Conditions de travail : plus de 150 anciens coursiers attaquent Frichti aux prud’hommes pour travail dissimulé
« Le livreur n’était rien qu’une serpillière. Ils ont abusé de tout le monde, ils nous ont maltraités, résume Sékou Fokolo, livreur à vélo sans-papiers pour l’entreprise de livraison de courses et de repas à domicile Frichti, entre 2021 et 2023. On devait parfois monter au sixième étage sans ascenseur pour livrer un pack d’eau ou de bière, et si l’on refusait ou si le client se plaignait, on nous menaçait de supprimer notre compte. On nous avait pourtant dit en entretien que la limite était le troisième étage. »
Le 23 mai, un large groupe d’anciens coursiers de Frichti, majoritairement originaires d’Afrique subsaharienne comme M. Fokolo, manifestaient leur déception et leur détermination devant le conseil de prud’hommes de Paris. Ce jour-là, une cinquantaine d’entre eux devaient ouvrir le bal d’une vague de plus de 150 ex-livreurs autoentrepreneurs, qui vont demander progressivement aux juges la reconnaissance de l’existence d’un contrat de travail sur des périodes s’étendant de 2017 à 2023, et des dommages et intérêts pour licenciement abusif et travail dissimulé.
Cette audience ayant été renvoyée à décembre, c’est la date du 4 juin qui marque le début officiel de ces contentieux, avec cinq nouveaux demandeurs. En face, c’est l’Agence de garantie des salaires qui opère la défense, car la start-up n’existe plus : elle a pâti de l’effondrement de l’écosystème du « quick commerce », qui promettait de livrer des courses en une vingtaine de minutes. Frichti a en effet été racheté successivement par Gorillas, puis par Getir, toutes deux liquidées. A l’automne 2023, Frichti a été reprise par La Belle Vie, qui a conservé la marque et une partie des effectifs.
Faux numéro Siren
Cette procédure fait suite à un premier groupe de 105 livreurs, qui ont attaqué Frichti pour les mêmes motifs en 2020 et conclu une transaction, à l’été 2022, pour une somme moyenne de 15 000 euros par personne. Le second réunit tous les livreurs qui sont arrivés plus tard dans la structure ou qui avaient trop peur de se joindre à la première vague. Ils décrivent tous leur « recrutement » par d’autres sans-papiers, au nom de Frichti, qui ferme alors les yeux sur leur statut. La plupart d’entre eux obtiennent alors un faux numéro Siren pour s’inscrire sur l’application : c’est le cas d’Adama Konaté, qui « n’avai[t] pas d’autre choix » s’il voulait gagner sa vie : « Ils nous disaient qu’ils savaient d’où venaient [n]os documents, et que si l’on essayait de manifester, ils en parleraient à la police. »
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