Archive dans 2024

Emploi de travailleurs sans papiers : des sanctions élargies aux entreprises donneuses d’ordre

D’un côté, le gouvernement démissionnaire entend, avec la loi « immigration » promulguée le 26 janvier 2024, faciliter l’emploi d’étrangers non européens dans les métiers en tension. De l’autre, il prévoit de sanctionner davantage les entreprises qui recourent à des travailleurs sans papiers, très présents dans ces métiers.

De cette politique de la carotte et du bâton découle le décret publié au Journal officiel le 16 juillet, qui précise les autorisations de travail ainsi que les sanctions prévues en cas d’emploi d’un étranger non autorisé à travailler.

En ce qui concerne la délivrance de permis de travail, le texte stipule que les conditions, qui en excluaient déjà les employeurs condamnés pour des faits de travail illégal ou pour des infractions aux règles de santé et de sécurité, s’appliqueront désormais à leurs donneurs d’ordre, sans considération de taille de l’entreprise. « Les obligations de vigilance existantes se voient renforcées : l’employeur formel du salarié ne peut plus tenir lieu de bouclier pour le donneur d’ordre », commente Emmanuelle Barbara, avocate spécialiste en droit du travail et de la sécurité sociale du cabinet August Debouzy.

Partage des responsabilités

Le groupe La Poste en sait déjà quelque chose, puisque le 5 décembre 2023 le tribunal judiciaire de Paris l’a condamné pour manquement à son « devoir de vigilance » vis-à-vis de ses multiples sous-traitants, dont certains recouraient à des sans-papiers.

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Ce partage des responsabilités n’est pas pour déplaire à une partie du monde patronal. « Le décret va inciter les donneurs d’ordre à choisir des sous-traitants plus respectueux de la réglementation. Et donc contribuer à évincer ceux qui, en recrutant des sans-papiers, déstabilisent les marchés en se livrant à une concurrence déloyale », se félicite Eric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises.

Dans ce contexte, c’est surtout la sous-traitance en cascade qui pose question. Ce système est propice à une « dilution des responsabilités qui fait très souvent le lit du travail illégal », reconnaissait, en juin, la Fédération française du bâtiment (FFB) dans ses « dix propositions pour un pacte constructif » publiées à l’occasion des élections législatives.

Le décret précise ensuite les conditions d’application de l’amende administrative introduite par la loi « immigration » pour les employeurs de sans-papiers. D’un montant maximal de 20 750 euros par salarié concerné, cette amende, qui remplace la contribution spéciale et la contribution forfaitaire versées à l’Office français de l’immigration et de l’intégration (OFII), réprime l’emploi de sans-papiers sous toutes ses formes, mais prend en compte des circonstances atténuantes. Lorsque l’employeur s’est acquitté des salaires et des indemnités dus au salarié concerné, le montant maximal de l’amende est réduit à 8 300 euros, l’employeur pouvant faire valoir qu’il n’a tiré aucune économie du travail illégal.

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« Sortir du travail qui ne paie plus » : de la nécessité d’un compromis

Au sein des éditions de l’Aube, une nouvelle collection est née : « La société du compromis ». Elle a été créée par l’ancien secrétaire général de la CFDT Laurent Berger, qui appelle, à travers elle, à « retrouv[er] les bénéfices du compromis ». « Et si nous retrouvions l’essence même de la démocratie, qui est la reconnaissance des intérêts contradictoires traversant la société et sa capacité à les arbitrer par le compromis ? », propose-t-il.

On retrouve logiquement au cœur d’un des premiers ouvrages de la collection, Sortir du travail qui ne paie plus, toute l’importance de cette notion. L’essai est proposé en cette rentrée par Antoine Foucher, directeur du cabinet de conseil Quintet et ancien directeur de cabinet de la ministre du travail Muriel Pénicaud de 2017 à 2020.

Dans cet essai bâti autour des promesses du travail, l’auteur part d’un constat : « Le progrès économique et social a permis pendant soixante ans de vivre de mieux en mieux en travaillant de moins en moins. » Or, cette réalité n’est plus. Une double rupture s’est ainsi imposée depuis une quinzaine d’années : le pouvoir d’achat ne progresse pratiquement plus (0,8 % par an contre 5 % pendant les « trente glorieuses ») et la durée du travail ne diminue plus.

« Si travailler ne permet plus de changer de niveau de vie, c’est parce que, pour le même temps de travail, nous avons cessé de produire davantage de biens et de services d’une année sur l’autre », poursuit l’auteur. En somme, le ralentissement des gains de productivité explique « la stagnation générale et durable du pouvoir d’achat ».

L’ouvrage s’attache à proposer des solutions pour que le travail « paie à nouveau ». Retrouver des gains de productivité ? C’est possible, mais au prix d’une politique menée sur plusieurs décennies, centrée sur la réindustrialisation de la France et la montée en puissance de sa capacité d’innovation.

Pour un travail « choisi et épanouissant »

Pour apporter une réponse à plus court terme, M. Foucher affiche sa préférence pour un « nouveau contrat social », bâti autour d’une « réforme structurelle en faveur des revenus du travail ». Il souhaite un « rééquilibr[age] [des] différents niveaux de taxation, de façon à baisser les prélèvements sur le travail et permettre aux travailleurs de garder une plus grande part de la rémunération qu’ils gagnent ».

En parallèle, un « triple compromis » (travail-capital, travail-retraites, travail-héritage) serait édifié : un effort serait demandé à tous les rentiers, aux retraités les plus aisés, aux héritiers les plus chanceux, par le biais d’une augmentation des taux de prélèvement. Les consommateurs seraient également mis à contribution à travers une augmentation du taux de TVA.

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« Chacune des cinq “majors” du pétrole est contrôlée par pas plus de 25 actionnaires institutionnels »

Les cinq plus grandes compagnies pétrolières privées du monde cotées en Bourse, surnommées Big Oil ou « supermajors » (Chevron, Exxon, Total, BP et Shell), attirent des milliers d’actionnaires individuels (les « petits porteurs ») et des milliers d’actionnaires institutionnels (fonds communs de placement, fonds de pension, assureurs…).

Mais, de façon surprenante, chacune de ces cinq compagnies géantes est en réalité contrôlée par pas plus de 25 actionnaires institutionnels, qui détiennent la quasi-majorité ou une part dominante de leurs actions. Ces 25 actionnaires ne sont pas exactement les mêmes d’une entreprise à l’autre, mais on retrouve la plupart d’entre eux dans la liste des actionnaires dominants de chaque entreprise.

Pour Chevron, le site Simply Wall Street, utilisé comme référence par Investopedia et Yahoo Finance, affichait ainsi, le 14 août 2024, que « les 25 principaux actionnaires détiennent 49,93 % de l’entreprise ». Cette affirmation correspond à celle trouvée trois jours auparavant sur le site du Nasdaq (l’une des deux principales bourses américaines) : les 25 principaux actionnaires institutionnels de Chevron détenaient 51 % des actions, un peu plus que le chiffre fourni par Simply Wall Street.

Les actionnaires institutionnels, 51,4 % de Total Energies

Au total, 3 649 actionnaires institutionnels détiennent 73,23 % de Chevron, mais la moitié du capital est donc détenue par seulement 25 d’entre eux. Et la part des petits porteurs s’élevait, selon Simply Wall Street, à 25,7 %. Pour Exxon, les chiffres ne sont pas très différents. Selon Simply Wall Street, toujours le 14 août, 39,26 % des actions étaient détenues par ses 25 principaux actionnaires.

Un calcul effectué le 12 août à partir des données du Nasdaq révèle un pourcentage un peu plus élevé pour les 25 principaux actionnaires : 44,86 %, tandis que 4 121 investisseurs institutionnels détenaient 66,19 % des actions. Les données de Simply Wall Street pour Total, BP et Shell, cotées aux Etats-Unis, ne sont pas, à la même date, notoirement différentes de celles des deux grandes compagnies pétrolières américaines.

Pour Total Energies, les 25 principaux actionnaires détiennent 42,19 % de l’entreprise, soit un peu plus que tous les petits porteurs réunis, qui en détiennent 41,9 %. La participation du grand public est donc plus importante que pour les deux compagnies américaines, mais elle reste inférieure à celle des principaux actionnaires. En tout, les actionnaires institutionnels (y compris les 25) possèdent 51,4 % de Total, un pourcentage inférieur à celui des grandes compagnies pétrolières américaines. Les salariés actionnaires en détiennent 6,64 %.

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Intelligence artificielle : la perte d’autonomie des salariés en question

« Quand je dessine, je ne pose pas seulement mon crayon sur un morceau de papier, j’engage ma façon de voir le monde, mon quotidien, mes souvenirs. Tout le monde n’a pas les mêmes références, ce sont des choix. » Elodie, dessinatrice sur un long-métrage pour un studio d’animation, s’inquiète comme nombre d’artistes de voir l’impact grandissant de l’intelligence artificielle (IA) sur l’intégrité avec laquelle elle exerce son métier : « Ces outils virtuels ne font que remâcher les œuvres d’artistes bien réels », rappelle la jeune femme, qui préfère garder l’anonymat par crainte de « harcèlement » sur les réseaux sociaux.

Dans la culture, où la créativité est essentielle, l’indépendance des salariés vis-à-vis des outils d’IA est souvent revendiquée avec insistance. Cette réflexion irrigue cependant bien d’autres secteurs – des traducteurs aux avocats, en passant par les codeurs informatiques et les responsables RH – où se voit remise en question la valeur du travail en tant qu’expression de soi, de ses compétences et de son expérience. « Le traducteur est toujours là. Mais c’est son métier qui change », souligne, de son côté, Daphné Charpin-Lèbre, directrice de l’agence ACSTraduction.

Au cours de ces dernières années, elle a pu assister à la perte en compétences de cette profession également très investie par l’IA. « Avant, j’envoyais aux traducteurs des textes en français et ils les traduisaient en anglais. Aujourd’hui, les textes sont prétraduits et leur travail consiste davantage à vérifier si la proposition du logiciel est correcte qu’à réfléchir à la construction de la phrase. Beaucoup sont en souffrance », raconte celle qui est aussi traductrice assermentée près la cour d’appel de Grenoble.

« Ces outils nous ont été imposés par de grandes structures du secteur. Depuis cinq, six ans, les tarifs ont baissé de près de 30 %, et par conséquent il faut aller plus vite. Les tournures de phrase sont en général justes, mais ce sont toujours les mêmes », ajoute-t-elle, pointant une perte de richesse de la langue.

Les salariés et les outils d’IA

Dans nombre de cas, les promoteurs de l’IA opposent l’intelligence humaine à celle de la machine, en vantant la soi-disant meilleure fiabilité mais aussi la plus grande compétitivité de la seconde : « C’est une façon de séduire l’acheteur et donc le dirigeant de l’entreprise au détriment du travailleur », insiste Yann Ferguson, le directeur scientifique du LaborIA, un laboratoire de l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique (Inria). Dans la pratique, « il faudrait parvenir à combiner ces deux intelligences afin d’éviter que ne s’instaurent des configurations aliénantes entre l’homme et la machineC’est dans cette circulation que réside une possible autonomie », estime ce fin connaisseur de l’impact de l’IA sur le travail.

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Paris 2024 : le Comité d’organisation, champion olympique des heures à rallonge et des arrangements avec le droit du travail

Lors du forum pour l’emploi spécial Jeux olympiques et paralympiques, à la Cité du cinéma, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 26 septembre 2023.

« Héros de l’ombre » pour le Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques (Cojop) : tel est l’intitulé du CDD de deux mois pour lequel Marie (qui, comme les autres intervenants, n’a pas donné son nom) s’est portée candidate en juin, et qui consiste à coordonner le transport des accrédités vers les lieux de compétition, grâce à des véhicules officiels intégralement conduits par des volontaires. A son arrivée, elle déchante : sans en avoir été informée au préalable, elle découvre qu’elle devra travailler debout six jours par semaine, dix heures par jour, parfois la nuit. Au fil des semaines, la fatigue s’accumule.

A l’autre bout de l’Ile-de-France, Manon, elle, est salariée d’un service opérationnel du Cojop depuis neuf mois. A partir de mars, les cadences s’accélèrent, et il n’est plus possible de prendre de vacances : « On nous a imposé des shifts [plages horaires] sur de nouvelles fonctions, sans repos hebdomadaire, en sachant que nous devions continuer à gérer notre propre charge de travail après avoir fini ces shifts. C’est comme si on avait deux journées de travail en une. On a vu, à l’approche des Jeux olympiques, qu’il y avait un manque de ressources humaines et budgétaires. »

Une quinzaine de salariés du Cojop décrivent au Monde des conditions de travail dégradées et une charge de travail disproportionnée, allant jusqu’à un travail en continu, chaque jour, de 8 heures du matin à minuit. Il n’est pas rare que les cent heures par semaine aient été dépassées durant les Jeux. Ils ont tous souhaité garder l’anonymat, car leur contrat indique qu’ils sont « garants de l’image de Paris 2024 », et tenus à « une obligation de discrétion et de confidentialité ».

Pourront-ils au moins tirer le bénéfice de ces nombreuses heures supplémentaires ? Non, car ils sont au forfait jours, comme l’intégralité des 3 200 salariés travaillant, à la fin août, pour le Cojop. Ce mode d’organisation du travail, qui concernait 14,7 % des salariés français en 2021 (presque intégralement des cadres), ne fait pas de décompte des heures de travail, mais laisse les personnels concernés s’organiser de manière « autonome » sur chaque jour qu’ils travaillent. Les rémunérations de ceux-ci oscillent entre 2 500 et 3 000 euros brut mensuels au Cojop, ce qui signifie qu’ils touchent en réalité moins que le smic horaire.

Les employés déclarent pourtant avoir des plages horaires de travail imposées, et aucune autonomie, soit l’inverse du forfait jours : « Un manageur m’a dit que partir plus tôt de sa journée était considéré comme un abandon de poste », explique Pierre, en contrat de trois mois sur une fonction d’agent de maîtrise. Son contrat mentionne pourtant que le salarié, « cadre autonome », « dispose d’une autonomie et d’une indépendance significatives dans l’organisation et la gestion de son emploi du temps ».

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Le dilemme existentiel de Boeing

En avril, le Congrès américain a lancé une enquête publique sur la « culture de sécurité défaillante » (broken safety culture) de Boeing. Après les catastrophes de 2018 et 2019 qui ont coûté la vie à 346 personnes, la compagnie avait reconnu sa responsabilité dans une grave erreur de conception du modèle 737 Max. Depuis, Boeing semblait avoir tiré les leçons de ces drames et tentait de retrouver la confiance des autorités et du public en cet avion.

Mais l’explosion en vol d’une porte de sécurité, en janvier – qui n’a pas fait de victimes mais aurait pu avoir des conséquences terribles –, a jeté le doute sur les efforts de la compagnie. Tout récemment, une révision des sièges des pilotes a été demandée. Sans attendre les conclusions des services techniques, le Congrès des Etats-Unis a donc choisi de se pencher directement sur la culture de sécurité de l’avionneur.

Signe de sa défiance, une sous-commission du Sénat a entendu des « lanceurs d’alerte » avant les dirigeants. Un ingénieur qualité, un ancien manageur, un responsable de l’agence de certification publique ont décrit leurs difficultés à maintenir des procédures suffisantes d’inspection et de qualité. Ils ont aussi dénoncé les pressions subies lorsqu’ils avaient signalé ces manquements. En écho à leurs déclarations, les enquêtes techniques ont déjà confirmé que l’accident de la porte de sécurité résultait d’une erreur de montage chez un fournisseur important. Passée inaperçue, cette anomalie révélait une absence de traçabilité pour certaines opérations de vérification.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés Boeing précipite le départ de son PDG

Le 18 juin, ce fut le tour de David Calhoun, PDG démissionnaire de Boeing. Nommé en 2020, il n’était pas comptable des catastrophes du 737 Max, mais, interrogé sur son action en faveur de la sécurité, il n’a pu que réaffirmer l’exigence des procédures de Boeing, tout en concédant qu’il n’avait pas entendu lui-même les lanceurs d’alerte et n’avait pas vérifié si leurs témoignages avaient été étudiés par ses services. Son audition a vite tourné au réquisitoire.

Pour une nouvelle culture de sécurité

Comment a-t-on pu en arriver là ? Sénateurs et observateurs reconnaissent désormais que la course à la rentabilité actionnariale engagée vers 2014, l’externalisation massive des activités, la réduction des inspections ont endommagé la culture sécuritaire de Boeing. Est aussi accusé l’éloignement des dirigeants de la réalité des usines et des bureaux techniques. Eloignement que l’on oppose à l’attitude légendaire d’un William Boeing, le fondateur souvent présent dans les ateliers et ne tolérant aucun défaut. Mais pourquoi de nouveaux dirigeants échapperaient-ils aux pressions financières plus que leurs prédécesseurs ?

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L’épargne salariale devient plus facilement déblocable

Une station de recharge pour véhicules électriques, à Toulouse, le 17 juillet 2023.

Intéressement, participation, prime Macron, etc. : qui dit épargne salariale dit argent bloqué plusieurs années, en tout cas s’il est placé sur un produit financier dédié. Jusqu’à la retraite s’il s’agit d’un plan d’épargne-retraite collectif, cinq ans pour un plan d’épargne-entreprise (PEE). En contrepartie, les sommes versées par l’employeur échappent à l’impôt.

Certains événements de la vie autorisent toutefois les salariés à utiliser l’argent avant l’échéance. Pour les PEE, dix motifs permettaient jusqu’ici de le faire, comme le mariage ou le pacs, le décès du conjoint, la rupture du contrat de travail, l’achat de son logement. Par un décret du 5 juillet, la liste a été allongée de trois cas susceptibles de concerner nombre d’épargnants : la rénovation énergétique de la résidence principale (isolation, installation d’un équipement de chauffage utilisant une énergie renouvelable…), l’achat d’un véhicule dit « propre » et la situation de proche aidant.

L’idée, actée dès février 2023 par les partenaires sociaux dans le cadre d’un accord interprofessionnel sur le partage de la valeur visant, notamment, à « adapter l’épargne salariale aux nouveaux défis », a tardé à se concrétiser. Le texte d’application s’est fait attendre près d’un an et demi. Et en pratique, les quelque douze millions de salariés détenteurs de PEE devront pour beaucoup patienter encore, quelques semaines a priori, avant de puiser dans leur épargne salariale pour ces motifs.

Pour débloquer les fonds, la plupart des établissements financiers gérant les PEE (Amundi, Epsor, Eres, Société générale épargne salariale, etc.) attendent en effet que le ministère du travail publie les modalités d’application de la mesure : les pièces justificatives requises, les conditions d’éligibilité précises, etc. Certains, à l’instar de Groupama épargne salariale, ont néanmoins lancé les déblocages pour les cas les plus simples. Amundi compte le faire si le texte du ministère tarde.

Vélos neufs uniquement

Une partie des modalités est déjà connue, explicitée dans le décret. On sait ainsi que retirer de l’argent de son PEE est ouvert au proche aidant mais aussi à son conjoint ou partenaire de pacs. Et que les véhicules (voitures, camionnettes, motos, scooters, etc.) sont éligibles s’ils fonctionnent à l’électricité ou à l’hydrogène (ou les deux), qu’ils soient neufs ou d’occasion.

« Les vélos électriques le sont aussi, s’ils sont achetés neufs », note Sophie Lebeau, secrétaire générale épargne salariale et retraite d’Amundi. Elle ajoute que, pour les travaux ou l’achat d’un véhicule, « l’épargnant disposera d’un délai de six mois pour demander le déblocage ». Pas de délai, en revanche, pour l’aidant.

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« Les Politiques locales de l’économie sociale et solidaire » : la progression à pas feutrés d’un modèle de proximité

« Même dans la ruralité, quand un maire vous dit qu’il aimerait bien installer un commerce, quand on lui parle d’ESS (économie sociale et solidaire), il dit “non, moi je veux un vrai commerce” », note Bénédicte Messeanne-Grobelny, vice-présidente du conseil départemental du Pas-de-Calais, chargée notamment de l’ESS. De son côté, Patricia Andriot, conseillère communautaire en Haute-Marne, explique que « [ses] collègues élus continuent de voir l’ESS comme un concept militant connoté plus que comme un vrai levier d’action territorial ».

Dans l’ouvrage Les Politiques locales de l’économie sociale et solidaire (Erès), un ensemble de chercheurs, menés par les sociologues Laurent Fraisse et Jean-Louis Laville et la directrice de l’association Cose Comune, Marie-Catherine Henry, ont souhaité donner la parole à des élus chargés du dossier de l’ESS afin de comprendre, au plus près du terrain, sa place et les dynamiques qui l’animent. Plusieurs de ces acteurs de terrain se décrivent en Sisyphe de l’ESS, devant sans cesse convaincre.

Ils doivent ainsi faire inlassablement preuve de pédagogie afin de démontrer tout le sérieux de structures de l’ESS, parfois peu identifiées dans le paysage économique local. « On fait de l’ESS sans le savoir », souligne Patricia Andriot, qui constate que « dans notre territoire rural, elle [regroupe] une part importante des services à la population : petite enfance, culture, insertion… Je pense que cela représente 14 % des emplois, sans que ce soit très lisible ».

Champs d’intervention élargis

C’est tout le paradoxe de l’ESS : présente dans le quotidien des populations, elle reste souvent mal identifiée par ces dernières. Pourtant, la donne a considérablement changé en une trentaine d’années, précise l’ouvrage, avec une montée en puissance de l’économie sociale et solidaire dans les politiques menées par les collectivités locales. C’est d’ailleurs là l’un des apports principaux de cet essai : il livre une étude précise des dynamiques à l’œuvre sur le terrain, en s’intéressant aux élus chargés de l’ESS.

Les auteurs observent « une progression continue du nombre [de ces] élus » – progression certes inégalement répartie sur le territoire. Le portage des politiques ESS a eu tendance à se « diversifier », de la gauche de l’échiquier politique vers sa droite, notent-ils. « L’alternance à droite constitue [toutefois] un risque de rupture dans le soutien des collectivités. »

Dans le même temps, les champs d’intervention se sont élargis. Souvent tournée vers l’insertion professionnelle, l’économie sociale et solidaire a progressivement conquis de nouveaux terrains : alimentation, valorisation des déchets, réemploi des équipements numériques, logistique urbaine…

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Réforme des retraites : « Il paraîtrait légitime que certaines catégories de travailleurs puissent bénéficier d’un âge de départ anticipé »

La question de la réforme des régimes de retraite est devenue un élément structurant du débat public, alors qu’elle pourrait être l’objet d’un consensus. L’équation n’a rien d’impossible, pourvu qu’une approche graduée fondée sur la pénibilité au travail en soit la pierre angulaire.

L’équilibre financier des régimes de retraite repose sur des variables connues : l’espérance de vie, le rapport entre actifs et inactifs, la croissance économique. Les grandes tendances de ces variables ne sont pas favorables : les gains d’espérance de vie se poursuivront à un rythme moindre ; le ratio actifs-inactifs se dégradera même si le nombre de demandeurs d’emploi diminue, en raison d’une détérioration du taux de fécondité et de flux migratoires restreints ; la croissance économique restera limitée.

Le risque, à terme, est aussi connu : l’effondrement des régimes de retraite, qui ne pourraient plus servir qu’une pension de retraite résiduelle obligeant les bénéficiaires à cumuler emploi et retraite ou à recourir à des fonds de pension. Le système de retraite par répartition laisserait ainsi la place à un système de retraite par capitalisation de type anglo-saxon, défavorable aux classes sociales les moins aisées.

Dans ces conditions, il paraît difficile de ne pas jouer sur différents leviers pour préserver le système des retraites par répartition : l’innovation pour accroître les gains de productivité, la politique familiale pour accroître le taux de fécondité, l’immigration à vocation professionnelle, l’âge d’entrée et de sortie de la vie active pour rééquilibrer le ratio entre actifs et inactifs.

L’exemple belge

Ce dernier point est le plus problématique, mais il n’est pas forcément dirimant si la diversité des situations est prise en compte. La plupart des salariés souhaitent pouvoir faire valoir leurs droits à la retraite, une fois atteint l’âge où ils bénéficient de la retraite à taux plein. D’autres, à l’inverse, souhaitent poursuivre leur vie professionnelle jusqu’à 70 ans. D’autres, enfin, qui subissent la pénibilité du travail, souhaitent quitter leur emploi au plus tôt.

En Belgique, des négociations interprofessionnelles avaient conduit en 2018, dans le cadre d’une réforme reportant progressivement l’âge légal de départ à la retraite à 67 ans, à l’accord suivant : les personnes qui effectuaient un métier qualifié de « pénible » pouvaient soit jouir d’une pension de retraite plus élevée, soit anticiper leur départ à la retraite de deux à six ans, mais jamais avant l’âge de 60 ans.

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