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L’Assurance chômage révise à la baisse sa prévision d’excédent pour 2024

Le logo de « France Travail », le nouvel opérateur du service public de l’emploi français, à Lille, le 12 janvier 2024.

L’Assurance chômage a fortement révisé à la baisse, mardi 20 février, sa prévision d’excédent pour 2024 en raison de la conjoncture économique et d’une moindre compensation par l’Etat d’exonérations de cotisations, ce qui ralentit son désendettement, selon un communiqué de l’Unédic.

L’excédent, encore prévu à 5 milliards d’euros en septembre dernier, ne serait finalement que de 1,1 milliard d’euros, avant de repartir à la hausse en 2025 (3 milliards), en 2026 (5,3 milliards) et en 2027 (11,2 milliards), d’après ces prévisions.

Pour financer France Travail (qui a remplacé Pôle emploi au 1er janvier) et France Compétences (formation professionnelle), la loi de financement de la Sécurité sociale adoptée en décembre prévoit une moindre compensation par l’Etat d’exonérations de cotisations à l’assurance chômage. Les recettes avaient ainsi déjà été réduites de 2 milliards d’euros en 2023.

Un frein pour le désendettement de l’Assurance chômage

La perte financière induite par cette mesure budgétaire sera de 2,6 milliards d’euros en 2024, 3,35 milliards en 2025 et 4,1 milliards en 2026, soit 12,05 milliards sur quatre ans, rappelle l’Unédic, qui souligne qu’elle « freine nettement le désendettement de l’Assurance chômage ». En conséquence, « la dette serait de 38,6 milliards d’euros fin 2027 » alors qu’« elle aurait été de 25,5 milliards sans ces prélèvements », précise l’organisme.

Ces prévisions financières tablent sur une croissance du PIB de 0,7 % en 2024, inférieure à celle du gouvernement, qui est de 1 %, et sur une croissance de 1,3 % de 2025 à 2027. Les créations d’emplois, qui plafonneraient à 29 000 cette année, repartiraient à la hausse en 2025 (112 000), en 2026 (129 000) et en 2027 (200 000).

« A partir de 2025, la montée en charge des réformes et surtout une conjoncture devenue plus favorable feraient reculer le nombre de chômeurs à 2,4 millions en 2027 », contre un peu plus de 3 millions aujourd’hui, anticipe l’Unédic.

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Le Monde avec AFP

Le gouvernement n’exclut pas de « sanctuariser » certaines périodes sans grève dans les transports, provoquant la colère des syndicats

Après le mouvement social des contrôleurs de la SNCF qui a provoqué l’annulation d’un TGV sur deux samedi 17 et dimanche 18 février pour le chassé-croisé des vacances d’hiver, la ministre déléguée chargée des relations avec le Parlement, Marie Lebec, n’a pas exclu mardi de « sanctuariser » des périodes sans grève dans les transports.

« La question de la protection du droit de grève est essentielle, mais je crois qu’on peut s’interroger sur le recours au droit de grève quand on a une mission de service public », a déclaré la ministre déléguée sur Sud Radio.

Pour Mme Lebec, « il y a des moments où on peut estimer qu’il faut sanctuariser ces périodes », a-t-elle ajouté, interrogée sur les initiatives parlementaires des Républicains et des sénateurs centristes qui visent à encadrer le droit de grève, notamment pendant les vacances scolaires ou lors de grands événements.

« Trop, c’est trop », s’était notamment indigné à la mi-février le président du groupe centriste au Sénat, Hervé Marseille, auteur d’une proposition de loi permettant au gouvernement de disposer d’un capital annuel de soixante jours d’interdiction de grève, répartis par décret dans une limite de quinze jours par période d’interdiction. « Si on avait affaire à des gens responsables, on ne serait pas obligés d’imaginer des dispositifs de cette nature mais il faut bien protéger les Français », avait-il déclaré.

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« Toutes les options sont ouvertes »

Pour Mme Lebec, « la réflexion sur le sujet peut être débattue à l’Assemblée ». « Est-ce que les modalités doivent forcément passer par la loi ? Est-ce que ça peut faire l’objet d’un accord ou autre avec les représentants syndicaux ? Je crois que toutes les options sont ouvertes », a-t-elle estimé. Le premier ministre, Gabriel Attal, avait encouragé le Parlement à s’emparer de ce débat, déplorant « une forme d’habitude, à chaque [période de] vacances (…), d’avoir l’annonce d’un mouvement de grève » des cheminots. « Les Français savent que la grève est un droit », mais « aussi que travailler est un devoir », avait-il dit.

« Boîte de Pandore »

« Ce qu’il faut sanctuariser, c’est le droit de grève, a répliqué mardi la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet, interrogée par l’AFP. Je rappelle au gouvernement que le droit de grève est un droit fondamental des travailleurs, inscrit dans la Constitution et dans les normes fondamentales du droit international. Le dernier gouvernement qui a interdit le droit de grève, c’est Vichy. »

Alors que la liberté de circulation est invoquée pour sanctuariser des périodes sans grève, « pendant les manifestations de paysans où ils ont bloqué routes et autoroutes, on n’a pas entendu parler de remise en cause du droit de grève », a réagi le secrétaire général de l’UNSA-Ferroviaire, Didier Mathis, dénonçant un « deux poids, deux mesures ». Une telle mesure, « c’est ouvrir la boîte de Pandore et une fois que c’est ouvert, on ne sait pas jusqu’où ça peut aller », a-t-il mis en garde.

Pour SUD-Rail, « c’est une ligne rouge », a insisté le secrétaire fédéral, Julien Troccaz. « A part mettre de l’huile sur le feu pendant la période, on ne voit pas trop à quoi ça va servir », a-t-il assuré.

Le Monde avec AFP

Emploi : trois dispositifs sont visés par les coupes budgétaires annoncées par Bercy

La ministre du travail, Catherine Vautrin, à l’Elysée, le 14 février 2024.

La politique en faveur de l’emploi n’a pas été épargnée. Dans le plan d’économies de 10 milliards d’euros dévoilé, dimanche 18 février, par Bercy, il est prévu de réduire les moyens accordés à trois dispositifs dont le but est d’élever le niveau de compétences des travailleurs et des jeunes. Un coup de rabot qui devrait rapporter 550 millions d’euros à l’Etat pour l’exercice 2024.

La mesure avait été adoptée, il y a un peu plus d’an, dans la loi de finances 2023, mais n’était pas entrée en vigueur, faute de décret d’application. Elle devient désormais réalité. Les femmes et les hommes qui utilisent leur compte personnel de formation (CPF) pour acquérir de nouvelles qualifications devront désormais s’acquitter d’une « participation ». Plusieurs arguments sont mis en avant pour justifier ce « ticket modérateur » : une forte progression du prix des actions dispensées dans le cadre du CPF ou des doutes sur la « pertinence » de certaines formations suivies – 17 % d’entre elles concernent des individus qui ne déclarent « ni objectif professionnel ni finalité professionnelle », selon une étude diffusée en février 2023 par les services du ministère du travail.

Le montant du reste à charge « n’a pas été encore arrêté, mais il a vocation à se situer au minimum à 10 % du coût de la formation », indique-t-on dans l’entourage de Catherine Vautrin, la ministre du travail. Seront exemptés de cet effort les chômeurs ainsi que les salariés qui mobilisent leur CPF dans le cadre d’un projet élaboré et cofinancé par leur patron, à travers un « abondement » de l’entreprise. Les pouvoirs publics tablent sur une économie de 200 millions d’euros, sachant que, au départ, l’enveloppe destinée au CPF devait atteindre 2,2 milliards d’euros en 2024.

Vives critiques

Deux autres dispositifs sont touchés par le tour de vis annoncé dimanche. Les dotations accordées aux centres de formation des apprentis (CFA) pour couvrir les dépenses d’enseignement seront amputées de 200 millions d’euros. Par ailleurs, l’Etat diminuera de 150 millions d’euros les crédits alloués au plan d’investissement dans les compétences (PIC) – un programme lancé en 2018 pour épauler les demandeurs d’emploi faiblement qualifiés et les jeunes sans bagage scolaire.

Les arbitrages de l’exécutif suscitent de vives critiques parmi les syndicats comme chez les acteurs du monde de la formation. L’instauration d’un reste à charge pour les utilisateurs du CPF constitue « une mauvaise réponse à un besoin de régulation », déclare Yvan Ricordeau, numéro 2 de la CFDT. Pour étayer son propos, le leader cédétiste rappelle que, depuis la première quinzaine de janvier, il est possible de se payer le permis moto par le biais du CPF : « Ça coûte déjà des dizaines de millions d’euros et ça ne sert absolument pas les parcours professionnels, dénonce M. Ricordeau. C’est ce ménage-là qu’il faut faire, pas une punition aveugle et généralisée. » Dans un communiqué, Force ouvrière a fustigé, lundi, la décision du gouvernement, qui dégrade « le droit à la formation professionnelle des salariés, alors même que les transitions à venir nécessitent un dispositif qualifiant, solide et accessible ».

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« La notion de harcèlement moral s’est galvaudée avec le temps »

Si l’on entend beaucoup parler ces dernières années du harcèlement moral des salariés, le grand public est moins informé de la pratique qui en est faite par les professionnels du droit.

L’évocation par des salariés de l’existence d’un harcèlement moral de leur ancien employeur est désormais devenue monnaie courante dans le cadre d’un litige devant un conseil de prud’hommes (CPH). Les avocats assurant la défense des employeurs constatent ainsi une multiplication de ce type de demandes, laissant parfois penser que tous les salariés sont harcelés.

Cette pratique commence à soulever une sérieuse difficulté, mettant en danger le concept même de harcèlement moral.

Le code du travail est pourtant très clair en la matière : « Aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d’altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. »

Des sommes d’argent complémentaires

Cette définition implique donc des situations assez exceptionnelles, dans lesquelles les salariés concernés subissent une vraie détérioration de leur quotidien au travail. Il ne s’agit pas d’une simple mésentente avec certains collègues, chose fréquente en entreprise. En toute logique, le harcèlement moral ne devrait donc être que rarement invoqué devant un conseil de prud’hommes, en particulier à la suite d’un licenciement. C’est l’inverse qu’on observe.

Le « barème Macron », désormais bien connu, n’est pas étranger à la forte augmentation de l’évocation d’un harcèlement lors d’un litige avec un employeur. Malgré de nombreuses tentatives, ce barème n’a finalement jamais été remis en cause par les juges depuis sa création. Il pose en revanche un sérieux problème aux salariés en limitant l’indemnité maximale qu’ils peuvent obtenir lors de la contestation de leur licenciement.

Pour contourner cette difficulté, l’existence d’un harcèlement moral de l’employeur est de plus en plus souvent évoquée pour tenter d’obtenir des sommes d’argent complémentaires, qui ne rentrent pas en compte pour le calcul du barème. Le harcèlement moral peut en effet conduire un employeur à devoir verser des dommages-intérêts à un ancien salarié, voire à annuler son licenciement, ce qui rend le barème Macron alors inapplicable.

Mais la logique à l’œuvre n’est pas toujours seulement financière.

La notion de harcèlement moral s’est en effet quelque peu galvaudée avec le temps et n’est pas toujours bien comprise par les salariés qui s’estiment régulièrement, à tort, victimes d’un harcèlement en présence d’un manageur autoritaire.

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Le manageur face à la preuve déloyale

C’était le bon vieux temps des films en noir et blanc, et du droit binaire de la preuve : devant le juge civil, une preuve déloyalement obtenue était irrecevable. Car « la loyauté qui doit présider aux relations de travail interdit à l’employeur de recourir à des artifices et stratagèmes pour placer le salarié dans une situation qui puisse ultérieurement lui être imputée à faute », avait énoncé la chambre sociale de la Cour de cassation, le 16 janvier 1991.

Voici l’argumentaire de son assemblée plénière, écartant des enregistrements clandestins, le 7 janvier 2011 : « La justice doit être rendue loyalement, au vu de preuves recueillies et produites d’une manière qui ne porte pas atteinte à sa dignité et à sa crédibilité. » Cette solution conduisant parfois à une impunité choquant l’opinion publique, aujourd’hui plus sensible aux discriminations et aux harcèlements, où la preuve est délicate à apporter.

Revirement de cette même assemblée plénière, le 22 décembre 2023, en application du droit à la preuve cher à la cour de Strasbourg : « Désormais, dans un procès civil, l’illicéité ou la déloyauté dans l’obtention ou la production d’un moyen de preuve ne conduit pas nécessairement à l’écarter des débats. »

Mais, attention : il n’existe aucun « droit à la preuve déloyale » permettant, en son nom, n’importe quelle violation de libertés fondamentales (par exemple, la vie privée), source de responsabilité civile et pénale. L’assemblée plénière est donc légitimement très exigeante sur les conditions à réunir pour que le juge accepte cette preuve : elle doit être indispensable à l’exercice du droit à la preuve, et « l’atteinte ainsi portée aux droits antinomiques en présence strictement proportionnée au but poursuivi ».

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En résumé : premièrement, sans cette preuve, le plaideur ne pourrait que perdre son procès, car il ne peut disposer d’aucune autre. Deuxièmement, l’enjeu doit être majeur : on ne marche pas à son gré sur le respect de la vie privée d’autrui, de ses données personnelles, voire du secret médical.

Une grande prudence

Quels sont alors les bons réflexes côté manageur ? Pas de révolution : car, dans la pratique, enregistrer discrètement une conversation, voire jouer à la caméra cachée était un jeu d’enfant depuis l’irruption du smartphone, et la prudence déjà de rigueur.

Mais l’irrecevabilité – sauf en matière pénale – en limitait l’intérêt : désormais, une porte est entrouverte. Mais « insécure » : car le plaideur (salarié ou employeur) sera souvent bien en peine de savoir si sa preuve déloyale sera finalement acceptée par le juge, ou écartée… après avoir été contradictoirement discutée pendant dix minutes !

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Une grève attire l’attention sur le modèle économique de la tour Eiffel

Au pied de la tour Eiffel, fermée en raison de la grève du personnel, le 19 février 2024.

« Cela risque de durer plusieurs jours, et on espère surtout ne pas avoir à faire grève pendant les Jeux olympiques », prévient Denis Vavassori, délégué CGT de la Société d’exploitation de la tour Eiffel (SETE), qui gère le monument. La dame de fer ne sera pas ouverte trois cents soixante-cinq jours en 2024, comme de coutume : entre « 150 et 200 » des 360 salariés en CDI de la SETE ont fait grève, lundi 19 février, occasionnant la fermeture du monument.

Déjà en grève le 27 décembre 2023, les syndicats CGT et FO dénoncent notamment l’augmentation du montant versé chaque année par cette société publique locale à son actionnaire majoritaire (à 99 %), la Ville de Paris, alors que ses finances ont déjà souffert ces dernières années. C’est d’abord en raison de la pandémie de Covid-19, qui a multiplié les périodes de fermetures du monument, et généré 130 millions d’euros de pertes de billetterie. En 2023, la tour a retrouvé un niveau de fréquentation convenable, avec 6,3 millions de visiteurs.

Les grévistes se disent aussi inquiets de l’état du monument, malgré, là aussi, des coûts exorbitants. La tour n’a pas été repeinte depuis quatorze ans – contre sept habituellement –, et certains travaux ont pris du retard et généré 120 millions d’euros de coûts supplémentaires, en raison de l’inflation et de la découverte de plomb. « On a fait à peine 30 % de la campagne de peinture, cela a coûté 85 millions, alors que le budget de base était de 50 millions. Il y a de la rouille, des ascenseurs non rénovés, le scintillement qui ne sera pas renouvelé… », liste l’élu CGT.

Le billet devrait augmenter de 20 %

Face à ces difficultés, l’entreprise a été recapitalisée à hauteur de 60 millions d’euros par la Ville de Paris en 2022, et des prêts ont été contractés. Le syndicaliste met cette situation en regard de pertes supplémentaires à venir, qu’occasionnera une hausse de la redevance versée par la SETE à la Ville de Paris : déjà passée de 8 à 16 millions d’euros entre 2021 et 2022, elle devrait atteindre environ 50 millions annuels pour les années à venir.

« Cela représente la moitié du budget annuel de la SETE, alors qu’on a déjà de lourds travaux », soupire M. Vavassori. Pour contenir cette hausse, le prix du billet devrait aussi augmenter de 20 %. Cette hausse continue de la redevance était déjà prévue depuis 2016. Par leur action, les grévistes souhaitent influencer les arbitrages contenus dans la délégation de service public, le contrat qui lie la SETE et la Mairie de Paris sur la période 2017-2030.

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En Belgique, le socialiste Paul Magnette prône « le bonheur » et les 32 heures

Paul Magnette, à Charleroi, le 18 janvier 2024.

Dans un livre récent, il affirmait que l’un des enjeux actuels est de « réaffirmer le sens et la valeur du travail ». Lors du congrès préélectoral de son parti, dimanche 18 février à Bruxelles, le président du Parti socialiste (PS) francophone belge et bourgmestre de Charleroi Paul Magnette a surpris en précisant son propos : « L’idéal » à atteindre est, dit-il, la semaine de 32 heures en quatre jours. Sans baisse de salaire et avec des embauches compensatoires.

C’est un « mauvais signal à l’heure de la pénurie de main-d’œuvre et de la hausse des coûts liée à l’indexation automatique des salaires », a répliqué illico la Fédération des entreprises. En Wallonie, on compte 200 000 chômeurs et 120 000 postes de travail non pourvus, en raison principalement des carences du système éducatif.

Candidat au poste de premier ministre après les élections de juin, M. Magnette fixe la barre très haut, après avoir proposé de faire passer le salaire minimum à 2 800 euros – contre 2 080 euros actuellement – et suggéré l’octroi de jours de congé supplémentaires aux travailleurs, afin de leur permettre d’avoir « droit au bonheur », ce qui est, dit M. Magnette « ma marque du socialisme ».

Très applaudi

Même nuancé – « On n’y arrivera pas d’un coup, mais on doit faire de grands pas dans cette direction » –, le propos a été très applaudi par ses troupes. Il n’a, en revanche, pas enthousiasmé les partis de la droite et du centre flamands, avec lesquels le dirigeant du PS devrait, en toute hypothèse, négocier après les élections du mois de juin. Si, du moins, les résultats de sa formation sont à la mesure de ses ambitions : rester le premier en Wallonie et à Bruxelles, même si la gauche radicale entend lui tailler des croupières. D’ailleurs, cette proposition radicale sur le temps de travail est formulée alors que le nouvel adversaire du PS est le Parti… du travail de Belgique (PTB).

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Le camp des « nationalistes et conservateurs tapis dans l’ombre », selon les mots du dirigeant socialiste, ne goûte pas non plus son projet. « Travailler moins en gagnant la même chose ? Je peux vous assurer que ça ne fonctionne pas », a balayé Alexia Bertrand, une libérale, secrétaire d’Etat au budget. « Délire impayable », a tranché Egbert Lachaert, membre du même parti, l’Open VLD. « Un tiers de la population active de Wallonie ne travaille pas, mais le PS plaide pour moins de travail », a ironisé le nationaliste Bart De Wever.

Le ministre des finances, le chrétien-démocrate Vincent Van Peteghem, appelle pour sa part à un « discours honnête » sur « les énormes défis budgétaires » auxquels est confronté le pays. La Belgique, invitée notamment par la Commission européenne à « corriger sa trajectoire », devrait, selon les dernières estimations, trouver 40 milliards d’euros d’économies d’ici à 2031.

Compte personnel de formation : le gouvernement annonce la mise en place d’une « participation forfaitaire » dès 2024

Au lendemain des annonces du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, qui visent à dégager dix milliards d’économie, son ministre délégué chargé des comptes publics, Thomas Cazenave, a annoncé, lundi 19 février, la mise en place dès 2024 d’une participation forfaitaire des salariés au compte personnel de formation (CPF).

« Cette participation forfaitaire va être mise en œuvre dès cette année, ce qui nous permettra de générer 200 millions d’euros d’économies sur un total de 2 milliards », a-t-il déclaré à la presse, évoquant une mesure « juste » et « nécessaire » dans un contexte difficile pour les finances publiques. Un décret en ce sens est prévu pour avril, a précisé le ministère de l’économie et des finances auprès de l’Agence France-Presse (AFP).

Créé en 2014, puis réformé en novembre 2019, le CPF permet aux salariés de disposer d’un système de crédit en euros pour bénéficier de formations professionnelles par le biais d’une plate-forme en ligne. En décembre 2022, le gouvernement avait déjà souhaité faire contribuer financièrement les salariés en formation, en déposant un amendement dans le projet de loi de finances pour 2023.

Le texte proposait « d’instaurer une participation du titulaire, quel que soit le montant de droits disponible sur son compte ». Mais le dépôt de cet amendement, en plein week-end, dans le cadre du budget qui avait été adopté par le recours à l’article 49 alinéa 3 de la Constitution, avait provoqué des tensions au sein du camp présidentiel, y compris chez l’ancienne ministre du travail, Muriel Pénicaud. Elle avait estimé que cet amendement constituait « une erreur sociale et économique ; et donc, politique ». Mais, depuis, le gouvernement n’avait pas publié de décret pour en préciser les modalités. Dans une interview au journal l’Opinion en septembre 2023, le ministre du travail, Olivier Dussopt, expliquait alors que ce sujet était « moins urgent », mais qu’il restait « toujours à l’étude ».

Prévision de croissance revue à la baisse

Cette annonce de M. Cazenave lundi s’inscrit dans le cadre des 10 milliards d’euros d’économies sur les finances publiques souhaités par M. Le Maire. Invité du journal télévisé de 20 heures sur TF1 dimanche soir, le ministre de l’économie annoncé une révision à la baisse des prévisions de croissance de la France pour 2024, de 1,4 à 1 %, impliquant un « effort immédiat de 10 milliards d’euros d’économies ».

M. Le Maire s’est engagé « comme depuis sept ans » à ne pas augmenter les impôts. La moitié des économies proviendra, selon lui, d’une baisse des « dépenses de fonctionnement de tous les ministères », qui devront donc resserrer leur budget d’« énergie, [de] mobilier, [d’]achats ». L’exécutif compte récupérer les 5 milliards d’euros restants sur les « politiques publiques », en réduisant notamment « de près d’un milliard d’euros le montant de l’aide publique au développement » et d’un autre milliard MaPrimeRénov’, le dispositif d’aide aux travaux d’économie d’énergie.

Bruno Le Maire a évoqué une troisième source d’économies : « Les opérateurs de l’Etat, toutes les institutions qui peuvent dépendre de l’Etat, [qui vont] contribuer à hauteur de quelques dizaines de millions d’euros, pour que les opérateurs de l’Etat fassent une économie collective d’un milliard d’euros ».

Le Monde avec AFP

Forvia va supprimer jusqu’à 10 000 emplois en Europe d’ici à 2028

Le stand du fournisseur de technologies automobiles Forvia lors du salon automobile international IAA à Munich, dans le sud de l’Allemagne, le 6 septembre 2023.

Dans un marché automobile atone, l’équipementier Forvia a annoncé, lundi 19 février, un plan qui pourrait entraîner la suppression de « 10 000 emplois » d’ici à 2028 en Europe. Les conditions de ce plan doivent être présentées à partir de ce lundi avec les organisations syndicales du groupe.

Forvia, qui fabrique, entre autres équipements, des habitacles, des phares et des systèmes d’échappement, est redevenu bénéficiaire à hauteur de 222 millions d’euros en 2023, pour un chiffre d’affaires de 27,2 milliards d’euros (+ 10,9 % sur un an) mais l’entreprise reste endettée, a fait savoir la direction en présentant ses résultats pour l’année 2023.

Il s’agit aussi de rendre le groupe moins dépendant de la Chine, où Forvia enregistre 27 % de ses ventes mais l’essentiel de son résultat. Alors que le groupe comptait 75 500 salariés en Europe à la fin de 2023, notamment en France, en Allemagne, en Pologne, en République tchèque et en Espagne, le plan « va concerner tous les sites, mais pas de la même manière », a précisé le directeur financier de Forvia, Olivier Durand, lors d’une conférence de presse.

Plan d’économies de 500 millions d’euros

« On a eu une baisse du marché européen, et on ne voit pas de progression possible à court ou moyen terme. Et on a un certain nombre de sites qui ne fonctionnent pas à leur pleine capacité », a-t-il souligné, affirmant que l’objectif, avec ce plan, est de « rétablir notre compétitivité complète ».

Ce plan d’économies, qui doit atteindre 500 millions d’euros d’ici à 2028, passera par des suppressions de postes et un recours moindre à des intérimaires, entre autres mesures. « On doit s’assurer de limiter les recrutements au nécessaire, gérer le volant de flexibilité que nous avons à travers nos sous-traitants. Notre industrie bouge régulièrement et nous savons ajuster nos capacités industrielles », a défendu Olivier Durand, qui souhaite également « accélérer le déploiement de l’intelligence artificielle au sein du groupe ».

Le Monde avec AFP

« Que sait-on du travail ? » : les huit dimensions de la force d’une entreprise

Huit : c’est le nombre de dimensions à développer dans une entreprise pour se donner toutes les chances de réussir les transitions numérique et écologique en marche, car ce sont ces dimensions qui conditionnent la capacité d’apprentissage d’une organisation. En effet, quand tout s’accélère, on ne peut pas compter sur la seule optimisation des systèmes en place, une nouvelle approche est nécessaire pour que l’innovation se développe et se diffuse. C’est le propos des économistes Nathalie Greenan et Silvia Napolitano, toutes deux chercheuses du Centre d’études de l’emploi et du travail (CEET).

Dans leur contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr, elles décrivent ces dimensions identifiées à travers deux enquêtes européennes, l’une sur les conditions de travail et l’autre sur les entreprises, et analysent les liens entre modes d’organisation et innovation. Comment la capacité d’apprentissage d’une organisation a-t-elle un impact sur les comportements innovants ? Dans la vie de l’entreprise, les huit dimensions se déploient en trois temps.

Au niveau de la situation de travail pour les trois premières dimensions. Il s’agit en premier lieu de préserver la « dimension cognitive du travail », puis d’offrir des « opportunités de formation » et enfin de favoriser l’« autonomie dans les tâches cognitives ». « Une organisation apprenante favorise l’apprentissage individuel des travailleurs en stimulant leur autonomie, leur esprit d’initiative et en leur offrant des possibilités de développement de leurs compétences », écrivent les chercheuses.

Au niveau de l’organisation du collectif pour les deux dimensions suivantes : le « travail en équipe autonome » parce qu’il favorise l’accumulation et le transfert des compétences, et le « soutien social » parce qu’il nourrit les échanges et la confiance.

Enfin, au niveau du management pour les trois dernières dimensions : un « style d’encadrement coopératif » parce qu’il contribue à la résolution des conflits, favorise la prise de risques et fournit des retours d’expériences, une « motivation soutenue par l’organisation », et une « participation directe ».

Sur les huit dimensions décrites, les économistes présentent une analyse comparative de la capacité d’apprentissage des organisations en Europe, qui met en évidence que la France se situe dans la moyenne européenne, mais reste distancée par les pays d’Europe du Nord. « Quand les salariés évaluent l’organisation du travail, la France se positionne sous la médiane européenne pour le style d’encadrement coopératif, le soutien social et la motivation soutenue par l’organisation », précisent les autrices. En revanche, elle est en bonne place pour la « dimension cognitive au travail ».

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