Archive dans mai 2023

Le sens du travail passe par des entreprises et administrations « à mission »

Le conflit sur les retraites révèle-t-il aussi une vie au travail qui manque de sens et ne répond ni aux attentes de chacun ni aux enjeux collectifs contemporains ? Ce diagnostic de l’état du salariat est désormais confirmé par les récentes Assises du travail, dont un premier rapport dessine les grandes réformes à conduire (« Re-considérer le travail », de Sophie Thiéry et Jean-Dominique Senard, Conseil national de la refondation, avril 2023).

Pour ses auteurs, restaurer le sens du travail exige notamment une « révolution managériale », qui passe par une autonomie accrue des personnels et une prise en compte des aspirations individuelles. Ces orientations sont vues comme une suite logique de la loi Pacte, qui a introduit, à titre volontaire, la raison d’être des entreprises et la notion de « société à mission ».

Or, le rapport note que le malaise au travail touche à la fois le secteur privé et le secteur public. Ne faudrait-il pas étendre à tous le modèle de la société à mission si l’on veut garantir une refonte du travail ? A l’évidence, secteur public et secteur privé ont été bouleversés par les mêmes chocs : accélération et intensification des ruptures techniques, extension de la concurrence mondiale, montée des menaces environnementales et climatiques. Et, malgré leurs différences, une même dérive des modèles de management y a érodé le rapport au travail.

Refondation de la gouvernance

Le capitalisme actionnarial a réagi à ces chocs par des objectifs exclusivement financiers et souvent démesurés. Outre la négligence des impacts environnementaux, cela a conduit à deux injonctions managériales antagoniques : d’une part, la multiplication des normes et des processus de contrôle du travail ; d’autre part, des restructurations incessantes des entreprises et des métiers.

Dans le secteur public, c’est le jeu des contraintes budgétaires, des limitations d’effectifs et des changements statutaires qui a constitué la réponse récurrente aux tsunamis technologiques et concurrentiels. D’où des cahiers des charges réducteurs et rapidement obsolètes qui, faute d’une autonomie des entreprises publiques dans la définition de leur mission, ont conduit à normer activités et performances, parfois sans lien avec l’horizon de sens de ces institutions.

Ainsi, tant dans le public que dans le privé, la combinaison de normes inadéquates et d’organisations éphémères a érodé le sens du travail, avant d’être toxique pour les plus vulnérables. La révolution du travail passe donc par la refondation de la gouvernance des entreprises privées et des organismes publics.

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A Caudry, dans le Nord, le double coup de massue de la fermeture de Buitoni puis de Tereos

Ils sont plus nombreux que d’habitude. Depuis le 30 mars, et l’annonce par Nestlé de la fermeture de l’usine Buitoni de Caudry (Nord), des salariés s’y retrouvent tous les jours. Sur les grilles, des croix en bois figurent un cimetière. Chacune porte un prénom, un matricule, ainsi que la date d’entrée à la Soc produits alimentaires Caudry et celle du jour où ils ont su qu’il n’y avait plus d’espoir. Ils viennent d’« apprendre que Nestlé a passé un accord pour indemniser les familles des enfants contaminés ». « Nous, on est crucifiés, accusés de faits pas avérés », enrage Fabrice Bourlet, qui a passé trente-trois ans à l’usine Buitoni de Caudry.

Le 18 mars 2022, les pizzas surgelées de la gamme Fraîch’Up de Buitoni, fabriquées sur place, sont retirées du marché. Deux enfants sont morts d’une contamination à la bactérie Escherichia coli ; cinquante-six autres souffrent d’un syndrome hémolytique et urémique, qui s’attaque aux reins. Le préfet décide la fermeture de l’usine incriminée.

« On a dit que c’était une porcherie, mais plus de 2 000 analyses ont été effectuées sur les lignes, et ils n’ont rien trouvé », assure Nathalie Cotteau, 54 ans, qui est entrée dans l’entreprise il y a vingt ans. « On n’y peut rien, on a toujours suivi les protocoles », insiste Ingrid Foulain. Avec Alexia Devigne, elles travaillaient toutes trois au conditionnement et ne se sont toujours pas remises d’être passées pour des empoisonneuses, insultées sur les réseaux sociaux. Et maintenant, la fermeture, « alors que l’on a été d’accord pour faire des samedis [et que l’on] croyait à la reprise », lance Mme Foulain.

L’annonce d’un arrêt « jusqu’à nouvel ordre » des deux chaînes sur les trois remises en route en décembre 2022, alors que l’enquête n’était toujours pas bouclée, n’avait pas rassuré Frédéric Bricout, le maire de Caudry. Il se doutait que, le 30 mars, Nestlé ferait tomber le couperet. « Ils ont tout fait pour que ça ferme », insiste l’édile dans sa mairie. Une plaque y vante « la générosité et la convivialité italiennes que l’on invite à sa table » et ces pizzas Buitoni « vendues toutes les deux secondes en France ». Il a prévu de la décrocher. Aujourd’hui, l’enjeu est de « trouver un repreneur sur le site ». Il ne se risque pas à avancer un nom, tout comme Raymond Yeddou, le sous-préfet de Cambrai, qui confirme que « des marques d’intérêt s’expriment », mais qu’« il est trop tôt pour en dire davantage ».

Devant l’usine de pizzas Buitoni, lors d’une mobilisation des salariés. Au centre, Stéphane Derammelaere, délégué syndical FO du site. A Caudry (Nord), le 27 avril 2023.

Buitoni n’est pas la seule entreprise à susciter l’inquiétude des élus locaux. Il y a notamment Escaudœuvres et l’immense site hérissé de silos du sucrier Tereos, à quinze kilomètres de l’usine Buitoni. Les salariés qui y campent font griller de la viande et ont sorti le Picon et le Coca pour l’apéritif. Le 19 mars, une course à pied, la « corrida du sucre », devait fêter les 150 ans de la sucrerie. « Le 8 mars, on a appris que Tereos la fermait », fulmine toujours Ludovic Pierrin, délégué CGT. Un coup de massue pour ses 123 salariés.

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L’employeur ne peut pas géolocaliser son chauffeur en dehors des heures de travail

Il peut être tentant pour un employeur de vérifier à tout instant, grâce à un système de géolocalisation des véhicules professionnels, que ses salariés itinérants se trouvent bien là où ils doivent être. Mais il n’en a pas le droit. Le recours à la géolocalisation, sévèrement encadré par le code du travail (article 1121-1) et par la loi Informatique et libertés (délibération du 4 juin 2015), ne permet pas de surveiller le salarié en dehors de son temps de travail, comme viennent de le rappeler deux arrêts de la Cour de cassation, le 22 mars.

Le premier (21-24.729) concerne un chauffeur de la société France Balayage licencié en 2018 pour avoir utilisé sa balayeuse le soir après son travail. Le système de géolocalisation installé sur celle-ci a permis à l’employeur de lui écrire : « Le 16 novembre 2017, alors que vous étiez affecté sur un chantier à Chalivert (77), vous avez utilisé le véhicule en fin de journée pour vous rendre rue…, à plus de dix-neuf kilomètres de votre chantier… » L’employeur a encore constaté que, sur une période donnée, ses « allers-retours » ont « rajouté plus de 250 kilomètres par jour au kilométrage du camion ».

Le chauffeur ne conteste pas les faits, mais il soutient que la sanction est disproportionnée, car il devait se rendre au chevet de sa mère alors gravement malade, et morte depuis, en avril 2018. Il dénonce l’utilisation de la géolocalisation comme « moyen de traçage » de ses déplacements personnels.

Son licenciement est pourtant validé par la cour d’appel d’Amiens (Somme), le 1er septembre 2021, en ces termes : la géolocalisation est « justifiée par la nécessité » de « localiser le véhicule en cas de vol et de connaître le kilométrage effectué ». La Cour a estimé que les kilomètres supplémentaires ont ajouté « de la fatigue et du risque » pour la santé et la sécurité du chauffeur, dont l’employeur est garant, et qu’« aucun contrôle de sa vie privée n’[a] été mis en place ».

Moyen de preuve illicite

La Cour de cassation, saisie par le chauffeur, la censure, en estimant que le code du travail a été « violé », ainsi que les articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales. La cour d’appel ne pouvait statuer comme elle l’a fait après avoir « constaté » que la collecte des données de localisation, officiellement destinée à la protection contre le vol et à la vérification du kilométrage, avait été utilisée « pour surveiller le salarié et contrôler sa localisation en dehors de son temps de travail ». Ce dont il résulte que « l’employeur avait porté atteinte à sa vie privée, et que ce moyen de preuve tiré de la géolocalisation était illicite », explique la Cour de cassation.

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A Paris-VIII, cultiver ses « soft skills » au contact des abeilles

Des étudiants de Paris-VIII s’essaient à l’apiculture sur le campus.

D’abord, il faut contourner l’immense bâtiment A de l’université Paris-VIII, à Saint-Denis (Seine-Saint-Denis). Ensuite, il convient de longer le grillage qui délimite le site universitaire de celui du lycée professionnel Frédéric-Bartholdi, puis de fouler le brin de pelouse qui tente de survivre parmi le béton alentour. Quand, soudain, les voilà : les ruches de Paris-VIII. Trois maisonnettes minuscules et colorées à l’abri dans un petit enclos.

C’est dans ce petit coin quasi introuvable que Marie Philémon, documentaliste au service d’information, d’orientation et d’insertion professionnelle de l’université depuis une dizaine d’années, aime entraîner les étudiants pour leur proposer une expérience atypique : celle de devenir, le temps de deux semestres, des apprentis apiculteurs.

Passionnée d’abeilles, Marie Philémon a eu l’idée de proposer un projet tuteuré en apiculture, en 2017. Il est inclus dans le programme « So Skilled », qui est déployé dans les universités de Paris-Nanterre et Paris-VIII et vise à donner aux étudiants du premier cycle des compétences humaines mobilisables tout au long de leur vie. « Ce n’est pas un club pour apprendre l’apiculture de manière professionnelle, prévient Marie Philémon, elle-même pratiquante depuis une douzaine d’années. L’idée est avant tout de fédérer des étudiants autour d’un projet concret et de leur permettre de gagner en compétences transversales, les fameux “soft skills”. »

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Mêlant théorie et pratique, les douze sessions permettent aux jeunes volontaires d’apprendre à réfléchir en groupe, mais aussi de savoir observer un milieu naturel ou encore de s’adapter aux contraintes météorologiques. « Les abeilles ne sont qu’un moyen pour aborder des sujets plus larges comme le lien avec le vivant ou la protection de l’environnement », analyse la documentaliste. Mais le passage vers le rucher – terme qui désigne les trois ruches – est surtout l’occasion de créer un nouveau lien entre les étudiants eux-mêmes. A en croire Marie Philémon, il se passe toujours quelque chose autour des ruches.

Casser les codes

Elle se souvient, par exemple, d’un jeune garçon soucieux de son allure qui rechignait à enlever ses baskets et son jean pour enfiler la combinaison blanche des apiculteurs qu’il trouvait « trop moche ». « Se retrouver en tenue d’apiculteur casse un peu les codes, les interactions sont moins formelles », analyse celle qui est surnommée « Marie l’abeille » dans les couloirs de l’université.

Léonard Decaux, 22 ans, étudiant en troisième année de licence en cinéma à Paris-VIII, se souvient de ces heures d’apiculture comme d’une parenthèse enchantée. « Quand je sortais avec la tenue d’apiculteur, je me sentais très loin de la fac, un peu comme en vacances. Me concentrer sur cette petite communauté d’abeilles et ne m’occuper que d’elles pendant quelques heures était vraiment très apaisant », confie-t-il.

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L’argot de bureau : le « networking » ou l’art de peupler son entre-soi

L’argot de bureau.

« Cher réseau. » Ces deux mots ont à eux seuls le pouvoir de raviver la phobie des réseaux sociaux professionnels, avec leurs « posts » qui sont des textes copiés-collés d’autres posts, et s’appuyant sur un propos absolument consensuel pour être relayés au plus grand nombre… Et aussi, parfois, demander de l’aide à ce réseau qui vaut, bel et bien, assez cher.

Dans la vraie vie ou sur la Toile, il est indispensable, dans certains métiers, de tisser la sienne : c’est tout l’objet du « networking », ou réseautage, qui désigne le fait d’échanger et de rencontrer de nouvelles personnes dans un cadre strictement professionnel.

Ses objectifs sont multiples : recruter de futurs salariés ou trouver un emploi – par cooptation par exemple, en sollicitant ce camarade de lycée que vous n’aimiez pas, mais qui est devenu « chief of people » dans la tech –, développer son entreprise, identifier des partenaires potentiels… Plus il y a de poissons dans la mare, et plus il y a de chances de faire une bonne prise.

Savoir s’introduire

Mais un réseau, ça se travaille, comme vient nous le rappeler l’étymologie même de notre mot du jour : quelqu’un qui « networke » œuvre (work) sur son filet (net). En français, le mot « réseau » renvoie aussi au « filet » (du latin retiolus), qui renvoie à la chasse plus qu’à la pêche.

Le networking est à moitié informel : hormis dans les cercles et clubs spécialisés, qui demandent une cotisation, un réseau se construit gratuitement, dans des événements divers (cocktails, salons…). Mais il coûte du temps et requiert une certaine subtilité dans la posture, entre vie privée et vie professionnelle.

Cette dernière demande de faire le premier pas en souriant, savoir s’introduire et marquer les esprits, tout en posant des questions à sa « cible », bien identifiée. Poser des questions ouvertes, mais ne pas en poser trop, être curieux ou feindre de l’être. Trouver des points communs aussi, à la manière des très masculins clubs d’affaires anglo-saxons, qui, dès le XIXsiècle, se nouaient autour de passions pour l’hippisme, le rugby ou encore les cigares.

« Le principe du networking, c’est de ne pas évoquer le malaise ambiant de la société et afficher un pessimisme qui laissera dans la mémoire de vos interlocuteurs l’envie de ne jamais vous recontacter », conseille Dynamique entrepreneuriale.

Faire « coucou » de temps en temps

Mais parlons peu, parlons bien. On abrégera donc le « small talk » pour en venir droit au but : « Je n’en ai rien à faire de tes vacances en Normandie, je veux simplement que tu m’ajoutes sur LinkedIn, car tu as beaucoup de relations. » L’art du réseautage, c’est aussi savoir à quel moment quitter un cercle et une conversation ennuyeuse pour passer à une autre.

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Formation : Une baisse de dotation met les entreprises de proximité dans l’embarras

« Des professions comme la boulangerie-pâtisserie ne pourront globalement plus envoyer leurs salariés en formation à partir de juin. D’autres métiers pourront être impactés », alarme Laurent Munerot, président de la Confédération nationale de l’artisanat des métiers et des services (CNAMS), et vice-président de l’Union des entreprises de proximité (U2P) en charge de la formation professionnelle. Dans 53 branches professionnelles représentant 3 millions de salariés de l’artisanat, l’immobilier ou encore la coiffure, les formations organisées par les entreprises risquent d’être drastiquement revues à la baisse dès 2023.

Cette situation est la conséquence d’une baisse de la dotation que l’opérateur de compétences des entreprises de proximité (OPCO EP), dont dépendent ces métiers, reçoit chaque année de la part de l’institution France Compétences. Cette somme doit aider les entreprises de moins de 50 salariés à financer leur plan de développement de compétences (PDC), à savoir l’ensemble des actions de formation mises en place pour leurs salariés.

La direction de l’OPCO, qui aurait dû recevoir 166 millions d’euros − somme qui a été entièrement dépensée par les entreprises −, n’en a finalement reçu que 123. Et elle n’a appris la nouvelle par courrier que le 14 avril, alors que son exercice 2022 était clos depuis trois mois. Conséquence : un résultat net négatif, heureusement amorti par un recours à ses fonds propres.

Cette chute s’explique par un changement des règles de répartition des fonds entre les onze OPCO : un décret certifie qu’il dépendra désormais du nombre d’équivalents temps plein dépendant de chaque OPCO, et non plus du nombre de salariés. Or les salariés de la branche des particuliers employeurs (garde d’enfants, ménage…), dont la plupart travaillent à temps partiel, dépendent d’EP, ce qui implique que leur nombre passe de 1,27 million de travailleurs à 447 000 ETP. Ainsi, le nombre d’ETP total passe de 3 millions à 2,2, ce qui justifie la baisse de la part que reçoit l’OPCO sur les 552 millions attribués au total en France.

Absence d’anticipation

Si les branches concernées et l’opérateur ne peuvent que regretter ce changement, elles déplorent aussi le manque d’information à son sujet, et l’absence d’anticipation, étant donné que le décret en question date de décembre 2021. « Il est anormal que l’on revienne en avril 2023 sur l’exercice 2022, et après avoir été informé par deux fois d’une enveloppe budgétaire convenue, s’indigne Laurent Munerot. C’est inadmissible, comment voulez-vous gérer n’importe quel établissement si on apprend la dotation quatre mois après la fin de l’exercice ? »

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Entreprises : y aura-t-il de l’eau chaude à Noël ?

« Certainement une mesure sociale d’apaisement », ironisait sur Twitter le 30 avril Anthony Smith, responsable CGT au ministère du travail. En marge des manifestations contre la réforme des retraites, un décret datant du 24 avril autorise les employeurs à couper l’eau chaude des sanitaires dans les entreprises et les bâtiments à usage professionnel. Raison invoquée : la sobriété énergétique.

La consommation d’eau chaude sanitaire dans les locaux tertiaires montre en effet une progression constante, selon les chiffres du ministère de la transition écologique : elle atteignait 22,6 milliards de kilowatts/heure (kWh) en 2019, contre 21,9 milliards de kWh en 2013. Soit plus de 10 % de la consommation énergétique totale des bâtiments du tertiaire.

Ce décret s’appliquant jusqu’au 30 juin 2024, la mesure sera valable cet hiver. Le texte ne fixe pas de température minimale extérieure à atteindre. Les bâtiments concernés incluent les écoles, les hôpitaux et les établissements publics, mais seulement les sanitaires réservés aux travailleurs de ces bâtiments.

Risque de prolifération des bactéries

Il ne sera toutefois pas si simple de couper l’eau chaude à ses salariés. L’employeur doit d’abord récolter l’avis du comité social et économique (CSE), s’il existe. Par ailleurs, le document unique d’évaluation des risques professionnels (DUERP), obligatoire dans toutes les entreprises d’au moins un salarié et transmis par l’employeur au service de prévention de santé au travail, doit faire le constat qu’aucun risque n’existe pour la sécurité et la santé des travailleurs du fait de l’absence d’eau chaude.

Or, certaines bactéries prolifèrent lorsque la température de l’eau est tiède, c’est-à-dire comprise entre 20 et 45 degrés, notamment la légionellose (qui n’aime pas l’eau froide). « En vingt ans d’exercice j’ai déjà eu le cas d’une personne décédée de cette maladie et celui d’un salarié qui s’est retrouvé paralysé, simplement après s’être aspergé le visage », se souvient Camille Pradel, avocat spécialiste de la santé au travail.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Pourquoi des salariés ne déclarent pas leurs accidents de travail

De son point de vue, par ailleurs, « il faudra faire très attention dans le DUERP, notamment aux risques de stagnation de l’eau ». Faute de textes législatifs suffisamment précis en la matière, « il faut se référer aux normes de bonnes pratiques ».

Douches exclues

Pour prévenir la légionellose, l’Agence Régionale de Santé d’Ile-de-France recommande de « purger tous les points d’usage en cas d’absence prolongée », pour éviter notamment la stagnation d’eau tiède dans le chauffe-eau, et signale qu’un arrêté du 30 novembre 2005 préconise une température supérieure ou égale à 50 °C en tout point du système de distribution, « à l’exception des tubes finaux d’alimentation des points de puisage », précise l’arrêté.

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Lycée professionnel : les enjeux d’une indispensable évolution

L’éducation doit-elle déboucher sur un métier ou bien consiste-t-elle simplement à former des futurs citoyens ? Si la France n’a jamais véritablement réussi à dépasser cet éternel débat, c’est sans doute parce que la seule réponse valable est que le premier objectif est aussi important que le second. Or, les lycées professionnels n’atteignent ni l’un ni l’autre en aboutissant à un immense gâchis pour une part non négligeable de la jeunesse. Dès lors, faire de la réforme de ces lycées professionnels une « cause nationale », comme l’a annoncé, jeudi 4 mai, Emmanuel Macron, n’a rien de grandiloquent : c’est un devoir et une nécessité.

La filière cumule les difficultés en concentrant les élèves les plus fragiles socialement et scolairement. Une fois qu’ils sont diplômés, seule une petite moitié trouve un emploi au bout d’un an. Ce bilan n’est pas tolérable. Il est le fruit de plusieurs décennies de réformes mal calibrées, de budgets bancals et d’un système incapable de se remettre en cause malgré le manque de résultats.

Souvent choisi par défaut, le lycée professionnel a fini par devenir pour beaucoup d’élèves une « voie de garage » ne permettant, dans l’indifférence générale, ni poursuite d’études ni insertion professionnelle. A la clé, une population peu diplômée, oubliée, se sentant déclassée et devenue l’un des principaux terrains de chasse électoraux du Rassemblement national.

Un « pacte » avec les enseignants

La réforme propose une série de changements autour de deux piliers. L’un concerne l’amélioration de l’employabilité. Il s’agit de faire coïncider les formations avec le potentiel du bassin d’emploi local. Le projet vise à être transparent sur les débouchés des formations et envisage de fermer celles qui ont les taux d’insertion les plus bas. L’idée tient du bon sens. Reste à expliquer comment seront accompagnés les enseignants concernés. Afin de mieux valoriser les parcours des élèves et de réduire l’écart d’attractivité avec les centres de formation des apprentis, il est enfin prévu de rémunérer les stages en entreprise. Ceux-ci seront plus nombreux en terminale.

Ces efforts en faveur de l’insertion professionnelle sont les bienvenus, mais ils ne doivent pas se faire au détriment du second pilier de la réforme, c’est-à-dire l’amélioration des savoirs fondamentaux. C’est là que tout se complique, car l’équilibre dépendra des modalités d’application. Il s’agit de nouer un « pacte » avec les enseignants. Ces derniers pourront toucher jusqu’à 7 500 euros brut par an en échange de « missions » comme le soutien aux élèves en difficulté.

Objectif : « zéro décrocheur », promet le président. Mais, derrière le slogan, peu de précisions. Si la partie insertion est balisée et appelée à s’appliquer uniformément, celle qui concerne la consolidation de l’enseignement général variera selon l’engagement des enseignants. De la proportion de ceux qui sont prêts à accepter le « pacte » dépendra pour une part l’efficacité de la réforme. D’un côté, le risque est de créer un système à deux vitesses entre les lycées qui joueront le jeu et ceux qui refuseront. De l’autre, c’est l’occasion de placer les enseignants face à leurs responsabilités et de jouer sur l’effet d’entraînement.

Grâce à une enveloppe de 1 milliard d’euros par an, M. Macron souhaite « continuer de créer plus de liens entre le monde éducatif et le monde de l’entreprise, en assumant que le lycée professionnel est une troisième voie ». Mais celle-ci ne pourra s’affirmer que si la filière sait mener sur le même plan employabilité et culture générale. A ce stade, difficile de savoir si cet équilibre indispensable sera respecté.

Le Monde

Le gouvernement lance une « contre-offensive » pour attirer de nouveaux candidats dans la fonction publique

Lors d’un salon de l’emploi, à Tourcoing (Nord), le 4 octobre 2018.

Stanislas Guerini a donné de sa personne. Pour le premier salon consacré à l’emploi public depuis 2016, le ministre de la transformation et de la fonction publiques a enchaîné les tables rondes et les déambulations parmi les cinquante stands installés à la Station F (un incubateur de start-up créé par Xavier Niel, également actionnaire à titre individuel du Monde), à Paris, jeudi 4 mai. Objectif : lancer une campagne de recrutement et vanter les mérites de l’administration aux 5 000 visiteurs inscrits, parmi lesquels 40 % de chômeurs, 40 % de fonctionnaires en reconversion et 15 % d’étudiants.

Lire aussi (2020) : Article réservé à nos abonnés Etre fonctionnaire, un métier qui n’attire plus la jeunesse

Car, touchée par des difficultés récurrentes à attirer les jeunes, la fonction publique dispose actuellement de 58 000 postes à pourvoir. Alors que le gouvernement tablait sur une stabilité des effectifs en 2022, il a en réalité constaté une baisse du nombre de fonctionnaires de 5 800 emplois du fait de problématiques de recrutement.

Jeudi matin, lors d’une table ronde ouverte aux visiteurs du salon, M. Guerini a lancé « une contre-offensive pour la fonction publique, pour montrer à quel point nous pouvons être les employeurs les plus attractifs du pays, vous proposer des jobs… » Parce que, a-t-il reconnu, « rarement autant dans l’histoire de la fonction publique, on a eu besoin de vous ». Les défis « qu’on a à relever ensemble », a souligné le ministre, n’ont « jamais été aussi grands : écologique, numérique, démographique… » Et, donc, « on a besoin du retour de la puissance publique sur nos territoires ».

« Mille métiers »

Il a ensuite vanté « les carrières et la diversité de métiers la plus incroyable ». « Il y a mille métiers dans la fonction publique », a-t-il martelé. Troisième message : celle-ci « se transforme, beaucoup plus vite et plus fort que ce que notre débat public laisse percevoir ». « J’en ai marre du “fonctionnaire bashing” », a-t-il soupiré. Affirmant à plusieurs reprises qu’il n’avait « pas de tabous », le ministre a promis de faire bouger les concours, de permettre la titularisation directe des apprentis, de valoriser le mérite, de proposer « des espaces de coworking » ou la prévention de l’usure professionnelle. Le matin même sur France 2, M. Guerini avait annoncé qu’il rencontrerait prochainement les syndicats pour discuter hausse des salaires.

Dans les travées du salon, les exposants tentaient de mettre en avant les opportunités offertes par l’administration. La gendarmerie nationale cherche à recruter 12 000 personnes en 2023 : c’est 2 000 de plus que d’habitude en prévision des Jeux olympiques de 2024. Ce type de salon est important, estime le maréchal des logis Loris Méchin, recruteur. Cela permet, dit-il, de montrer la diversité des trois cents métiers offerts par la gendarmerie, « d’expliquer le sens de notre institution, nos valeurs car les gens nous confondent souvent avec la police ».

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