Bruno Le Maire pousse à renouer avec la réforme pour affirmer son identité politique
Trois jours avant les dernières rencontres de Saint-Denis, Emmanuel Macron sonde, au cours d’un dîner des cadres de la majorité à l’Elysée, mardi 14 novembre, l’opinion des uns et des autres sur d’éventuelles évolutions institutionnelles. L’ancien premier ministre Edouard Philippe se dit favorable au retour du cumul des mandats, et opposé à l’élargissement du champ du référendum, au menu des discussions. De l’autre côté de la table, la réplique du ministre de l’économie, Bruno Le Maire, fuse : « Tu veux remettre le cumul des mandats, restreindre le référendum… T’as plus qu’à proposer le retour du président du Conseil et c’est bon ! », ironise, grinçant, le numéro deux du gouvernement, renvoyant son possible rival pour 2027 aux institutions d’un autre temps. Emmanuel Macron, impassible, savoure.
La scène est à l’image de l’automne de Bruno Le Maire. Après une rentrée atone, au cours de laquelle il a laissé ses jeunes collègues Gérald Darmanin, le ministre de l’intérieur, et Gabriel Attal, le ministre de l’éducation, occuper le devant de la scène, le ministre de l’économie, 54 ans, donne à son tour de la voix. Se pose en père Fouettard de l’orthodoxie budgétaire, après avoir distribué les chèques. S’offusque des « cadeaux » distribués par Elisabeth Borne aux oppositions dans le projet de loi de finances pour 2024. Propose de réduire la durée d’indemnisation chômage des plus de 55 ans, provoquant un front uni des partenaires sociaux. Convie un millier de maires à Bercy pour leur dire que la France a « un besoin criant d’autorité ». Bref, Bruno Le Maire a entrepris, dit-il au Monde, de « secouer le cocotier ».
L’objectif du plein-emploi fixé par Emmanuel Macron, « absolument stratégique pour la société française », est impossible à atteindre sans entreprendre des réformes structurelles potentiellement impopulaires, pense-t-il. « Le plein-emploi, ce n’est pas 7 % de chômage, c’est 5 % », énonce le ministre, alors que le chômage stagne autour de 7 %, voire remonte légèrement. Or « cela ne viendra pas tout seul, il faut remettre du charbon dans la machine ». A un moment où Emmanuel Macron cherche un second souffle, un an et demi seulement après le début de son second mandat, Bruno Le Maire l’exhorte à « tenir la ligne de la transformation », au lieu de se cantonner à la simple « gestion ».
« Il faut continuer de pédaler »
S’il tient ce discours volontariste, voire alarmiste, c’est que le ministre n’ignore rien, explique-t-il, de cette « tentation, qui touche tous les gouvernements et toutes les majorités », de lever le stylo une fois les premiers résultats engrangés. « La pente la plus naturelle, une fois qu’on a fait des réformes courageuses, c’est de se dire : on s’en tient là », philosophe l’ancien député Les Républicains de l’Eure, du haut de ses « vingt ans d’expérience politique ».
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