Archive dans 2024

Assurance-chômage : la réforme de 2019 a d’abord affecté les jeunes et les précaires

Pendant que le gouvernement prépare l’opinion à une nouvelle réforme de l’assurance-chômage, les effets des précédentes commencent à être mieux connus. La direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques, rattachée au ministère du travail, a publié, mardi 27 février, un rapport intermédiaire réalisé par son comité d’évaluation de la réforme de l’assurance-chômage lancée en 2019 et qui avait durci les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

La publication de ces travaux intervient au moment où un nouveau tour de vis pour les chômeurs – ce serait le cinquième depuis 2017 – est dans les cartons de l’exécutif. Dans Le Journal du dimanche du 25 février, le premier ministre, Gabriel Attal, a annoncé que la durée d’indemnisation « peut encore » être réduite et qu’il est également possible d’« accentuer la dégressivité des allocations ». Si les arbitrages ne sont pas arrêtés, le locataire de Matignon a confirmé sa détermination sur RTL, mardi 27 février. « Travailler doit toujours rapporter toujours plus que ne pas travailler », a affirmé le chef du gouvernement, qui souhaite qu’on « rouvre le chantier » de l’assurance-chômage pour avoir « un modèle social qui incite davantage à l’activité ».

La volonté du gouvernement de durcir une nouvelle fois les règles d’indemnisation vise à répondre au retournement du marché de l’emploi observé ces derniers temps. Alors que le président de la République, Emmanuel Macron, avait fait du plein-emploi – autour de 5 % de chômage – l’objectif majeur de son second quinquennat, la possibilité de tenir cette promesse s’envole.

Après plusieurs années de baisse continue du chômage, celui-ci est en hausse depuis plusieurs mois, passant de 7,1 % fin 2022 à 7,5 % sur le dernier trimestre de 2023. La dernière réforme de l’assurance-chômage mise en place en février 2023 et qui a réduit de 25 % la durée d’indemnisation avait pourtant comme objectif de rendre les règles plus incitatives lorsque la conjoncture est favorable et plus protectrice lorsque la situation se dégrade.

Baisse du nombre d’ouvertures de droits

Les changements se succèdent si rapidement que de nouvelles règles sont mises en place, sans même que les effets des précédentes soient connus. Le rapport publié mardi répond en partie à cette carence. Ces travaux s’intéressent aux conséquences de la réforme de l’assurance-chômage décidée en 2019 et mise en œuvre par étapes jusqu’à fin 2021, notamment en raison de la crise sanitaire. Les différents décrets pris par le gouvernement ont eu pour conséquence de durcir les conditions d’indemnisation.

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Décarbonation : de la sobriété à l’innovation engagée

Entreprises. En 2024, [la troisième édition de] la stratégie nationale bas carbone, dite « SNBC-3 », devrait demander aux entreprises une intensification de la réduction des émissions de gaz à effet de serre. L’objectif d’une réduction de 35 % en 2030 (par rapport à 2015) déjà fixé à l’industrie devrait ainsi être porté à 50 %…

Cette accélération est-elle réalisable avec les méthodes utilisées jusqu’ici ? Une enquête récente montre que les progrès accomplis reposent principalement sur des efforts de sobriété énergétique, alors que les nouveaux objectifs appellent des innovations plus difficiles (Les Grandes Entreprises sur la voie de la sobriété énergétique, des deux économistes Ahmed Diop et David Lolo, Presses des Mines, « La Fabrique de l’industrie », 2023).

Dans l’industrie, une centaine d’établissements représentent près de 60 % des émissions de gaz à effet de serre directes du secteur. L’enquête conduite dans trente-huit d’entre eux a examiné les plans de transition énergétique et les voies de réduction choisies par les entreprises.

Les résultats montrent que seulement 39 % des sites s’étaient fixé un rythme de réduction qui serait compatible avec l’accélération qui sera demandée. Un autre constat alerte plus encore sur les défis à venir : les voies choisies par les entreprises pourraient avoir atteint leurs limites.

Rationalisation

En effet, sans surprise, les entreprises ont privilégié la sobriété énergétique : c’est-à-dire les méthodes de réduction les plus accessibles. Elles ont toutes optimisé l’éclairage et le chauffage. Une très large majorité a aussi introduit des machines moins énergivores et amélioré le rendement des équipements et des installations.

A ce stade, la contrainte climatique a donc revitalisé et amplifié le levier de la rationalisation énergétique. Une méthode prudente, car elle reste compatible avec des investissements techniquement maîtrisés, financièrement limités (notamment par des aides nationales) et dotés d’une rentabilité minimale.

En revanche, peu d’entreprises ont engagé des modifications importantes des procédés et des sources d’énergie ou expérimenté la capture du carbone. Or, on voit mal comment l’industrie pourrait atteindre en 2030 des objectifs renforcés, sans engager des investissements dans des solutions innovantes, donc plus coûteuses ou plus risquées. A l’instar de ce que connaît déjà l’industrie automobile, la stratégie nationale de décarbonation industrielle devrait donc se confondre avec une stratégie nationale d’innovation.

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Une TPE-PME sur trois concernée par la « trappe à bas salaires »

La « smicardisation », qui se traduit par un tassement des grilles autour du salaire minimum, touche des millions de personnes : le nombre de salariés rémunérés au smic a atteint 3,1 millions début 2023, soit un million de plus que deux ans auparavant. Mais ce phénomène qui frappe les travailleurs modestes devient aussi, et de plus en plus, un sujet de préoccupation pour les chefs d’entreprise.

Lire le décryptage | Article réservé à nos abonnés Comment le smic a rattrapé des millions de salariés

Pour la première fois, le baromètre Bpifrance Le Lab réalisé avec l’institut d’études économiques Rexecode a inclus une question liée aux conséquences de l’indexation automatique du smic sur l’inflation, qui a provoqué ce tassement des grilles salariales, dans son enquête trimestrielle. Dans l’édition du premier trimestre 2024 de cette étude publiée lundi 26 février, réalisé auprès des TPE et PME (comptant de 1 à 250 salariés, et moins de 50 millions d’euros de chiffre d’affaires), près d’un patron sur deux indique avoir constaté ce phénomène au sein de son entreprise.

Parmi eux, un petit quart (22 %) estime être en mesure, dès 2024, de revaloriser les salaires de manière à limiter, voire annuler l’effet de cette hausse automatique du smic sur leur grille salariale. Autrement dit : les personnes qui se sont fait « rattraper » par le smic, car leurs salaires ont évolué moins vite que le salaire minimum, verront leur rémunération augmenter cette année suffisamment pour restaurer l’écart initial avec leurs collègues payés au niveau du smic.

Sentiment de déclassement et d’injustice

Toujours parmi les entreprises concernées, les deux tiers se disent, en revanche, dans l’impossibilité de procéder à de telles augmentations et donc, de compenser le tassement intervenu pendant les deux années écoulées, où l’inflation a été forte. Ils invoquent trois raisons principales : le manque de marges financières – en lien avec la dégradation de la conjoncture, notamment ; le fait qu’augmenter les salaires leur fera perdre des allègements de cotisations patronales, augmentant ainsi fortement le coût du travail pour l’entreprise ; et le fait que ce coût du travail serait alors en décalage avec la productivité des postes concernés.

Ils sont, de fait, confrontés à la situation de « trappe à bas salaires », qui est la conséquence du système français d’allègements de cotisations sociales, notamment au niveau des salaires les plus faibles. « Cela concerne 34 % des entreprises consultées par le baromètre, comptabilise Philippe Mutricy, directeur de l’évaluation des études et de la prospective chez Bpifrance. Dans la mesure où l’on dénombre entre 1,2 et 1,4 million d’entreprises de 1 à 250 salariés en France, ce n’est pas un petit sujet. »

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Casino : le récit d’une faillite collective

Mobilisation de salariés du groupe Casino, à Vitry-sur-Seine (Val-de-Marne), le 14 décembre 2023.

Neuf mois, c’est le temps qu’il a fallu pour solder une épopée entrepreneuriale de plus de trente ans. Lundi 26 février, le tribunal de commerce de Paris a validé le plan de sauvetage accéléré du Groupe Casino, entré en conciliation le 26 mai 2023. Ce feu vert ouvre la voie à la recapitalisation du distributeur, au terme de laquelle le consortium mené par le financier tchèque Daniel Kretinsky deviendra le principal propriétaire de Franprix, de Monoprix ou encore de CDiscount.

Ce sauvetage n’évite pas une casse importante. Des milliers d’emplois au siège de Saint-Etienne ou dans la chaîne logistique restent menacés, après le rachat en urgence des hypermarchés et des supermarchés sous bannière Casino par Intermarché et Auchan. Et les petits porteurs d’actions Casino ont tout perdu. Quelque 8 milliards d’euros de dettes émis par le distributeur et sa maison mère, Rallye, sont partis en fumée.

Un tel gâchis amène à s’interroger sur les responsabilités des uns et des autres dans ce fiasco. Rien ne peut, certes, exonérer Jean-Charles Naouri, actionnaire majoritaire et PDG du groupe, tour à tour bâtisseur et déprédateur de son œuvre. La faute à un endettement excessif qui a fini par tout engloutir, alors que le fondateur s’obstinait à vouloir conserver sa majorité dans Casino. Difficile, toutefois, de se limiter à ce seul coupable.

Trois moments-clés

Le plus troublant dans cette chute annoncée reste la faiblesse des contre-pouvoirs internes et externes face à M. Naouri. Force est de constater que le prestigieux conseil d’administration de Casino, rompu aux « meilleures pratiques de gouvernance », selon le rapport annuel, a failli. Et pourquoi les banques françaises, l’Autorité des marchés financiers (AMF), les commissaires aux comptes, ou encore la justice commerciale, n’ont-ils pas davantage pesé ? Cet attentisme relève-t-il de la connivence, du respect des élites ou d’un manque de courage ? En dix ans, il y a eu trois moments-clés pour l’avenir de Casino et, à chaque fois, le choix collectif a consisté à soutenir mordicus M. Naouri.

Premier avertissement, le 17 décembre 2015 ; le financier américain Carson Block fond sur Casino, dénonçant un surendettement et une communication financière trop optimiste. L’establishment vole au secours de son fleuron français. Des groupes de travail s’improvisent pour élaborer des parades face aux activistes, sans rien trouver de décisif, d’ailleurs. « Les fonds activistes qui détruisent de la valeur doivent être combattus », dira plus tard le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, en référence aux agitateurs qui secouent Casino, mais aussi Pernod Ricard ou SCOR.

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Gabriel Attal veut encore durcir les règles de l’assurance-chômage

Gabriel Attal au deuxième jour du 60e Salon international de l’agriculture, au parc des expositions de la porte de Versailles à Paris, le 25 février 2024.

L’exécutif continue de préparer l’opinion à un nouveau durcissement des règles de l’assurance-chômage. Dans Le Journal du dimanche du 25 février, Gabriel Attal apporte des précisions sur les pistes qui sont à l’étude. La durée d’indemnisation « peut encore » être réduite et « on peut aussi accentuer la dégressivité des allocations », affirme le premier ministre. Rien ne semble arbitré, à ce stade, puisque de telles idées ont vocation à être soumises à des « discussions », dit-il, mais le locataire de Matignon affiche la volonté d’aller vite sur ce dossier.

M. Attal a distillé ces confidences en marge d’un déplacement en Charente-Maritime, le 23 février. Ses propos convergent avec ceux tenus, depuis l’automne 2023, par d’autres représentants du pouvoir en place. A plusieurs reprises, Bruno Le Maire, le ministre de l’économie, a martelé qu’il fallait diminuer la durée de versement de la prestation aux demandeurs d’emploi de plus de 55 ans, afin qu’elle soit alignée sur celle des autres chômeurs. Le 16 janvier, lors de sa conférence de presse à l’Elysée, Emmanuel Macron a exprimé le souhait d’introduire des dispositions « plus sévères quand des offres d’emploi sont refusées ». Enfin, le 30 janvier, pendant sa déclaration de politique générale à l’Assemblée nationale, M. Attal a tenu à prévenir les syndicats et le patronat, qui cogèrent l’assurance-chômage par le biais de l’Unédic : si la trajectoire financière du régime « dévie », il demandera aux partenaires sociaux de rouvrir la réflexion « sur la base d’une nouvelle lettre de cadrage » gouvernementale, dont la finalité serait d’« inciter toujours plus à la reprise du travail, sans tabou ».

L’intervention du premier ministre a provoqué de l’étonnement car les organisations de salariés et d’employeurs ont récemment conclu un accord retouchant les règles du système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Ficelé en novembre 2023, ce compromis s’est traduit par une « convention », qui requiert l’homologation du ministère du travail pour s’appliquer.

Mais le pouvoir en place juge nécessaire de donner un tour de vis. Il s’estime conforté dans cette analyse par les dernières prévisions de l’Unédic, publiées le 20 février : elles montrent que le régime reste dans le vert, mais avec des comptes qui se dégradent un peu. En 2023, l’excédent ne serait plus que de 1,6 milliard d’euros (contre 4,3 milliards en 2022) et se résorberait encore légèrement en 2024 (1,1 milliard). Une tendance liée à deux raisons : la dégradation de la conjoncture économique et le prélèvement réalisé par l’Etat sur les ressources de l’assurance-chômage pour financer le service public de l’emploi et les actions en faveur de la formation (12,05 milliards pour la période 2023-2026).

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« Que sait-on du travail ? » : l’inertie de la conflictualité au travail

En 2019, le taux global de syndicalisation des salariés en France métropolitaine, public et privé confondus, était de 10,1 %. C’est moitié moins qu’en 1975, et cette proportion stagnait depuis la fin des années 1980. La part des syndiqués est même tombée à 7,7 % chez les seuls salariés du privé. Cette perte d’influence des syndicats, qui s’est accompagnée d’une baisse de la conflictualité au travail au XXIe siècle, a-t-elle à voir avec la financiarisation des entreprises ?

C’est précisément la question que se posent les sociologues Pierre François et Théo Voldoire, dans leur contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques, diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr.

Aux Etats-Unis, il est clair que les contre-pouvoirs syndicaux se sont radicalement affaiblis face à des directions d’entreprise animées en fonction des vœux des actionnaires financiers. En France, il serait aisé d’établir un tel parallèle, et d’avancer une offensive victorieuse – et très schématique – du « capital » sur le « travail ». Pour observer s’il y a une revivification de ce conflit dans certains types d’organisation du travail, les auteurs proposent un découpage du « tissu socio-productif » français en trois segments.

Entreprises plutôt familiales, non cotées

Le premier regroupe 20 % des établissements et 45 % des salariés, et concerne majoritairement l’industrie et la finance : il est particulièrement exposé aux dynamiques de financiarisation, car ses entreprises sont souvent présentes à l’international, et l’évolution de l’activité y est difficile à prévoir. La tension y est donc plus grande, ce qui s’exprime aussi par une baisse continue des effectifs et par des réorganisations fréquentes.

Dans ce segment sont surreprésentées les entités où l’on retrouve au moins une instance représentative du personnel et un délégué syndical, et où les taux de syndicalisation sont les plus élevés.

Le deuxième segment concentre essentiellement des PME, notamment dans le secteur du commerce et de la construction. Les entreprises étant plutôt familiales et évoluant à l’échelle locale, elles sont non cotées, et ne sont pas soumises à la même emprise du monde de la finance. La syndicalisation y est faible.

Le troisième segment comprend majoritairement les établissements du secteur médico-social. Les prix sont souvent fixés suivant des règlements, l’activité y est prévisible.

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« Capital contre travail : le retour ? »

[Comment les salariés réagissent-ils à l’irruption de logiques actionnariales dans leurs entreprises ? Pierre François est sociologue et directeur de recherche au CNRS, au Centre de sociologie des organisations. Il utilise les outils de la sociologie économique pour rendre compte des transformations du capitalisme contemporain, et en particulier de ses dynamiques de financiarisation. Il travaille plus spécifiquement sur les grandes entreprises françaises et sur leurs dirigeants. Il codirige la chaire PARI (programme de recherche sur l’appréhension des risques et des incertitudes), qui analyse les transformations du monde assurantiel européen. Il a récemment publié une Sociologie historique du capitalisme, avec Claire Lemercier, à La Découverte (2021) et Financiariser l’assurance, aux Presses de Sciences Po (2021). Théo Voldoire est mathématicien, statisticien et sociologue en formation, étudiant en master à l’université Paris-Dauphine, Sciences Po et l’ENS Ulm. Ses travaux méthodologiques portent sur l’inférence écologique et l’imputation de données manquantes, l’inférence causale sur des effets hétérogènes et l’analyse statistique de séquences. Il réalise des applications en sociologie économique, sociologie des organisations et sciences politiques, et travaille en particulier sur l’effet des restructurations de l’actionnariat des sociétés sur la trajectoire d’emploi de leurs salariés.]

A-t-on assisté, au cours des quarante dernières années, à une nouvelle phase de l’affrontement du capital et du travail ? Si l’on s’intéresse à la situation aux Etats-Unis, la réponse est sans ambiguïté positive, et l’issue de cet affrontement est très favorable au capital.

D’un côté, en effet, le pouvoir du capital s’est spectaculairement réaffirmé, comme en témoigne la montée en puissance des acteurs financiers, et notamment des investisseurs institutionnels, dans l’actionnariat des plus grandes entreprises, ou celle des dirigeants issus des fonctions financières dans la direction exécutive des groupes (Michael Useem, 1996 ; Dirk M. Zorn, 2004).

Le partage de la valeur s’est lui aussi profondément modifié, et les actionnaires (et les dirigeants) en captent une part sensiblement accrue (William Lazonick et Mary O’Sullivan, 2000). Les entreprises, enfin, ont été elles aussi réorganisées dans un sens davantage conforme aux vœux des actionnaires financiers (Gerald Davis et al., 1994), comme en témoigne le mouvement de concentration sur la « compétence centrale » constaté depuis le début des années 1980, qui est l’un des symptômes classiques de la financiarisation des sociétés.

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Quel est le sort des actions gratuites dans une succession ?

Question à un expert

Que deviennent les actions gratuites au décès de leur détenteur ?

Les entreprises attribuent parfois un certain nombre de leurs propres actions à leurs salariés. Ces derniers n’en deviennent propriétaires qu’au terme d’une « période d’acquisition », et ne peuvent les vendre qu’au terme d’une « période de conservation ». Les durées de ces périodes sont fixées par l’entreprise (dans certaines limites).

Si le bénéficiaire de ces actions gratuites (l’« attributaire ») décède pendant la période d’acquisition, ses héritiers peuvent demander l’attribution des actions dans un délai de six mois à compter du décès. L’attribution des actions deviendra définitive au moment de la demande et les héritiers pourront les céder sans avoir à respecter de délai de conservation.

Plus-value purgée par le décès

Dans ce cas de figure, les actions gratuites n’entrent pas dans l’actif successoral taxable du défunt. Les héritiers seront imposés lors de la cession des titres, selon les mêmes règles que celles qui se seraient appliquées au défunt (elles varient selon la date d’attribution des actions), s’ils respectent le délai de conservation. A défaut, l’imposition se fera sans avantage particulier.

En revanche, si l’attributaire meurt après la période d’acquisition des actions gratuites, elles entrent dans l’actif successoral taxable. La plus-value de cession est purgée par le décès. Mais l’obligation de conservation des actions prend fin.

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Le Medef s’oppose à la création d’un compte épargne-temps universel

Patrick Martin, président du Medef, lors d’une conférence avec les syndicats, à Paris, le 16 octobre 2023.

Le message, sans aucune équivoque, peut être résumé en trois mots : « C’est non !  » Vendredi 23 février, le Medef a exprimé tout le mal qu’il pense d’un projet cher à Emmanuel Macron, mais aussi à la CFDT : le compte-épargne temps universel (CETU). La création d’un tel dispositif « n’a pas sa place dans cette discussion », a lancé Hubert Mongon, le représentant de la principale organisation patronale, à l’issue d’une séance de négociations entre partenaires sociaux consacrée au « nouveau pacte de la vie au travail ». Même si elle était attendue, cette position a jeté un froid parmi les protagonistes.

L’idée du CETU, que le gouvernement d’Edouard Philippe avait commencé à explorer en 2020, consiste à permettre des moments de respiration dans la carrière des travailleurs. Elle rejoint une revendication portée depuis un peu plus de cinq ans par la CFDT – avec comme dénomination originelle la « banque des temps ». Le mécanisme envisagé reste à construire mais il peut, très schématiquement, être présenté comme une généralisation des comptes épargne-temps déjà en place, et dont 10 % à 20 % des salariés du privé bénéficient. Alimenté – entre autres – par des jours de congé non consommés, le CETU serait attaché à la personne et non pas à son contrat de travail : elle pourrait l’utiliser à n’importe quel instant de sa vie professionnelle, en piochant dans le capital de droits acquis, même si elle a changé d’employeur.

« Pas une priorité » pour le Medef

Lors de la campagne présidentielle de 2022, M. Macron avait inscrit cette mesure dans son programme. A l’automne 2023, l’exécutif a demandé aux partenaires sociaux d’y réfléchir à l’occasion de la négociation pour le « nouveau pacte », qui s’est ouverte juste avant Noël. Pendant sa déclaration de politique générale prononcée le 30 janvier à l’Assemblée nationale, le premier ministre, Gabriel Attal, a affirmé sa volonté « d’avancer dans [ce] chantier ».

Lire aussi (2023) : Article réservé à nos abonnés Les partenaires sociaux lancent la négociation sur l’emploi des seniors

Mais ce n’est pas du tout le souhait du Medef. Un tel dispositif « est d’une complexité rare » et « n’apparaît pas comme étant une priorité », a martelé M. Mongon, en faisant valoir que les tractations en cours visent à améliorer « le taux d’emploi ». « Nous ne sommes pas preneurs, c’est une embrouille de plus dans l’organisation du travail », a renchéri Eric Chevée, vice-président de la Confédération des petites et moyennes entreprises.

Outre la CFDT, la CFTC est plutôt partante pour défendre le CETU. Les autres syndicats se montrent peu motivés ou militent en faveur d’autres solutions. L’une des questions qui se pose désormais est de savoir si les divergences de vues sur ce dossier peuvent compromettre la conclusion d’un accord, au terme de la négociation – prévu à la fin mars mais susceptible d’être repoussé. Dans l’hypothèse où les discussions seraient infructueuses, le gouvernement pourrait légiférer, sous réserve qu’il tienne son engagement.

La grève à la Tour Eiffel s’enlise

Devant la Tour Eiffel, fermée au public le quatrième jour de grève de son personnel, à Paris le 22 février 2024.

« La mairie se gave, pardon Gustave » : l’esprit des pancartes que l’on peut lire depuis près d’une semaine aux pieds de la dame de fer n’a pas changé. Vendredi 23 février, les salariés de la Société d’exploitation de la Tour Eiffel (SETE) étaient en grève pour un cinquième jour consécutif. Malgré l’ouverture de négociations avec la direction la veille, les présents à l’assemblée générale du matin ont voté la poursuite du mouvement à l’unanimité.

Depuis lundi, l’intersyndicale CGT-FO alerte sur le modèle économique de la société, qu’elle juge insuffisant pour assurer à long terme l’entretien du monument, entre campagne de peinture, rénovation des ascenseurs et remplacement du mécanisme de scintillement de la tour. Cela tient principalement, selon eux, à l’augmentation de la redevance versée chaque année par cette société publique locale à son actionnaire majoritaire (à 99 %), la Ville de Paris, qui doit s’élever à 50 millions d’euros l’an prochain.

Même si cette information était publique depuis la signature en 2016 de la délégation de service public (DSP) qui lie l’entreprise et la collectivité, c’est suite à l’annonce de la signature d’un avenant à ce contrat que les syndicats ont manifesté leur mécontentement.

Des complications

Cet avenant doit être signé car la SETE est en difficulté financière. En l’état, elle ne peut tenir les objectifs énoncés à l’époque (1,9 milliard d’euros de chiffre d’affaires sur la période 2017-2030) sans être déficitaire, et ce pour deux raisons : l’entreprise a perdu 130 millions d’euros de recettes durant les fermetures liées à l’épidémie de Covid-19, et les travaux de rénovation ont connu des complications, qui ont entraîné la perte de 120 millions supplémentaires.

« On a décidé de prolonger d’un an la durée de la DSP pour lisser les investissements et leurs amortissements. Concernant l’entretien de la tour, on relève de 145 millions d’euros le montant de notre plan d’investissement jusqu’à la fin de la période, explique au Monde Jean-François Martins, président de la SETE et conseiller de Paris. En plus d’efforts de gestion, il y a deux leviers pour cela : l’augmentation de 20 % du prix du billet, qui va rapporter 145 millions d’euros d’ici à 2031, et une modification du mode de calcul de la redevance, qui correspond à un effort de 51 millions de la mairie de Paris. Donc cette redevance n’augmente pas, justement. »

La direction de la tour a de nouveau expliqué jeudi aux syndicats cette feuille de route négociée avec la municipalité, sans pour autant toucher aux montants annoncés aux syndicats depuis un mois. La SETE avance que l’Hôtel de Ville touchera donc « entre 31 et 34 millions d’euros » des entrées annuelles de la Tour. Mais il s’agit d’une moyenne sur la période 2017-2031, rétorque Denis Vavassori, délégué syndical CGT, qui insiste : « Ils ne touchent pas aux 50 millions d’euros prévus dès l’année prochaine. »

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