Archive dans 2024

Oublier les salariés aidants coûte cher

Quelle entreprise peut négliger sans risque un quart de ses salariés ? A priori aucune. La question des « salariés aidants » est donc prioritaire. Pas seulement le 6 octobre pour leur journée nationale qui rappelle l’instauration en octobre 2020 du premier congé de proche aidant rémunéré, mais parce que d’ici à 2030 ils représenteront 25 % des actifs, selon l’étude 2024 de l’Organisme commun des institutions de rente et de prévoyance (Ocirp) publiée jeudi 3 octobre. Un salarié sur quatre qui devra alors jongler entre les rendez-vous médicaux et les tracasseries administratives pour un proche, et son travail.

Pour les entreprises, c’est une bombe à retardement. Elles ont déjà une vague idée du coût de l’absentéisme, mais il existe aussi les coûts liés à la baisse de productivité des salariés aidants qui sont là sans être là, qui perdent en efficacité à cause de la fatigue et de la charge mentale, mais ne se déclarent pas.

L’économiste Nathalie Chusseau, chercheuse associée à la chaire Transitions démographiques, transitions économiques (TDTE), professeure à l’université de Lille, estime que « l’ensemble des coûts cachés pour les entreprises [du secteur privé] – coûts directs : principalement absentéisme, et coûts indirects : présentéisme – s’élèvent à 24 milliards d’euros par an, fourchette basse, et 31 milliards d’euros par an, fourchette haute ». A l’échelle d’une seule entreprise de cent salariés, elle évalue les coûts cachés « à plus de 10 % de la masse salariale ».

Un frein à l’évolution professionnelle

Or l’augmentation du nombre de salariés qui gèrent simultanément leurs parents ou enfants en perte d’autonomie et leur vie professionnelle se poursuit : l’âge moyen d’entrée dans l’aidance baisse d’année en année. De 39 ans en 2021, il est passé à 33 ans en 2024. Le coût pour les entreprises va donc s’envoler, à moins de changer d’approche en se penchant d’abord sur la question de l’identification des salariés aidants puis sur la nature des aides.

63 % des aidants interrogés par l’Ocirp disent ne pas avoir informé leur employeur de leur situation. Et pour cause : 65 % des DRH reconnaissent que c’est un frein à l’évolution professionnelle. « Quand le salarié redoute une discrimination à l’emploi ou d’être écarté des augmentations salariales ou d’une évolution professionnelle, il ne se déclare pas. L’employeur n’a alors pas d’autre moyen d’identifier les aidants que l’observation », explique Marie-Anne Montchamp, la directrice générale de l’Ocirp.

La Poste, qui est le premier employeur d’aidants en France, avec 5 200 salariés aidants en 2023, a en partie résolu le problème par un gros travail de communication et par la mise en place d’un guichet des aidants : « La crainte d’être stigmatisé est amoindrie, car ça ne passe pas par le manageur », explique Aline Guerard, déléguée CFDT La Poste et signataire avec toutes les organisations syndicales du dernier accord qui a introduit, entre autres, de nouvelles autorisations spéciales d’absence.

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Au boulot, pratiquez-vous le déjeuner-smartphone ?

En entreprise, déjeuner seul à la cantine est généralement un signal négatif envoyé au collectif. Même si ce n’est pas forcément vrai, cela laisse entendre que vous n’êtes pas assez désirable pour trouver un ou une partenaire de mastication. Dans un monde où les rumeurs vont bon train, il n’en faut pas plus pour vous prêter des penchants asociaux, une haleine de chacal ou une conversation ennuyeuse. Néanmoins, cette norme est aujourd’hui remise en question. Si j’en crois ma propre entreprise (et ma planque incognito à côté des fontaines à eau), de plus en plus de gens pratiquent une nouvelle activité décomplexée et solitaire : le déjeuner-smartphone.

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Les yeux dans les yeux avec l’écran de leur iPhone SE adoré ou de leur Samsung Galaxy chéri, ces isolationnistes dégustent leur chili sin carne en scrollant des vidéos absurdes (oui, ce panda qui s’attaque à sa soigneuse et manque de la boulotter) ou en compulsant des e-mails en retard (absurdes également, dans leur grande majorité). D’après la dernière enquête Flashs-Selvitys-Openeat, publiée en avril, 18 % des salariés déclarent déjeuner seuls sur leur lieu de travail.

Si le déjeuner-smartphone est une activité risquée (votre écran est-il vraiment vinaigrette-proof ?), il n’est plus générateur d’un infamant stigmate social et s’inscrit dans une sorte de nouvelle normalité où le mobile vient s’insinuer dans chaque moment de vie. D’après une étude de l’institut Kantar en partenariat avec Amora datant de 2019, un tiers des Français utilisent systématiquement leur smartphone durant les repas, chiffre qui monte à 50 % pour les 18-34 ans. En entreprise, l’appareil et ses notifications viennent souvent interrompre les débats entre collègues. Quelqu’un avec qui vous discutiez à table peut alors s’abstraire soudainement des échanges pour s’évader vers les contrées numériques. Mais de la perturbation de l’interaction à la substitution de l’interlocuteur, il n’y a qu’un pas… vite franchi.

Un quasi-sujet

Qu’il serve à regarder une série, à consulter son compte LinkedIn ou à vérifier grâce à la caméra que l’on n’a pas une feuille de salade coincée entre les dents, le smartphone, depuis que tout est mis en œuvre pour l’anthropomorphiser, n’est plus un simple objet mais un quasi-sujet, partenaire de déjeuner potentiel concurrençant avantageusement votre collègue moulin à paroles (lequel ne possède pas de mode « silencieux »). Pratiquer le déjeuner-smartphone, c’est donc réussir la prouesse presque quantique de déjeuner avec quelqu’un tout en ne déjeunant qu’avec soi-même (la preuve, votre nouveau partenaire ne tentera jamais de vous taxer une frite).

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Le secteur public à l’origine de 75 % des créations d’emplois depuis un an

A l’hôpital de la Croix-Rousse, à Lyon, le 26 septembre 2023.

La bonne santé du marché du travail va-t-elle résister aux coupes budgétaires à venir ? Ce n’est pas certain. Et pour cause : depuis un an, trois emplois créés sur quatre sont des emplois publics. Entre mi-2023 et mi-2024, le secteur public est ainsi à l’origine de 95 000 nouveaux emplois (+ 1,2 %), sur un total − public et privé confondus − de 129 000, selon l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee).

« Malgré un effectif bien moindre [on dénombre 21 millions de salariés dans le privé pour 6 millions dans le public, au deuxième trimestre 2024], l’emploi de la fonction publique contribue au moins aussi fortement à la croissance d’ensemble sur un an que le privé », résume Vladimir Passeron, chef du département de l’emploi et des revenus d’activité à l’Insee. « L’emploi public n’a jamais été aussi dynamique, depuis l’élection d’Emmanuel Macron en 2017 », observe Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision à l’Observatoire français des conjonctures économiques.

Sur les deux années 2021 et 2022, le rythme de progression était plus modéré (respectivement + 0,4 % et + 0,3 %). Si les données détaillées ne sont pas encore disponibles pour 2023, les chiffres de l’Insee montrent que les effectifs ont davantage augmenté en 2022 dans la fonction publique d’Etat (+ 0,6 %) que dans la fonction publique hospitalière (+ 0,1 % ) ou les collectivités locales (stabilité).

Autre point notable : les embauches se font essentiellement de manière contractuelle, et non statutaire, parfois avec des CDD très courts. Et plus d’un agent sur cinq travaillant dans le public est désormais contractuel.

Coup de frein dans le privé

Dans un contexte de dérapage des déficits, cette hausse des effectifs dans le public « peut alerter, estime Stéphane Colliac, économiste chez BNP Paribas. Mais il faut d’abord voir pour quels besoins ces emplois ont été créés. Après le Covid-19, on a changé de perspectives et créé beaucoup de postes dans la santé ou l’éducation ». A l’été 2020, après la crise sanitaire due au Covid-19, le Ségur de la santé s’était notamment traduit par 15 000 recrutements à l’hôpital. La hausse des effectifs s’explique aussi, souligne M. Passeron, par le fait que les seniors restent plus longtemps en poste en raison de la réforme des retraites.

Reste que la dynamique relative de l’emploi public provient aussi du coup de frein apparu dans le secteur privé. Depuis l’été, l’emploi ne progresse plus guère, et a même légèrement reculé dans l’intérim et la construction. « L’emploi privé est plus lié à la conjoncture que le public, et il pique donc du nez davantage » alors que la croissance faiblit, explique M. Colliac.

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Les leçons de management du secteur public au privé… et inversement

Après seulement une semaine dans son entreprise, Arnaud (prénom d’emprunt), conseiller ministériel jusqu’en janvier et désormais chargé de développement dans le privé, peste de devoir remplir une multitude de tableaux pour justifier le temps passé à telle ou telle tâche. Au sein de son ministère, il jouissait d’une liberté d’action qu’il ne parvient pas à retrouver dans son nouvel emploi. « Le monde de l’entreprise, c’est tout un univers que je découvre », reconnaît-il après avoir multiplié les postes en cabinet.

Deux univers qui se regardent en chiens de faïence. D’un côté, le secteur privé estime que les fonctionnaires sont peu performants, de l’autre, la fonction publique juge les entreprises obnubilées par la recherche de profits. D’ailleurs, en dehors des hauts postes, et même si la tendance s’inverse légèrement, les mouvements de l’un vers l’autre restent rares. Si les deux répondent à des logiques parfois opposées, le privé pourrait davantage engager ses salariés en s’inspirant de la mission de service public, quand ce dernier gagnerait à mieux encourager ses agents au long de leur carrière.

« Pendant longtemps, la transformation du service public a été tournée vers les usagers au détriment des conditions de travail des agents, mais il y a eu une inversion après les confinements liés au Covid, remarque Sigrid Berger, fondatrice de Profil public, une start-up spécialisée dans le recrutement dans le public. Peu compétitives sur les salaires, les administrations montrent depuis environ trois ans qu’elles sont capables de répondre à une demande de structures plus transversales, d’accorder plus d’autonomie aux agents, de proposer du télétravail… »

Des carrières plus dynamiques dans le privé

Le secteur public est capable d’innover pour attirer des profils sans augmenter ses coûts. Dès 2001, face à un défaut de candidatures, la communauté de communes de Grand Lieu (Loire-Atlantique) a choisi la souplesse pour l’organisation du temps de travail et proposé à ses agents de regrouper les 36 heures 30 de temps de travail hebdomadaire sur une semaine de 4,5 jours : « Cette organisation qui permet beaucoup de confort a été choisie par 99 % de nos collaborateurs. C’est immédiatement devenu un argument majeur que l’on met en avant sur nos offres d’emploi. Nous étions alors l’une des premières organisations à le faire, avant que cela ne devienne courant dans le privé », rapporte Hélène Savina, directrice générale des services de Grand Lieu Communauté.

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Mais, contrairement au privé, les carrières dans la fonction publique pâtissent d’une rigidité liée au statut de fonctionnaire jugé contraignant : revers d’un système plus égalitaire, l’avancement est jalonné de longues étapes et les candidats craignent de faire le même métier toute leur carrière, d’autant que les fonctionnaires ne sont régulièrement pas libres de leur affectation.

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Les rémunérations des livreurs et des chauffeurs VTC piétinent

Un livreur Deliveroo, à Paris, le 20 avril 2022.

En 2023, le revenu moyen d’un livreur Uber Eats est de 4,50 euros, pour une prestation moyenne d’environ douze minutes. A l’heure, et en prenant en compte l’attente entre chaque course, un autoentrepreneur qui travaillerait systématiquement pour la plateforme en acceptant toutes les courses atteindrait 10,10 euros. Soustraction faite des cotisations liées à ce régime − autour de 20 % −, le revenu net moyen d’un livreur serait bien en dessous du smic horaire net (9,23 euros).

Ces données sont issues d’une analyse publiée, mercredi 2 octobre, par le Pôle d’expertise de la régulation numérique du ministère de l’économie et des finances et l’Autorité des relations sociales des plateformes d’emploi (ARPE). Elle établit qu’entre 2021 et 2023, période de forte inflation, les revenus des chauffeurs VTC ont stagné, tandis que ceux des livreurs de repas à domicile ont baissé.

Dans le détail, les données sont celles que toute plateforme est tenue de communiquer chaque année aux autorités. Côté VTC, on apprend par exemple que le revenu par prestation varie entre 11 et 19 euros pour les principales plateformes que sont Bolt, Uber ou Heetch, mais atteint 40 euros chez LeCab et Marcel, où les courses sont plus longues et haut de gamme.

Dégradation des conditions de travail

Côté livreurs, les courses sont mieux payées chez Deliveroo (5,50 euros) ou Stuart (6 euros) que chez Uber Eats (4,50 euros), mais chaque plateforme a ses spécificités. Ces chiffres permettent d’obtenir un revenu horaire moyen théorique, mais qui n’est pas exploitable car la plupart des autoentrepreneurs travaillent pour plusieurs plateformes, et parce qu’il ne comprend pas l’attente entre plusieurs prestations.

L’étude de l’ARPE propose justement une estimation du revenu horaire moyen avec le temps d’attente. Chez Uber et Bolt, les deux leaders, le montant est légèrement sous les 40 euros de l’heure en 2023. Chez Heetch, il est d’à peine 25 euros. C’est une estimation haute, car elle fait le postulat qu’un autoentrepreneur accepterait toutes les prestations proposées. Il faut aussi y ajouter les cotisations et les charges (entretien du véhicule…). Pour ce qui est des coursiers, où il y a certes moins de charges, on tombe chez Deliveroo à 16,80 euros (contre 17,3 en 2021), et donc à 10,10 euros (contre 11,9) chez Uber Eats.

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Depuis plusieurs années, les différentes organisations de chauffeurs et livreurs autoentrepreneurs insistent sur la dégradation des conditions de travail dans leurs secteurs, où la part de travailleurs sans papiers augmente constamment, afin de remplacer ceux qui renoncent pour trouver mieux ailleurs.

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Paul Boulanger, spécialiste du biomimétisme : « Les entreprises ont tout intérêt à s’inspirer du vivant »

Paul Boulanger, spécialiste du biomimétisme et fondateur du cabinet de conseil Pikaia, invitent les employeurs à s’inspirer du vivant, un monde aussi incertain et complexe que celui de l’entreprise, un monde qui est dans une démarche d’adaptation permanente.

Pourquoi peut-on à vos yeux, établir un lien entre le monde du vivant et les stratégies des entreprises ?

C’est tout l’enjeu du biomimétisme. Cette méthode consiste à s’inspirer du vivant pour trouver des solutions à des enjeux – techniques ou stratégiques – rencontrés par les humains. S’approcher du vivant est un levier qui peut permettre aux dirigeants de relever deux défis auxquels ils vont être de plus en plus confrontés.

Le premier est de mieux comprendre les impacts de leurs activités sur la biosphère, leurs interdépendances également. Cela me semble indispensable à l’heure du changement climatique, afin d’agir en responsabilité. Second défi : les entreprises évoluent dans un environnement de plus en plus complexe, incertain, qui rend la décision difficile. Face à cela, pourquoi ne pas s’inspirer des modes de fonctionnement que des systèmes complexes – le vivant – ont inventé depuis 3,8 milliards d’années ?

Face à ce monde incertain, vous appelez justement à appliquer quelques « principes de base », notamment dans notre rapport à l’énergie…

Pour se déployer, une stratégie de biomimétisme doit intégrer une visée de développement durable. C’est un élément incontournable qui passe notamment par un rapport attentif à nos dépenses d’énergie. Le vivant sait que cette énergie est tout à la fois rare et essentielle. Lorsque cela est possible, il peut mettre en place des innovations pour l’économiser. L’entreprise doit elle aussi appliquer le principe de pondération et faire des compromis entre les besoins du moment en énergie, les disponibilités, les moyens de stockage, les capacités d’action… Elle doit éviter le gaspillage, notamment de l’énergie humaine. Celui-ci intervient tout particulièrement lorsque les intérêts des salariés ne sont pas alignés avec ceux de l’entreprise ou qu’une vision court-termiste domine au sein des organisations.

Vous abordez également la question de l’apprentissage. Que peut nous enseigner le monde du vivant à ce sujet ?

C’est un sujet qui est particulièrement bien documenté par les sciences humaines et sociales. Ceci étant, je pense que le biomimétisme peut également nous être utile. Il y a des modes d’apprentissage intéressants dans le monde animal ou végétal qu’on pourrait développer chez les humains.

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Les entreprises de propreté s’inquiètent d’une possible réduction des allégements de cotisations sur les bas salaires

Un agent d’entretien, à l’aéroport de Paris - Charles-de-Gaulle, le 15 février 2023.

Comment revaloriser les bas salaires ? « Désmicardiser » la France alors que la part des travailleurs au salaire minimum a nettement augmenté ces dernières années, pour atteindre 17,3 % en 2023 ? Ce sont les questions posées, il y a un an, par le gouvernement d’Elisabeth Borne à deux économistes, Antoine Bozio et Etienne Wasmer, lesquels devaient rendre leurs propositions à l’été 2024. Si le rapport n’a pas encore été rendu public, nombre d’acteurs politiques et économiques ont déjà pris connaissance des scénarios envisagés.

L’un d’eux a fait vivement réagir la Fédération des entreprises de propreté, d’hygiène et services associés (FEP), l’un des secteurs concentrant le plus grand nombre de travailleurs à bas salaire. « Ce qui est proposé peut mettre en danger la pérennité des entreprises et des emplois dans la branche », s’alarme Philippe Jouanny, son président. Principale organisation patronale du secteur, la FEP représente quinze mille entreprises et 600 000 emplois.

L’enjeu du rapport Bozio-Wasmer était notamment de proposer des pistes pour éviter l’effet dit de « trappe à bas salaires ». Pour favoriser l’emploi des travailleurs peu qualifiés, différents allégements de cotisations sociales ont été mis en place depuis les années 1990. Ces exonérations, qui réduisent le coût du travail de 40 % au niveau du smic, baissent à mesure que le salaire augmente, avec plusieurs effets de seuil, à 1,6, 2,5 et 3,5 smic.

D’où un effet pervers : ce système n’incite pas à relever les salaires, car chaque revalorisation se paie deux fois, dans la hausse de ce qui est versé au salarié et dans la baisse des exonérations. MM. Bozio et Wasmer ont ainsi mis en évidence que l’employeur doit « dépenser parfois 500 euros pour augmenter le revenu disponible du salarié de 100 euros ».

Contrats en cours pas revalorisés

Pour pallier cet effet, ils proposeraient donc, selon Les Echos, parmi d’autres pistes, de réduire les allégements au niveau du smic de 4 points et d’adoucir la pente en les lissant jusqu’à 2,5 smic. Ce qui relèverait donc mécaniquement le coût du travail sur les salaires les plus bas. Avec un salaire minimum (12,13 euros de l’heure) juste au-dessus du smic (11,65 euros de l’heure), les entreprises du nettoyage seraient parmi les premières concernées.

« Le principe de réduction de la dépense publique, je peux l’entendre. Mais le problème de notre secteur, c’est que nous ne parvenons déjà pas à revaloriser le prix de nos contrats commerciaux à la hauteur de l’augmentation de nos coûts, avec un décalage qui se creuse depuis 2022. Comment encaisser alors un relèvement des cotisations patronales avec des marges très faibles ? », interroge Philippe Jouanny.

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« L’immigration n’a globalement que peu d’impact sur le chômage et les salaires »

Parmi les peurs associées à la migration, celles relatives à l’emploi et aux salaires sont souvent présentées comme les plus rationnelles. Dans les premiers cours d’économie, on apprend ainsi qu’un marché peut être représenté par une offre et une demande et qu’il est utile d’appréhender les prix que l’on observe sur ledit marché comme résultant de leur égalisation. Transposée au marché du travail, cette représentation suggère que l’immigration va accroître l’offre de travail, ce qui aura tendance à faire baisser son « prix », c’est-à-dire le salaire. Si les salaires sont rigides à la baisse, en particulier du fait d’un salaire minimum, l’immigration est alors supposée engendrer un surplus de travail, qui se matérialise par du chômage. La crainte sur les salaires concerne donc les travailleurs plutôt qualifiés des secteurs ouverts aux recrutements d’étrangers.

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De très nombreux travaux empiriques se sont demandé si ce raisonnement intuitif était corroboré dans les faits. Les plus parlants ont analysé des événements exceptionnels, comme l’expulsion par Fidel Castro de 125 000 Cubains qui, entre avril et octobre 1980, vont quitter le port de Mariel pour se réfugier à Miami [en Floride]. L’économiste canadien David Card a démontré que cet afflux d’étrangers a été sans conséquence sur les salaires et le taux de chômage de la ville d’accueil.

Professeure d’économie à l’université Rutgers (New Jersey) et ancienne économiste en chef du département du travail des Etats-Unis de 2013 à 2015, Jennifer Hunt s’est, quant à elle, intéressée aux 900 000 rapatriés d’Algérie arrivés en 1962. Elle montre que ce choc migratoire considérable n’a eu que des effets minimes sur le taux de chômage et les salaires en France.

Ces études sont célèbres, car leur contexte historique en fait des expériences grandeur nature, ce qui est rarissime en sciences sociales. En particulier, la précipitation des départs observée lors de ces deux événements permet d’éliminer un biais statistique important sur lequel bute l’analyse habituelle des migrations : comme les immigrés se dirigent en priorité vers les destinations où le marché du travail est favorable, il est peu crédible d’interpréter la corrélation entre l’immigration et le chômage de façon causale.

Principe institutionnalisé

Néanmoins, les expériences naturelles engendrées par les réfugiés cubains et les rapatriés d’Algérie sont à la fois anciennes et très particulières. Elles permettent certainement des travaux statistiques crédibles, mais ne suffisent pas pour convaincre. Elles ont donc été complétées par un vaste ensemble d’études statistiques visant à évaluer l’effet de l’immigration sur le marché du travail dans de nombreux pays et époques, tout en traitant le biais susmentionné de la façon la plus appropriée possible.

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