Souveraineté économique : « Il faut passer du changement de langage au changement de comportement »
Pierre-Marie de Berny est le fondateur et dirigeant du cabinet d’intelligence économique Vélite, qui publie pour la quatrième année d’affilée un palmarès de la souveraineté économique, classant les 40 entreprises françaises cotées au CAC 40 en fonction de leur participation à « l’augmentation et à la protection de la puissance économique de la France au bénéfice de l’ensemble de sa population et de ses territoires ». Au-delà du classement lui-même et de ses variations d’une année sur l’autre, les critères retenus et la mise en avant du thème de la souveraineté sont révélateurs du tournant qui pourrait affecter les stratégies des multinationales confrontées à la montée des tensions géopolitiques et à l’« arsenalisation » des outils de la puissance économique dans la confrontation entre blocs politiques rivaux.
A partir de quels critères peut-on « classer » les entreprises sur le sujet de la souveraineté économique ?
Nous avons utilisé 2 000 données regroupées en 62 indicateurs de troisième rang, eux-mêmes classés en 18 indicateurs de second rang, à leur tour classés en 5 indicateurs majeurs. Trois d’entre eux sont « offensifs » – ils mesurent la contribution de l’entreprise à l’augmentation de la puissance économique française : ce sont la force d’innovation technologique (moyens affectés à la R&D, dépôts de brevets, préservation et développement des savoir-faire), la capacité à améliorer ses positions dans les chaînes de valeur stratégiques (conquêtes de marché, acquisitions d’entreprises étrangères, rang mondial sur une activité critique, capacité d’investissement) et, enfin, le rayonnement de la France (réputation à l’international, promotion de la langue française, sponsoring et partenariats).
Un quatrième est « défensif » – il mesure la capacité de l’entreprise à protéger son indépendance vis-à-vis de l’étranger (géographie de la détention du capital, nationalité du top management, capacité de résistance aux OPA, localisation des activités critiques et des solutions d’hébergement des données).
Le cinquième est « contributif » – il mesure la contribution à la vitalité économique des territoires en France et à la solidarité nationale (création d’emplois, rapports avec les sous-traitants, action sociale). Ainsi, une entreprise sera pénalisée dans le classement si elle diminue ou délocalise ses dépenses de R&D, cède une activité critique à un acheteur étranger, voit sa réputation ternie, augmente la part des dirigeants étrangers à son conseil d’administration ou à son comité exécutif, laisse croître la part de son capital flottant, confie ses données à un hébergeur étranger, diminue la part de ses effectifs en France…
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