Archive dans mai 2023

A Béthune, la discrète renaissance de l’industrie

L’immense cathédrale de béton et de poutrelles qui abritait l’usine Bridgestone de Béthune (Pas-de-Calais) jusqu’à sa fermeture, en septembre 2020, reprend vie peu à peu. Le 11 mai, les verres ont tinté en compagnie du gotha local pour fêter l’installation d’une nouvelle entreprise, Ennea Groupe, sur une petite parcelle de l’ancienne usine de 200 000 mètres carrés.

La jeune société rejoint ainsi trois autres locataires du site, Black Star, acteur français du pneu reconditionné, qui profite des machines abandonnées sur place par le constructeur japonais ; Bringback, spécialisé dans la régénération de batteries au lithium ; et LPI (Logistique de prestations industrielles), un logisticien du pneu. Au total, une centaine de salariés travaillent aujourd’hui dans l’ancienne usine, un chiffre qui devrait doubler dans les mois à venir grâce aux projets de développement des firmes déjà présentes et aux nouvelles arrivées.

La petite dernière, Ennea Groupe, est experte dans le reconditionnement de matériels professionnels : laveuses, balayeuses, compresseurs et distributeurs de boissons passent entre ses mains pour repartir, comme neufs, vers les entreprises clientes. Un modèle centré sur l’économie circulaire, qui a permis la création de quatorze emplois.

« A terme, nous aimerions nous étendre sur 5 000 mètres carrés au lieu de 2 200 actuellement », assure le directeur général, Eric Busche. Le fondateur d’Ennea entend « développer des synergies » − comprendre : trouver des clients − avec l’écosystème qui émerge dans la région autour de la filière de la mobilité électrique, dans le sillage des méga-usines de batteries électriques qui y poussent.

Dans l’ancienne usine de Bridgestone, la surface d’extension potentielle d’Ennea Groupe, à Béthune (Pas-de-Calais), le 11 mai 2023.

Dans un rayon de 70 kilomètres, pas moins de quatre gigafactories sont en cours de construction ou en projet. Pour un territoire qui a subi une désindustrialisation massive à partir de 2005 et ses vagues de licenciements (plus de 5 000 emplois ont été perdus entre 2008 et 2019 dans l’agglomération de Béthune-Bruay), cette effervescence a un parfum de renaissance.

« La dynamique est en train de se réveiller »

« La fermeture de Bridgestone s’est conjuguée avec des projets de réouverture industrielle », observe Jérôme Brossier, directeur du développement des entreprises auprès de la communauté d’agglomération de Béthune-Bruay, Artois-Lys Romane. La transformation de l’industrie automobile, l’essor de l’économie circulaire et le volontarisme affiché par les élus locaux et régionaux, qui n’hésitent pas multiplier les dispositifs d’accompagnement et les aides, ont entraîné un « développement endogène colossal ». « On n’en est même plus aux projets dormants. La dynamique est en train de se réveiller », se félicite M. Brossier.

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Soft skills : « Les enseignants se retrouvent à apprécier des qualités personnelles qui sont socialement marquées, comme l’aisance à l’oral »

Autrice d’une thèse sur la professionnalisation des études universitaires en France, la chercheuse Laurène Le Cozanet a observé comment les notions de « compétences », dont les compétences douces ou « soft skills », sont progressivement entrées à la fac. Elle rappelle le temps long de la mue des universités, réformées pour s’adapter aux réalités économiques du pays. Un processus générateur de tensions, notamment autour de l’enseignement des soft skills dont certains pensent qu’il crée l’illusion que les étudiants sont préparés au monde du travail. « Ce qu’on appelle la socialisation professionnelle se nourrit plutôt de l’alliance entre la maîtrise de savoirs formels et le temps long de l’expérience », souligne la politiste.

A quelle période observez-vous les softs skills entrer à la faculté ?

Dans les années 2010, des universités françaises se dotent de projets labellisés soft skills, une notion venue du management pour désigner des aptitudes comportementales telles que l’aisance à l’oral ou la capacité à travailler en équipe. Mais si ce vocabulaire est nouveau, la démarche ne l’est pas : dès les années 2000, les facs ont créé des modules censés permettre d’acquérir des « compétences transversales » aussi appelées « savoir-être ». C’est le résultat du processus de Bologne, un mécanisme européen lancé en 1998 dont le but consistait à harmoniser l’enseignement supérieur au niveau de l’UE et à le rendre plus lisible en le découpant par blocs de compétences. Cette approche par compétences est notamment censée faciliter la communication entre l’univers des études supérieures et celui du travail.

En France, ce processus a abouti à la réforme LMD [licence, master, doctorat] qui a réuni tous les cursus universitaires dans un même cadre juridique et a attribué à chacun une issue professionnelle. Au même moment, en 2002, est décidée l’inscription de toutes les formations universitaires dans le nouveau répertoire national des certifications professionnelles, le RNCP, où tous les diplômes à finalité professionnelle du pays sont décrits en termes de compétences.

A quand cette dynamique de professionnalisation remonte-t-elle ?

Dès les années 1950 émerge la formation continue. Elle est portée par des militants de l’éducation populaire, des pionniers de la gestion des ressources humaines et des hauts fonctionnaires qui théorisent les apports complémentaires entre savoir, savoir-faire et savoir-être. En 1958, un cadre des usines Renault, figure de ce mouvement, prononce un discours sur la « compétence » de l’employé bien intégré dans son entreprise, qu’il qualifie de « conjonction heureuse » des « connaissances », des « aptitudes » et de la « bonne volonté ». L’idée selon laquelle la formation n’est pas seulement de l’éducation se diffuse.

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Télécoms : vague de licenciements massifs chez les opérateurs britanniques

Les bureaux de BT à Singapour, en janvier 2019.

C’est une semaine noire pour les salariés de l’industrie des télécoms au Royaume-Uni. Jeudi 18 mai, BT Group, l’opérateur historique du pays, a annoncé vouloir supprimer entre 40 000 et 55 000 emplois d’ici à 2030, y compris des sous-traitants. Cela représente jusqu’à 42 % de ses effectifs actuels. BT emploie environ 130 000 personnes, dont 30 000 issus de sous-traitants.

Ce plan de départ est le plus important annoncé par l’opérateur depuis sa privatisation et l’ouverture à la concurrence du secteur en 1981. Deux jours plus tôt, le 16 mai, son concurrent Vodafone avait dévoilé un plan d’économies entraînant 11 000 suppressions d’emplois sur trois ans, sur un total d’environ 100 000 salariés actuellement.

A regarder ses résultats 2022-2023, publiés en même temps que l’annonce du plan de départ, BT ne va pas si mal que ça. Lors de l’exercice 2022-2023 (arrêté au 31 mars), BT a dégagé une marge brute d’exploitation de 39 %, 7 points de plus que son concurrent britannique Vodafone et 9 points de plus qu’Orange, l’opérateur historique français.

Remplacés par des applications utilisant l’IA

« Au cours des quatre dernières années, nous nous sommes fermement tenus à notre stratégie et cela fonctionne », reconnaît même Philip Jansen, le directeur général de l’opérateur qui se félicite que le groupe ait « augmenté le chiffre d’affaires pro forma et le résultat brut d’exploitation (Ebitda) pour la première fois en six ans ». BT avait engagé en avril 2020 un plan de réduction des coûts : 2,1 milliards de livres (2,4 milliards d’euros) d’économies ont déjà été réalisées, pour un objectif de 3 milliards.

Mais, selon le dirigeant, aux commandes de BT depuis février 2019, la fin prochaine du plan de transformation du réseau fixe, passé du cuivre vers la fibre optique, exigera moins de main-d’œuvre à l’avenir. Autre explication avancée par Philip Jansen : « Chaque fois qu’il y a de nouvelles technologies, il peut y avoir de grands changements. »

Il pense notamment aux perspectives offertes par les outils d’intelligence artificielle (IA) générative comme ChatGPT. Dix mille des emplois supprimés pourraient être remplacés par des applications utilisant l’IA, a indiqué le directeur général. C’est pour cela, selon lui, qu’il faut « adapter la structure de coûts et améliorer la productivité ». Avant BT, aucun autre grand opérateur télécoms européens n’avait avancé ces arguments pour justifier un plan de transformation de cette ampleur. Chez Vodafone, les 11 000 suppressions de postes répondaient avant tout à une logique d’économies.

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A la Société générale, un cas emblématique de discrimination syndicale

« Ma compréhension était que vous étiez prêt à renoncer à vos activités syndicales pour un poste intéressant. Qu’en est-il exactement ? » « Vous êtes prêt à réduire le champ de vos activités syndicales si le poste proposé l’exige. » Ces mails, envoyés en 2007 et en 2008 par une responsable hiérarchique à Jean-Pierre Lamonnier, cadre à la Société générale, ont notamment permis de prouver la discrimination syndicale dont il a fait l’objet. « Ce sont des pièces très intéressantes, car l’obtention d’une promotion est conditionnée au fait de ne plus être syndicaliste. Cela veut dire qu’on ne peut pas mener les deux en même temps, c’est cela qui fait que la discrimination existe », explique son avocat, Me Xavier Sauvignet.

Elu depuis 2001 du Syndicat national de la banque et du crédit (SNB), principale organisation de salariés dans cette banque, M. Lamonnier, parti à la retraite en 2019, a fait condamner son entreprise en appel, le 19 avril 2023, à lui verser près de 600 000 euros, car il avait été victime de discrimination syndicale durant toutes ces années.

Interdite depuis les lois Auroux de 1982, la discrimination syndicale est inscrite dans le code du travail (articles L.1132-1 et L.2141-5) : l’employeur doit veiller à ce que l’exercice de fonctions représentatives n’influe pas sur le déroulement de la carrière du salarié. Cela concerne l’ensemble de la relation de travail, du recrutement à la rémunération en passant par la formation professionnelle.

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La discrimination syndicale est un phénomène difficile à mesurer, mais concerne près de la moitié (46 %) des personnes syndiquées, qui estiment avoir déjà été discriminées au cours de leur carrière en raison de leur activité syndicale, selon un baromètre du Défenseur des droits et de l’Organisation internationale du travail publié en 2019. En 2021, 5,5 % des saisines du Défenseur des droits concernent des activités syndicales, ce qui en fait le cinquième facteur de discrimination relevé, notamment devant l’âge ou le sexe.

Absence d’évolution

La plupart du temps, ces discriminations se traduisent par une absence d’évolution professionnelle. Pour 51 % des personnes exerçant ou ayant exercé une activité syndicale, cette dernière a représenté un frein dans leur évolution professionnelle (en matière de qualification, d’avancement, de grade…).

C’est justement le cas de Jean-Pierre Lamonnier : depuis la prise de ses mandats syndicaux, cet ancien expert-comptable est resté bloqué au niveau I de la convention collective de l’entreprise (sur une échelle allant des lettres A à L) pendant vingt-deux ans. « Normalement, il faut quatre à cinq ans avant de passer au niveau supérieur, on a retrouvé ce délai moyen dans les bilans sociaux », précise son avocat. En 2016, alors qu’il était âgé de 62 ans, l’âge moyen des collègues de sa catégorie se situait autour de 40 ans.

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Au Royaume-Uni, Stellantis menace de fermer ses usines si le Brexit n’est pas renégocié

Pendant les quatre années qu’ont duré les très difficiles négociations du Brexit, l’industrie automobile était au cœur des discussions. Sachant que 80 % des véhicules construits au Royaume-Uni sont exportés, la majorité dans l’Union Européenne (UE), et qu’une large partie des pièces détachées vient de l’UE, obtenir un accord pour exonérer la filière des droits de douane relevait de sa survie. Fin 2020, à l’arraché et dans le soulagement général de cette industrie, un compromis a été trouvé : aucun droit de douane n’est imposé.

Voilà pourtant que deux ans et demi plus tard, la question revient sur le tapis. Stellantis, le quatrième constructeur mondial, très présent au Royaume-Uni avec sa marque Vauxhall, menace de fermer ses usines si l’accord sur le Brexit n’est pas renégocié. Dans l’urgence, la ministre des entreprises et du commerce, Kemi Badenoch, s’est entretenue mercredi 17 mai par vidéoconférence avec des dirigeants du constructeur français. La réunion aurait été « constructive », à en croire une source citée par la BBC… Etant donné que Stellantis a deux usines et cinq mille employés outre-Manche, l’enjeu politique est important pour le gouvernement britannique.

Le problème vient de règles techniques mais essentielles comprises dans l’accord du Brexit. Pour bénéficier de l’exemption des droits de douane, il faut prouver que la marchandise est bien « made in UK » (ou « made in EU » s’il s’agit d’une exportation dans l’autre sens). Problème : avec des chaînes logistiques internationales et des composants qui viennent d’un peu partout dans le monde, à partir de quel moment peut-on considérer qu’un véhicule est « britannique » ? L’accord du Brexit a donné la réponse : il faut que 40 % de la valeur des pièces du véhicule soient fabriquées soit au Royaume-Uni, soit dans l’UE.

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« Les constructeurs vont relocaliser leurs usines »

Mais ces règles vont se durcir. En 2024, elles passent à 45 %, et en 2027 à 55 %. Pour les véhicules électriques, c’est encore plus compliqué, avec une règle spécifique pour les batteries : en 2027, celles-ci devront être à 70 % fabriquées soit au Royaume-Uni, soit dans l’UE.

Or, cet objectif est aujourd’hui impossible à atteindre, avertit Stellantis. « Il n’y aura pas une production de batteries suffisantes au Royaume-Uni ou en Europe d’ici 2025 ou 2030, bien que ce soit une exigence essentielle des règles d’origine dans l’accord [sur le Brexit] », souligne Stellantis dans une note remise à un comité parlementaire britannique en février, mais révélée seulement mardi. Le Royaume-Uni n’a qu’une seule grande usine de batteries en cours de construction, près de l’usine Nissan, dans le nord-est de l’Angleterre. En Europe, les projets sont plus avancés, mais là encore insuffisants.

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Vertbaudet : Sophie Binet et Fabien Roussel dénoncent les violences dans le conflit social en cours

La première ministre, Elisabeth Borne, et la secrétaire générale de la CGT, Sophie Binet (à droite), avant leur rencontre à Matignon, le 17 mai 2023.

La secrétaire générale de la Confédération générale du travail (CGT), Sophie Binet, et Fabien Roussel (Parti communiste français, PCF) ont dénoncé, mercredi 17 mai, des violences dans le conflit social en cours dans l’enseigne de puériculture Vertbaudet à Marquette-lez-Lille (Nord), où la police a évacué mardi un piquet de grève. Le parquet de Lille a annoncé dans l’après-midi l’ouverture d’une enquête sur l’agression présumée d’un délégué CGT. « Des investigations sont en cours, notamment des réquisitions d’images de vidéoprotection », a-t-on précisé au parquet.

« Non seulement le patron refuse de négocier, mais en plus le préfet, au lieu de faire organiser une médiation, vient de leur envoyer les CRS pour démanteler le piquet de grève, et nous avons une gréviste qui a fini aux urgences et plusieurs gardes à vue », a déploré Sophie Binet sur France Inter. L’évacuation a eu lieu mardi matin. Les CRS ont délogé les grévistes mobilisés depuis le 20 mars à l’appel de la CGT pour des augmentations salariales. Selon la direction, 72 salariés sur 327 sont toujours en grève.

Reçue en fin d’après-midi par Elisabeth Borne, la responsable syndicale a assuré que la première ministre s’était engagée auprès d’elle à faire « cesser toutes les poursuites contre les ouvrières » et « à garantir une médiation avec la direction de l’entreprise ».

« Copieusement gazé, frappé »

L’union locale de la CGT avait affirmé dans un communiqué qu’un des deux délégués CGT du site avait été « copieusement gazé, frappé » mardi soir par des personnes se présentant comme des « policiers en civil » venus l’interpeller devant son domicile au cri de « sale gréviste ». La direction départementale de la sécurité publique du Nord s’est refusée à tout commentaire.

Le député du Nord et patron du PCF, Fabien Roussel, avait annoncé à l’Agence France-Presse (AFP) avoir saisi le ministre de l’intérieur, Gérald Darmanin, de cette agression « extrêmement grave », et souhaité que le parquet s’en saisisse, indépendamment du dépôt d’une plainte par le délégué, « traumatisé ». Une quarantaine de salariés grévistes se sont par ailleurs réinstallés mercredi devant le site, encadré par les forces de l’ordre, a précisé l’une d’entre elles, Anaïs Vanneuville, à l’AFP. « Nous poursuivons notre grève et restons mobilisées sur le site », a-t-elle assuré.

Selon la CGT, les forces de l’ordre étaient déjà intervenues lundi. Elles avaient interpellé deux militants extérieurs à l’entreprise et les avaient placés en garde à vue, une information non confirmée par le parquet de Lille. Selon leur avocat, Ioannis Kappopoulos, ils auraient été relâchés, sans suite dans l’immédiat. Dans cette entreprise, « il n’y a aucun salaire au-dessus de 1 500 euros. Les filles qui travaillent à la chaîne pour faire des colis font 22 kilomètres par jour debout », avait dans la matinée dénoncé sur CNews M. Roussel, réclamant également une médiation.

Il a parlé d’un climat de violences et d’insultes sexistes, invitant les grévistes à « porter plainte ». « Vous pouvez crever dehors, disent, selon lui, couramment des membres de la direction en passant devant le piquet de grève. Parce que ce sont des femmes, l’un d’entre eux s’est permis de dire : “Il n’y a jamais eu autant de préservatifs dehors”. »

Le député « insoumis » de la Somme, François Ruffin, a pour sa part réaffirmé mercredi son soutien aux salariées en grève dans un communiqué. « Elles demandent du respect. On leur répond par de la brutalité », a-t-il déploré.

Le Monde avec AFP

« Le Canard enchaîné » : l’inspection du travail refuse le licenciement de Christophe Nobili

Un lecteur du « Canard enchaîné », le 25 février 2005, place de la Bourse à Paris.

« L’inspection du travail vient de rejeter la demande d’autorisation du Canard enchaîné pour mon licenciement », a déclaré Christophe Nobili à l’Agence France-Presse (AFP), mercredi 17 mai. Contacté par l’AFP, le directeur général délégué du Canard, Nicolas Brimo, a confirmé avoir reçu la décision de l’inspection du travail et a indiqué que le journal ne souhaitait pas faire de commentaire.

Le journaliste s’est dit « content » de la décision de l’inspection du travail, estimant que la décision de le licencier était « brutale, injuste et abusive ». Le licenciement de M. Nobili avait été enclenché par le comité d’administration du journal début avril, marquant une escalade dans la crise qui secoue depuis plusieurs mois l’hebdomadaire centenaire.

En mai 2022, Christophe Nobili avait déposé une plainte contre X après avoir révélé que la compagne d’un ancien dessinateur et administrateur du Canard, André Escaro, avait bénéficié pendant vingt-cinq ans d’une rémunération du journal sans y avoir travaillé. Une enquête avait été ouverte pour « abus de biens sociaux » et « recel d’abus de biens sociaux ».

Décision susceptible de recours

Le 8 mars 2023, il avait sorti le livre Cher Canard (éditions JC Lattès), dans lequel il revenait sur cette affaire qui a révélé des fractures au sein de la rédaction, sur fond de conflit entre générations. Après cela, le comité d’administration du journal avait décidé de le mettre à pied et d’enclencher une procédure de licenciement.

« Cette décision a été prise après la parution de son livre, et ses multiples déclarations à la presse et dans les autres médias », avaient écrit les administrateurs dans un courriel interne aux salariés le 2 avril.

La décision de l’inspection du travail, datée du 15 mai, est susceptible de recours. Mais en attendant, Le Canard enchaîné « est obligé de me réintégrer et de me verser mon salaire », car ce recours « n’est pas suspensif », a précisé M. Nobili à l’AFP. Selon lui, le recours peut être déposé dans un délai de deux mois soit devant le tribunal administratif, soit devant le ministre du travail, Olivier Dussopt.

Le Monde avec AFP

Travail forcé des Ouïgours : plusieurs associations déposent une nouvelle plainte contre quatre multinationales de l’habillement

Quelques semaines après avoir enregistré un premier revers avec le classement sans suite de leur plainte, plusieurs associations ont annoncé mercredi 17 mai avoir déposé, mardi, une nouvelle plainte auprès de la justice française visant des géants de l’industrie du textile, tels qu’Uniqlo et Inditex, accusés de tirer profit de l’exploitation des Ouïgours en Chine.

L’association anticorruption Sherpa, le collectif Ethique sur l’étiquette, l’Institut ouïgour d’Europe (IODE) et une Ouïgoure ayant été internée dans la province du Xinjiang (nord-ouest de la Chine), veulent, en effet, mettre au jour « les éventuelles responsabilités des multinationales de l’habillement qui profiteraient du travail forcé des Ouïgours pour la fabrication de leurs produits », assurant qu’« un vêtement en coton sur cinq pourrait être entaché par le travail forcé des Ouïgours ».

La plainte, dont elles se constituent partie civile, vise les infractions de recel de quatre crimes – crimes contre l’humanité, génocide, réduction en servitude aggravée et traite des êtres humains en bande organisée – et doit permettre d’obtenir la désignation d’un juge d’instruction.

Travail forcé

Cette deuxième plainte est née de « l’incompréhension » des plaignants après le classement sans suite, en avril, d’une enquête préliminaire ouverte en juin 2021, des suites d’une première plainte qu’ils avaient déposées, par le pôle crimes contre l’humanité du Parquet national antiterroriste (PNAT), qui traite en France les dossiers de crimes contre l’humanité.

Les associations y reprochaient à Uniqlo France (propriété du groupe japonais Fast Retailing), Inditex (qui détient les marques Zara, Bershka, Massimo Duti), SMCP (Sandro, Maje, de Fursac…) et au chausseur Skechers de commercialiser des produits fabriqués en totalité ou en partie dans des usines où des Ouïgours sont soumis, selon ces associations, au travail forcé, et dont le nombre est évalué jusqu’à plus d’un million.

Les plaignants estiment aussi que ces sociétés ne justifient pas de contrôles suffisants auprès de leurs sous-traitants. Leur avocat, Me William Bourdon espère la « reconnaissance de la compétence » de la justice française « sur le fondement du recel de crime contre l’humanité. »

« Les entreprises textiles devront rendre des comptes de s’être enrichies en connaissance de cause, au prix des crimes internationaux les plus graves, à l’envers d’une communication éthique de pure façade », a-t-il ajouté.

D’autres groupes accusés de tirer profit de travail forcé

A l’époque de la première plainte, les quatre groupes mis en cause par la plainte des associations avaient contesté tout recours à du travail forcé. Mais d’autres grands groupes, tels que Nike, Adidas, Shein, sont également visés par des accusations comparables.

Depuis plusieurs années, les autorités chinoises sont accusées par les pays occidentaux d’avoir massivement enfermé des Ouïgours et des membres d’autres minorités majoritairement musulmanes, y compris des Kazakhs, dans des camps de rééducation, après des attentats sanglants dans le Xinjiang. Leur nombre est parfois évalué à plus d’un million.

Washington et plusieurs pays évoquent un « génocide » et le Haut-Commissariat de l’ONU aux droits de l’homme parle de crimes contre l’humanité, des accusations rejetées par Pékin, qui défend des centres de formation professionnelle destinés à combattre l’extrémisme religieux et assurer la stabilité sociale. Certaines marques se sont engagées ces dernières années à ne pas utiliser de coton du Xinjiang (un cinquième de la production mondiale), mais peinent à montrer patte blanche face à des sous-traitants en cascade.

Le Monde avec AFP

Le taux de chômage stable à 7,1 % au premier trimestre en France, selon l’Insee

Le siège de l’Insee, à Montrouge (Hauts-de-Seine), en 2019.

Au premier trimestre, le nombre de chômeurs, au sens du Bureau international du travail (BIT) – définition plus stricte que celle des demandeurs d’emploi inscrits à Pôle emploi –, a très légérement reflué de 7 000 personnes comparé aux trois derniers mois de 2022 et se situe désormais à 2,2 millions de personnes, selon une note diffusée, mercredi 17 mai, par l’Insee. Le taux de chômage est stable sur le trimestre, à 7,1 %, et inférieur de 0,3 point à son niveau de l’année dernière à la même période.

Le Monde avec AFP

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Réforme des retraites : les DRH contraints de repenser les fins de carrière

« Cette réforme des retraites était moins une réforme des retraites qu’une demande faite aux Français de travailler plus longtemps » : c’est par ces mots que Bruno Palier, politologue et directeur de recherche du CNRS à Sciences Po, a introduit les Rencontres RH du mardi 9 mai, qui portaient sur l’impact de la réforme des retraites dans les entreprises.

Une dizaine de responsables des ressources humaines se sont retrouvés à ce rendez-vous mensuel de l’actualité du management, créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup et Malakoff Humanis, pour échanger sur leur politique, et plus particulièrement sur la question des seniors une fois la réforme appliquée.

Le politologue, également auteur de Réformer les retraites (Presses de Sciences Po, 2021), a décrit en quelques mots la situation des actifs proches des 62 ans sur le marché du travail : « La moitié des Français ne sont plus en emploi à l’âge de partir à la retraite ; les quelques mois de travail supplémentaires demandés à ceux qui sont proches de l’âge de départ n’ayant pas été pris en compte dans les négociations de rupture conventionnelle, avec la réforme de l’assurance-chômage, ils tombent directement dans un sas de précarité. Enfin, ceux qui restent n’ont pas envie de travailler plus longtemps dans des conditions de travail qui se sont dégradées, parce que le travail a été considéré comme un coût. »

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés De plus en plus de seniors dans un « sas de précarité »

Ce qui, du côté des entreprises, s’est traduit par quatre stratégies de compétitivité, explique-t-il en substance : délocaliser, sous-traiter (avec un moindre accès à la formation et à l’évolution de carrière), se débarrasser des salariés les plus coûteux (à savoir les seniors) et intensifier le travail de ceux qui restent.

Nouvelle donne

« La stratégie de se débarrasser des seniors était une réalité quand on est passé de 60 à 62 ans, réagit Adrien Barre, directeur du développement de la transition emploi-retraite du cabinet de conseil Diot-Siaci. Aujourd’hui, la moitié des entreprises nous contactent pour demander comment garder leurs salariés. » Stéphanie Carles, directrice des relations sociales de bioMérieux, explique comment, dans son entreprise de microbiologie, « la réforme des retraites a remis sur le tapis la problématique d’accompagnement, avec une forte demande des collaborateurs » « On a beaucoup de salariés en horaires décalés, ce sujet était déjà pris en main depuis des années, mais aujourd’hui on a un énorme casse-tête avec les seniors itinérants qui ne veulent plus prendre la route et qu’il faut replacer, y compris géographiquement, ce qui est quasiment impossible. »

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