Archive dans février 2024

Le taux de chômage en France est resté stable à 7,5 % au quatrième trimestre 2023, selon l’Insee

Le siège de l’Insee, à Montrouge (Hauts-de-Seine), le 14 juin 2019.

L’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) a estimé, dans un rapport publié mardi 13 février, le taux de chômage en France à 7,5 % au quatrième trimestre 2023 selon la définition du Bureau international du travail (BIT).

Selon l’institut, qui calcule ce chiffre à partir d’un questionnaire envoyé à près de 90 000 personnes chaque trimestre, 2,3 millions de personnes en France remplissent trois critères : être sans emploi durant une semaine donnée ; être disponible pour prendre un emploi dans les deux semaines ; avoir cherché activement un emploi au cours des quatre dernières semaines ou en avoir trouvé un qui commence dans moins de trois mois.

Le taux de chômage est supérieur de 0,4 point à son niveau de fin 2022, qui était le plus bas depuis 1982, souligne l’Insee. Il demeure nettement au-dessous de son pic de mi-2015 (10,5 %). Dans le détail, au quatrième trimestre, le taux de chômage diminue de 0,2 point pour les 15-24 ans, à 17,5 %, un niveau supérieur à celui d’un an auparavant (+ 0,6 point). Pour les 25-49 ans, il augmente de nouveau de 0,2 point sur le trimestre, à 7 %, et se situe 0,5 point au-dessus de son niveau d’un an auparavant.

Enfin, pour les 50 ans ou plus, le taux de chômage est quasi stable sur le trimestre (− 0,1 point), à 5 %, au même niveau qu’un an auparavant. Le taux de chômage de longue durée (au moins un an) augmente « très légèrement » à 1,8 %. Le « halo autour du chômage », soit les personnes désirant retourner sur le marché de l’emploi mais qui ne sont pas considérées comme chômeuses au sens du BIT (chercher effectivement un emploi et être disponible pour en prendre un) diminue légèrement : 1,9 million de personnes sont concernées (− 88 000 par rapport au trimestre précédent et − 17 000 sur un an).

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Le Monde avec AFP

Mourir au travail n’est pas une fatalité

« Le risque zéro n’existe pas. » Cette phrase sert souvent d’argument ultime lorsqu’une entreprise, un employeur ou un cadre est confronté à un accident du travail mortel au sein de ses équipes. L’expression est révélatrice d’un déterminisme auquel on ne doit pas se résoudre au sujet de la vie d’un individu dans l’exercice de son activité professionnelle.

L’idée que le travail puisse tuer en raison de cadences inadaptées, de matériel mal utilisé, de formation insuffisante, d’imprudence ou d’une pression excessive, ne tient pas de la fatalité. La série d’articles que Le Monde a consacrée à ce phénomène montre que, dans la plupart des cas, ce sont les négligences, le non-respect des règles, la course à la rentabilité, le recours excessif à la sous-traitance ou bien l’addition de toutes ces causes, qui sont à l’origine de drames qu’il faut à tout prix chercher à éviter.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Les morts au travail, une hécatombe silencieuse en France

Pour cela, il est nécessaire d’appréhender le phénomène dans toute sa complexité. C’est une gageure. Le fléau fait rarement les gros titres des journaux. Trop souvent, les accidents du travail sont relégués au rang de faits divers. L’ampleur du phénomène a tendance à être minorée. A force de chercher à diluer les responsabilités, de se retrancher systématiquement derrière l’intime et la vie privée pour expliquer un suicide, de dénoncer d’abord le comportement inapproprié du salarié avant d’interroger l’environnement de travail et le niveau de sécurisation du poste, la réalité statistique finit par devenir lacunaire. Remédier à la situation implique en premier lieu de disposer de chiffres fiables et exhaustifs.

La mort au travail est d’autant plus insupportable que chacun n’est pas égal face au risque. Il s’agit d’un phénomène qui touche davantage les ouvriers que les cadres, les intérimaires que les salariés en CDI, les employés de sous-traitants que ceux travaillant pour les donneurs d’ordre. Certains employeurs n’hésitent pas non plus à recourir à une main-d’œuvre jeune et inexpérimentée, qui n’a pas toujours les moyens ni la présence d’esprit de contester des conditions de sécurité inacceptables. Lutter contre la banalisation et l’acceptation de la précarité, c’est aussi améliorer la sécurité au travail.

Changer de mentalité

Le volet répressif existe. Mais il se révèle encore insuffisant. L’efficacité des contrôles pour vérifier que les entreprises ont fait tout ce qui était en leur pouvoir pour éviter l’accident se heurte à la faiblesse des effectifs de l’inspection du travail. Le nombre d’entreprises poursuivies pénalement et condamnées pour homicide involontaire reste rarissime. Quand les condamnations sont prononcées, la plupart du temps, elles le sont à l’encontre de personnes morales, laissant les familles des victimes dans une certaine frustration de ne pas voir sanctionnés les responsables directs des accidents. Quant aux amendes, leur montant n’est pas suffisamment dissuasif pour les grandes entreprises.

Agir uniquement sur le cadre répressif ne permettra pas une transformation en profondeur. Un changement de mentalité doit aussi être mené. Tant que la sécurité sera assimilée à un coût et non à un investissement, les changements resteront marginaux. Les leviers d’amélioration sont connus : solutions techniques, organisation du travail adaptée, messages martelés et formation permanente. La sécurité au travail est l’affaire de tous, y compris des clients, qui ne doivent pas accepter que leurs chantiers se déroulent dans de mauvaises conditions afin de faire des économies. Si le risque zéro n’existe pas, il tient à chacun de nous d’en faire un objectif.

Le Monde

Etre une femme et travailler chez soi : les assistantes maternelles entre disponibilité étendue et rémunération limitée

[Comment travaillent les assistantes maternelles ? Geneviève Cresson est sociologue, retraitée, ancienne professeure à l’université de Lille et au Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé). Ses travaux concernent la famille, la santé, la petite enfance et le genre ainsi que leurs articulations. François-Xavier Devetter est chercheur au Clersé (université de Lille) et à l’Institut de recherches économiques et sociales (IRES). Ses travaux de recherche portent sur le temps de travail et les emplois à bas salaire, tout particulièrement les agentes et agents d’entretien, les aides à domicile et les assistantes maternelles agréées. Il a publié récemment Aide à domicile, un métier en souffrance. Sortir de l’impasse, avec Annie Dussuet et Emmanuelle Puissant, aux Editions de l’Atelier (2023). Julie Lazès est enseignante-chercheuse à l’IMT Nord Europe et au Clersé. Elle travaille sur les usages numériques et leurs impacts sur des dynamiques territoriales (activité de communes insulaires) ou sur des conditions de travail et d’emploi (assistantes maternelles).]

Dans notre pays, le recours aux assistantes maternelles (AM) reste la première solution de garde pour les jeunes enfants avant 3 ans et leur scolarisation. L’enquête emploi de l’Insee compte 390 000 AM, dont 80 % sont salariées du particulier employeur. Leur rémunération mensuelle moyenne nette est de 1 233 euros, selon la même enquête.

Ce métier reste essentiellement féminin (à plus de 97 %), même si les textes officiels en parlent au masculin – ce que nous ne ferons pas ici. Il est traversé par des paradoxes proches de ceux des autres métiers féminins considérés comme peu qualifiés (cf. la contribution de Séverine Lemière et Rachel Silvera, « Reconnaître le travail pour établir l’égalité salariale femmes-hommes : le cas des sages-femmes », Le Monde du 8 janvier) : il est indispensable au bon développement de l’enfant comme au bon fonctionnement de l’économie, en permettant aux parents, et spécialement aux mères, de rester en emploi.

Le métier d’AM, comme l’ensemble du secteur de la petite enfance, devrait constituer ainsi un pilier des politiques d’investissement social (Clément Carbonnier et Bruno Palier, 2022). Pourtant, cet emploi n’est pas reconnu à la hauteur des enjeux, et ne fait pas l’objet d’une véritable politique publique complète et cohérente, tout au plus d’aménagements successifs et ponctuels des conditions d’accueil ou de rétribution.

Le fait que ce soient des femmes qui accomplissent ces tâches, qui plus est à leur propre domicile et auprès de très jeunes enfants – considérés trop souvent comme l’apanage des femmes –, explique sans doute la relative méconnaissance et la mauvaise évaluation des conditions d’emploi des AM, de leur charge de travail et de leur rémunération, parfois fantasmée, mais qui reste modeste et précaire.

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Emploi : « Aujourd’hui, on atteint des records en Europe, même en France, avec une croissance atone »

Dans un restaurant, à Plouezoc'h (Finistère), le 25 mai 2022.

Les agriculteurs ne sont pas les seuls à penser que le monde marche sur la tête. A l’image des panneaux indicateurs qu’ils ont retournés dans les villes et les villages de France, l’Europe semble fonctionner à l’envers. L’Allemagne s’est enfoncée dans la crise en 2023, avec un recul de l’activité (− 0,1 %), quand l’Espagne, avec ses 2,5 % de progression de son produit intérieur brut (PIB), fait bien mieux que la moyenne européenne (0,5 %). Plus question pour Berlin de brocarder le laxisme des pays du « Club Med ».

Cette divergence n’est pas la seule à éclater au grand jour en ce début 2024. Sur le front de l’emploi, elle est tout aussi forte, mais n’emprunte pas la même géographie. Partout sur le Vieux Continent, comme aux Etats-Unis, rarement les chiffres n’ont été aussi positifs dans ce domaine. Le taux de chômage, de 6,4 % en Europe, à la fin de 2023, est de deux points au-dessous de celui de 2018.

Le plein-emploi est à portée de main, alors que la croissance a été cassée par l’inflation, notamment dans le domaine de l’énergie, et pour certains, comme l’Allemagne, par la chute des débouchés en Chine. Comme le rappelle l’économiste Philippe Crevel dans sa note de conjoncture du 10 février, dans les années 1990, on considérait qu’il fallait au moins 2 % de croissance par an pour résorber le chômage. Aujourd’hui, on atteint des records, même en France, avec une croissance atone. C’est la nouvelle divergence, qui semble faire mentir les fondamentaux de l’économie classique.

La question de la formation et de l’attrait des métiers

Cette situation surprenante est généralement expliquée par les pénuries d’emplois, qui dissuadent les entreprises de se séparer de leur personnel. Des pénuries liées à une mauvaise adéquation entre l’offre sur le marché du travail et la demande des employeurs. C’est le cas aussi bien pour les aides-soignants que pour les informaticiens ou les soudeurs. Ce qui pose la double question de la formation et de l’attrait des métiers.

Derrière ce manque de personnel se cache le phénomène structurel du vieillissement démographique. Les nouveaux arrivants ne sont pas suffisamment nombreux pour combler le vide laissé par des départs à la retraite massifs.

Ainsi, la France a gagné 1,2 million d’emplois entre 2019 et 2023, passant la barre des 21 millions dans le secteur privé. Une bonne nouvelle pour le gouvernement, qui mise plus que jamais sur l’augmentation de son taux d’emploi pour sortir du piège budgétaire dans lequel il est sérieusement enfermé. Si le pourcentage de la population active au travail atteignait les 75 % à 80 % constatés en Europe du Nord, soit dix points de plus qu’actuellement, son problème de déficit serait résolu par les rentrées de cotisations et d’impôts.

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« Que sait-on du travail ? » : les assistantes maternelles, un métier où l’on « n’arrête jamais »

Dix heures : c’est l’amplitude horaire médiane des assistantes maternelles travaillant pour des particuliers employeurs, observée par les sociologues Geneviève Cresson, François-Xavier Devetter et Julie Lazès. Cela signifie que la moitié d’entre elles dépassent cette durée chaque jour. A 8 heures, 77 % des assistantes maternelles du particulier employeur sont au travail, contre 51 % de l’ensemble des salariés français. A 18 heures 15, la majorité d’entre elles (54 %) sont toujours à pied d’œuvre, contre un quart de l’ensemble des salariés.

En 2019, la durée hebdomadaire de travail des assistantes maternelles était de 41 heures 45, quand la moyenne de celle des employées était de 32 heures 25. Si leur temps de travail paraît colossal, il ne s’agit que de la partie émergée de l’iceberg. Alors que ces 390 000 professionnelles de la garde d’enfants de moins de 3 ans (à 97 % des femmes) permettent aux parents de mieux concilier vie professionnelle et vie privée, elles sont loin de pouvoir en dire autant.

Dans leur contribution au projet de médiation scientifique « Que sait-on du travail ? » du Laboratoire interdisciplinaire d’évaluation des politiques publiques (Liepp), diffusé en collaboration avec les Presses de Sciences Po sur la chaîne Emploi du site Lemonde.fr, les trois chercheurs du Centre lillois d’études et de recherches sociologiques et économiques (Clersé) démontrent que leur travail déborde régulièrement au-delà des horaires officiels.

Cela tient au statut propre à cette profession : 80 % des assistantes sont salariées par des particuliers. Au quotidien, elles déclarent bricoler leur emploi du temps entre des exigences qui s’amoncellent : les besoins fluctuants des enfants, les horaires demandés par les familles, et le respect du droit du travail, car elles restent salariées. Cependant, le droit à leur sujet reste flexible, au point que les 48 heures maximales hebdomadaires peuvent être dépassées si l’assistante donne son accord écrit.

Des conditions de travail pénibles

Au-delà du temps de travail décompté, il existe quatre formes « gratuites » de surtravail, invisibles et mal reconnues, que doivent pourtant produire les assistantes. D’abord, le renouvellement des contrats (qui arrivent régulièrement à leur fin quand l’enfant rentre à l’école) et la flexibilité permanente des horaires en fonction des décisions des familles. Par ailleurs, ces dernières ne respectent pas toujours les horaires auxquels elles déposent ou viennent chercher leurs enfants.

A ces contraintes s’ajoutent l’entretien du domicile, qui est le lieu de travail des assistantes maternelles, et les activités administratives, comme s’occuper de sa propre paie. « C’est un métier où on n’arrête jamais », décrit l’une des salariées interrogées par les sociologues.

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En Italie, en Grèce, en Espagne ou au Portugal, « le chômage baisse, car nous acceptons des salaires de misère et des CDD »

Un restaurant en bord de mer dans le village d’Ormos Panagias (Chalcidique), en Grèce, le 10 août 2023.

Lorsqu’on lui parle de vacances, Joao Lima lève les yeux au ciel. « Il y a tellement de travail, quand voulez-vous que je parte ? » Depuis quatre ans, si l’on excepte la parenthèse de la pandémie de Covid-19, le trentenaire lisboète enchaîne les contrats de serveur et de guide touristique. « Epuisant, mais je ne me plains pas », ajoute-t-il avec pudeur.

En 2012, à la sortie de son école de traduction, le Portugal s’enfonçait dans la récession : impossible, alors, de trouver du boulot. « Je suis resté cinq ans au chômage : cela a été terrible. Tous ceux de ma génération étaient dans le même bateau. » Certains de ses camarades de promo sont partis à l’étranger. Ceux restés ont tenu grâce à la solidarité familiale. Joao Lima, lui, a retrouvé un job en 2017, lorsque l’économie a enfin redémarré.

Depuis, le Portugal a connu une impressionnante embellie économique, comme ses voisins du sud de la zone euro lourdement pénalisés par la crise des dettes de 2010. En 2023, son produit intérieur brut (PIB) a ainsi progressé de 2,3 %, autant que celui de la Grèce (2,3 %) et de l’Espagne (2,5 %), alors que la zone euro dans son ensemble s’est enfoncée dans la stagnation (0,5 %). L’Italie est un peu en retrait (0,7 %), mais elle fait mieux que l’Allemagne (– 0,3 %).

Faiblesse au niveau de la formation

Portée par cette reprise, l’amélioration sur le front de l’emploi a été spectaculaire : le taux de chômage portugais, qui culminait à 17,9 % début 2013, est retombé à 6,6 % fin 2023, selon Eurostat. En Grèce, il a chuté de 27 % en 2014 à moins de 10 % aujourd’hui. L’Italie, elle, a créé 456 000 emplois entre fin 2022 et fin 2023, selon l’institut national de la statistique (Istat), tandis que le taux de chômage était à 7,2 % en décembre 2023. En Espagne, il culmine encore à 11,7 %, mais c’est deux fois moins qu’en 2013 (26 %), et le pays a créé 783 000 emplois en 2023. Un record, si l’on exclut le rebond post-Covid de 2021 et les grandes régularisations de travailleurs irréguliers en 2005.

Seulement voilà : en dépit de ces bons chiffres, les fragilités structurelles de l’emploi local demeurent importantes. Les disparités entre régions sont vertigineuses : le taux de chômage est d’à peine 6,3 % au Pays basque espagnol, contre 17,6 % en Andalousie, et de 4,8 % en Lombardie italienne, contre 17,1 % en Campanie.

Lire aussi | Article réservé à nos abonnés La zone euro flirte avec la stagnation

S’ajoute à cela une faiblesse persistante côté formation : plus de 35 % des Portugais, Italiens, Espagnols et Grecs de plus de 25 ans ont un niveau inférieur au bac, contre 20 % en moyenne dans l’Union européenne, selon Eurostat. Surtout : en dépit de la reprise économique, la précarité n’a que peu reflué.

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Salaires : l’inflation « n’est plus un sujet » pour les entreprises

A l’heure où l’enjeu des augmentations de salaire figure désormais dans chacune des prises de parole du président de la République et du premier ministre, les données provisoires publiées, vendredi 9 février, par la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail, montrent qu’ils ont augmenté légèrement plus que l’inflation au quatrième trimestre 2023. Ce n’est que la deuxième fois que cela se produit depuis l’envolée de l’inflation, en 2021.

Le salaire mensuel de base de l’ensemble des Français (le salaire brut, hors primes ou heures supplémentaires) a ainsi progressé de 0,3 % en moyenne au cours du trimestre, soit une hausse de 3,8 % sur un an. Sur la même période, le salaire horaire de base des ouvriers et des employés a, lui, augmenté de 0,4 %, soit + 4,1 % sur un an.

L’indice des prix à la consommation ayant, en décembre 2023, augmenté de 3,6 % sur un an, ces chiffres révèlent une infime hausse du pouvoir d’achat. Une bonne nouvelle qu’il faut toutefois nuancer. D’abord, en rappelant qu’entre décembre 2022 et décembre 2023, le seul indice des prix alimentaires de l’Insee a, lui, progressé de 7,2 %.

Ensuite, en observant la tendance mise en lumière par l’étude publiée, vendredi 2 février, par le centre Etudes & Data du groupe Alpha-Secafi. Ce cabinet a analysé 421 accords salariaux conclus pour l’année 2024 dans le cadre des négociations annuelles obligatoires. Soit la totalité des accords disponibles sur le site Légifrance au 10 janvier qui mentionnaient des augmentations.

Les augmentations générales sont en recul

Que révèlent-ils de la politique salariale 2024 ? Qu’elle est « marquée par le recul des budgets d’augmentation, la baisse du recours aux augmentations générales et la pauvreté des mesures périphériques », résume l’étude d’entrée.

Les enveloppes consacrées aux salaires pour 2024 (+ de 3,5 % en moyenne) sont ainsi en net recul par rapport à 2023 (+ 4,6 %). Il faut dire que le contexte a changé : l’inflation ralentit (mais continue de progresser), les prévisions de croissance sont moroses, les défaillances d’entreprises sont en hausse et les tensions de recrutement reculent.

Les entreprises qui avaient tardé à adapter leurs pratiques budgétaires au contexte économique hors norme des dernières années, faisant de fait porter le coût de l’inflation aux salariés, sont plus promptes à anticiper la sortie de cette crise. « Toutes les mesures de soutien au pouvoir d’achat mises en place dans un contexte d’inflation exceptionnelle sont en train de s’essouffler. Pour les entreprises, cela ne semble plus être un sujet », constate Alice Rustique, chargée d’études au pôle études et prospectives du Groupe Alpha.

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Avec la sous-traitance, des accidents du travail en cascade


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Le 21 février 2022, vers 11 h 05, une assistante sociale du Centre d’action sociale de la Ville de Paris (CASVP), dont le bureau est situé au rez-de-chaussée, entend trois chocs provenant de la rue. Moussa Gassama, qui lavait les vitres, vient de tomber de près de 5 mètres de haut. Il meurt des suites de ses blessures quelques jours plus tard, le 5 mars 2022, à l’âge de 58 ans, laissant derrière lui une veuve et leurs cinq enfants.

Employé d’une société prestataire de nettoyage de la « vitrerie d’accès facile » – c’est-à-dire de plain-pied et sans moyen d’élévation –, « M. Gassama serait monté sur un escabeau puis sur le rebord de la fenêtre afin de nettoyer l’extérieur des vitres », indique l’analyse du bureau de prévention santé du CASVP. Selon son employeur, Maintenance Industrie, cette mission pouvait être réalisée à l’aide d’une simple perche télescopique, mise à disposition. Perche qui n’a pas été retrouvée sur les lieux du drame, d’après l’enquête réclamée par les syndicats de l’entreprise donneuse d’ordre.

En 2022, l’Assurance-maladie a dénombré 738 décès parmi les accidents du travail reconnus, soit deux morts par jour. Combien sont liés à la sous-traitance ? Difficile à dire, car le rapport annuel de l’institution ne le précise pas. L’enquête statistique « Conditions de travail et risques psychosociaux » de l’Institut national de la statistique et des études économiques et de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares), non plus. Publiée en septembre 2023, elle recense les accidents du travail en interrogeant les salariés en activité. Elle souligne toutefois que ceux en sous-traitance sont bien plus exposés aux accidents.

La course au temps

« Les entreprises, en extériorisant l’emploi, sous-traitent par là même les risques associés au travail, expliquent les économistes Corinne Perraudin et Nadine Thévenot, autrices de l’étude. Quarante-neuf pour cent des preneurs d’ordre [sous-traitants] sont dans au moins une situation de risques pour un pourcentage important de leurs salariés, contre 34 % des établissements qui sont seulement donneurs d’ordre pour leur activité principale. »

En outre, les postures pénibles ou la manipulation de charges lourdes concernent deux fois plus d’entreprises sous-traitantes que donneuses d’ordre, selon la Dares. Course au temps, exigence de rendement, manque d’information… Que ce soit sous la pression économique des contrats ou sous celle d’un agenda politique, comme celui des Jeux olympiques, les risques sont pris aux dépens des salariés quand les délais imposés aux entreprises ne sont plus en phase avec l’idéal de production.

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Le droit français sur les congés payés et les arrêts maladie est conforme à la Constitution, mais devrait être réformé

Dans sa décision rendue jeudi 8 février, le Conseil constitutionnel a répondu par la négative à deux questions de droit social. Non, le code français du travail, qui prive les salariés malades des droits à congés payés (totalement en cas de maladie simple et après une année s’il s’agit d’une maladie d’origine professionnelle), ne porte pas atteinte au droit à la santé et au repos garanti par la Constitution.

Non, traiter les salariés différemment selon l’origine de leur maladie (professionnelle ou non) ne contrevient pas au principe d’égalité. Quand bien même la législation européenne l’emporte sur la loi française, ces dispositions du code du travail respectent la Constitution. Mais, à l’inverse, en s’appuyant sur le droit communautaire, qui accorde à tout travailleur, malade ou non, « une période annuelle de congés payés », la Cour de cassation avait jugé, en septembre 2023, que les salariés en arrêt maladie devaient acquérir les mêmes droits aux congés payés que ceux qui étaient en travail effectif.

Pour les salariés, les effets de ces décisions seront limités tant que le gouvernement n’aura pas réformé le code du travail, ce que le ministère s’est engagé à faire : « La jurisprudence de la Cour de cassation devrait donc continuer de s’appliquer, puisque le juge national est tenu de mettre en œuvre le droit de l’Union », anticipe Delphine Meyer, juriste à la CFDT. Ce qui signifie que les entreprises seraient tenues d’accorder des congés payés aux salariés durant leurs congés maladie.

Alignement du code du travail sur le droit européen

Ce faisant, le Conseil constitutionnel renvoie les pouvoirs exécutif et législatif à leurs propres responsabilités. Leur négligence à toiletter le code du travail pour tenir compte du droit européen nourrit le contentieux et crée de l’insécurité juridique. « Le droit social est devenu une usine à gaz », résume l’avocat Stéphane Béal, du cabinet Fidal. Cette décision aura au moins le mérite d’accélérer sur ce point l’alignement du code du travail sur le droit européen en mettant le dossier en haut de la pile du ministère du travail.

Reste que cette adaptation pourrait n’être que partielle : l’exécutif cherche en effet des aménagements pour alléger la facture des employeurs, qui redoutent l’impact financier de ces nouvelles règles. « Elles vont nous coûter 2 milliards d’euros par an. Les TPE et PME ne peuvent encaisser un tel choc. Et comment vont faire les ESAT [établissements et services d’aide par le travail], ces structures employant des personnes en situation de handicap, plus fragiles et donc plus souvent malades ? », s’insurge Eric Chevée, vice-président chargé des affaires sociales de la Confédération des petites et moyennes entreprises.

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Une « version allégée » de la loi européenne sur la protection des livreurs et chauffeurs VTC a été adoptée

« Le Conseil de l’Union européenne [UE] et le Parlement européen viennent de trouver un accord provisoire sur la directive des travailleurs de plates-formes », a communiqué la présidence belge du conseil, jeudi 8 février. Elle dit espérer que cette nouvelle soit « un premier pas vers une meilleure protection des travailleurs ». Après deux ans de débats animés, l’un des dossiers les plus importants en matière sociale de la mandature européenne est-il arrivé à une conclusion heureuse pour 28 millions de travailleurs indépendants européens (notamment, les livreurs à vélo et chauffeurs VTC pour Uber, Deliveroo…) ?

A l’occasion de la huitième réunion en trilogue depuis juillet 2023, entre les négociateurs des Etats membres, de la Commission européenne et du Parlement européen, il s’agissait de trouver un nouveau compromis, après plusieurs échecs. La difficulté de la négociation portait sur l’émergence d’une présomption légale de salariat : s’ils le souhaitent et s’ils sont en moyen de prouver le lien de subordination avec la plate-forme qui les fait travailler, les indépendants pourraient obtenir le statut de salariés, et obtenir ainsi de meilleurs droits (congés payés, arrêts maladie indemnisés, chômage). Alors que les eurodéputés s’étaient mis d’accord, de l’extrême gauche au centre droit, sur une présomption sans condition, les gouvernements des Etats membres ont été plus réticents, et plaidé pour l’établissement de critères stricts pour déclencher la présomption.

La présomption a été reconnue, mais dans une « version allégée ». Le nouveau texte supprime les critères, mais n’est pas non plus « sans condition », puisqu’il renvoie l’application de la présomption au droit national de chaque pays. La jurisprudence et le droit locaux décideront ainsi des conditions à réunir pour enclencher la présomption automatique de salariat. C’est le Parlement qui a accepté cette concession.

« C’est une version allégée, qui n’empire pas la situation mais ne l’améliore pas énormément, réagit Leïla Chaibi, eurodéputée française (groupe de la gauche au Parlement européen). L’accord dit que les Etats membres doivent mettre en place un cadre national pour que la présomption s’exerce, et que ce sera à l’employeur de prouver qu’il n’y a pas de lien de subordination. » L’accord arrive in extremis, puisqu’il s’agissait de la dernière occasion d’espérer rentrer dans les clous pour que le texte soit voté avant la fin de la mandature européenne.

Accord précédent retoqué

Les parties prenantes sont en revanche unanimes sur un autre aspect du texte : il prévoit un encadrement du management algorithmique de ces plates-formes, et une meilleure protection des données personnelles des travailleurs.

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