Archive dans avril 2023

Réforme des retraites : ces professions qui vont continuer de bénéficier d’un âge de départ dérogatoire

Lors d’une manifestation contre la réforme des retraites aux abords de l’aéroport de Nice, le 23 mars 2023.

Alors qu’elle continue d’être combattue dans certains secteurs comme celui de l’énergie, la réforme des retraites a engendré très peu de remous au sein de plusieurs professions. Une telle sérénité tient aux traitements singuliers que l’exécutif a réservés à des catégories bien définies de salariés accomplissant des tâches pénibles ou risquées : pour une partie d’entre eux, l’âge à compter duquel ils pourront réclamer le versement de leur pension restera le même.

Contrairement à d’autres actifs, les pilotes, hôtesses de l’air et stewards ont été peu présents lors des douze journées nationales de mobilisation contre le texte qui décale de 62 à 64 ans l’âge légal de départ à la retraite – la règle de droit commun. Une petite partie d’entre eux se sont joints aux cortèges, mais le nombre de ceux qui ont fait grève s’est avéré faible.

Cette situation tient au fait que la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM), le lobby des compagnies aériennes, et les syndicats ont négocié avec l’Etat le maintien des dispositions actuelles, construites autour de la caisse de retraite du personnel navigant (CRPN), qui est un régime complémentaire.

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Les travailleurs du ciel bénéficient de règles dérogatoires, inscrites dans le code des transports. Ainsi, on ne peut pas être pilote ou copilote d’avion et d’hélicoptère « au-delà de 60 ans ». Les intéressés ont toutefois la possibilité de rester dans le cockpit après cette borne d’âge (jusqu’à 65 ans maximum), mais ils doivent se soumettre à une visite médicale.

Pension complémentaire

Quant aux hôtesses de l’air et aux stewards, la loi les oblige à cesser leur activité une fois franchi le cap des 55 ans, mais ils conservent la faculté d’occuper leur poste après cette limite, à condition d’avoir subi des examens d’aptitude.

Précision importante : les navigants qui mettent un terme à leur parcours professionnel – par exemple à 60 ans – perçoivent une pension complémentaire de la CRPN. Pour ce qui est de la pension « de base » (attribuée par la Caisse nationale d’assurance-vieillesse), ils sont soumis au droit commun et ne peuvent donc pas la toucher avant 62 ans, à l’heure actuelle ; à terme, il leur faudra patienter jusqu’à 64 ans, avec la réforme récemment promulguée.

Autre élément indispensable à signaler : les ex-navigants reçoivent une forme d’indemnisation pour compenser le fait qu’ils doivent attendre un certain temps avant de se voir octroyer leur pension de base. Cette période intercalaire étant appelée à s’allonger de deux années (à cause du passage de 62 à 64 ans), le coût de la prise en charge va s’accroître.

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Devoir de vigilance des entreprises : les Européens ne sont pas encore au bout du chemin

Dix ans après la catastrophe du Rana Plaza – cet immeuble de huit étages qui abritait six ateliers de confection textile à Dacca, la capitale du Bangladesh, travaillant, en bout de ligne, pour des enseignes comme Mango et Primark, et dont l’effondrement, le 24 avril 2013, a fait plus de 1 100 morts –, l’Union européenne (UE) n’a toujours pas de loi sur le devoir de vigilance. Mais, tout doucement, elle se met en position de se doter d’un texte qui contraindrait les entreprises à mieux prévenir les violations des droits de l’homme et les préjudices environnementaux tout au long de leur chaîne d’approvisionnement.

Mardi 25 avril, le Parlement européen devrait adopter sa version amendée du projet de directive sur la gouvernance d’entreprise durable que la Commission avait présenté le 23 février 2022. Ce sera fait dans le cadre de sa commission des affaires juridiques, qui a obtenu un mandat de négociation, ce qui veut dire que cette décision n’aura pas besoin d’être validée par un vote en séance plénière.

Les élus ne veulent en effet pas prendre le risque de voir, à cette occasion, le texte réécrit, alors que la droite et l’extrême droite cherchent à en réduire la portée. Les Etats membres, pour leur part, ont arrêté leur position en décembre 2022. Il reste désormais à ces deux parties – les Vingt-Sept et l’Assemblée de Strasbourg – à négocier un compromis, ce qui s’annonce difficile, tant le sujet les divise.

Critères de responsabilité

Premier élément clivant : les entreprises concernées par ce texte. Le Parlement européen entend viser celles de plus de 250 salariés et de 40 millions d’euros de chiffre d’affaires, ainsi que les maisons mères de plus de 500 salariés et de 150 millions de chiffre d’affaires. Les Vingt-Sept, et notamment l’Allemagne, attachée à son tissu de PME, auront à cœur de défendre une position plus restrictive.

Deuxième point de discorde : pour les eurodéputés, le donneur d’ordres doit être totalement responsable du dommage éventuel, même s’il peut ensuite se retourner vers ses sous-traitants. Une vision que défend la France, mais à laquelle Berlin est radicalement opposé, arguant que la responsabilité doit être partagée entre tous les acteurs. « Cette question sera le vrai gros sujet des discussions », anticipe l’eurodéputé (S&D) Pascal Durand.

Autre point dur des négociations à venir : les établissements financiers – banques, assureurs, fonds d’investissement, fonds de pension… – sont-ils responsables de la manière dont leur argent est utilisé par les entreprises ? Oui, répond le Parlement européen, comme les Pays-Bas, le Danemark ou la Finlande, quand la France, notamment, ne veut pas en entendre parler. Sur insistance de Paris et de ses alliés (Espagne, Italie, Slovaquie, Portugal), les Vingt-Sept ont d’ailleurs décidé qu’il revenait aux Etats membres de choisir.

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L’argot de bureau : le « hackathon », tout sauf un jeu

Un événement « nec mergitur » lancé en 2016 par la Mairie de Paris rassemblant 400 personnes pour imaginer des moyens de lutter contre le terrorisme ; un autre, en février, à l’Agence de l’innovation pour les transports, pour réfléchir au « titre de transport unique » de demain, sous l’égide du gouvernement ; un dernier, en février, à Toulouse, où des étudiants sont invités à inventer « l’aviation verte ». Dans les grandes écoles d’informatique ou de commerce, des administrations, des associations à but non lucratif, en interne dans certaines grandes entreprises (BNP Paribas, SNCF, Axa…), ce mot étrange pullule depuis dix ans, lorsqu’il faut trouver une solution à un problème.

Si le coureur a son marathon, le buveur son barathon, Néfertiti son Akhenaton… le développeur a son hackathon. Ce mot-valise renvoie à la course à pied née en Grèce, et à la culture « hackeur », née aux balbutiements de l’informatique. Les premiers hackathons prennent place au tout début du XXIe siècle.

A l’origine, ce sont des concours d’innovation, réunissant des développeurs souhaitant réaliser un projet de programmation informatique en commun. Chez Facebook, qui fut l’un des premiers amateurs d’affrontements (non violents, que l’on soit clair) entre ses propres employés, un hackathon a donné naissance au bouton « J’aime [Like] » .

Une servitude volontaire

Attaquons donc le hackathon. Si le marathon est une course de fond, il convient ici d’aller vite : le temps très court fait partie du jeu, et il faut obtenir un résultat. La plupart du temps, quarante-huit heures font l’affaire. Chaque équipe, relativement réduite, conçoit puis expérimente sa solution, jusqu’à obtenir un prototype d’application mobile, par exemple. A la fin, c’est la fumée blanche : le projet vainqueur est récompensé.

Cantonné au milieu du code et du logiciel libre, le hackathton s’est vite dévoyé, devenant davantage un jeu de rôle, une expérience « fun ». On imagine tout ce petit monde phosphorant gaiement, animé par des bouffées d’intelligence collective. « Tout devient hackathon, estime l’humoriste Karim Duval, qui y consacre un chapitre dans son Petit Précis de culture bullshit (Le Robert, 224 pages, 13,40 euros) : brainstorming, séminaire d’entreprise, groupe de parole, mölkky géant, chenille… » D’une certaine manière, toute réunion peut devenir hackathon, à la différence que, cette fois-ci, tous les participants se sentent concernés et restent éveillés.

Car l’expérience est sociale : elle est l’occasion pour des participants aux métiers solitaires ou radicalement différents de se rencontrer, et de garder un joli souvenir de ce week-end sans sommeil ni soleil. Les hackathons sont aussi l’occasion pour les entreprises organisatrices de faire rayonner leur « marque employeur », de donner une image jeune, et de repérer un potentiel talent, en conviant étudiants, start-up ou simples curieux.

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Emploi des femmes : « Il faut créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels »

Les métaphores du plafond de verre rendent mal compte de la place des femmes dans le monde du travail. Les hommes, agglutinés dans les lieux de pouvoir, occultent en réalité totalement la lumière – même si, aujourd’hui, filtrent enfin quelques lueurs du ciel grâce aux évolutions de la population cadre féminine et aux quotas. Et parlons plutôt de murs de béton, car, excepté dans les métiers du numérique, rien ne bouge : sur 87 familles de métiers, seules 13 peuvent être considérées comme mixtes, c’est-à-dire comportant 40 % d’un sexe donné. L’image de deux ascenseurs me semple plus adaptée. Celui des hommes est moderne, rapide et bien huilé ; celui des femmes est grippé par un mal qui ronge et coince les rouages à tous les étages, le sexisme.

Et c’est à l’étage le plus haut que cela coince le plus, celui de la gouvernance : un espace occupé par les « hommes du 6e étage », pour parodier le titre du film de Philippe Le Guay Les Femmes du 6e étage (2011) – nous opérons là un renouvellement de la sociologie des immeubles, puisque cet espace était autrefois dévolu au personnel domestique. La charge même de l’ascenseur des femmes diffère au fil des ans : voilà qu’à 30 ans montent les enfants et, à 50 ans, les parents âgés, dont elles doivent s’occuper.

Quels que soient les secteurs, les femmes s’éclipsent au fil des étages : si l’on compte 50 % de femmes dans une organisation de travail, il ne reste plus que 35 % de femmes cadres supérieures et 15 % de cadres dirigeantes. L’opting out, c’est-à-dire le fait de partir en renonçant à des postes de pouvoir, renforce ce phénomène et montre que les femmes veulent jouer à un autre jeu : pas seulement gagner leur vie, mais valoriser le capital humain et être citoyennes du monde. Cette fuite des talents doit interroger sur notre modèle de gouvernance.

Passage obligé

Alors que faire ? Conserver le modèle actuel mais le rendre plus inclusif pour les femmes, grâce aux quotas, à l’attention portée aux biais de genre dans les procédures formelles et informelles de gestion des carrières ? S’attaquer au sexisme ordinaire en entreprise ? Certes, cela est indispensable, mais encore insuffisant. Seule issue : créer de nouveaux liens contractuels, tant dans le couple que dans les milieux professionnels.

En effet, les régimes matrimoniaux sont des contrats portant sur l’argent, mais jamais sur le temps, qui est pourtant une ressource fondamentale. L’argent est du côté des hommes et le temps du côté des femmes : l’un vaut quelque chose, et le droit s’en mêle ; l’autre ne vaut rien, et le droit n’y touche pas, car il apparaît comme relevant du domaine du don, de la gratuité, comme une ressource féminine qui n’a pas de prix.

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Revaloriser les professeurs et le système éducatif

Personne ne peut le contester : la rémunération des enseignants français est insuffisante, voire indécente. En 1980, un professeur débutant gagnait 2,3 fois le smic ; ce n’est plus que 1,2 fois aujourd’hui. Cette dévalorisation salariale se double d’une perte de prestige social et d’un affaiblissement du poids politique dans un contexte professionnel alourdi par l’inflation des missions, la pression des parents d’élèves et la bureaucratie de l’éducation nationale. Alors que l’avenir du pays se trouve en partie entre les mains des professeurs, il est inquiétant qu’il ait fallu une grave crise de recrutement pour imposer l’évidence : la nécessité d’une revalorisation significative.

Pour répondre à cette exigence, le dispositif annoncé jeudi 20 avril par le président de la République est loin d’être négligeable : 3 milliards d’euros annuels sont sur la table, dont les deux tiers destinés à l’ensemble du corps enseignant. Ils doivent se traduire par des augmentations « de 100 à 230 euros net par mois » et faire en sorte que plus aucun enseignant ne gagne moins de 2 000 euros mensuels. Mais cette augmentation, qui représente un bonus moyen de 10 %, ne tient pas exactement la promesse faite par Emmanuel Macron lors de la présidentielle d’une hausse de 10 % pour tous.

Pour toucher « jusqu’à 500 euros par mois » de plus, les professeurs devront, « sur une base totalement volontaire », s’engager à accomplir des tâches supplémentaires, comme le soutien aux élèves en difficulté en primaire, un renforcement en français ou en mathématiques en 6e, la découverte des métiers ou la coordination de projets pédagogiques innovants, ainsi que, dans le second degré, des remplacements de courte durée.

Il n’est guère contestable que ces missions, aujourd’hui insuffisamment assurées, figurent parmi celles dont l’accomplissement peut aider le système éducatif à enrayer une dégradation que soulignent les enquêtes internationales : baisse des performances des élèves dans les savoirs fondamentaux (lecture, orthographe, mathématiques), classement médiocre parmi les pays développés, forte corrélation entre le statut socioéconomique des élèves et leurs résultats.

Sentiment d’épuisement professionnel

Dans ce contexte, l’appel au volontariat semble logique, tant le système scolaire souffre d’une uniformité qui, sous couvert d’égalité, sert souvent d’alibi à l’inertie. La revalorisation des salaires peut difficilement être conçue sans lien avec celle du système scolaire lui-même, autrement dit sans de profondes transformations.

Cette tâche, herculéenne dans une administration qui emploie 859 000 professeurs, apparaît encore alourdie par l’ampleur du déficit salarial accumulé et par un sentiment d’épuisement professionnel répandu. L’équation se trouve aussi compliquée par la crise politique en cours et le choix du président de la République, en situation d’impopularité, de se mettre en avant sur ce dossier qui devrait, en toute rationalité, être géré par le ministre de l’éducation nationale.

En combinant revalorisation générale et augmentations ciblées, l’exécutif pense sans doute avoir trouvé une formule acceptable et jouer sur l’opinion pour déjouer le « toujours plus » des syndicats d’enseignants. Mais, après le grand conflit de la réforme des retraites, alors que l’inflation dévore les salaires, comment imaginer faire aboutir le nécessaire aggiornamento de la rémunération des enseignants sans l’aval d’organisations qui les représentent ? Et sans une garantie que le rattrapage annoncé se poursuivra dans la durée ?

Le Monde

Le Parcours emploi santé, pour lever les « freins psychologiques » au retour à l’emploi

Politique de l’emploi

[La politique de l’emploi s’appuie sur des dispositifs créés au fil des besoins, qui restent parfois méconnus longtemps après leur création. Quelle est leur efficacité contre le chômage ? Elle n’est pas toujours évaluée. Le Monde publie une série d’articles sur les aides à l’emploi, pour tenter d’estimer ce qu’on en sait – leur objectif initial, leurs résultats.]

Selon Pôle emploi, les problèmes de santé sont l’une des principales difficultés rencontrées par les demandeurs d’emploi de longue durée. Un phénomène qui pourrait s’aggraver avec la réforme des retraites et l’allongement de la durée de cotisation. C’est dans ce contexte que le gouvernement a lancé il y a un an un nouveau dispositif intitulé « Parcours emploi santé », dans le cadre de son plan de retour à l’emploi des chômeurs de longue durée.

L’objectif du dispositif

Le but de ce programme est de comprendre l’impact des problèmes de santé, qu’ils soient d’ordre physique ou psychologique, sur le retour à l’emploi des personnes et de travailler à des solutions adaptées. Déployé par Pôle emploi, le dispositif est assuré par des prestataires externes. Peuvent en bénéficier les demandeurs d’emploi inscrits depuis plus d’un an.

Au-delà des problèmes de santé, l’objectif est d’abord de travailler sur la perception du demandeur d’emploi concernant son état de santé. Les bénéficiaires « sont des personnes sélectionnées par les équipes de Pôle emploi, qui se sont rendu compte à un moment qu’il y avait des freins psychologiques au retour à l’emploi », indique Camy Puech, président de Qualisocial, un des cabinets prestataires. Mais le dirigeant insiste : « On va d’abord s’occuper de la personne avant de s’occuper de ses projets professionnels. »

Le fonctionnement

Le parcours dure entre quatre et six mois. Un premier entretien est organisé entre la personne et un psychologue. S’ensuivent d’autres rendez-vous avec un professionnel de santé et un référent en insertion professionnelle. Le demandeur d’emploi est ensuite orienté vers une solution adaptée : soutien psychosocial, réorientation sur un projet professionnel compatible avec son état de santé, accompagnement dans une démarche de reconnaissance de handicap… « Quand on demande à un tétraplégique ce qu’il peut faire, il vous dira : rien, avance Camy Puech. Notre rôle, c’est de lever les freins psychologiques aux freins physiques. »

La CGT Pôle emploi avait exprimé des inquiétudes quant au respect du secret médical dans le cadre de ce dispositif. Mais Camy Puech l’assure : aucune donnée de santé n’est communiquée au conseiller Pôle emploi, en dehors des informations relatives au projet professionnel et de ses conditions d’exercice. Quant au plan d’action défini à l’issue du parcours, « c’est le bénéficiaire qui a le dernier mot ».

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« L’intelligence artificielle pourrait accroître l’écart de pénibilité entre les travailleurs »

Le 30 novembre 2022, OpenAI inaugurait la révolution ChatGPT, application conversationnelle adossée à un modèle d’intelligence artificielle générative. D’abord gratuite, puis enrichie d’une version payante et augmentée, cette solution se veut capable d’interpréter des questions, appelées « prompts », et de proposer des réponses argumentées.

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Dans le même temps, nos députés et sénateurs discutaient, en des termes parfois un peu caricaturaux, d’une réforme des retraites purement comptable, illustrant la faible capacité des responsables politiques à penser la question du travail sous l’angle des profondes mutations qui sont à venir. Parmi les nombreuses évolutions technologiques imminentes (robotisation, numérisation, automatisation, etc.), en effet, l’intelligence artificielle (IA) sera sans doute l’une des plus décisives et structurantes pour les emplois futurs.

L’IA aura notamment un effet considérable sur la pénibilité au travail : elle diminuera celle pour les cols blancs, mais elle n’aura pas le même impact positif pour les cols bleus. Cette révolution technologique qui se déroule sous nos yeux pourrait accroître l’écart de pénibilité entre les travailleurs.

La révolution occasionnée par l’IA aujourd’hui est analogue à celle que le taylorisme, qualifié d’organisation scientifique du travail, a engendrée au début du XXe siècle en généralisant la division du travail, tant horizontalement (division des tâches) que verticalement (hiérarchisation des tâches). Aujourd’hui, les solutions d’IA permettent d’approfondir la division horizontale du travail. La future « organisation automatique » du travail permettra vraisemblablement à l’homme de se concentrer sur les activités sur lesquelles la machine est la moins efficace et pertinente, comme la création ou la prise de décision.

Le rasoir de la logique

Il semble cependant que tous les travailleurs ne soient pas égaux face à cette révolution. Une étude du cabinet McKinsey a évalué que les travailleurs diplômés seront cinq fois plus exposés aux solutions d’IA que les travailleurs non diplômés. La dernière étude d’OpenAI confirme une plus grande exposition à l’IA des emplois dont les salaires sont plus élevés. Certains cabinets d’avocats ont déjà intégré ce type de technologie. Allen & Overy, par exemple, a annoncé le déploiement d’Harvey, un outil permettant d’automatiser certaines activités juridiques telles que l’analyse de contrats, les vérifications de conformité ou le contentieux, et ainsi de décharger les avocats des activités les plus laborieuses ayant le moins de valeur ajoutée industrielle, et même intellectuelle.

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Chez Akkodis, un dialogue social impossible sur fond de stress au travail

Obtenir une juste représentation des salariés, cela fait dix ans que Marc Vicens mène le combat devant les tribunaux. Malgré ses 6 000 salariés et 500 millions d’euros de chiffre d’affaires en France, son employeur, Akka Technologies, devenu Akkodis en octobre 2022 depuis son rachat par Adecco, n’a jamais eu d’instance représentant l’unité économique et sociale (UES) du groupe d’ingénierie, prestataire notamment d’Airbus. « Malgré les victoires devant les tribunaux et les demandes de l’inspection du travail, il y avait une volonté délibérée de l’ancienne direction de ne pas avoir d’instance au niveau du groupe », explique Christophe Eychenne, l’avocat de Force ouvrière (FO).

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Alors, quand les nouveaux dirigeants décident en janvier d’organiser un scrutin pour constituer un comité social et économique (CSE) regroupant les sept entités juridiques du groupe en France, M. Vicens, délégué FO, espère la fin d’une décennie d’anomalie sociale. Mais son espoir est vite déçu : selon lui, les règles du scrutin qui s’est tenu en février et mars ont été biaisées. « Le protocole d’accord préélectoral n’a pas été négocié mais imposé par une décision unilatérale de la direction et l’outil électronique ne garantissait pas l’exercice individuel du vote, explique Marc Vicens. On était enfin arrivés à organiser des élections. La direction nous les a volées », regrette le délégué syndical. Il a saisi le tribunal judiciaire de Lyon pour faire annuler le vote. Une audience de plaidoiries est programmée pour le lundi 24 avril.

Querelle entre syndicats et direction

« La direction n’est pas étrangère à ces années de blocage. Mais quand elle décide d’avancer, FO lui met des bâtons dans les roues », s’agace Vincent Barrat, délégué CFDT, dont le syndicat est arrivé en tête aux élections. Il se demande même si son collègue de FO « ne crée pas sciemment un climat propice aux problèmes pour pouvoir ensuite engager des contentieux et conserver son mandat qui date de 2009 ». Marc Vicens se défend d’être mauvais perdant : « On a contesté les élections avant même leur tenue. Le jour où nous aurons des élections loyales, quel que soit leur résultat, on l’acceptera. »

Contactée, la direction d’Akkodis ne souhaite pas commenter les actions judiciaires car « ces dernières sont toujours en cours ». Mais elle assure, dans une réponse écrite, que « ces élections se sont déroulées conformément au cadre réglementaire » et constituent une « première étape en vue du rapprochement des socles sociaux des différentes entités au sein de la marque Akkodis ». FO et ses alliés n’excluent pas de lancer une autre action pour discrimination syndicale et délit d’entrave. « La direction a bafoué les règles de neutralité. Elle a censuré nos tracts et a, au contraire, favorisé la CFDT et la CFTC, devenues majoritaires au CSE. Elle a réussi à mettre à l’écart l’intersyndicale que nous avions constituée avec UNSA et la CFE-CGC », clame le délégué FO.

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