes. Il a fallu la grève de Noël pour que la direction concède 60 euros d’augmentation brute mensuelle, revoie la progression des carrières et une meilleure prise en compte des primes dans la rémunération en cas d’arrêt maladie. Mais elle s’était aussi engagée à ouvrir une négociation sur l’aménagement des fins de carrière des contrôleurs au second semestre 2023.

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La fabrique des labels d’entreprise : B Corp, Afnor, Great Place to Work…

B Corp, Happy Index at Work, Top Employers… Depuis les années 1990, les labels employeurs sont devenus un véritable marché. Fondées sur le volontariat, et sans valeur juridique particulière, ces certifications répondent à des objectifs variés du côté des entreprises. Le premier d’entre eux est de renforcer leur marque employeur, pour garder leurs salariés et en attirer de nouveaux.

Pierre André, cofondateur de la start-up Wecasa, une plate-forme pour trouver des professionnels du ménage ou du bien-être à domicile, imagine déjà sa fierté à arborer « B Corp » (pour « benefit corporation ») pendant trois ans, si son dossier est validé : « On est en cours d’audit, et c’est assez fastidieux ! Mais B Corp représente une reconnaissance de ce qu’on fait, avec des conséquences pour l’image publique de la boîte et les salariés. »

Label de responsabilité sociétale et environnementale (RSE) né aux Etats-Unis en 2006 et géré par une ONG, B Corp est un référentiel identique partout dans le monde. Les entreprises commencent par s’autoévaluer gratuitement, puis peuvent demander à être certifiées par des auditeurs pour rejoindre officiellement le mouvement.

Le niveau de sérieux varie

En se lançant dans cette « aventure », Wecasa a souhaité valoriser ce qu’elle considère comme de bonnes conditions de travail dans son entreprise, ou encore son bon bilan carbone. « Les entreprises vont avoir des objectifs soit de marque employeur, notamment pour les PME qui veulent se faire connaître, soit des objectifs en ressources humaines [RH], pour prendre la température sur les pratiques managériales. On remet au goût du jour un vieil outil qui était le baromètre social », explique Chloé Guillot-Soulez, enseignant-chercheur en gestion des ressources humaines à l’IAE Lyon.

Le niveau de sérieux de la méthodologie varie très fortement d’un label à l’autre, mais tous sont fondés sur un cahier des charges. Les plus « officiels » sont ceux du groupe Afnor, expert de la normalisation des entreprises. Les labels Egalité professionnelle (créé en 2004) et Diversité (2008) sont des labels d’Etat qui cherchent à coller à la loi, et à attester de l’engagement sur ces deux thématiques. Celui de la diversité s’appuie sur les vingt-six critères de discrimination définis par le Défenseur des droits.

Pour structurer sa démarche, chaque entreprise est invitée à passer par sept étapes : réaliser un état des lieux relatifs aux dispositifs existants en référence aux critères de discrimination, définir un plan d’action avec les partenaires sociaux, communiquer en interne, faire un bilan… Puis elle passe devant une commission composée de représentants des partenaires sociaux. Chacun des deux labels est accordé pour quatre ans.

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Les cadres moins mobiles et plus inquiets face à l’inflation

Carnet de bureau . Plus de deux cadres sur trois s’inquiètent pour leur pouvoir d’achat. Moins sensibles à l’inflation que les petits salaires, ils avaient, ces dernières années, trouvé la parade pour améliorer leurs revenus, en changeant d’employeur. La tentation était facile. Sur un marché du travail au beau fixe, plus de 30 % d’entre eux ont ainsi répondu à une offre d’emploi dans l’année. Et un sur dix a rejoint une autre entreprise en 2022 puis tout autant en 2023.

« A leurs yeux, la mobilité externe a représenté l’opportunité de gagner plus », indique l’Association pour l’emploi des cadres (APEC). Pour réaliser son baromètre trimestriel des intentions de recrutement et de mobilité des cadres, publié jeudi 8 février, l’APEC a interrogé quelque 2 000 salariés du 4 au 15 décembre 2023. L’intuition des cadres était bonne : 51 % des entreprises consultées avaient dû revoir la rémunération de leur offre d’emploi à la hausse pour trouver un candidat et 66 % de ceux qui ont bougé en 2023 ont été augmentés.

Mais, en 2024, le contexte n’est plus le même. La Banque de France n’a toujours pas sonné la fin de l’inflation, tandis que le marché de l’emploi se porte moins bien. La part des entreprises qui embauchent des cadres a commencé à fléchir dès la fin de 2023 et cette tendance s’est confirmée au début de l’année. Les intentions de recrutement sont nettement à la baisse pour le premier trimestre.

L’heure n’est plus au déploiement mais à la prudence. « Les entreprises sont moins optimistes, concernant leur carnet de commandes, qu’elles ne l’étaient il y a un an à la même période », commente l’APEC. A peine plus d’une grande entreprise sur deux (54 %) envisage d’embaucher au moins un cadre au cours du premier trimestre contre près des deux tiers un an auparavant (64 %). Idem dans les plus petites structures : seules une PME sur dix et une TPE sur vingt prévoient d’embaucher un cadre avant le printemps. Les TPE sont particulièrement préoccupées par leur trésorerie.

Le champ des opportunités des cadres s’est ainsi considérablement assombri. A la fin de l’année 2023, un sur deux estimait qu’en cas de mobilité, retrouver un poste équivalent serait difficile. Ils sont donc moins tentés d’aller voir si l’herbe est plus verte ailleurs et abordent 2024 de manière plus attentiste. « Moins nombreux à se déclarer en recherche active d’un nouvel emploi qu’il y a un an », ils sont « plus nombreux à se déclarer “en veille” sur le marché de l’emploi », pointe l’APEC. Envolé l’espoir d’améliorer leurs revenus malgré l’inflation ? Pas tout à fait, mais les perspectives d’amélioration du pouvoir d’achat se sont sérieusement réduites.

Sur la santé des femmes, beaucoup de prévention mais pas de différenciation

Les entreprises doivent-elles considérer la santé des femmes comme un sujet en soi, pour mieux s’adapter aux difficultés qu’elles rencontrent ? C’est l’avis de Florence Chappert, responsable de la mission égalité intégrée à l’Agence nationale pour l’amélioration des conditions de travail (Anact) : « Une approche genrée de la question des conditions de travail permet de comprendre que les femmes ne sont pas mieux protégées que les hommes. Si les femmes ont quatre ou cinq jours d’absentéisme par an de plus que les hommes, cela ne s’explique pas seulement par les enfants, mais aussi par des contraintes spécifiques, qui les exposent à des conséquences financières, la perte d’un emploi ou l’isolement du collectif. »

C’est par ce constat que cette spécialiste de la santé a ouvert les rencontres RH du 7 février − le rendez-vous mensuel de l’actualité RH organisé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup Talent Solutions et Malakoff Humanis −, qui ont réuni une dizaine de DRH à Paris et à distance.

Cet état des lieux est le fruit de recherches récentes, qui ont permis de visibiliser des risques professionnels, longtemps sous-estimés par les politiques publiques et les entreprises, que subissent spécifiquement les femmes dans le cadre de leur travail. Entre 2001 et 2019, le nombre d’accidents du travail a grimpé de 41,6 % pour les femmes, tandis qu’il chutait de 27,2 % chez les hommes.

Lorsqu’il s’agit de visibiliser les problématiques de santé au travail propres aux femmes, les DRH évoquent spontanément l’endométriose, une maladie chronique sans remède qui touche exclusivement celles en âge de procréer, et en concerne près de 10 %. Lors des crises que peuvent subir certaines salariées, il s’agit pour les manageurs de davantage tolérer des absences de courte durée sur le temps de travail, qu’il ne faut pas confondre avec un arrêt de travail.

Sensibiliser sur les pathologies existantes

Sur les maladies chroniques, la Caisse nationale d’assurance-vieillesse (CNAV) dit utiliser le télétravail comme un levier pour permettre à des salariées de souffler, et plus généralement la flexibilité du temps de travail. De son côté, Malakoff Humanis octroie depuis peu cinq jours supplémentaires de télétravail occasionnel aux femmes atteintes d’endométriose – portant le plafond à vingt jours – ou de cinq jours d’absence rémunérée autorisés par an, pour celles qui ne peuvent télétravailler.

Sur ce sujet, la direction générale du travail et l’Anact vont prochainement publier un guide à destination des manageurs et des RH. L’enjeu reste avant tout de sensibiliser sur les pathologies existantes, pour mieux les rendre visibles dans l’entreprise. « C’est sur la santé que l’on voit les véritables valeurs d’une entreprise : comment elle gère la prévention, est-ce qu’elle prévoit des compléments de salaire pour compenser les jours de carence lors d’un arrêt maladie par exemple », considère Laurence Breton-Kueny, DRH du groupe Afnor et vice-présidente de l’association nationale des DRH.

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