Archive dans mai 2023

A New York, des bureaux largement dépeuplés en fin de semaine

Dans le quartier financier de Manhattan, à New York, le 26 janvier 2019.

« Vous ne pouvez pas rester en pyjama toute la journée ! » Pendant l’hiver 2022, le nouveau maire (démocrate) de New York, Eric Adams, avait invité les habitants à reprendre le chemin du bureau. « New-Yorkais, il est temps de retourner au travail. Vous ne pouvez pas me dire le lundi que vous avez peur du Covid-19, alors que je vous croise le dimanche dans une boîte de nuit. » A l’époque, beaucoup pensaient que la pression des employeurs et la remontée du chômage pour cause d’inflation allaient provoquer un retour à la normale. C’est raté. « Le retour au bureau a calé », titrait le Wall Street Journal, le 16 mai.

La part des entreprises américaines qui exigent de leurs employés de travailler à plein temps au bureau est retombée en trois mois de 49 % à 42 %. Selon le groupe de réflexion Working from Home, le pourcentage de salariés travaillant à distance au moins six heures par semaine a certes chuté de 61,5 %, au pic de la pandémie, à 28,4 % en avril, mais ce chiffre n’a rien à voir avec la situation qui prévalait jusqu’en 2020, où le travail de chez soi ne concernait que 4,6 % d’entre eux.

Insensiblement, ils prennent le chemin de la semaine de quatre jours, avec des locaux désertés le vendredi. Ainsi, à New York, en janvier, le taux d’occupation des bureaux était de plus de 60 % le mardi, mais dépassait à peine 25 % le vendredi.

Aides fiscales

Cette situation représente une catastrophe pour les activités de service urbain. D’après Working from Home, pour tout salarié qui travaille de chez lui au lieu de se rendre à Manhattan, 4 600 dollars (environ 4 250 euros) de chiffre d’affaires n’est pas réalisé. « Le comptable qui n’est pas dans son bureau ne va ni chez le teinturier ni au restaurant. Cela ne permet pas aux cuisiniers, aux serveurs, aux laveurs de vaisselle [de gagner leur vie] », a accusé M. Adams.

Le maire a mis en place des aides fiscales pour la rénovation des bureaux construits avant l’an 2000. « Tout bureau vide signifie moins de financement pour tout, qu’il s’agisse des écoles ou des logements à loyer modéré. » Par définition, le travail à distance concerne les « travailleurs sur ordinateur », dans la tech, la banque et le conseil, et très peu les salariés du bas de l’échelle salariale, dans l’hôtellerie, les loisirs et le commerce de détail. C’est aussi un drame pour la mairie : un tiers de son budget est alimenté par la taxe foncière (31 milliards de dollars par an), dont 40 % proviennent de l’immobilier commercial ou de bureau.

Le taux d’occupation des bureaux dans les dix plus grandes villes américaines reste proche de 50 % depuis des semaines, au dire de Kastle Systems, une société de sécurité qui surveille les lectures de cartes d’accès. Les entreprises ont alterné le bâton et la carotte pour attirer leurs salariés. Selon le Wall Street Journal, le cabinet d’avocats Davis Polk & Wardwell LLP a menacé de réduire le bonus des employés qui n’étaient pas présents trois jours par semaine. En avril, la banque d’affaires J.P. Morgan a exigé une présence de cinq jours par semaine. Quant à Meta, la firme de Mark Zuckerberg, elle a indiqué ne plus vouloir recruter de personnes complètement à distance, laissant qu’elle finirait par exiger un retour au bureau.

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« Les discriminations ont une incidence négative sur les performances globales de l’économie »

Depuis plus de vingt ans, le sujet des discriminations est au cœur des débats de société et de nombreux travaux se sont penchés sur cette question. La notion de discrimination telle qu’appréhendée par la science économique repose sur la présence d’une inégalité de traitement entre un groupe et un autre, non motivées par des différences de performance. À titre illustratif, à conditions d’emploi identiques et à niveau de productivité équivalente, si les hommes perçoivent une rémunération supérieure à celle des femmes, on considère donc qu’il y a bel et bien une discrimination.

Au-delà même de toute dimension éthique, ces discriminations ont une incidence négative sur les performances globales de l’économie, et, ne serait-ce que pour cette raison, il convient de réfléchir aux voies et moyens susceptibles de les réduire. En 2019-2020, 18 % des personnes de 18-49 ans déclaraient avoir subi « des traitements inégalitaires ou des discriminations », contre 14 % en 2008-2009 (Insee Première n° 1911, juillet 2022).

Cette évolution se double en outre de deux autres constats : pour les femmes, le motif sexiste est devenu la principale source de discrimination, devant les origines ; pour les hommes, l’origine est le principal motif de discrimination ressentie (58 % des cas, et notamment pour les personnes ayant une relation à l’immigration puisque 22 % des immigrés et 20 % des descendants d’immigré sont concernés). Pour les personnes qui se disent musulmanes, les motifs de discrimination se déplacent de l’origine vers la religion.

Lutter contre la discrimination permet d’augmenter le PIB

De façon générale, les discriminations freinent et obstruent l’insertion sur le marché du travail de catégories de population en âge de travailler (celles qui sont discriminées). En effet, en excluant certaines personnes du marché du marché du travail, la présence de ces discriminations a pour corollaire une contraction de la population active, laquelle peut par ailleurs susciter une hausse du coût du travail (en raison de la baisse de l’offre).

Outre cette baisse de la population active, les discriminations tendent à occasionner une allocation non optimale des compétences dans l’économie, ce qui revient à se priver d’individus à fort potentiel. Ainsi, selon les scenarii étudiés par France Stratégie en 2016, une réduction des discriminations permettrait un gain de PIB oscillant entre 3.6 et 14 % !

Les cinq leviers contre les discriminations

Dans ce contexte, afin de limiter les effets de ce fléau économique et éthique, cinq leviers pourraient utilement être actionnés par les pouvoirs publics :

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Après la réforme des retraites, des entreprises pionnières organisent le maintien en emploi des seniors

Le recul de l’âge de la retraite implique que les entreprises gardent leurs salariés seniors en activité plus longtemps. « C’est à l’entreprise d’adapter son organisation du travail pour accompagner ses salariés expérimentés jusqu’à la fin de leur carrière. C’est une question de bon sens », estime Stéphane Dubois, directeur des responsabilités humaines et sociétales de Safran. Le 11 avril, le motoriste aéronautique et spatial, qui compte 43 200 salariés en France, dont 13 500 âgés de plus de 50 ans, a conclu avec l’ensemble des organisations syndicales du groupe (CFDT, CFE-CGC, CGT, FO) un accord pour renforcer l’emploi de ses « salariés expérimentés », terme préféré à celui de « seniors », jugé galvaudé.

Parmi les mesures prises, le temps partiel aidé pour pouvoir travailler plus longtemps – « un engagement fort de l’entreprise, car sa mise en œuvre est complexe, notamment dans les usines », tient à préciser Stéphane Dubois –, et la possibilité de se reconvertir à partir de 50 ans pour les salariés exposés à des facteurs de risque. Ces reconversions sont accompagnées sur cinq ans et construites avec le salarié demandeur. Les situations individuelles sont appréciées au cas par cas, notamment par la médecine du travail. Enfin, afin d’éviter l’obsolescence des compétences, Safran promet un effort sur la formation continue pour ces salariés.

Le groupe de protection sociale Apicil, dont 18 % des salariés ont plus de 55 ans, va mettre en place un abondement du compte épargne-temps (CET) de 30 % permettant de diminuer l’activité, tout en maintenant le salaire et les cotisations à taux plein. Le Groupe ADP, qui compte 2 100 collaborateurs en France, dont 400 âgés de plus de 55 ans, a signé un accord de gestion des emplois et des parcours professionnels (GEPP) en avril 2022. « Il s’agit de proposer, notamment, un accès au temps partiel pour les 55 ans et plus, avec le maintien à 100 % des cotisations retraite, ainsi qu’un accompagnement individuel pour les 60 ans et plus, avec un bilan de prévention médico-social », détaille Elodie Gourmellet, DRH de Groupe ADP en France et en Suisse.

« Lever les a priori »

Mais de tels accords consacrés aux salariés âgés ou des accords de GEPP incluant un volet seniors sont encore rares. « Les entreprises ne s’emparent pas tellement du sujet et beaucoup de mesures concernent encore une transition en douceur vers la retraite, constate Samuel Pasquier, expert au cabinet Syndex, spécialisé dans l’accompagnement des représentants des salariés et des organisations syndicales. Il est vrai que le sujet est un peu frais, et que la pratique des entreprises ne suit pas forcément les discours. Il faut rappeler que longtemps, le consensus entre les employeurs et leurs salariés âgés était de les faire partir plus vite. Aujourd’hui encore, ils restent confrontés à un plafond de verre : rémunération, accès à la formation… »

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Un salarié sur deux a été en arrêt maladie en 2022

Carnet de bureau. Médecins traitants et médecins du travail sont bien d’accord, l’absentéisme se porte bien. Non pas à cause de l’arrivée des beaux jours, mais bien pour maladie. La moitié des salariés du privé se sont arrêtés au moins une fois en 2022, révèle le Baromètre annuel Malakoff Humanis à paraître dans les prochains jours. C’est une première depuis que le mutualiste a commencé à interroger les entreprises sur la santé au travail en 2016.

Fin mai, un autre professionnel de la prévention, Axa, publiait un Datascope sur le sujet. Après avoir pris le pouls de 3 millions de salariés, le résultat est tombé : 44 % d’entre eux se sont arrêtés au moins une fois en 2022. La moitié de la France serait-elle malade ?

Les premiers touchés sont les jeunes et les cadres, deux catégories de salariés dont le taux d’absentéisme habituellement très bas a fortement augmenté entre 2019 et 2022, de plus de 50 % chez les moins de 30 ans et de plus de 40 % chez les manageurs, selon Axa. Diagnostic aussi alarmant chez Malakoff Humanis : les médecins auraient prescrit un arrêt de travail à 58 % des 18-34 ans, et à 53 % des manageurs en un an.

Davantage d’arrêts courts et une envolée des absences multiples s’expliqueraient par le passage d’Omicron, qui a fait beaucoup de malades au premier trimestre 2022 et le désengagement professionnel. « L’absentéisme est d’autant plus fort que les salariés sont moins engagés dans leur travail », relève le baromètre de Malakoff Humanis, qui a croisé les indicateurs d’engagement au travail avec le taux de prescription d’arrêts maladie.

Une durée moyenne en hausse

Les affections psychologiques, toujours devant les troubles musculosquelettiques, sont la première cause des arrêts longs, de plus en plus longs. La durée moyenne est passée de 97 à 111 jours. Le directeur des affaires sociales de Bayer France, Jean-François Véry, a ainsi confié à Axa qu’un tiers de leurs arrêts de longue durée « sont liés à des difficultés d’ordre psychologique ». « Nous avons besoin de bâtir quelques indicateurs précis pour mesurer (…) en particulier l’absentéisme répété de courte durée. C’est, en effet, souvent un signe précurseur d’arrêts de travail plus longs. »

Selon Axa, le coût direct pour les entreprises de tous ces problèmes de santé s’élève à 4,4 % de la masse salariale en 2022, contre 3, 9 % en 2021 en pleine épidémie de Covid-19. « Un poids financier qui ne tient compte ni de la perte de productivité ni de la désorganisation des équipes », précise le Datascope.

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Pénuries de saisonniers : le gouvernement présente des mesures centrées sur le logement et la formation

« Les clients sont là mais on manque de main d’oeuvre. » Partout la même complainte. Alors que les métiers de l’hôtellerie-restauration figurent parmi ceux les plus en tension, les ministres du travail, Olivier Dussopt et son homologue au tourisme, Olivia Grégoire, ont détaillé, ce mardi 30 mai, lors d’un point presse les premières mesures visant à faciliter le recrutement de saisonniers.

«  En 2022 déjà sur les 150 000 postes de saisonniers nécessaires, seule la moitié a été pourvue », rappellent les cabinets des deux ministères pour justifier ce plan, ajoutant que « leurs recrutements avaient alors baissé de 30 % ». « L’an dernier, 59 % des hôtels et restaurants avaient effectivement dû freiner leur activité durant l’été faute de saisonniers », souligne Vincent Sitz, président de la commission emploi formation du Groupement des hôtelleries et restauration de France. Pour 2023, Il chiffre à 30 000, voire 40 000, le nombre d’emplois supplémentaires à pourvoir par rapport à l’an dernier.

Subvention de 10 millions d’euros aux entreprises

En guise de réponse, le gouvernement s’appuie sur un plan évolutif sur trois ans portant à la fois sur la formation, l’accompagnement et l’aide au logement de ces saisonniers. Sur le premier volet, l’objectif est de promouvoir, dans le cadre de Pôle emploi, des formations courtes – 35 à 150 heures – par exemple sur les connaissances basiques dans la restauration, et ce en vue d’élargir le vivier de personnes à recruter. Une augmentation du budget formation est prévue par le biais d’une subvention supplémentaire de 10 millions d’euros aux entreprises (dans le cadre du plan FNE-Formation) pour répondre aux besoins les plus critiques.

Pôle emploi sera également sollicité avec les employeurs en vue d’accompagner les saisonniers une fois leur saison terminée afin de les orienter de manière systématique vers des formations et des emplois. « Plus de la moitié des saisonniers ne travaillent pas en intersaison et vivent d’assurance chômage ou de rien », ajoute-t-on au sein des ministères, qui prévoient de mener l’expérience sur une quinzaine de sites dans sept régions du littoral français.

Dans un contexte d’augmentation des loyers, le logement reste l’un des enjeux les plus centraux pour attirer les saisonniers. Pour parer à ces difficultés, le gouvernement envisage donc de lancer en juin une plate-forme numérique visant à rassembler l’ensemble des offres de location disponibles dans les parcs publics, associatifs et sociaux. Il mobilisera par ailleurs, dès cet été, 2000 logements universitaires et issus d’internat scolaire. Un chiffre relativement faible, comme le concède l’entourage des ministres, en raison de la réticence de certains directeurs d’établissements à louer ces logements faute de personnel disponible l’été. « L’idée est de partir avec ceux qui sont d’accord et de voir si, à terme, nous pouvons aller au-delà de 6 000 logements, ce qui à notre sens constituera le potentiel d’ici 2025 », rétorque-t-on au sein des cabinets ministériels.

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Un millier de grévistes à Disneyland Paris pour obtenir des hausses de salaire

Un millier de salariés de différents métiers du parc Disneyland Paris ont fait grève, mardi 30 mai, pour réclamer notamment une augmentation de salaire. Face à l’inflation, les grévistes demandent « 200 euros d’augmentation de salaire, le travail du dimanche payé double, la revalorisation des indemnités kilométriques et l’arrêt des horaires adaptés choisis ».

Soutenus par la CGT, l’UNSA ou la CNT-SO, « au moins 1 000 salariés de tous les corps de métiers, comme le spectacle, la maintenance ou la sécurité ont débrayé mardi matin », a précisé le secrétaire général de la CGT Disney, Fabien Beiersdorff. La direction a quant à elle dénombré « 954 » grévistes sur 17 000 employés.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés A Disneyland Paris, un anniversaire pour solder la crise

Plusieurs spectacles perturbés

Plusieurs spectacles ainsi que la parade ont été perturbés, selon la CGT. « La balle est dans le camp de la direction car les salariés envisagent une nouvelle journée d’action samedi », assure M. Beiersdorff.

Après un mouvement de grève la semaine dernière, la direction avait reçu vendredi les organisations syndicales en leur proposant « le versement d’une prime de 125 euros, la possibilité de monétiser les jours de repos ainsi que les heures supplémentaires et la mensualisation d’une partie du 13e mois », a expliqué un porte-parole de Disneyland Paris. Entre 2022 et 2023, « il y a eu une augmentation de salaire de 9 % pour 82 % des salariés », a ajouté la direction.

Le Monde avec AFP

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Au Royaume-Uni, la semaine de quatre jours fait des adeptes jusque dans l’administration

A Londres, le 17 avril 2023.

Discrètement mais sûrement, la semaine de quatre jours de travail s’installe au Royaume-Uni. Une soixantaine d’entreprises (sociétés de conseil, start-up en robotique ou en informatique, associations caritatives, près de 3 000 salariés au total) ont participé à un premier test de six mois, entre juin et décembre 2022, le plus vaste organisé par la campagne « 4 Day Week Global », lancée à la fin des années 2010 dans plusieurs pays occidentaux. Le principe est le même partout : les employés travaillent 20 % d’heures en moins, mais conservent 100 % de leur paie et les mêmes objectifs de travail.

Publiés en février, les résultats du test sont largement positifs : selon une étude menée par l’université de Cambridge et le Boston College pour le compte de « 4 Day Week Global », 92 % des organisations ont choisi de poursuivre l’expérimentation : les personnels sont davantage motivés, leur productivité n’a pas chuté. Une vingtaine d’entre elles a même adopté la semaine de quatre jours de manière permanente.

Tyler Grange, une société de conseil en paysage et arboriculture, en fait partie. « Ce rythme de travail a été l’occasion de remettre à plat notre manière de fonctionner, d’être plus efficaces et plus créatifs : on ne peut pas abattre la même charge en travaillant un jour de moins sans changer nos pratiques », explique Simon Ursell, le directeur général de l’entreprise.

Moins de déplacements (l’entreprise dispose de six sites en Angleterre), moins de réunions : « Notre communication s’est nettement améliorée. La plupart de nos clients travaillent le vendredi, nous devons nous assurer que le jeudi soir, tous nos messages ont été parfaitement compris, sinon ils vont vous appeler durant votre week-end. »

« Toutes les entreprises vont devoir s’y mettre »

Les 85 salariés de Tyler Grange ne sont pas censés travailler le vendredi, à moins d’une urgence (un client angoissé, un problème sur une mission). Tout le monde n’a cependant pas adhéré d’emblée : « Au début, ce sont surtout les meilleurs de l’équipe qui étaient les plus réticents, ils étaient efficaces sur cinq jours, ils ne voyaient pas l’intérêt de changer », assure le dirigeant.

Quelques personnes ont même quitté l’entreprise, mais Tyler Grange n’a aucun problème de recrutement, assure M. Ursell, « contrairement aux autres sociétés du secteur ». Il table sur un gain de productivité de 3 % à 6 % sur l’année fiscale se terminant fin juillet. « Lors du premier mois à quatre jours, notre productivité a chuté de 6 %, j’étais inquiet. Mais, très vite, nous avons remonté la pente. Il faut bien de trois à six mois pour prendre le rythme : même avec une organisation optimisée, le travail est bien plus intense », reconnaît-il. Il en est persuadé : « Toutes les entreprises vont devoir s’y mettre, sinon elles n’arriveront plus à recruter. »

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En Allemagne, le syndicat IG Metall plaide pour la semaine de quatre jours à 32 heures

Bâtiment du syndicat allemand des métallurgistes IG Metall, à Francfort-sur-le-Main, en Allemagne, le 5 juin 2018.

En Allemagne, le puissant syndicat de l’industrie IG Metall a mis la semaine de quatre jours en haut de son agenda. Lors des prochaines négociations dans la sidérurgie, qui débuteront cet automne, cette réduction du temps de travail figurera au cœur des revendications. IG Metall veut obtenir pour les travailleurs du secteur une semaine de trente-deux heures, avec compensation complète du salaire.

Depuis 1995, dans les industries du métal et de l’électronique, couvertes par les conventions collectives négociées par le syndicat, la semaine de travail est à trente-cinq heures, contre quarante heures dans le reste de l’économie, mais IG Metall ne compte pas s’arrêter là. Le syndicat, soutenu par la coprésidente du Parti social-démocrate (SPD), Saskia Esken, a lancé un large débat sur l’introduction de la semaine de quatre jours, à trente-deux heures de travail au maximum, plus largement dans l’économie.

Ils s’appuient sur des études récentes qui montrent que bénéficier de trois jours de repos par semaine améliore la satisfaction et l’efficacité des salariés, réduit les jours d’arrêt maladie… et augmente ainsi la productivité générale. IG Metall avance que la semaine de quatre jours serait même une solution contre le manque de personnel, endémique outre-Rhin.

Promesse de hausse de la productivité

Cette nouvelle organisation permettrait, selon le syndicat, de mieux concilier vie professionnelle et vie privée, offrant la possibilité à des « millions de femmes » actuellement contraintes au temps partiel ou à ne pas travailler en raison de leurs responsabilités familiales de revenir vers des emplois à plein temps plus attractifs.

Il s’agit aussi de s’ouvrir aux jeunes, très nombreux à souhaiter réduire leur temps de travail pour réaliser leurs projets personnels. Un sondage réalisé en septembre 2022 par la compagnie d’assurances HDI évalue ainsi à 75 % le pourcentage des travailleurs allemands désireux de passer à la semaine de quatre jours avec la même rémunération, avec une pointe à 83 % chez les moins de 40 ans, qui sont par ailleurs 17 % à envisager comme possible une réduction à quatre jours sans compensation de salaire.

« Une semaine de quatre jours avec compensation salariale pourrait contribuer de manière décisive à ce que l’industrie reste attractive pour les jeunes professionnels, expliquait Jörg Hofmann, président d’IG Metall, dans une interview au quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung, mi-avril. Compte tenu de l’évolution démographique et de la concurrence toujours plus forte pour une main-d’œuvre rare, c’est un facteur de réussite décisif. »

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Semaine de quatre jours en entreprise : « Quand on y a goûté, on a du mal à revenir à l’ancien système »

C’est dans cet atelier discret de Saint-Viâtre (Loir-et-Cher), village solognot de 1 290 âmes et 135 étangs, que les fleurons du CAC 40 commandent leurs carnets à spirales, pochettes et étuis en cuir recyclé, le tout marqué à leur nom et accompagné souvent d’un flamboyant « Fabriqué en France ». Le Sénat, le Conseil constitutionnel, le tournoi de tennis de Roland-Garros figurent aussi parmi les clients de Material, fondée en 2000.

Depuis le 1er décembre 2022, les trois ouvriers de cette TPE travaillent du lundi au jeudi seulement. « Même pas eu besoin d’un avenant au contrat ! Aucun obstacle administratif, s’étonne encore Marc Lonchampt, le gérant. Si j’avais su, j’aurais adopté ce système dès le début, lors du passage aux 35 heures. » Après une période test d’un mois, et de légers ajustements, ses salariés ont donc accepté des journées allongées d’une heure et quarante-cinq minutes en échange d’un week-end de trois jours.

« On commence une heure plus tôt, on écourte la pause déjeuner d’un quart d’heure et on part une demi-heure plus tard », résume Annabelle Poirier, 33 ans, affairée au robot de couture. Depuis 8 heures, elle fabrique des étiquettes de bagage bleues pour un grand salon de voyagistes. Presque tout ici est produit à partir de chutes de cuir d’une maroquinerie italienne et de papier recyclé du Doubs. Les machines numériques se déploient dans chaque pièce.

Marc Lonchampt, PDG de Matérial, devant le planning de la semaine de quatre jours de l’atelier de l’entreprise. En zone grise les jours non travaillés.

« Du coup, mon vendredi, je le dédie à toutes les corvées, détaille cette femme sans enfant. Et le week-end est vraiment pour moi. » Son collègue Sébastien Frigola, 52 ans, est entré chez Material en 2022 : « Cette organisation me fait faire des économies d’essence, soit quarante-huit fois 30 kilomètres sur un an, explique-t-il. Et puis, l’autre jour, un artisan est venu poser des fenêtres chez moi. Forcément, c’était en semaine, mais grâce à mon vendredi chômé, j’ai pu l’accueillir et m’assurer que tout se passait bien. La proprio était soulagée. »

Pierre Lonchampt, fils du patron, découpe la matière première. Quand cesse le vacarme, il s’exprime : « Ma femme travaille dans la fonction publique hospitalière. Son service a opté pour des journées de douze heures et son planning varie tout le temps. Comme on a trois enfants, que je sois là du vendredi au dimanche la soulage beaucoup. »

Innover dans l’étalement du travail

Comme viennent le rappeler les affiches qui fleurissent en bord de départementales, la Sologne manque de bras, que ce soit dans l’armement – Nexter Munitions, à La Ferté-Imbault, et le missilier MBDA à Selles-Saint-Denis –, l’artisanat, ou les métiers de service. Quand le télétravail est impossible, cette pénurie de main-d’œuvre oblige à innover dans l’étalement du travail.

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« Le bilan social doit mettre en lumière les causes organisationnelles des problèmes sociaux dans les entreprises »

Les manifestations contre la réforme des retraites ont mis en lumière la crise du travail qui existe en France. Œuvrer deux ans de plus est apparu à beaucoup simplement insupportable. Cette mobilisation et cette exaspération doivent inciter à réévaluer les dispositifs censés améliorer les conditions de travail, au premier rang desquels le bilan social. Celui-ci fut instauré en 1977, dans une période, l’après-68, où le débat sur le travail, centré jusqu’alors sur des revendications ouvrières traditionnelles (temps de travail et partage de la valeur), s’élargissait à des besoins plus qualitatifs d’épanouissement.

A la suite des recommandations de la commission Sudreau, dans une démarche alors pionnière, les grandes sociétés françaises ont été dès lors obligées de transmettre chaque année aux instances salariales une batterie d’indicateurs sociaux. Instaurés en 2002, les rapports de responsabilité sociale de l’entreprise – transformés quinze ans plus tard en déclarations de performance extra-financière – se sont ajoutés, avec, cette fois-ci, une vocation à être rendus publics.

Mais les relations difficiles des Français au travail en témoignent, ce type de rapport ne semble pas avoir permis d’améliorations significatives de la vie en entreprise. Les dirigeants – ou leurs services chargés de produire ces documents obligatoires – se plaignent par ailleurs régulièrement du temps perdu à les remplir, parfois au détriment d’actions concrètes. Rendre ainsi compte dans le bilan social de la situation des salariés, de leur santé, de leur sécurité, de leurs formations… ne sert-il donc à rien ?

Mettre l’organisation du travail au cœur du débat

Faudrait-il en venir à supprimer cette « comptabilité sociale » ? Nous pensons au contraire que ces rapports peuvent jouer un rôle de levier pour améliorer les conditions de travail, à condition qu’ils soient complétés. La comptabilité dans sa forme la plus générale rend visible certaines problématiques et invisibilise les autres. Or, concernant la comptabilité sociale actuelle, il est frappant de constater que seule intéresse la situation des individus. Aucune indication quant à l’organisation du travail n’y figure.

Le bilan peut ainsi faire apparaître des accidents du travail, des absences ou un fort turnover, par exemple, mais sans donner aucune clé pour en comprendre les raisons. Est-ce un manque de chance, indépendant de l’organisation ? Ces troubles étant multifactoriels, la comptabilité sociale actuelle ne permet pas de savoir si le fonctionnement de l’entreprise est en cause.

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