Archive dans avril 2023

« La baisse tendancielle de la productivité pourrait annoncer une crise profonde du capitalisme »

La baisse récente de la productivité horaire du travail en France (– 3 % depuis 2019) inquiète et interroge. Elle inquiète, car la courbe française est devenue, depuis 2019, parallèle à celle de l’Italie, un pays qui souffre d’une crise de la productivité depuis près de trois décennies ; cette dernière se traduit par un décrochage inexorable qui explique davantage le spread sur la dette italienne – la différence de taux d’emprunt souverain avec les autres taux de la zone euro – que le niveau de cette dette elle-même. Elle interroge, car la France n’avait jamais connu une telle évolution (hors crise économique) et qu’aucune explication ne s’impose. Plus précisément, il y a un trop-plein de causes possibles.

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Une première approche est de recenser des phénomènes simultanés et de calculer leur incidence directe. Ainsi, la baisse de la productivité pourrait s’expliquer par un trop-plein d’embauches. Certes, mais d’où viennent ces embauches ? N’est-ce pas parce que la productivité patine que les employeurs doivent recruter pour assurer l’activité ?

Explication plus convaincante, la politique de soutien à l’alternance a entraîné une très forte progression depuis 2019 de ce type d’emplois, réputés moins productifs ; la direction de la recherche du ministère du travail estime que cet effet de composition pourrait expliquer un cinquième de la perte tendancielle de productivité. Mais un tel exercice est très incertain ; les entreprises auraient pu recruter les mêmes personnes sous un contrat classique.

Surtout, en sortie d’alternance, on dispose de salariés plus productifs. Comme la durée moyenne d’un contrat d’apprentissage est d’environ vingt mois, on aurait dû, au contraire, voir le dividende de cette politique à partir de 2022. D’autres phénomènes, comme l’explosion de l’autoentrepreneuriat, peuvent être évoqués, mais, là encore, on manque de recul.

Une deuxième approche est d’intégrer la France dans un contexte plus global. La courbe de la productivité des Pays-Bas épouse ainsi presque parfaitement celle de la France. Et le Bureau of Labor américain vient de publier son estimation pour 2022 : « La productivité du travail du secteur marchand privé non agricole a baissé de 1,7 %, le plus fort déclin depuis le démarrage de la série en 1948. » Partout la productivité hoquette, ce qui renvoie à des hypothèses technologiques ou de dysfonctionnements systémiques que l’on peut ranger en deux catégories.

Tout est plus facile

La première est celle des transitions. La double transition vers une économie basée sur l’intelligence artificielle et moins carbonée demande une adaptation des compétences et des organisations, et sa planification exige une main-d’œuvre dédiée. Face à la transition démographique et ses risques de manque chronique de main-d’œuvre, les entreprises préféreraient conserver leurs salariés et embaucher par anticipation. La baisse de productivité serait ainsi une bonne nouvelle : les acteurs préparent l’avenir.

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L’essor du travail indépendant en entreprise bouscule le management

Le nombre de travailleurs indépendants dépasse désormais 4 millions, dont plus de la moitié sont des autoentrepreneurs, indique le dernier bilan de l’Urssaf, fin 2022. Il y a dix ans, ils étaient 1 million de moins. Avec la banalisation du travail à distance et de la pluriactivité, l’essor des indépendants a passé la porte des entreprises, que ce soit pour assumer un surcroît d’activité, fournir la recrue ou l’expertise manquante ou développer un projet innovant. Près d’un quart (23 %) des autoentrepreneurs et 6,7 % des indépendants classiques sont aussi salariés.

Les indépendants, bien que minoritaires dans les effectifs, font désormais partie du paysage de l’entreprise. « Il y a cinq à dix ans, les entreprises en prenaient peu et sur un temps limité pour éviter le risque juridique de requalification en salariat, mais ça a changé. Portés ou non par des sociétés de portage ou les plates-formes numériques de mise en relation, beaucoup de jeunes et de moins jeunes indépendants travaillent en entreprise et ce n’est pas près de s’arrêter. C’est déjà courant dans d’autres pays. Tout le monde y a trouvé un intérêt, assure Marc Sabatier, directeur général (DG) de Julhiet Sterwen, cabinet de conseil en stratégie d’entreprise. Aujourd’hui, 15 % de notre chiffre d’affaires est réalisé par des indépendants. »

Mais la composition hybride des équipes pose de nouvelles questions de management : pour maintenir la cohésion entre indépendants et salariés au sein d’une même équipe, pour gérer la reconnaissance de leur travail, assurer la confidentialité et limiter les risques juridiques et pour éviter le dumping social entre les différents statuts d’emploi. « Les indépendants et autoentrepreneurs échappent aux limites qu’impose le droit du travail (pas de rémunération minimale, pas de règle en matière de durée du travail, repos, congés, etc.) », explique Fabienne Muller, enseignante-chercheuse émérite en droit social.

« Gestion bricolée »

Les freelances désirent être intégrés aux équipes du projet et à leurs routines, précise l’étude Xerfi-Comet « Comprendre et recruter les freelances », publiée début avril. Plus d’un millier d’indépendants des métiers du numérique travaillant majoritairement dans de grands groupes ont répondu à la plate-forme de mise en relation Comet et ainsi désigné Allianz comme The Best Freelancer Place to Work 2023 pour « l’intégration aux équipes », L’Oréal pour « l’expérience globale » et Société générale « pour la reconnaissance, le retour d’expérience ».

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Flottes d’entreprise : le casse-tête de l’électrique

En 2022, c’est une hausse de 15 % à 25 % des coûts de gestion de parc automobile qui a été enregistrée.

Addictes au diesel depuis plus de vingt-cinq ans, les flottes d’entreprise peinent à éliminer le gazole qui coule encore dans leurs veines. C’est le constat sans nuance porté par l’ONG Transport & Environment, dont les récentes études soulignent non seulement le peu d’efforts réalisés par les flottes pour électrifier leur parc automobile, mais également la responsabilité des loueurs longue durée, lesquels freineraient l’essor des véhicules électriques dans les entreprises en surfacturant leurs loyers de location.

Selon cette ONG, « en 2022, 66 % des entreprises, 64 % des collectivités territoriales et 87 % des administrations n’ont pas atteint les quotas légaux de verdissement de leurs flottes ». Elle estime que ces objectifs de verdissement, qui « reposent essentiellement sur la bonne volonté des entreprises et des administrations concernées, ne sont assortis d’aucune formation des gestionnaires de flotte, d’aucun contrôle, d’aucune sanction. Rien n’incite donc à les respecter ».

Changer les habitudes des collaborateurs

La loi Climat et résilience de 2021 imposait en effet pour 2022 que les flottes de plus de 100 véhicules adoptent un quota de 10 % de véhicules électriques et hybrides rechargeables dans le cadre du renouvellement de leur parc. Mais cette première étape était sans doute trop difficile à atteindre en un an. Confrontées à la hausse des taux d’intérêt et des coûts de maintenance de leurs véhicules, les flottes d’entreprise ont encaissé dans le même temps la majoration des tarifs des voitures et une réduction drastique des remises grands comptes accordées par les constructeurs. Au total, c’est une hausse de 15 % à 25 % des coûts de gestion de parc qui a été enregistrée. Dès lors, face à des délais de livraison de l’ordre de huit à douze mois, bon nombre de décisions d’acquisitions de véhicules électriques ont fait place à des prolongations de contrats portant sur des véhicules thermiques déjà en parc.

Pour Bart Beckers, directeur général adjoint du loueur Arval (groupe BNP Paribas), « le plus important désormais, c’est que les difficultés logistiques chez les constructeurs automobiles soient en voie de résorption ». « Nous avions en effet 300 000 véhicules en carnet de commandes fin 2022 », dit-il. Peu visibles dans les « radars » de Transport & Environment, les immatriculations de véhicules électriques ont cependant progressé l’année dernière de 25 %, soit 53 570 unités, souligne l’Arval Mobility Observatory. Mais le passage du thermique à l’électrique dans une entreprise semble devoir prendre du temps et passer par une phase de conduite du changement.

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Les ressources humaines sauront-elles « verdir » ?

Carnet de bureau. On ne vous appellera plus jamais RH, mais « médiateur sur les enjeux climatiques » ou « conseiller en reconversion verte ». C’est en tout cas une des leçons à tirer du rapport « La transition écologique. Défi du siècle pour les RH ? », publié le 20 avril. Réalisé sur la base d’études et d’entretiens de juin 2022 à mars 2023 par le Lab RH, et les entreprises PageGroup, Renault Group et Axa Climate, il constate peu d’avancées concrètes dans les entreprises, mais une réelle prise de conscience qui n’attend qu’à être traduite en actions par les équipes de responsables des ressources humaines.

L’évolution des compétences pour réaliser la « transition verte » a commencé il y a bien des années par de belles promesses. Depuis quinze ans, les rapports se sont succédé, prévoyant des dizaines de millions d’emplois « verts » dans le monde (Organisation internationale du travail, en 2008), des centaines de milliers en France (Grenelle de l’environnement de 2009), sans jamais trop entrer dans le concret.

On parle aujourd’hui plus volontiers de « métiers verdissants » ou de la « part verte » des emplois amenés pour la plupart à s’adapter, puis des métiers à réinventer, et déjà de pénurie de « compétences vertes ». A l’horizon 2050, le cercle de réflexion environnementaliste des entreprises The Shift Project évoque 1,1 million d’emplois créés en France. A suivre…

En 2021, la convention citoyenne pour le climat demandait que, d’ici à 2025, « chaque entreprise, chaque organisation et chaque personne soit accompagnée pour faire évoluer leur activité, voire en changer si elle devait disparaître, et ainsi contribuer à diminuer les émissions de gaz à effet de serre », rappelle le rapport. La loi Climat et résilience d’août 2021, qui exige des entreprises d’inscrire dans leur base de données accessible aux représentants du personnel les éléments de leur politique générale en matière environnementale, a amorcé la réflexion des organisations.

Dès l’entretien de recrutement

En 2023, on en est là. Les enjeux environnementaux sont présents dès l’entretien de recrutement, réclamés par les candidats, puis dans le quotidien de chaque salarié dont le mug à café a remplacé le gobelet jetable désormais banni. Plus sérieusement, le « défi des RH » diagnostiqué par le rapport passe par une politique prospective des emplois du futur, à commencer par les siens.

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L’équipe RH de 2025 devrait ainsi compter un médiateur sur les enjeux climatiques « chargé de faire le pont entre les directions et les collaborateurs pour mener à bien la politique de sensibilisation », explique la présidente de PageGroup France, Isabelle Bastide, puis un conseiller en conversion verte « pour identifier les profils issus d’industrie polluante et leur concevoir un plan de formation sur mesure », un responsable des avantages sociaux climatiques, « qui devra transcrire en avantages financiers la réduction carbone, par exemple, en l’intégrant à la politique de rémunération », et enfin un responsable du score social et environnemental « chargé du label et de son adéquation avec les comportements au sein de l’entreprise », une sorte de vigie antigreenwashing. De quoi redonner du sens à la fonction RH.

Emploi : les nouvelles pratiques des entreprises pour attirer les candidats

A Champagnole, au cœur du Jura, le groupe Global Metal Works construit une nouvelle usine pour abriter sa filiale Sublimétal. Cet investissement à 6 millions d’euros comprendra une salle de sport, un espace de détente et une salle dévolue à des cours théoriques, pour accompagner la création d’un centre de formation « maison ». Un vrai changement de décor pour les salariés, qui travaillent aujourd’hui dans l’usine plus que centenaire, un vieux bâtiment resté dans son jus.

Sébastien Buathier, le patron de ce groupe familial, espère que le site flambant neuf lui permettra d’aplanir l’une des principales difficultés du moment : recruter. La nouvelle usine peut accueillir une centaine de personnes, le double de l’effectif actuel. Une nécessité, car Sublimétal, qui travaille des pièces de métal pour les grandes marques, bénéficie de l’insolente santé du secteur du luxe. Elle ne manque donc pas de commandes, mais plutôt de bras pour galvaniser, polir et au final inspecter des milliers de boucles de ceinture, fermoirs de sac et autres accessoires, à la recherche du plus microscopique défaut.

Mais dans cette région peu dynamique démographiquement, située à une heure de voiture de la Suisse et de ses emplois bien rémunérés, la main-d’œuvre est devenue une denrée rare. Le taux de chômage est même tombé sous la barre des 5 %. Pour recruter, M. Buathier n’a pas le choix : Sublimétal propose des salaires à l’embauche 3 % au-dessus du smic, un accord d’intéressement généreux – 4 100 euros en 2022 par salarié – et une certaine souplesse dans les horaires, permettant de jongler avec les imprévus de la vie familiale. La création, ce printemps, du centre de formation, en partenariat avec le Greta, les structures spécialisées dans la formation des adultes, doit permettre à Sublimétal d’ajouter une carte dans son jeu, par exemple en offrant « une reconversion aux anciens salariés de la lunetterie ». Trois personnes sont déjà entrées dans le dispositif, qui les mènera vers un contrat de professionnalisation et peut-être une embauche.

Sortir le carnet de chèques

Mais il n’est nul besoin d’être implanté dans l’une des régions les moins densément peuplées du pays pour se heurter à la pénurie de main-d’œuvre. Apparues à la suite de la pandémie de Covid-19, les difficultés de recrutement atteignent des proportions inédites en France. Elles touchaient un peu plus d’une entreprise sur deux en mars 2023, contre 36 % en mai 2021, selon une note de la Banque de France, publiée lundi 17 avril.

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« Il est temps d’améliorer la prévention et la reconnaissance des atteintes psychiques au travail »

La journée du 28 avril a été choisie par l’Organisation internationale du travail pour promouvoir la sécurité et la santé au travail. Le mouvement contre la réforme des retraites a montré à quel point il est urgent de rendre le travail plus soutenable. Les accidents du travail commencent maintenant à occuper une place importante dans le débat public, même si les réponses gouvernementales ne sont pas à la hauteur. Mais des pans entiers des atteintes à la santé au travail restent trop négligés, tant du côté de la prévention que du côté de la réparation : c’est le cas notamment des cancers d’origine professionnelle ou des atteintes à la santé psychique, dont il sera ici question.

Le management par les chiffres, les réorganisations permanentes et imposées, les conduites du changement délétères, le recours à l’emploi précaire ou sous-traité ont dégradé les solidarités au sein des collectifs et provoqué une rupture entre le travail et son sens. Les souffrances ainsi causées sont très peu reconnues, bien qu’elles participent des atteintes à la santé au travail proscrites par la loi.

Pour l’année 2018, les pathologies psychiques sont estimées par l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail à 31 % de l’ensemble des pathologies en relation avec le travail dans les services publics, et à 41 % dans le commerce et les autres services. Or, elles ne représentent que 2 % des maladies professionnelles et 1 % des accidents du travail reconnus. Une récente étude de Santé publique France, portant sur un échantillon de 1 135 suicides, estime que 10 % sont en lien potentiel avec l’activité professionnelle. Si l’on applique ce taux au nombre total de suicides, cela représenterait plus de 800 suicides liés au travail en 2021 – sans compter les tentatives, dont le nombre est de 6 à 7 fois supérieur.

Intensité, autonomie

La commission de la Sécurité sociale chargée d’évaluer la sous-déclaration estime à 108 000 le nombre de pathologies psychiques qui auraient dû être reconnues comme accidents du travail ou maladies professionnelles en 2021. Mais la Sécurité sociale et les conseils médicaux de la fonction publique continuent à pratiquer le compte-gouttes en matière de reconnaissance de ces maladies professionnelles : on peut estimer que guère plus de cinq atteintes à la santé psychique sur cent sont actuellement reconnues. Sans oublier que les fonctionnaires, les indépendants, les agriculteurs et les salariés relevant de la Mutualité sociale agricole, les marins pêcheurs, les travailleurs détachés européens, les chômeurs, qui souffrent aussi du travail – soit un potentiel de plus de 10 millions de salariés –, sont exclus de ces chiffres.

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Management : « La subsidiarité invite à retrouver l’énergie et la responsabilité du pouvoir d’agir au bon niveau d’efficience »

Gouvernance. La notion de subsidiarité intéresse de plus en plus les dirigeants désirant libérer leurs organisations des lourdeurs bureaucratiques. On la confond malheureusement souvent avec une simple délégation de responsabilité aux niveaux hiérarchiques inférieurs visant à accroître l’autonomie des collaborateurs. En réalité, la subsidiarité est l’exact opposé d’un tel ruissellement des responsabilités du haut vers le bas.

Il s’agit d’une organisation du travail qui accorde la totalité du pouvoir de décider à l’échelon le plus directement concerné par les conséquences de la décision prise. Par exemple, un vendeur a la connaissance de son client et la compétence pour comprendre son besoin ; il est donc celui qui a la meilleure intelligence de son travail dans la relation commerciale, et il doit pouvoir l’organiser indépendamment de toutes normes et prescriptions managériales. Il en sera de même pour tout collaborateur dans le champ de sa mission.

La délégation de pouvoir s’opère alors du bas vers le haut. Comme les collaborateurs ne peuvent pas détenir toutes les compétences, ni assurer tous les services permettant de réaliser un « bon travail », ils concèdent une partie de leur pouvoir d’agir à une instance ayant une vision plus large des conséquences de leur activité en la chargeant de proposer des outils ou des méthodes pour les soutenir. Par exemple, différents commerciaux confient à un responsable commun le déploiement d’une animation permettant de leur faire réaliser des économies d’échelle et d’efforts.

Au bénéfice du travail de chacun

Ce niveau lui-même délègue à un niveau ayant une hauteur de vue plus générale encore la résolution de problèmes qui nécessite d’embrasser une vision commune à un ensemble d’activités : par exemple, une comptabilité permettant de comparer les performances de tous les commerciaux.

Plus on s’élève dans cette délégation de pouvoir du bas vers le haut, plus on s’éloigne du travail immédiatement productif pour s’intéresser aux moyens qui facilitent ce travail. A l’échelon le plus éloigné, le dirigeant détient la responsabilité, concédée par les strates ascendantes de collaborateurs, de rendre harmonieux l’ensemble au bénéfice du travail de chacun.

Tel est le sens de la subsidiarité, dont l’étymologie (subsidiarii, en termes militaires, qualifiait les troupes de réserve) rappelle que la hiérarchie vient en aide aux collaborateurs pour faciliter ou enrichir leur travail. On est loin de la délégation de pouvoir en cascade qui suppose que le dirigeant détient toutes les compétences et une puissance d’agir quasi divine qu’il délègue partiellement aux manageurs ; eux-mêmes, par un ruissellement condescendant, l’accordant avec parcimonie aux collaborateurs de base.

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Face à l’urgence écologique, comment les étudiants « bifurqueurs » d’AgroParisTech ont rendu crédible une voie alternative

« Bravo les jeunes ! Merci de l’avoir dit avec autant de fracas, une autre voie est possible. » C’est l’un des e-mails dont Théophile Duchâteau se souvient le mieux, ému par « ce papy passé par AgroParisTech dans les années 1980 et devenu éleveur dans la foulée », tenant à les féliciter après l’immense bruit médiatique suscité par leur discours. Il est l’un des huit étudiants « bifurqueurs » montés sur scène, le 30 avril 2022, lors de la remise des diplômes annuelle de la prestigieuse école d’ingénieurs AgroParisTech, formant majoritairement des cadres et des ingénieurs du secteur agroalimentaire. Les huit camarades prononcèrent un discours de rupture, critique de leur formation et de ses débouchés qui poussent, selon eux, « à participer aux ravages environnementaux et sociaux en cours » en entretenant « une agro-industrie qui mène la guerre au vivant ».

Ce jour-là, ils invitèrent leur promotion et « tous ceux qui doutent » à s’en détourner, tout comme des concepts tels que les « énergies ou la croissance vertes », pour « bifurquer, déserter, avant d’être coincé par des obligations financières », et rejoindre des terrains de luttes écologiques et paysannes. Un cheminement qu’ils ont eux-mêmes entrepris, citant leurs expériences au sein de la zone à défendre (ZAD) de Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), auprès du mouvement des Soulèvements de la Terre, ou encore en formation d’apiculture. Filmée, la séquence de sept minutes avait atterri sur les réseaux sociaux et généré, en quelques jours, plus de dix millions de vues, des tweets de personnalités politiques, bientôt des tribunes pleines d’empathie ou de sévérité à leur égard.

Si d’autres discours d’ingénieurs critiques de leur formation avaient déjà été prononcés, « celui-ci a une dimension historique, tant par sa portée médiatique que par sa rhétorique explicitement politique. Il a obligé nombre d’ingénieurs à se positionner sur les enjeux écologiques, c’est-à-dire à désigner des responsables et à identifier les stratégies pertinentes d’action », analyse Antoine Bouzin, ingénieur et doctorant en sociologie travaillant sur le militantisme écologique au sein de ce corps de métier.

« Les diplômés d’AgroParisTech dénoncent de manière nette les effets néfastes de la technique, ils revendiquent la bifurcation comme un acte militant, distincte d’une démarche individuelle de reconversion professionnelle, poursuit-il. Cette posture n’est pas forcément agréable à entendre pour des ingénieurs globalement peu politisés, peu sujets à la réflexivité, dont les métiers liés à la diffusion de l’innovation leur assurent une carrière souvent confortable et de bons niveaux de rémunération. »

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De ChatGPT à Midjourney, les intelligences artificielles génératives s’installent dans les entreprises

« J’ai commencé à utiliser ChatGPT en janvier, raconte Pierre, chargé de communication dans une PME de services administratifs, à propos du désormais célèbre robot conversationnel lancé en novembre 2022 par la société OpenAI. Au début, les résultats n’étaient guère probants, mais en me perfectionnant grâce à des vidéos YouTube, j’ai réussi à automatiser environ de 30 % à 40 % de ma charge de travail, qui consiste à écrire des articles et des billets sur les réseaux sociaux. » L’auteur de ce témoignage, recueilli dans un appel lancé sur Lemonde.fr, est enthousiaste… mais ne souhaite pas que son nom apparaisse, car le patron de sa PME « a beaucoup de mal à considérer l’utilisation des intelligences artificielles [IA] comme du travail réel ».

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La vogue des IA dites génératives – capables de créer, à partir d’une simple instruction écrite, du texte, comme ChatGPT, ou des photos ultraréalistes, comme Midjourney – commence à toucher les entreprises. « Aujourd’hui, tous les créatifs de notre agence jouent avec ces logiciels. Et particulièrement les moins de 35 ans », raconte Bertille Toledano, présidente de l’agence de publicité BETC et coprésidente de l’Association des agences-conseils en communication (AACC). Mais, au-delà des premiers convertis technophiles, ces outils vont-ils bouleverser le monde du travail ? Ou rejoindront-ils la liste des nouveautés ayant fait l’objet d’un emballement exagéré avant de décevoir, comme le métavers ou le casque de réalité virtuelle ?

« Les intelligences artificielles génératives ont un effet sur des métiers qui semblaient à l’abri de l’automatisation, en particulier dans le tertiaire », décrypte le sociologue Yann Ferguson, enseignant-chercheur à l’Institut catholique d’arts et métiers de Toulouse et responsable scientifique de LaborIA, un programme d’analyse des impacts de l’IA sur le travail lancé en 2021 par le gouvernement et l’Institut national de recherche en sciences et technologies du numérique. Dans les entreprises, dans la banque d’affaires Morgan Stanley ou la plate-forme d’e-commerce Cdiscount, des premiers déploiements ont déjà lieu. Et les géants du numérique – Microsoft, Google, Amazon ou Meta – poussent ces technologies.

« Les entreprises sont plutôt convaincues, mais elles se posent aussi des questions », constate Laurent Daudet, cofondateur de LightOn, un éditeur français de grands modèles de traitement du langage, les moteurs sur lesquels s’appuient les interfaces comme ChatGPT. Quel sera vraiment l’apport de l’IA générative ? Quels sont les risques ? Un sondage JobTeaser-Kantar de février résume l’ambivalence des sentiments face à cette technologie : une majorité des actifs entre 18 et 27 ans considéreraient qu’elle libérera du temps de travail ou créera des nouveaux emplois… mais 61 % craignent aussi un impact sur leur carrière.

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« Pacte de la vie au travail » : des pistes pour nourrir la proposition d’Emmanuel Macron

Réfléchir aux nouveaux rapports au travail, à son avenir et à son sens. C’était l’objectif des Assises du travail, déclinaison du Conseil national de la refondation, l’instance lancée par Emmanuel Macron en septembre 2022. C’était aussi ce dont voulaient discuter les organisations de salariés, la CFDT en tête, comme préalable à la réforme des retraites.

Remis lundi 24 avril au ministre du travail, Olivier Dussopt, le rapport des Assises arrivent finalement après la promulgation de la loi. Une synthèse qui conclut cinq mois de travaux réalisés dans un contexte social éruptif. Le document remis par les deux garants des Assises, la présidente de la commission travail et emploi du Conseil économique, social et environnemental (CESE), Sophie Thiéry, et le président du groupe Renault, Jean-Dominique Senard, fait dix-sept propositions pour « reconsidérer le travail ».

Pas de grand séisme en vue, d’autant plus que les préconisations des Assises n’ont rien d’engageant pour le gouvernement, mais plusieurs pistes pourraient nourrir l’agenda social de l’exécutif dans les prochains mois. Des recommandations considérées comme « une première pierre pour alimenter le futur pacte de la vie au travail », a affirmé Olivier Dussopt lors de la remise du rapport, en référence au projet présenté par Emmanuel Macron lors de son allocution du 17 avril, qui doit notamment reprendre les dispositions de la réforme des retraites censurées par le Conseil constitutionnel telles que celles concernant l’emploi des seniors.

« Culture de la confiance »

Le chef de l’Etat a réaffirmé, dans un entretien au Parisien publié lundi, que les partenaires sociaux ont « jusqu’à la fin de l’année pour négocier » sur ce sujet. En cas d’échec des négociations, « on reprendrait à tout le moins ce qui était prévu » dans la réforme des retraites, a-t-il précisé, ajoutant que cela ne serait pas dans la loi plein-emploi qui doit arriver avant l’été. Celle-ci devrait porter la réforme du lycée professionnelle et celle du service public de l’emploi avec la création de France Travail, futur guichet unique pour tous les demandeurs d’emploi.

Les recommandations des Assises se concentrent sur quatre axes, considérées comme « les priorités », selon les deux garants. Le premier axe vise « un changement de mentalité qui ne nécessite pas forcément le recours à la loi », a indiqué Sophie Thiéry. Une profonde transformation du rapport entre employeurs et travailleurs pour « passer d’une culture du contrôle à une culture de la confiance a priori », note le rapport. Gagner cette « bataille de la confiance » passe par une « révolution des pratiques managériales », car les travailleurs ont « besoin d’écoute et de respect », a précisé Jean-Dominique Senard, lundi. Un management « de proximité » qui irait de pair avec un dialogue social lui aussi « de proximité ».

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