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Amazon revient sur le télétravail, à contre-courant des entreprises françaises

« En observant ces cinq dernières années, nous continuons de penser que les avantages d’être tous ensemble au bureau sont importants », a écrit Andy Jassy, PDG d’Amazon, dans un message interne diffusé lundi 16 septembre. A partir du 2 janvier 2025, les 300 000 employés des services administratifs du géant du e-commerce, qui pouvaient jusqu’alors télétravailler deux jours par semaine (contre trois avant 2023), ne le pourront plus du tout.

« Même nos manageurs n’étaient pas au courant », réagit un salarié français d’une filiale étrangère du groupe. « C’est une mesure drastique, difficile à comprendre sur le plan environnemental et social. Des collègues seniors qui habitent très loin de leur lieu de travail commencent déjà à regarder ailleurs. » « Cela va pousser certains à faire des sacrifices − plus de temps dans les transports, de longues journées − et cela risque de mener à des surmenages encore plus intenses », s’inquiète une autre salariée française, aux Etats-Unis.

Le géant américain n’est pas le seul à serrer la vis sur le travail à distance : début septembre, le cabinet de conseil PwC a enjoint à ses 26 000 salariés au Royaume-Uni de passer au minimum trois jours par semaine au bureau ou chez leurs clients à partir de janvier 2025. Trois jours par semaine au bureau, c’est aussi ce qu’a imposé Ubisoft, l’entreprise de jeux vidéo, à ses 18 000 salariés, mardi 17 septembre.

En France, renégocier sans réduire

Ce recul du télétravail est visible dans les entreprises internationales qui cherchent à réguler une pratique qui s’est approchée, aux Etats-Unis, du 100 % télétravail. En France, la pratique du travail à distance est moins ancienne et s’est surtout formalisée à la suite de la crise sanitaire due au Covid-19, avec des chartes ou des accords d’entreprise. Selon l’Institut national de la statistique et des études économiques, 18,8 % des salariés français ont télétravaillé au moins un jour par semaine en 2023. Deux jours par semaine est le rythme le plus fréquent.

Les entreprises qui avaient signé un accord triennal en 2021 sont pour certaines en train de faire leur bilan et de le renégocier. « Ça n’évolue pas dans une logique de réduction, mais plutôt de pertinence de l’organisation pour mettre fin à un système parfois pas très clair, affirme Benoît Serre, vice-président de l’Association nationale des directeurs des ressources humaines et DRH du Boston Consulting Group. Certaines entreprises interdisent de l’accoler aux vacances, ou attribuent aux salariés un nombre de jours par semestre plutôt que par semaine pour mieux s’organiser. »

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La Fédération des intervenants en risques psychosociaux a recensé près de 250 enquêtes de harcèlement en 2023

247 : c’est le nombre d’enquêtes sur le harcèlement sexuel et moral diligentées en 2023 par des membres de la Fédération des intervenants des risques psychosociaux (Firps) à la demande des directions d’entreprise ou des comités sociaux et économiques (CSE), a révélé le 17 septembre, la fédération qui publiait ce jour son guide des bonnes pratiques pour gérer les situations de harcèlement (« Faire face aux situations de harcèlement. Retours d’expérience, repères méthodologiques et recommandations »).

Tout concourt à l’inflation du phénomène : la médiatisation des affaires qui crée un effet #metoo, les campagnes de prévention qui mettent au jour de nouveaux cas, la mise en place dans les grandes entreprises de cellules d’écoute qui contribue à libérer la parole, sans oublier la loi du 17 janvier 2002 qui a fait entrer le harcèlement moral dans le code du travail.

Plus récemment enfin, le législateur a soutenu cette inflation, analyse François Cochet, le président de la Firps. D’abord, par le plafonnement des indemnités prud’homales (le « barème Macron » de 2017), car il « incite certains plaignants à invoquer le harcèlement » dans la mesure où « sa reconnaissance par le tribunal permet d’échapper au barème ».

Réseau d’alerte

Ensuite, les ordonnances réformant le code du travail ont fusionné et centralisé les instances représentatives du personnel sous prétexte de simplifier le dialogue social.

Mais, ce faisant, « certaines entreprises ont été privées d’un réseau d’alerte au plus près du terrain ». Composé de délégués du personnel sur site, ce réseau faisait remonter les problèmes aux services des ressources humaines qui pouvaient intervenir avant que les choses ne s’enveniment. Les DRH doivent désormais s’en passer, tout comme des responsables RH de proximité dont le nombre a été, par ailleurs, réduit chez certains employeurs.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés « La notion de harcèlement moral s’est galvaudée avec le temps »

Conséquence de cette double attrition, selon la Firps ? Les organisations n’ont plus les moyens de traiter dès leur émergence les difficultés exprimées par les salariés ou les manageurs. « Or l’absence de solutions rapides aggrave des difficultés parfois mineures et les revendications qui en découlent finissent par s’exprimer avec le vocabulaire du harcèlement », poursuit François Cochet.

Dans ce contexte, la Firps entend avec son guide aider les parties prenantes (employeurs et représentants du personnel) à affronter des situations de harcèlement plus nombreuses et complexes.

Des entretiens de qualification

Les employeurs doivent en effet prendre garde à ne pas lancer prématurément d’enquêtes ciblées. « Un harcèlement peut en fait renvoyer à d’autres problèmes liés au management, à l’organisation du travail, à des conflits interpersonnels… », rappelle Isabelle Tarty, vice-présidente de la Firps. Les trois quarts des demandes d’enquêtes qui leur sont faites ne réunissent pas les critères constitutifs du harcèlement sur le plan juridique (répétition, impact sur la santé, atteinte à la dignité…).

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« Il est encore possible de transformer les hôpitaux en des lieux attractifs où il fait bon travailler »

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS), il manquerait en Europe quelque 1,8 million de professionnels de santé. Une pénurie alarmante, qui affecte non seulement la qualité des soins mais aussi la satisfaction et la rétention des équipes médicales et soignantes.

De fait, les établissements de santé européens sont aujourd’hui à la croisée des chemins, pour ne pas dire à un point de rupture… et ce n’est pas seulement une question de financement.

L’étude menée récemment par BearingPoint dans six pays européens auprès de directeurs d’établissements et d’un panel de trois cents professionnels de santé le confirme : le problème réside aussi dans des organisations et une culture managériale souvent obsolètes qui doivent être reconsidérées, tant elles s’avèrent incapables d’attirer et de retenir les jeunes professionnels de santé.

Même les étudiants animés d’une forte vocation hésitent désormais à s’engager dans des études longues et exigeantes, et redoutent de se retrouver dans des structures où la charge de travail est écrasante et les méthodes de management archaïques.

Engagement et autonomie

Pourtant, des solutions existent, qui ont déjà prouvé leur efficacité. Au vu des enjeux, il est donc grand temps de s’inspirer de ces initiatives pour transformer nos hôpitaux en profondeur.

En France, le centre hospitalier de Valenciennes (Nord) implique désormais les pôles et services médicaux dans 90 % des processus de gestion de l’établissement, avec pour effet de renforcer leur engagement et leur autonomie. De fait, longtemps frustrés par un management jugé trop centralisé, les professionnels de santé trouvent dans cette nouvelle approche l’opportunité de participer activement aux décisions qui affectent leur travail au quotidien, comme des recrutements ou des achats.

Ce modèle de gouvernance décentralisé répond donc mieux aux besoins des patients tout en valorisant les compétences du corps médical et soignant, avec à la clé un environnement de travail plus motivant et collaboratif. Cela semble une évidence, mais ce qui devrait être la règle fait encore figure d’exception.

La collaboration avec les patients reste aussi clé dans l’amélioration de l’engagement des professionnels de santé, car elle permet d’assurer un bon alignement entre leurs valeurs et la culture de l’organisation.

Equilibre entre vies professionnelle et privée

Ainsi, les Hôpitaux universitaires de Genève ont mis en place le « programme 3P » (Patients, Professionnels et Grand Public) pour développer une culture partenariale dans l’ensemble des projets de transformation organisationnelle et technologique. Le projet place le patient au cœur des innovations de l’établissement. Il se sent alors pleinement acteur de son parcours de soins, et les soignants trouvent là un sens renouvelé à leur mission.

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Qui sont les « slasheurs-cueilleurs », qui alternent réunion Teams le matin et récolte de courgettes l’après-midi ?

Une fois retrouvée la routine du bureau, il arrive que l’on se sente comme un plant de tomates en mal de photosynthèse. Ce qui nous manque, même confusément, ce n’est pas tant le farniente et le spritz de 16 heures que le contact avec la nature, ce sentiment de faire partie d’un tout vibrant que les univers climatisés rendent parfois difficile à éprouver. On se plaît alors à rêver, en se disant que l’on se lancerait bien dans le maraîchage ou l’élevage de chèvres. Mais, par peur de lâcher son douillet CDI, on finit par réorienter fissa ses préoccupations nourricières vers la cantine (de toute façon, c’est trop short pour espérer faire pousser un panais d’ici à 12 h 45).

La vie dans le tertiaire repose sur une abstraction cardinale du rapport à la subsistance : pendant que l’on travaille pour gagner sa vie (métaphoriquement, s’entend), on délègue à d’autres le soin de s’occuper des moyens concrets permettant de maintenir à flot nos variables physiologiques. Cette répartition des tâches est aujourd’hui remise en cause par un certain nombre de jeunes actifs. Ils veulent à la fois la visio de 11 heures (pour découvrir quel fond d’écran Martin a choisi) et cueillir la courgette de 17 heures (parce qu’il est bon de savoir ce qu’on mange : « Ce soir, ratatouille bio !  »).

Un site lancé en 2024, qui recense et encourage ce type d’expérience, a trouvé une terminologie charmante pour qualifier ces profils émergents : les « slasheurs-cueilleurs ». Référence à nos ancêtres chasseurs-cueilleurs et aux slasheurs, qui exercent plusieurs activités professionnelles en même temps. Adepte du planning hybride, les slasheurs-cueilleurs ont pour particularité d’avoir un pied aux champs, un pied dans le tertiaire. Ils sont maraîcher/banquier ; vigneron/consultant en stratégie ; éleveuse/rédactrice freelance…

Eleveuse de poules et rédactrice Web

Comme il l’expliquait récemment au Parisien, c’est en constatant que de nombreux agriculteurs ont une activité parallèle que Julien Maudet, jeune polytechnicien travaillant dans le conseil et investi une partie de la semaine dans un projet de cidrerie, a eu l’idée, avec Nicolas Baleynaud et Lola Dubois, d’encourager la démarche inverse en lançant le site Slasheurs-cueilleurs.fr. Objectif : aider les actifs du tertiaire à embrasser une activité agricole en leur proposant des ressources (suggestion de formations, conception d’un projet professionnel hybride, etc.) et en mettant en lumière l’expérience de ceux qui s’y sont essayés.

Comme Cécile Cardeillac, éleveuse de poules pondeuses dans le Gers et rédactrice Web en télétravail. « Votre site Web est en friche ? Confiez-moi la rédaction de vos contenus ! (Garantis sans coquilles) », propose-t-elle, avec humour, sur son profil LinkedIn. Ici, l’activité de service permet d’amortir les chocs inhérents à l’élevage, comme lorsque la grippe aviaire vient plomber le cheptel, et de tempérer une activité agricole parfois dure et peu rémunératrice. Quant aux 600 pondeuses, elles exigent un soin qui invite à relativiser les urgences artificielles de nos mondes numériques : « C’est le vivant », témoigne Cécile, comme pour résumer une nécessité de se réancrer.

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Plongée dans la foule anonyme des dépôts de bilan : « Le plus dur est d’avouer notre échec »

Dans la brasserie du restaurant gastronomique Marius, en procédure de sauvegarde, à Pornic (Loire-Atlantique), le 11 septembre 2024.

« Je n’ai plus rien pour vivre, j’y ai investi beaucoup d’argent personnel », se tourmente Virgile Mulac. Pour l’entrepreneur de 44 ans, le couperet est tombé le 31 juillet : sa start-up, Sysalp, spécialisée dans la construction de distributeurs de vrac et vieille de deux ans, a été placée en liquidation judiciaire par le tribunal de commerce de Grenoble. Depuis, le fondateur vit « sur [ses] économies » et doit « trouver un travail en urgence ».

Ses machines de vrac censées être installées dans les magasins de la grande distribution n’ont pas eu le succès escompté. « L’inflation a tout ruiné, les consommateurs ont délaissé le bio et le vrac. Forcément, les grandes enseignes ne nous commandaient pas de produits », explique M. Mulac. Alors qu’il a réalisé 115 000 euros de chiffre d’affaires en 2023, grâce à ses premiers essais en magasin, la start-up n’a généré « quasiment aucun revenu en 2024 ».

En juin, il tente de faire appel à des investisseurs, sans succès, la période estivale étant peu propice aux levées de fonds. S’il a fait le « deuil de ce qu’aurait pu devenir l’entreprise », il espère que Sysalp trouvera un repreneur rapidement.

Une « conjoncture ralentie »

Comme cette start-up, ce sont 5 800 sociétés qui ont été déclarées en cessation de paiements en juillet, c’est-à-dire dans l’incapacité de rembourser leurs dettes. Les défaillances ont augmenté de 25,2 % sur un an, d’après les données de la Banque de France. « C’est le mois de juillet le plus lourd de notre histoire », affirme Thierry Millon, directeur des études du cabinet Altares.

Et la vague ne fait qu’enfler depuis des mois. En août, le nombre de défaillances était encore en hausse de 23,8 % sur un an et de 6 % par rapport à la moyenne enregistrée entre 2010 et 2019, selon de la Banque de France. Et, sur un an, le nombre grimpe à 62 893 entreprises.

Selon Altares, « trois quarts des défauts » concernent des structures de moins de trois salariés, mais le phénomène s’accélère dans les entreprises de l’échelon supérieur. Les défaillances « augmentent deux fois plus vite que la moyenne » pour les petites et moyennes entreprises (PME) de 50 à 99 employés. En cause, selon le cabinet, une « conjoncture ralentie » et un « rattrapage d’une partie des défauts évités pendant la crise sanitaire ». L’accumulation des confinements et des crises inflationniste et immobilière ont fragilisé les plus petites sociétés, laissant plusieurs milliers de salariés sur le carreau.

Lire aussi le décryptage | Article réservé à nos abonnés Les entreprises françaises en difficulté, des emplois menacés

Le bâtiment et l’immobilier sont les secteurs les plus touchés par les défaillances. Au deuxième trimestre, 4 350 entreprises de construction ont été placées en redressement judiciaire (poursuite d’une activité possible) ou en liquidation judiciaire (fin totale de l’activité). Au 30 juin, 30 000 salariés ont perdu leur travail depuis le début de l’année. « Le nombre de permis de construire a chuté de 30 % en trois ans, c’est dramatique », se désole Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment (FFB). La hausse des « prix de l’énergie » et des « taux des crédits » ont fortement « handicapé » le secteur, notamment dans la construction de logements neufs.

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Entreprises : les délais de paiement s’allongent, les trésoreries se tendent

Dans une entreprise de textile française, à Rupt-sur-Moselle (Vosges), le 12 mars 2024.

La crise inflationniste à peine estompée, de nouveaux motifs d’inquiétude émergent pour les patrons de TPE-PME. L’affaiblissement de la demande est désormais leur première préoccupation, indique l’enquête trimestrielle réalisée auprès d’un millier d’entreprises par Bpifrance et Rexecode, publiée lundi 16 septembre. Les incertitudes politiques, qui persistent depuis maintenant près de trois mois, conduisent les chefs d’entreprise à une grande prudence dans leurs décisions : un dirigeant sur deux a annulé ou reporté des projets d’investissement ou d’embauche, selon cette enquête. Et seulement une petite moitié (46 %) dit avoir investi ou envisage de le faire d’ici à la fin de l’année : c’est onze points de moins qu’il y a un an.

Dans le même temps, les trésoreries, sans décrocher véritablement, se tendent. Les difficultés proviennent notamment de l’allongement des délais de paiement. En l’espace d’un an, ils sont passés à 12,9 jours, soit quasiment une journée de plus qu’il y a un an, selon les données publiées, mercredi 18 septembre, par le cabinet Altares. Ce délai est un peu réduit dans le secteur privé (12,5 jours) mais dépasse 13 jours dans le public, les plus mauvais payeurs se trouvant parmi les hôpitaux et les services déconcentrés de l’Etat.

Au total, moins d’une entreprise sur deux en France paie ses fournisseurs à l’heure. Ces retards, commente Thierry Millon, directeur des études Altares, « privent fournisseurs et sous-traitants de l’indispensable cash pour investir, et parfois pour simplement tenir », comme en témoigne la hausse des défaillances.

« Un certain attentisme »

« Les perspectives négatives concernant le comportement de paiement des clients s’inscrivent dans un contexte d’anticipations économiques relativement pessimistes », analyse l’assureur-crédit Coface, qui publiait également, mercredi, sa propre enquête sur les comportements de paiement en France. « Quelle que soit leur taille, les entreprises interrogées s’attendent largement à une dégradation ou, au mieux, à un maintien de l’activité en France et dans le monde. »

Dans ses projections macroéconomiques publiées mardi 17 septembre, la Banque de France, en effet, ne voit guère venir de sursaut de l’activité. « L’économie française résiste avec une croissance un peu supérieure à 1 %, mais nous ne voyons pas encore une reprise nette, résume le gouverneur François Villeroy de Galhau, dans un entretien au journal Le Parisien. Il y a un certain attentisme aussi bien des ménages que des entreprises qui tient à l’incertitude autour du contexte politique et international. »

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Les emplois verts sont-ils les « sales boulots » de demain ?

« Les métiers de l’économie verte sont souvent vendus comme étant des métiers vertueux, bons pour la protection de l’environnement, pour la croissance économique et offrant de meilleures conditions de travail à ceux qui les exercent, explique Nathalie Havet, professeure d’économie à l’Ecole nationale des travaux publics d’Etat. Or, nous avons été surpris par des écarts importants sur les conditions de travail entre les professions de ce secteur et celles d’autres pans de l’économie, notamment en ce qui concerne la manutention ou l’exposition aux vibrations mécaniques », poursuit celle qui est aussi coautrice de l’étude de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) « La pénibilité au travail dans les professions de l’économie verte » de juillet 2023.

Les salariés de l’économie verte sont ainsi davantage exposés à des facteurs de pénibilité : ils sont 67 % dans ce cas, contre 60 % de l’ensemble des salariés français. Ils souffrent plus de contraintes physiques marquées (57 % contre 47 %), en particulier de postures pénibles (52 % contre 43 %) et d’exposition à un environnement physique agressif, notamment à des agents cancérogènes, mutagènes ou reprotoxiques (23 % contre 7,5 %) et aux nuisances sonores (16 % contre 8 %). En revanche, ils subissent moins de rythmes de travail atypiques (travail posté, travail répétitif).

« Le métier est très physique », témoigne Laurent C., 33 ans, chargé de projet sites et sols pollués au sein d’une société spécialisée dans la réhabilitation de sites. Il travaille en particulier sur le diagnostic de sites appartenant à la catégorie « installation classée pour la protection de l’environnement ». « Les deux principaux facteurs de pénibilité sont les postures, puisque nous travaillons au niveau du sol, et le port de charges, notamment pour le forage, où le matériel nécessaire est très lourd, explique-t-il. Des conditions qui s’ajoutent à des salaires faibles et qui font que le secteur a beaucoup de mal à recruter. De plus, l’évolution de carrière reste compliquée. »

Des différences importantes

Le Commissariat général au développement durable regroupe en « emplois verts » les métiers de l’assainissement et du traitement des déchets, du traitement de la pollution, de la production et de la distribution d’énergie et d’eau ainsi que de la protection de la nature. Tandis que les métiers dits « verdissants » n’ont pas une finalité directement environnementale. Ils sont amenés à prendre en compte les enjeux de l’environnement : transports, construction, tourisme…

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Que fait-on du travail ? : « Il est essentiel d’associer les salariés aux décisions sur le travail, y compris sa finalité, mais on n’est pas dans la cogestion »

Dans le cadre du projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire d’évaluation des politiques publiques de Sciences Po (Liepp), des chercheurs ont analysé les maux du travail et leurs origines dans une série de textes publiés par Le Monde tout au long de l’année. Pour « travailler mieux », ces mêmes chercheurs ont avancé quelques pistes d’actions. Dans une deuxième série « Que fait-on du travail ? », qui décryptera sur plusieurs mois ce qui est fait du travail, nous avons interrogé des dirigeants d’entreprise sur ce qu’ils pensent des propositions des chercheurs et s’ils les appliqueraient. Cet entretien ouvre le premier épisode de la série.

Le premier sujet abordé est celui de la perte de sens au travail, ses liens avec le management, en particulier avec la non-participation des salariés aux décisions qui concernent leur travail, analysé par les économistes Thomas Coutrot et Coralie Perez. Leurs recommandations ? Redonner aux salariés le pouvoir d’agir sur leur travail en faisant de leur parole un levier de transformation.

En tant que directeur général de la MAIF et coprésident du Mouvement Impact France, Pascal Demurger, qu’en pensez-vous ?

Sur la question du sens au travail, je suis 100 % d’accord avec ces chercheurs. Redonner la parole aux salariés comme levier de transformation pour redonner du sens au travail est essentiel. Le sujet du travail est un angle mort du débat public. On parle rarement des modalités du travail. Or, il y a vraiment du sens autour de l’objet même du travail et ça peut aller au-delà si l’entreprise propose une mission plus large de nature plutôt sociétale.

Ce premier sujet, le sens du travail, est fondamental sur la valorisation, y compris la valorisation par le salarié lui-même de la fonction qu’il exerce. Ça passe par la compréhension de sa contribution personnelle dans l’atteinte de l’objectif global de l’entreprise, au-delà de la simple création de bénéfices. Le second point consiste à montrer à chaque collaborateur que l’entreprise lui fait confiance dans l’exécution de son travail, et donc à ne pas l’enfermer dans un process établi par le haut, comme un script de téléconseiller par exemple, mais lui laisser une marge de manœuvre relativement importante, une capacité de jugement et d’adaptation en fonction des circonstances.

Avec la considération des salariés, ce sont les trois conditions pour que le travail soit épanouissant. Les collaborateurs donnent alors le meilleur d’eux-mêmes et on crée de la performance pour l’entreprise. L’employeur a une obligation morale au-delà de sa responsabilité légale de préserver la santé physique et mentale des salariés. Quand on a la responsabilité du bien-être des personnes qui nous entourent, on ne peut pas ne rien en faire.

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Thales Alenia Space veut supprimer 980 postes en France, les salariés mobilisés

Rassemblement des salariés de Thales Alenia Space sur le site de Toulouse, mardi 17 septembre 2024.

Entré chez Thales Alenia Space (TAS) en 1996, Guilhem Ganivet, syndicaliste Force ouvrière, n’a pas souvenir d’avoir connu un plan de restructuration d’une telle ampleur. « C’est inédit et l’heure est grave », se navre ce technicien, micro à la main, devant 700 salariés rassemblés à l’appel d’une intersyndicale FO, CFE-CGC, CFDT, CGT, sur le terre-plein à l’entrée de l’usine toulousaine, mardi 17 septembre. « Ce plan est débile et incohérent car notre charge de travail est établie jusqu’à la fin 2025. On réclame son arrêt pur et simple et on ne lâchera rien. »

Le secrétaire FO du conseil social et économique (CSE) à Toulouse ne manie pas la langue de bois pour qualifier le « plan d’adaptation » de la coentreprise détenue par Thales (67 %) et Leonardo (33 %), spécialisée dans la fabrication de satellites et de segments sol. Elle prévoit, sur une période allant de 2023 à 2025, de supprimer 1 237 emplois en Europe, dont 980 postes en France.

Le site de Toulouse, siège social de la branche française spécialisé dans la fabrication de charges utiles de télécommunication, est particulièrement concerné, avec la perte de 650 emplois sur un total de 2 700 personnes.

À des kilomètres de la ville rose, 600 salariés se sont réunis sur l’autre site français de TAS, à Cannes (Alpes-Maritimes). Dédié à l’assemblage, l’intégration et aux tests des satellites de télécommunication et d’observation, l’usine perd 330 postes sur 1 800. « Les personnes concernées par la suppression des postes seront redéployées dans le groupe Thales. Et il n’y a donc pas de perte d’emploi », affirme la direction au Monde. « L’objectif est que l’entreprise soit profitable et compétitive à moyen terme dans le domaine des télécommunications. »

Tassement des commandes mondiales

Cécile Larue n’est pas convaincue. « L’entreprise liquide les compétences », déplore cette ingénieure système venue au rassemblement « pour constater les dégâts ». « Sauf que dans le spatial, les métiers, en grande partie, sont spécifiques sur des cycles longs. On ne forme pas les gens en quinze jours. »

Sur le marché très concurrentiel des satellites de communication géostationnaires civils, les commandes mondiales se tassent. « Avant il y avait une vingtaine d’appels d’offres par an. Or, depuis trois ans, il n’y en a que dix, pas plus », explique l’entreprise pour justifier le plan. Conséquence : en 2022, elle a remporté six appels d’offres, en 2023, aucun et en 2024, un seul.

A cette raison s’en ajoutent deux autres, selon le groupe : les satellites nouvelle génération − numériques −, reconfigurables en orbite, nécessitent moins de ​main-d’œuvre et des difficultés technologiques ont retardé leur développement. Les syndicats, eux, relativisent. « Il ne faut pas mélanger les aspects mais les traiter de façon disjointes », préconise Fabrice Rialet, délégué central CFE-CGC. « Et, avant tout, il faut établir une stratégie et une vision sur un marché en pleine croissance », propose ce responsable d’appels d’offres et de projet.

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De la salle des machines de l’Etat jusqu’au manageur

Droit social. Quand un ancien directeur général du travail pendant treize ans, devenu président de la section du contentieux au Conseil d’Etat et enfin directeur de cabinet du garde des sceaux puis d’une première ministre, prend la plume pour évoquer, sans termes savants ni impressionnant salto juridique arrière, Les Normes à l’assaut de la démocratie (Odile Jacob, 208 pages, 22,90 euros), on écoute Jean-Denis Combrexelle. A fortiori à l’aube de la XVIIe législature de la Ve République, dans notre pays fracturé où un changement politique doit nécessairement se traduire par un bouleversement législatif.

Si la règle de droit est la base de « l’Etat de droit », ses filets de plus en plus nombreux (nationaux et internationaux), avec des mailles de plus en plus serrées, ne risquent-ils pas d’étouffer nos démocraties ? Car « le droit a pris une importance démesurée dans l’action administrative, masquant souvent une forme de conformisme et de refus culturel de la réforme, et du changement », écrit M. Combrexelle.

Sujet concernant directement les entreprises, mais aussi le manageur de proximité, cet usager du dernier kilomètre de la norme. Ou plutôt de normes proliférantes, car si nul n’est censé ignorer la loi, nul n’est désormais censé ignorer la jurisprudence, française et communautaire. Sans oublier certaines autorités administratives devenues tellement « indépendantes » qu’elles édictent leurs propres règles.

Un problème chronique

Mais l’auteur s’intéresse heureusement moins au vieux marronnier de l’inflation des normes (commune à tous les pays développés) qu’aux spécificités françaises dans la conception de celles-ci. Evitant clichés, puis « yaka » et autres « faukon », il nous invite dans la salle des machines. Pour suivre, par exemple, l’itinéraire d’un projet de loi avec ses huit étapes, dont les réunions interministérielles (RIM), où chaque ministère fait état de ses graves préoccupations, puis l’avis de multiples instances consultatives, où chaque lobby veut tout préciser.

Enfin, le Parlement, qui, « tel Janus, a deux faces : tout en contestant l’afflux de normes au nom de la protection de cité civile qu’il est censé représenter, il amoncelle en réalité les lois et les normes », écrit-il. Car les parlementaires ont « une vision normative et législative de l’action publique ». Une loi nouvelle étant aussi plus médiatique que le dernier paragraphe du même article 24 de la Constitution (« Le Parlement évalue les politiques publiques »). Ce qui pourrait l’amener à réfléchir sur sa soif de légiférer.

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