Archive dans avril 2023

Morts au travail : les syndicats demandent des comptes au gouvernement

Une manifestation rassemblant familles de victimes d’accidents du travail et organisations syndicales, devant le ministère du travail, à Paris, le 28 avril 2023.

« Alban est passé à travers un toit alors qu’il installait des panneaux solaires, le jour de ses 25 ans. Cette souffrance, tous les membres de notre collectif la vivent au quotidien, souffrance parfois due à des machines défectueuses, des manques d’équipement. L’entreprise de mon fils a été signalée sept fois à l’inspection du travail », témoigne Véronique Millot, vice-présidente du collectif « Stop à la mort au travail », qui réunit vingt familles de victimes d’accidents du travail.

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A l’appel de différentes branches de la CGT, d’autres syndicats (SUD, Solidaires, FSU) et d’associations, quelques centaines de personnes se sont réunies, vendredi 28 avril au matin, devant le ministère du travail, dans le 7e arrondissement de Paris, pour demander des comptes à l’occasion de la Journée mondiale de la sécurité et de la santé au travail.

Depuis 2003, cette journée organisée par l’Organisation internationale du travail a pour but de rendre hommage aux travailleurs morts ou blessés au travail, et de sensibiliser l’opinion publique à la prévention. Au total, 2,78 millions de décès sont dus chaque année aux accidents du travail et aux maladies professionnelles, selon les Nations unies.

En 2021, en France, 693 accidents du travail mortels ont été recensés dans les secteurs privé et agricole. Si l’on prend en compte les victimes de maladies et les travailleurs qui n’apparaissent pas dans les chiffres de l’Assurance-maladie (fonctionnaires, indépendants…), les estimations tournent autour d’un millier de morts.

« Sentiment d’impunité » de certaines entreprises

« La France a le bonnet d’âne au niveau européen, a rappelé Sophie Binet, secrétaire générale de la CGT. Dans les métiers féminisés, du soin et du lien, les accidents explosent. Il faut renforcer les sanctions contre les entreprises qui ne respectent pas les normes de prévention. »

Parmi les revendications syndicales figure, en tête de liste, la reformation dans les entreprises des comités d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT). Ils ont été remplacés en 2019 par des commissions au sein des comités sociaux et économiques. « L’affaiblissement du rôle des CHSCT a généré un recul dans la prise en charge de la santé au travail par les syndicats », reconnaît Louis-Marie Barnier, sociologue du travail et syndicaliste CGT.

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Il s’agit aussi de renforcer la médecine et l’inspection du travail. « Beaucoup de choses passent sous les radars de la direction générale du travail et du ministère car il n’y a pas de remontées d’informations systématiques, par manque de moyens, estime Anthony Smith, responsable CGT au ministère du travail. Il y a 1 750 inspecteurs de contrôle pour deux millions d’entreprises et plus de vingt millions de salariés. »

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« Psychologiquement, ça reste assez dur » : à Paris, le centre de santé René-Laborie a trouvé un repreneur

Les patients ont regagné les sièges de la salle d’attente, les blocs d’ordonnance ont retrouvé leur place sur les bureaux des praticiens. Alors que la fermeture du centre de santé René-Laborie menaçait l’emploi de 135 salariés, l’activité a finalement trouvé un repreneur.

Le tribunal judiciaire de Paris a retenu l’offre du groupe SoMeD Santé, un gestionnaire privé de centres de soins, pour la reprise des activités de cet établissement, situé au cœur du 2e arrondissement parisien. L’ancien gestionnaire, la mutuelle uMEn, reste propriétaire des murs, devenant le bailleur.

Suite à la réouverture de l’établissement, le 17 avril, 102 salariés ont finalement retrouvé leur poste. Mais le choc de la liquidation a laissé des traces dans les esprits. « Bien sûr, on est content de retrouver du travail, mais psychologiquement ça reste assez dur, témoigne une salariée, qui préfère rester anonyme. C’est aussi un nouvel employeur que l’on ne connaît pas. Il faut essayer d’avancer ensemble. »

Alors que d’autres cabinets leur tendaient les bras, plusieurs praticiens ont préféré partir. D’autant que les employés du centre laissent quelques plumes dans la procédure de liquidation : « On ne peut pas avoir de congés pendant un an et on refuse de nous payer les congés que l’on n’avait pas pris », se désole la salariée.

Un « gros challenge »

SoMeD ayant dû réinvestir les lieux avec plusieurs semaines de retard, le centre est resté sans activité pendant ce temps. Toutefois, SoMeD a accepté de verser intégralement le salaire du personnel administratif sur cette période. Habituellement payés à l’acte, les praticiens ont quant à eux été rémunérés selon le tarif conventionnel, « c’est-à-dire trois cacahuètes », fulmine cet autre salarié, sous couvert d’anonymat.

Encore très affecté par la liquidation, ce dernier déclare « faire le dos rond » en attendant de trouver un poste ailleurs et craindre « l’escarcelle d’une santé privatisée et financiarisée ».

Jeune acteur sur le segment de la gestion des centres de santé, SoMeD prévoit de maintenir l’offre de soins du centre en secteur conventionné. « Nous avons à cœur de faire redémarrer l’activité du centre, indique au Monde la nouvelle direction. C’est un gros challenge. » Quant aux anciens patients, « on ne peut pas les recontacter officiellement pour les informer de la réouverture, parce que la réglementation est très stricte en ce qui concerne la publicité dans le secteur médical. Mais le bouche-à-oreille les fait revenir ».

La gestion par la mutuelle uMEn du centre de santé, qui s’était retrouvé déficitaire d’un à deux millions par an, avait été dénoncée par les syndicats. Ont été notamment pointés du doigt les investissements massifs concédés dans la rénovation des locaux.

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Partage de la valeur en entreprise : le gouvernement dévoile un projet de loi pour transposer l’accord interprofessionnel

Le gouvernement a dévoilé, vendredi 28 avril, un projet de loi visant à transposer l’accord national interprofessionnel sur le partage de la valeur en entreprise, conclu en février entre les partenaires sociaux, visant une adoption au Parlement cet été.

Cet accord vise à généraliser les dispositifs d’intéressement ou de participation à toutes les entreprises de plus de onze personnes, ainsi qu’à développer l’actionnariat salarié. Objectif : améliorer la rémunération des employés dans un contexte de flambée des prix.

Les mesures de l’accord – validé par toutes les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la Confédération générale du travail (CGT) – seront traduites dans un projet de loi d’une « quinzaine d’articles », présenté vendredi par les cabinets des ministres de l’économie, Bruno Le Maire, et du travail, Olivier Dussopt. Le texte doit être validé fin mai en conseil des ministres, ont précisé les deux ministères.

Le projet de loi reprend les deux principales mesures de l’accord, à savoir :

  • Pour les entreprises de onze à quarante-neuf personnes : l’obligation, à partir du 1er janvier 2025, d’instaurer au moins un dispositif de partage de la valeur – participation, intéressement ou encore « prime de partage de la valeur » – si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice net au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires.

L’exécutif a retenu le 1er janvier 2025 comme date d’entrée en vigueur, contrairement à la recommandation d’un rapport parlementaire, publié début avril, qui préconisait, compte tenu de la forte inflation, une mise en pratique au 1er janvier 2024.

Cette généralisation des dispositifs de partage de la valeur aura un « caractère expérimental » pendant cinq ans, selon le projet de loi.

  • Pour les entreprises d’au moins cinquante personnes : l’obligation de négocier une manière de distribuer d’éventuels « résultats exceptionnels ». Conformément à l’accord interprofessionnel, la définition d’un tel bénéfice hors norme sera soumise à l’appréciation de l’employeur. Cette mesure fait écho au débat sur la taxation des superprofits, relancé par les excédents sans précédent de TotalEnergies.

Le projet de loi se limite ainsi aux mesures de l’accord entre syndicats et patronat et ne comporte pas de mesures supplémentaires sur les « superprofits », comme évoquées par Emmanuel Macron fin mars. Le chef de l’Etat avait jugé qu’« il y a quand même un peu un cynisme à l’œuvre quand on a des grandes entreprises qui font des revenus tellement exceptionnels qu’ils en arrivent à utiliser cet argent pour racheter leurs propres actions ». En conséquence, il souhaitait « demander au gouvernement de travailler sur une contribution exceptionnelle » pour que « les travailleurs puissent profiter » de cette manne.

Le Monde avec AFP

« L’enjeu de la transition écologique consiste à décarboner nos économies en évitant des effets délétères sur l’emploi »

La transition écologique s’annonce comme un défi majeur pour l’industrie, qui va se trouver confrontée à une transformation des modes de production et à une concurrence internationale intense dans les industries vertes. C’est la carte des puissances industrielles de demain qui pourrait être redessinée, les industries nationales qui sous-investiront étant évincées.

Or, sur la période 2016-2022, l’Union européenne n’a représenté que 2 % des méga-investissements industriels – plus de 5 milliards de dollars (4,5 milliards d’euros) – annoncés dans le monde, là où les Etats-Unis en captaient 14 %, la Chine 20 % et l’ensemble de l’Asie 60 %, selon les chiffres du cabinet d’études Trendeo. A cela s’ajoutent les politiques mises en place en Chine et aux Etats-Unis pour attirer les industries vertes sur leur sol (c’est le sens des clauses de l’Inflation Reduction Act conditionnant les financements à de la production locale aux Etats-Unis), plus offensives que celles que l’Europe s’apprête à mobiliser.

Dans ces conditions, tout l’enjeu de la transition écologique consiste à décarboner nos économies en évitant un décrochage industriel et ses effets délétères sur l’emploi.

Or, faute d’outils adaptés, les potentiels effets négatifs d’une telle transition sur le marché du travail ont tendance à être minimisés : la plupart des modèles économiques existants ne prennent pas en compte ses faibles capacités d’ajustement, c’est-à-dire la difficulté pour les travailleurs à changer d’entreprise ou de secteur sans se retrouver durablement au chômage ou perdre en salaire. Dans de tels modèles, changer de secteur d’activité, en passant d’une industrie polluante à une industrie verte, ou changer d’entreprise se fait sans coût d’ajustement pour les travailleurs concernés.

Les stigmates des plans sociaux

Pourtant, l’analyse des effets des plans sociaux intervenus en France dans l’industrie entre 1997 et 2019 montre que la réalité s’écarte largement de telles hypothèses (« Vingt ans de plans sociaux dans l’industrie : quels enseignements pour la transition écologique ? », La Lettre du CEPII, nᵒ 435, mars 2023).

Tout d’abord, près de 40 % des salariés qui ont été licenciés dans le cadre d’un plan social dans l’industrie ne sont plus en véritable « poste de travail », au sens de l’Institut national de la statistique et des études économiques, un an après le licenciement, et plus de la moitié six ans après. Retrouver un emploi dans un autre secteur s’est révélé particulièrement coûteux. Les salariés qui, après trois ans de chômage, ont retrouvé un premier emploi dans les services ont en moyenne un salaire de 58 % inférieur à celui des salariés qui avaient un profil professionnel comparable au leur mais qui n’ont pas subi de plan social, alors que ce différentiel n’est que de 12 % lorsqu’ils retrouvent un emploi dans le secteur manufacturier.

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Croissance française : une économie en « sous-régime », affectée par l’inflation

Dans un hypermarché, à Villeneuve-la-Garenne (Hauts-de-Seine), le 29 mars 2023.

Un hiver doux qui a permis de consommer moins d’énergie, des cours mondiaux en repli sur les marchés du pétrole et du gaz, des entreprises qui ont continué à produire et à investir, malgré le contexte d’inflation toujours élevée. Résultat, l’activité économique, en France, a progressé de 0,2 % au premier trimestre, un peu plus que prévu (+ 0,1 %). Mais l’Insee, qui publie ces chiffres, vendredi 28 avril, a, dans le même temps, révisé à la baisse la croissance du quatrième trimestre 2022, tombée à 0 % au lieu de 0,1 %.

L’inflation, elle, ne donne pas de signe de reflux, au contraire : elle est légèrement remontée en avril, à 5,9 % sur un an contre 5,7 % en mars. Une hausse en partie mécanique, liée au fait que la remise à la pompe était entrée en vigueur le 1er avril 2022. Comparativement, les prix des carburants sont donc plus chers en 2023. La flambée des prix au rayon alimentaire, en revanche, semble ralentir en peu. Sur un an, les tarifs ont augmenté de 14,9 %, au lieu de 15,9 % en mars, et ce, grâce aux produits frais. Dans cette catégorie, la hausse des prix a nettement freiné, passant de 17,1 %, en mars, à 10,2 %, en avril.

« La croissance résiste, mais elle est limitée : l’économie française reste un peu en sous-régime », résume Nicolas Carnot, directeur des synthèses et des études économiques à l’Insee, plus nuancé que Bruno Le Maire sur le diagnostic. Le ministre de l’économie a salué, une nouvelle fois, « la solidité » de l’économie française, dont les « fondamentaux tiennent bon », qui continue à « créer des emplois ». Le nombre de demandeurs d’emploi a en effet diminué de 1,2 % au premier trimestre, selon les chiffres annoncés mercredi 26 avril. Bercy table sur une croissance économique de 1 % cette année, alors que l’acquis de croissance à l’issue de ce premier trimestre s’établit à 0,4 %. Dans une note publiée mercredi, le Haut Conseil des finances publiques avait souligné que « ces prévisions ne sont pas hors d’atteinte, mais semblent optimistes ».

Car si la crise énergétique a perdu en acuité, avec le reflux des prix, redonnant un peu d’oxygène aux entreprises et aux ménages, le durcissement des politiques monétaires refroidit nettement l’économie. Le relèvement des taux d’intérêt, qui devrait se poursuivre encore en Europe, va continuer à peser sur l’investissement immobilier des ménages ou sur la distribution de crédits aux agents économiques. « Le premier trimestre se révèle meilleur qu’anticipé, mais la situation conjoncturelle est en cours de dégradation », estime Stéphane Colliac, économiste à BNP Paribas.

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Edition : un plan social annoncé chez Actes Sud

Période particulièrement difficile pour la maison d’édition Actes Sud. Quelques jours avant le décès brutal de Jean-Paul Capitani, cofondateur d’Actes Sud et mari de Françoise Nyssen, l’ancienne patronne et ex-ministre de la culture, lors d’un accident de vélo, le 4 avril, à Arles (Bouches-du-Rhône), un plan de sauvegarde de l’emploi, qui devrait concerner une trentaine de postes, avait été annoncé aux salariés de l’entreprise, selon La Lettre A et Livres Hebdo.

Le personnel a été informé de cette décision au cours d’une réunion, le 23 mars, mais ignore encore les postes, les métiers et les sites (Arles ou Paris) les plus concernés. Actes Sud, qui a obtenu cinq prix Goncourt (Nicolas Mathieu pour Leurs enfants après eux en 2018, Eric Vuillard pour L’Ordre du jour en 2017, Mathias Enard pour Boussole en 2015, Jérôme Ferrari pour Le Sermon sur la chute de Rome en 2012, et Laurent Gaudé pour Le Soleil des Scorta en 2004), n’a pas réussi de ventes spectaculaires en littérature depuis deux ans – hormis Connemara, de Nicolas Mathieu, paru en février 2022.

La maison souffre, comme toute l’édition, de l’inflation du prix du papier. C’est en raison des difficultés économiques auxquelles le groupe est confronté que la direction s’est résolue à se séparer d’une partie de son personnel.

« Un problème de renouvellement des éditeurs »

Au greffe du tribunal de Tarascon (Bouches-du-Rhône), les comptes d’Actes Sud n’ont été déposés que jusqu’à fin 2021, année au cours de laquelle le chiffre d’affaires s’élevait à 61,7 millions d’euros et le résultat à 2,6 millions, pour un effectif de 221 salariés. Un étiage peu ou prou similaire à celui qui était observé depuis 2018. Comme l’ensemble du secteur, la période de pandémie de Covid-19 avait profité à Actes Sud, le nombre d’acheteurs de livres avait été dopé, les autres loisirs étant inaccessibles (cinéma, concerts, théâtre…). Mais, après cette parenthèse, le chiffre d’affaires et, surtout, la rentabilité d’Actes Sud se sont dégradés en 2022.

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Cette décision intervient alors que les rênes de ce groupe indépendant ont été confiées, depuis le début de l’année, à Anne-Sylvie Bameule, Julie Gautier et Pauline Capitani, les trois filles de Jean-Paul Capitani et de Françoise Nyssen, qui reste au directoire.

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La nouvelle équipe, qui symbolise la relève générationnelle, espérait pouvoir éviter à court terme des mesures aussi radicales. Récemment, une petite filiale, la maison d’édition Inculte, cofondée par Jérôme Dayre et jugée trop peu rentable, a été fermée pour être transformée en une simple collection d’Actes Sud. « La maison souffre d’un problème de renouvellement des éditeurs, et les ouvrages qui concernent le vivant, la nature, l’écologie marchent désormais mieux que la littérature française et étrangère, ce qui donne l’impression d’avoir deux maisons d’édition distinctes », assure un salarié.

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Salaires des enseignants : des hausses en réalité bien loin des 10 % promis par Emmanuel Macron

Le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, lors d’une visite au collège Louise-Michel de Ganges (Hérault), en compagnie d’Emmanuel Macron, le 20 avril 2023.

Pour communiquer sur la revalorisation des enseignants, le gouvernement a multiplié les annonces dûment chiffrées. Durant sa campagne pour la présidence de la République, Emmanuel Macron avait promis 10 % d’augmentation sans condition pour tous les enseignants, avant que ce taux ne devienne une moyenne, comme l’a encore revendiqué le ministre de l’éducation nationale, Pap Ndiaye, sur France Inter le 21 avril, au lendemain de l’annonce des arbitrages salariaux.

Dans le détail, le président de la République a annoncé jeudi 20 avril « entre 100 et 230 euros d’augmentation » inconditionnelle pour tous les enseignants, et « jusqu’à 500 euros » supplémentaires par mois pour ceux qui accepteront le « pacte enseignant », impliquant des missions supplémentaires. Il s’agit d’un « effort considérable » en faveur des rémunérations des enseignants, tel que nous n’en avons « pas connu depuis début des années 1990 », a plusieurs fois répété Pap Ndiaye, à raison.

Un document du ministère de l’éducation nationale détaillant les gains pour chaque échelon de la grille salariale, consulté par plusieurs médias dont Le Monde, montre cependant que les montants maximaux mis en avant par l’exécutif ne concernent qu’une minorité d’enseignants. Figure en effet dans ce document un élément non rendu public : la répartition des effectifs de titulaires par échelon.

Logique dégressive

La revalorisation sans condition concerne tous les enseignants, mais selon une logique dégressive avec l’ancienneté. Au regard de la ventilation des effectifs détaillée dans le document ministériel, seuls 14,5 % des personnels titulaires en début de carrière bénéficieront ainsi d’une augmentation comprise entre 200 et 222 euros nets par mois à la rentrée. Ces enseignants qui comptent entre quatre et onze ans de carrière sont aussi ceux qui connaissent la plus forte progression depuis 2020 : entre 10 % et 11,2 %, pour des salaires qui s’élèveront à environ 2 200 euros net en septembre. Un peu plus de 18 % toucheront entre 138 et 189 euros supplémentaires. Pour un peu moins de sept agents sur dix, ceux ayant plus de quinze ans de métier, la revalorisation est de 95 euros et représente moins de 4,2 % d’augmentation par rapport à 2022. Après quinze ans d’expérience, un enseignant percevra ainsi un salaire de 2 340 euros nets, 2 500 euros après vingt ans, et 3 000 euros après trente ans.

Comme l’ont relevé l’Agence France-Presse et l’agence spécialisée AEF info, la revalorisation inconditionnelle, dite « socle » par le gouvernement, est loin des 10 % pour tous promis par Emmanuel Macron, et même des 10 % en moyenne. Selon ce document du ministère, elle s’établit plutôt à 5,5 % par rapport à 2022, confirme-t-on Rue de Grenelle.

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Qu’est-ce que le « partage de la valeur » en entreprise, que le gouvernement souhaite développer ?

La première ministre, Elisabeth Borne, a présenté, mercredi 26 avril, sa feuille de route pour les « cent jours » évoqués par le président de la République, Emmanuel Macron, pour tenter de tourner la page de la réforme des retraites. Concernant le pouvoir d’achat, la cheffe du gouvernement a notamment promis d’obtenir « une distribution plus juste des richesses produites par les entreprises ».

Afin d’atteindre cet objectif, un projet de loi transposant l’accord national interprofessionnel sur le « partage de la valeur » en entreprise, conclu en février entre les partenaires sociaux, sera présenté au Parlement « dans les trois mois », a annoncé Mme Borne. Intéressement et participation, quelle différence ? Que contient l’accord interprofessionnel ? Pourra-t-il être retranscrit tel quel dans la loi ? Le Monde fait le point.

A quoi cet accord va-t-il servir ?

L’accord interprofessionnel sur le « partage de la valeur au sein de l’entreprise » vise à améliorer et généraliser les dispositifs d’intéressement ou de participation pour les salariés, et ainsi améliorer leur rémunération dans un contexte de flambée des prix. L’accord a été validé par toutes les organisations patronales et syndicales, à l’exception de la Confédération générale du travail.

Les trois mois de discussions entre les organisations patronales et syndicales se sont structurés autour d’un « document d’orientation » transmis par le gouvernement. L’exécutif entend ainsi donner une suite à la loi « mesures d’urgence » pour le pouvoir d’achat, adoptée en août 2022, premier volet du paquet de dispositions pour faire face à l’inflation.

Intéressement et participation, quelle différence ?

L’intéressement et la participation sont des avantages variables, puisqu’ils dépendent des performances de l’entreprise. L’employé peut placer la somme sur un plan d’épargne salariale – plan d’épargne entreprise, plan d’épargne pour la retraite collectif, etc. – ou la récupérer. Dans ce cas, le montant de la prime est imposable au même titre que le salaire.

  • L’intéressement est facultatif et peut être mis en place par toutes les entreprises. Ce dispositif, déterminé par accord d’entreprise, permet de verser à tous les salariés une prime proportionnelle aux résultats de l’entreprise.
  • La participation est obligatoire dans les entreprises de cinquante salariés et plus. Elle peut également être adoptée dans les plus petites structures. Il s’agit d’un mécanisme de redistribution des bénéfices de l’entreprise aux salariés.
  • La rémunération variable est liée à la performance collective de l’entreprise ou aux objectifs individuels du salarié. Elle fait l’objet d’une clause dans le contrat de travail. Elle peut inclure la prime d’intéressement mais aussi, par exemple, des primes ou des commissions, des avantages en nature (téléphone, véhicule de fonction, etc.) ; et enfin des stock-options ou distribution d’actions gratuites.
Lire le décryptage : Article réservé à nos abonnés Comment mieux gérer son épargne salariale

Que contient l’accord interprofessionnel ?

Cet accord contient trente-six articles et deux mesures principales.

  • Pour les entreprises de onze à quarante-neuf personnes : elles seront obligées, à partir du 1er janvier 2025, d’instaurer au moins un mécanisme « légal de partage de la valeur » – participation, intéressement ou encore « prime de partage de la valeur » – si elles dégagent, durant trois années consécutives, un bénéfice significatif, au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. Les entreprises de moins de onze salariés « ont la possibilité » de partager les profits avec leurs salariés.
  • Pour les entreprises d’au moins cinquante personnes : des discussions doivent avoir lieu de manière à « mieux prendre en compte les résultats exceptionnels » réalisés en France. Une mesure qui fait écho au débat sur la taxation des superprofits, relancé par les excédents records de TotalEnergies.

L’accord entre les partenaires sociaux repris dans la loi

Certains articles de l’accord nécessitent de modifier la loi pour être appliqués, notamment la mise en place de la participation dans les entreprises de moins de cinquante salariés. Pour donner des gages aux partenaires sociaux, après l’épisode désastreux de la réforme des retraites, Mme Borne a promis, le 20 février, « la transcription fidèle et totale de cet accord dans la loi ».

« Tout détricotage » serait « un coup de poignard dans le dos des partenaires sociaux », avait mis en garde, le 19 février, Geoffroy Roux de Bézieux, le président du Mouvement des entreprises de France. Le lendemain, Laurent Berger, alors secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail, avait martelé : « Il faut que l’accord soit respecté par le Parlement », sinon « ce serait un croche-pied à la démocratie sociale ». Une orientation confirmée par Mme Borne mercredi.

Les points qui pourraient coincer au moment de la retranscription dans la loi

L’engagement pris par la première ministre sera-t-il respecté ? Le rapport parlementaire de la mission d’information sur le partage de la valeur, porté par les députés Louis Margueritte (Renaissance) et Eva Sas (Europe Ecologie-Les Verts), a été rendu le 12 avril. Sans remettre en cause l’accord, les rapporteurs estiment nécessaire de le compléter.

Le rapport préconise d’avancer la date d’application prévue d’un an, au 1er janvier 2024. « Faire entrer en vigueur ce dispositif le 1er janvier 2025, en prenant en compte les données chiffrées, y compris de 2024, signifierait un premier versement dans le courant de l’année 2025, soit dans des délais insatisfaisants par rapport à l’urgence du pouvoir d’achat », écrivent les auteurs. En outre, les rapporteurs s’inquiètent de l’absence d’obligation de montant minimum à distribuer aux salariés. « Un chef d’entreprise pourrait ainsi satisfaire cette obligation en distribuant une PPV [prime de partage de la valeur] de 1 euro », soulignent-ils.

Les rapporteurs alertent aussi sur le fait que le nombre d’entreprises obligées de mettre en place un mécanisme de partage de la valeur « pourrait être relativement restreint ». Pour rappel, les sociétés de onze à quarante-neuf personnes devront l’instaurer si elles font, pendant trois ans consécutifs, un bénéfice au moins égal à 1 % de leur chiffre d’affaires. Or, selon des estimations du ministère du travail sur les données de 2020, « un maximum de 16 750 entreprises, sur les 130 000 entreprises comptant entre onze et cinquante salariés, pourraient être concernées (…), soit entre 180 000 et 840 000 salariés ».

Enfin, s’agissant des « résultats exceptionnels », concernant les entreprises d’au moins cinquante personnes, Mme Sas note que « la mise en œuvre des dispositifs » prévus par l’accord « reste très incertaine », dans la mesure où la définition des résultats exceptionnels sera soumise à l’appréciation de l’employeur.

Le congé menstruel en France, bonne ou mauvaise idée ? Trois minutes pour comprendre

Proposer un congé mensuel aux femmes pour leur permettre de faire face à des règles douloureuses : c’est l’idée qui fait progressivement son chemin en Europe et en France ces derniers mois. Accordé en février 2023 pour les femmes en Espagne, ce droit est aussi testé en France de façon ponctuelle, sur décision de certains employeurs et selon des modalités différentes.

Ainsi, une poignée d’entreprises, comme Carrefour, et de municipalités, comme la mairie de Saint-Ouen (Seine-Saint-Denis), ont annoncé qu’elles accorderaient jusqu’à douze jours de congé supplémentaires, soit jusqu’à un par mois, aux femmes souffrant de règles douloureuses ou d’endométriose, une maladie de l’utérus qui provoque des douleurs extrêmes pendant les règles.

A l’Assemblée nationale, le député écologiste Sébastien Peytavie s’est associé à Marie-Charlotte Garin et Sandrine Rousseau, députées de son groupe, pour mener une concertation sur le sujet auprès d’associations féministes, de représentants du monde médical et de celui de l’entreprise. Leur objectif est de rédiger une proposition de loi pour créer un congé menstruel pour toutes, qui soit indemnisé, sans jour de carence, tout en respectant le secret médical. La proposition ne fait pas l’unanimité, notamment chez certaines associations féministes.

Pour tout comprendre du congé menstruel, de son fonctionnement et des débats qui l’entourent, nous vous proposons cette vidéo qui avait été réalisée juste avant l’adoption de cette mesure par le Parlement espagnol.

Salaire des enseignants : pour 70 % des professeurs, les hausses de 2023 seront inférieures aux pertes de pouvoir d’achat sur un an

Ce sont des chiffres qui éclairent d’un autre angle les mesures salariales annoncées par le gouvernement pour les enseignants. Alors que l’exécutif, notamment le président de la République, Emmanuel Macron, met en avant des hausses de salaire « historiques », le collectif Nos services publics montre, dans une étude publiée jeudi 27 avril, qu’une fois l’inflation prise en compte, les augmentations prévues pour septembre 2023 ne compenseront même pas les pertes de pouvoir d’achat subies depuis le mois de janvier pour 70 % des enseignants.

Emmanuel Macron avait promis 10 % d’augmentation inconditionnelle à tous. Dans les faits, ces 10 % ne sont pas atteints, pas même en moyenne, et les hausses seront bien plus faibles pour la majorité des enseignants. Sur les premiers échelons de la grille salariale, les augmentations sans condition sont comprises entre 6 % et 11 %. Les mesures annoncées par le gouvernement feront ainsi augmenter le pouvoir d’achat des 30 % des enseignants les plus jeunes, souligne Nos services publics. Mais les 70 % restants ne bénéficieront que d’augmentations bien moindres, de 95 euros, soit moins de 4 %.

Or, rappelle le collectif qui milite pour des services plus adaptés aux besoins des usagers, « l’inflation prévue d’ici décembre 2023 est de 5,5 % ». « Même avec les mesures annoncées, leur pouvoir d’achat sera inférieur en décembre 2023 à ce qu’il était en décembre 2022 », ainsi qu’à ce qu’il était au début de 2021, insiste le collectif, dont l’étude est centrée sur les enseignants du second degré – les grilles salariales sont toutefois identiques pour les professeurs certifiés et les professeurs de primaire.

« Une limitation de la chute »

L’autre volet des mesures salariales annoncées par le gouvernement, le « pacte enseignant », prévoit une rémunération allant d’environ 95 à 280 euros net mensuels en fonction de la quantité de travail additionnelle, mais est conditionné à des missions supplémentaires et ne concernera qu’une partie (a priori minoritaire) des enseignants.

Une dégradation qui s’inscrit dans la continuité de celle des vingt dernières années, et que la note donne à voir de manière originale. Pour mieux rendre compte de la perte de pouvoir d’achat des enseignants, le collectif a analysé l’évolution de leur rémunération au cours d’une carrière depuis 2000. Si le déclin salarial de la profession est désormais bien connu grâce à des études comparant les grilles de rémunération dans le temps, il est plus difficile à appréhender à l’échelle individuelle du fait des augmentations dues à l’ancienneté qui donnent l’impression d’une progression.

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