Archive dans 2024

A Mer, le désenchantement d’une ville sacrifiée sur l’autel de la logistique

La plateforme colis de La Poste collecte et livre douze départements (dont les six de la région Centre-Val de Loire), à Mer (Loir-et-Cher), le 25 novembre 2020.

Une fois par mois, un rutilant camion financé par la région Centre-Val de Loire stationne place de la Corbillière, à Mer (Loir-et-Cher) et se transforme en cinéma. Trois séances à la chaîne et un peu d’évasion pour 240 spectateurs, au cœur d’un centre-ville moribond. « Les boucheries, la poissonnerie, les restaurants, tout a fermé… », résume, en ce début décembre, Patrice Fourneau, Mérois de souche, salarié de la plateforme logistique de But, la principale de Mer, et en retraite à la fin du mois. Dans la rue Dutems, l’artère marchande menant jusqu’à l’église et la mairie, quatre kébabs se succèdent, un bar-PMU et une myriade de boutiques fantômes, aux vitrines poussiéreuses.

« Heureusement que des Libanais d’Orléans ont ouvert un cabinet d’ophtalmologie sinon, ce serait le désert commercial et médical. » Patrice Fourneau a connu la grande époque, quand cette petite ville ouvrière de 6 400 habitants aujourd’hui, au cœur de la Beauce, vivait au rythme de l’usine de matelas Epéda, fermée en 2000. Dix plateformes logistiques lui ont succédé depuis. Six autres, dont l’une d’elles à proximité immédiate des habitations, sont en projet.

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Plans sociaux, les visages de la crise : « En plus du chômage, nous sommes condamnés à avoir l’inquiétude de la maladie jusqu’à la fin de nos jours »

Sophian Hanous, employé à l’usine Solvay de Salindres (Gard), durant un rassemblement des ouvriers de l’établissement, le 12 décembre 2024.

Depuis trois mois, Sophian Hanous ne dort presque plus et s’est mis au sport « pour penser à autre chose ». Comme ses collègues, ce salarié de l’entreprise Solvay, à Salindres dans le Gard, a appris, le 24 septembre, que l’usine allait fermer et licencier 68 personnes au printemps 2025. « Un coup de massue » pour ce trentenaire et « une double peine ». Car, sur ces terres situées au pied des monts cévenols, des enquêtes, dévoilées en mars, ont révélé que l’entreprise rejetait dans les eaux des taux très importants d’acide trifluoroacetique – un produit utilisé pour la fabrication de pesticides, d’extincteurs et de médicaments, que l’on retrouve dans les polluants éternels. « Maintenant que la pollution est avérée, l’entreprise ferme. Et nous, on reste sans emploi et avec de grosses inquiétudes sur notre santé », critique Sophian Hanous.

Né à Alès, le Gardois travaille chez Solvay depuis treize ans. A l’époque, âgé de 25 ans, avec un bac en poche et quelques emplois en intérim sur son CV, il pense avoir trouvé un poste en or lorsqu’il se fait embaucher en CDI. « L’entreprise nous a financé un bac pro en alternance dans les métiers de la chimie sur un an. Ils voulaient des gens qualifiés. On était contents d’être dans une grosse boîte avec des salaires supérieurs. On a tous fermé les yeux sur ce qu’on faisait », raconte-t-il. Avec 3 000 euros net par mois « pour un niveau bac », Sophian Hanous sait qu’il fait partie des privilégiés dans un département à l’économie sinistrée, le cinquième plus pauvre de l’Hexagone : « Ça nous a donné une qualité de vie qu’on ne veut pas abandonner. Les chefs de poste touchent plus de 4 000 euros. »

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Cherche Père Noël désespérément : un métier où les saisonniers manquent à l’appel

Avec les vendeurs de muguet, les Pères Noël exercent le métier le plus saisonnier qui soit, leur activité débutant début décembre pour s’achever le 24. Et, comme chaque année, les comités sociaux et économiques (CSE), centres commerciaux, mairies, maisons de retraite, écoles, marchés de Noël, hypermarchés et gares s’arrachent aux mêmes dates leur bonhomme rouge.

Au total, plusieurs milliers de postes seraient proposés dans toute la France, faute de statistiques officielles portant sur ce métier dans lequel il n’est pas si facile de trouver des candidats.

La raison tient d’abord à des horaires et des rémunérations très inégaux d’une mission à l’autre. Ainsi, le site myJob recherchait encore cette semaine un Père Noël pour travailler le vendredi 20 décembre de 18 h 30 à 22 heures sur le secteur de Montauban (Tarn-et-Garonne) pour 11,88 euros de l’heure, hors prime de précarité et indemnités de congés payés (+ 10 % pour chaque). Et, à ce tarif, il fallait qu’il soit « dynamique, courtois, souriant et [qu’il] chausse du 45 au maximum » afin de pouvoir enfiler les bottes fournies.

Emmitouflé dans son costume

A l’inverse, d’autres recruteurs pris par l’urgence lâchent du lest. Employé des impôts à la retraite, Yves, 64 ans, qui va débuter dans le métier samedi 21 et dimanche 22 décembre dans une galerie commerciale en banlieue parisienne, s’étonne d’être mieux payé à l’heure (22,50 euros brut pour six heures par jour) que dans son ancien métier à Bercy.

Archives de 2013 | Article réservé à nos abonnés Mais qui s’occupe du Père Noël?

A cela s’ajoutent des conditions de travail tout aussi variables. Le bonhomme rouge peut être amené à endurer le froid toute la journée sur les marchés de Noël. Ou, à l’inverse, subir la chaleur, le bruit et la fureur d’un magasin bondé à l’approche des fêtes, emmitouflé dans son costume, son bonnet et sa barbe postiche. Et pas question de se faire remplacer par un lutin pour la séance photo avec les bambins qui trépignent dans la file d’attente et oublient la politesse. « Certains de nos Pères Noël se plaignent que des enfants se comportent mal sans que leurs parents ne réagissent », observe Kari Bounabi, fondateur d’Intérim Spectacle, qui se positionne en décembre sur ce métier.

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Pour les salariés à temps partiel contraint, une situation toujours difficile

Des hôtesses de caisse dans un supermarché de Givors (métropole de Lyon), en avril 2020.

La situation ne s’est guère améliorée, durant la décennie écoulée, pour les salariés à temps partiel – en particulier ceux qui aimeraient travailler davantage. Pis, certaines des mesures prises en leur faveur semblent avoir eu un « impact négatif ». Dans un rapport rendu public, mercredi 18 décembre, l’inspection générale des affaires sociales (IGAS) parvient à cette conclusion, plutôt fâcheuse, mais considère que des « inflexions » sont possibles. Elle suggère aux syndicats et au patronat de plancher, à nouveau, sur le sujet dès 2025, tout en formulant une vingtaine de préconisations qui visent à réduire la précarité dans laquelle se trouve, bien souvent, cette catégorie d’actifs.

Le rapport diffusé mercredi répond à une commande passée le 16 octobre 2023 par Elisabeth Borne, alors première ministre, à l’occasion de la conférence sociale. Citant le temps partiel contraint comme l’une des principales causes de « pauvreté au travail », elle s’était engagée à élever la problématique au rang de « chantier prioritaire » et avait réclamé un état des lieux, assorti de propositions.

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Des RTT pour le repos ou pour le pouvoir d’achat

Carnet de bureau. « Il apparaît nécessaire de proroger cette mesure qui permet d’augmenter la rémunération des salariés concernés et leur pouvoir d’achat », indique l’amendement au projet de loi de finances qui devait prolonger, jusqu’en 2026, la possibilité d’échanger des jours de réduction du temps de travail (RTT) contre une rémunération. Adopté le 26 novembre, l’amendement du député de Maine-et-Loire Emmanuel Capus aura été encore plus provisoire que le dispositif instauré par la loi du 16 août 2022 pour aider les salariés à passer la période de forte inflation jusqu’en décembre 2025, puisqu’il a évidemment été suspendu par la chute du gouvernement Barnier, le 4 décembre.

En attendant le futur budget 2025 qui pourrait pérenniser (ou pas) la monétisation des RTT, le recours à ce dispositif est toujours d’actualité et particulièrement en cette fin d’année, car les jours de RTT non pris par le salarié sont normalement perdus, sauf si la responsabilité en incombe à l’employeur.

L’indemnisation des jours de repos perdus n’était pas possible à l’origine, à moins qu’un accord d’entreprise l’ait prévue. Mais elle l’est devenue avec la loi de 2022. C’est ainsi que les RTT, nées de la réforme de Martine Aubry pour réduire le temps de travail à 35 heures, ont été mobilisées vingt ans plus tard non plus pour se reposer, mais pour améliorer le pouvoir d’achat.

A condition que l’employeur accepte

Le salarié est ainsi autorisé, quelle que soit la taille de l’entreprise, et à sa demande (à condition que son employeur accepte), « à renoncer à tout ou partie des journées ou demi-journées de repos acquises au titre des périodes postérieures au 1er janvier 2022 et jusqu’au 31 décembre 2025 », pour les transformer en salaire majoré.

« Les journées ou demi-journées travaillées à la suite de l’acceptation de cette demande donnent lieu à une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise », précise la loi.

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En entreprise, les cellules internes pour les lanceurs d’alerte dysfonctionnent

« Quelques jours après avoir lancé mon alerte, j’ai été convoqué par le directeur général, qui a demandé que je reconnaisse que j’en étais l’auteur. Une semaine après, j’étais mis à pied et convoqué à un entretien de licenciement. » Après avoir averti sans succès ses manageurs puis les ressources humaines (RH) sur le management toxique d’une membre de la direction, ce cadre d’un grand groupe industriel, qui témoigne sous le couvert de l’anonymat, s’était saisi d’une adresse e-mail interne réservée aux lanceurs d’alerte, dont le traitement devait pourtant être assuré par un cabinet indépendant.

En entreprise, les salariés souhaitant faire remonter des informations portant sur un crime, un délit ou une menace pour l’intérêt général disposent en théorie d’un certain nombre de protections, notamment depuis les lois Sapin-II de 2016 et Waserman de 2022. Il est illégal pour un employeur de procéder à un licenciement ou toute mesure de licenciement à l’encontre d’un lanceur d’alerte.

Depuis 2022, un lanceur d’alerte a aussi le choix de faire remonter ses informations en interne, ou en externe auprès du Défenseur des droits ou d’autres autorités compétentes, selon la nature des faits dénoncés.

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Morts au travail : un niveau record en 2023

En 2023, 759 personnes ont perdu la vie à la suite d’un accident du travail : ce sont les chiffres du rapport annuel de la Caisse nationale d’Assurance-maladie sur les risques professionnels, publié le vendredi 13 décembre. C’est 21 de plus qu’en 2022, année qui avait pourtant déjà marqué un record.

Depuis dix ans, le nombre de morts au travail ne cesse d’augmenter. Si les malaises demeurent la cause de plus de la moitié des cas, l’Assurance-maladie note que « les décès dus à une cause externe identifiée poursuivent leur progression, passant de 176 cas en 2022 à 193 cas en 2023 ».

Le rapport ajoute que 332 décès sont survenus après un accident de trajet (entre le domicile et le lieu de travail), et 196 après une maladie professionnelle, ce qui porte le total à 1 287 décès. Mais comme chaque année, ces chiffres ne sont que partiels : ils ne concernent que les salariés affiliés au régime général, et excluent de fait la fonction publique, les agriculteurs, les chefs d’entreprise et les microentrepreneurs.

Lire l’enquête | Article réservé à nos abonnés Les morts au travail, une hécatombe silencieuse en France

Dans le même temps, le rapport observe une légère baisse (– 1,5 %) du nombre d’accidents du travail en France. En revanche, les maladies professionnelles grimpent, elles, de 7 % en un an. Le nombre de jours d’incapacité temporaire, ainsi que les montants des indemnités journalières et d’indemnisation de l’incapacité permanente sont au plus haut en 2023. L’inflation est la principale cause de cette hausse.

Les moins de 25 ans touchés

Les transports et le BTP restent les secteurs d’activité les plus touchés par la mort au travail, mais deux catégories englobant l’intérim et les services (action sociale, santé, nettoyage, banques, assurances, administrations…) présentent une hausse inquiétante de 11 %.

Concernant les causes, un quart des décès sont imputables au risque routier, 17 % à 19 % à des situations de manutention manuelle, 15 % à des chutes de hauteur. Les moins de 25 ans sont aussi toujours touchés, puisque 33 d’entre eux ont perdu la vie au travail en 2023.

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Les clubs de jeux parisiens, victimes collatérales de la censure du gouvernement Barnier, devraient fermer au 31 décembre

« C’est vraiment une balle perdue », résume Philippe Bon, délégué général de Casinos de France, syndicat professionnel qui représente cinq des sept clubs de jeux parisiens. Ces établissements de jeu vont probablement devoir fermer leurs portes au 31 décembre, faute de prolongation de leur autorisation d’ouverture. Conséquence : près de 1 200 emplois sont menacés.

Les clubs de jeux, qui ne proposent que des jeux de table (et où les machines à sous et la roulette sont proscrites), ont été créés par une loi de 2017 pour assainir le jeu d’argent en région parisienne. Une expérimentation de trois ans a été lancée le 1er janvier 2019, puis prolongée jusqu’au 31 décembre 2024, car les autorités souhaitaient évaluer le succès de ce régime sur trois années pleines (post-Covid-19). Ce bilan n’ayant pas eu lieu cet été en raison du climat politique, un article du projet de loi de finances prévoyait une prolongation de l’expérimentation jusqu’au 31 décembre 2025, mais la mesure est tombée à l’eau avec la censure du gouvernement.

« Il y a un effet de stupéfaction chez les salariés, c’est tombé de manière soudaine, avec des répercussions très incertaines, relate Kevin Lafon, secrétaire adjoint de la section casinos et clubs de jeux de la Fédération des employés et cadres-Force ouvrière (FEC-FO). Dans les semaines qui viennent, pour une simple injustice administrative, leurs emplois sont menacés. » « On ne sait pas quoi répondre au personnel, c’est tellement soudain, déplore Sébastien Leclercq, directeur général du groupe Circus Casino en France, qui gère le Club Circus dans le 16e arrondissement de Paris (150 salariés). Il y a une dizaine de couples dans l’entreprise, ce sont des familles avec enfants. Imaginez la situation, en fin d’année… »

Lire aussi (2018) | Article réservé à nos abonnés Un premier « club de jeu » ouvre à Paris

Placement en activité partielle des salariés

« Les clubs représentent 1 200 emplois à temps plein, mais aussi jusqu’à 300 emplois supplémentaires en fonction des événements », ajoute Philippe Bon. « Des centaines de croupiers devaient être embauchés pour l’European Poker Tour de PokerStars en février prochain. Il a déjà été annulé en raison du contexte », illustre Kevin Lafon.

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Paris 2024 : une ex-salariée du comité d’organisation conteste son licenciement en justice

Le siège du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le 10 avril 2024.

« Un feu RH. » C’est ce qu’aurait engendré Véronique Lugiéry au sein du Comité d’organisation des Jeux olympiques et paralympiques de Paris 2024 (Cojop). Cette responsable des ressources humaines, embauchée en janvier 2023 pour recruter plusieurs centaines de CDD afin d’assurer le bon déroulement des Jeux, a été licenciée, début août 2024, pour faute grave. Motif : « un mode relationnel conflictuel » et « une opposition systématique » envers sa hiérarchie, ainsi qu’une responsabilité dans « l’accroissement disproportionné des tensions dans les relations de travail ».

Lundi 16 décembre, Véronique Lugiéry a demandé en référé au conseil de prud’hommes de Paris de prononcer sa réintégration et la nullité de ce licenciement, qu’elle estime consécutif à des alertes sur l’état de désorganisation des services à l’approche des Jeux. Et surtout, sur l’illégalité de l’embauche d’agents de maîtrise, dont le travail consistait notamment à garder des parkings, en forfait jours. Ce statut, normalement réservé aux cadres autonomes, a été appliqué aux milliers de salariés de Paris 2024, alors que la majorité d’entre eux obéissaient à des plannings, parfois à hauteur de soixante heures par semaine, sans compensation pour les heures supplémentaires ou le travail de nuit.

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