Archive dans mars 2023

En Allemagne, les grèves pour des hausses de salaire se multiplient dans les services

La tension monte, outre-Rhin, autour des négociations salariales dans les services privés et publics, dans un conflit qui pourrait tourner en faveur des salariés. Samedi 11 mars, la direction de la poste allemande a accordé in extremis une hausse moyenne du salaire de 11,5 %, afin d’éviter la grève illimitée dont la menaçait le syndicat des services Verdi.

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Cette victoire des salariés devrait alimenter le mouvement de grèves que connaît actuellement le pays : mardi 14 et mercredi 15 mars, ce sont les employés des hôpitaux, des établissements de soin aux personnes âgées et des services d’urgence qui sont appelés à cesser le travail.

Dans le conflit avec Deutsche Post, entreprise privée cotée mais détenue à 20 % par la banque publique KfW, Verdi a porté inhabituellement loin les menaces de cessation de travail. Le coup de force a porté ses fruits : après des discussions qualifiées d’« extrêmement difficiles » par l’entreprise, les 160 000 salariés du groupe ont obtenu des versements défiscalisés d’un total de 3 000 euros, en plus d’une hausse de salaire de 340 euros à partir d’avril 2024, ce qui correspond à des augmentations de 11 % à 16 % pour les salaires les plus faibles.

Perturbations

Ce type d’accord pourrait se généraliser, alors que plusieurs secteurs des services durcissent le ton contre les employeurs. Dans la fonction publique, qui compte 2,5 millions de travailleurs fonctionnaires ou salariés des services communaux, les syndicats réclament 10,50 % d’augmentation, et une revalorisation minimale de 500 euros par mois pour les salaires les plus faibles. La dernière négociation, qui s’est tenue le 23 février, s’est soldée par un échec.

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Les communes et l’Etat fédéral offraient un plus de 5 % au total, avec deux versements uniques de 1 000 et 1 500 euros. Trop peu, ont rétorqué les syndicats, qui avancent que la perte totale de pouvoir d’achat des salariés due à l’inflation s’est élevée à 11 % depuis 2021.

En réaction, les perturbations se sont multipliées, ces dernières semaines, dans les services : le 3 mars, de nombreux employés des transports de proximité ont fait grève, dans une action collective avec le mouvement d’activistes du climat Fridays for Future.

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Le 8 mars, journée internationale des droits des femmes, ce sont les éducateurs des crèches, écoles maternelles et services sociaux qui ont à leur tour cessé le travail dans toute l’Allemagne. Dans plusieurs villes, les poubelles s’amoncellent à la suite des perturbations des services de ramassage des ordures. Et dans les transports aériens, des grèves d’agents de sécurité ont affecté plusieurs aéroports du pays, dont celui de Berlin, où tous les vols ont été annulés dans la journée du lundi 13 mars.

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Meta : Mark Zuckerberg licencie encore et veut une organisation plus « mince » et « plate »

Le siège social de Meta, à Menlo Park, en Californie, le 9 novembre 2022.

Dix mille licenciements de plus. C’est ce qu’a annoncé, mardi 14 mars, Mark Zuckerberg, le fondateur de Meta, quatre mois seulement après s’être séparé de 11 000 collaborateurs. Avec cette seconde vague de suppressions de postes, la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp aura congédié 24 % de ses effectifs. Le groupe ferme aussi 5 000 offres d’emplois ouvertes pour des postes vacants.

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Le timing peut « surprendre », concède Mark Zuckerberg dans un billet sur Facebook, mais « il n’y a pas le choix ». Le groupe a, pour la première fois, vu son chiffre d’affaires reculer (− 1 %) en 2022, en raison du ralentissement économique lié à la guerre en Ukraine, mais aussi de la concurrence du réseau social chinois TikTok et des restrictions sur la publicité ciblée sur ses iPhones.

Le groupe reste soumis à une pression des analystes boursiers, qui demande davantage d’économies : « De nouveaux licenciements sont nécessaires pour compenser les deux années de recrutements excessifs », a écrit la banque Jefferies dans une note en mars, citée par le Financial Times. Dans l’euphorie – elle aussi boursière – de la numérisation liée à la pandémie de Covid-19, Mark Zuckerberg a embauché 27 000 personnes en 2020 et 2021, et 15 000 en 2022. Les effectifs sont passés de 33 000 à 87 000 en quatre ans.

Supprimer « plusieurs couches de management »

Mais, désormais, à ce raisonnement sur des économies contraintes, le fondateur de Meta ajoute un discours plus volontariste, sur les bienfaits supposés des suppressions de postes. Il promet que 2023 doit être « l’année de l’efficacité ». « Nous allons aplatir notre organisation en supprimant plusieurs couches de management », écrit-il. Meta doit devenir une entreprise « plus mince », ajoute-t-il. Pour le groupe, « être plus plat, c’est être plus rapide » et « être plus mince, c’est être meilleur », théorise M. Zuckerberg.

« Chaque couche de hiérarchie ajoute de la latence et de l’aversion au risque, dans le flux d’informations et dans le processus de décision », pense le PDG. Certains manageurs vont devoir prendre « des postes où ils ne dirigent plus et redeviennent des contributeurs individuels ». Meta doit aussi rester une « entreprise technologique » et augmenter son « ratio d’ingénieurs » dans les équipes, croit M. Zuckerberg. Ce dernier dit aussi avoir « sous-estimé le coût des projets non prioritaires », qui consomment des ressources et « ralentissent » l’organisation.

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On peut voir dans cette doctrine le rêve d’un PDG d’une grande multinationale à la croissance en berne de renouer avec la culture d’une start-up. On peut aussi y déceler des similitudes avec la conception du travail affichée par Elon Musk lors de son rachat de Twitter : le patron de Tesla et SpaceX a brutalement licencié plus des deux tiers des salariés et demandé aux restants de souscrire à une culture de travail « hard-core » : tous les manageurs doivent coder, tous les informaticiens doivent montrer régulièrement le nombre de lignes de code produites, il est encouragé de dormir au travail si besoin, etc.

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Aux Etats-Unis, les salariés redécouvrent le goût des congés

Casque sur la tête, café à la main, la jeune Sarai Marie met en scène, sur TikTok, Veronica et Susan au bureau. Veronica, incarnation de la génération Z, est l’employée. Susan sa cheffe. « Veronica, dit cette dernière, tu dois être disponible pendant tes vacances. » Veronica ne se laisse pas démonter. Elle éclate de rire et promet de bloquer les futurs messages de Susan. Ses 2,3 millions de followers l’approuvent.

Ce sketch, très court, illustre le changement d’attitude des salariés américains. On les croyait dévorés d’ambition, toujours prêts à finir une tâche le week-end, ou à répondre aux mails incessants du chef de service. Mais, depuis l’épidémie de Covid-19 et la révolution du travail à distance, leur soumission volontaire s’est calmée.

« Le contrat social a changé pour toujours », estime Cathi Canfield, vice-présidente de l’agence de recrutement EmployBridge. Dans un sondage, interne à l’agence de recrutement EmployBridge, réalisé du 21 février au 23 mars 2022, a été relevée l’importance exprimée par les employés de la flexibilité des emplois du temps, même du côté des travailleurs essentiels. « Ils établissent leurs priorités. Ils veulent être capables de s’occuper de leurs enfants à la maison, explique-t-elle. Ils nous disent que leur temps est précieux. »

« Pour 40 % des postes, on a compris que l’on pouvait travailler dans d’autres lieux, poursuit Ariane Ollier-Malaterre, professeure de management à l’université du Québec à Montréal (Canada). Quand l’entreprise impose un retour au bureau et que vous passez la journée sur Zoom, parce que les autres ne viennent pas au même moment, vous vous demandez pourquoi. Les employés veulent garder leur autonomie. » Et ils le font savoir haut et fort.

La baisse des ambitions professionnelles

Le marché de l’emploi étant toujours très tendu, « les salariés ont le pouvoir », conclut la professeure. Les employeurs qui n’auraient pas encore compris risquent un profond désengagement de leurs troupes. Sur TikTok, ce changement de comportement s’appelle « act your wage ». En clair, l’employé fait ce pour quoi il est payé, sans plus.

« On nous accuse d’être paresseux, toujours au téléphone, explique Danielle Farage, 24 ans, directrice du marketing de la plate-forme Café, experte en ressources humaines. C’est vrai, nos valeurs sont différentes de celles des baby-boomeurs. Nous n’avons pas envie de pointer cinq jours sur sept de 9 heures à 17 heures. Nous ne reviendrons pas au bon vieux temps. » Mais d’ajouter en direction des employeurs : « Reprenons la discussion. Soyez plus flexibles. Comprenez nos valeurs, notre envie de transparence, la volonté de faire le bien dans le monde. »

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La réforme des retraites, révélatrice de la crise du rapport au travail

Les résultats de la vague 14 du baromètre de la confiance politique réalisé par OpinionWay pour le Centre de recherches politiques de Sciences Po (Cevipof), publiée le 15 mars, montrent que la contestation très générale de la réforme des retraites s’inscrit profondément dans le rapport que les Français entretiennent avec le travail. Elle n’est pas due à une quelconque incapacité nationale d’accepter les changements ou de se mettre au diapason du « bon sens » économique. Pour comprendre l’intensité de la réaction, qu’elle soit syndicale ou politique, il faut en réalité prendre la mesure de la place que le travail prend aux yeux des Français.

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Contrairement aux idées reçues, la valeur travail est loin d’avoir disparu au profit d’une société des loisirs ou d’un droit hédoniste à la paresse. L’immense majorité des sondés, actifs ou anciens actifs, déclarent que le travail tient une place importante dans leur vie : près des trois quarts en France, en Allemagne et au Royaume-Uni, et 89 % en Italie. Parmi les plus jeunes inactifs, élèves ou étudiants, souvent décrits comme une génération relativisant fortement l’investissement dans une vie de labeur, 79 % des enquêtés français donnent de l’importance au travail contre 88 % au Royaume-Uni et 90 % en Italie, mais 67 % en Allemagne, bien loin des clichés sur le Nord besogneux et le Sud désinvolte.

Ce rôle central accordé au travail dans la vie soulève la question du sens qu’on lui attribue mais aussi celle de la méritocratie. Si le projet de réforme des retraites du gouvernement est si mal accepté par les deux tiers des enquêtés français (et près des trois quarts des seuls actifs), c’est que leur expérience du travail est négative et que la retraite constitue, à leurs yeux, la seule récompense qui reste.

En France comme chez nos voisins italiens, une minorité seulement d’enquêtés considère que leur travail est reconnu et dûment récompensé (en moyenne, 42 % en France et 41 % en Italie contre 53 % au Royaume-Uni et 57 % en Allemagne). C’est dans l’Hexagone, surtout, que l’écart entre catégories socioprofessionnelles est le plus élevé : on passe de 39 % dans les catégories populaires à 43 % dans les catégories moyennes et 63 % dans les catégories supérieures. Une fracture se décline en France autour de la question de la dignité au travail, des récompenses qui tardent à venir après les efforts.

Epanouissement personnel

L’autre enseignement de l’enquête est de montrer que c’est bien en France que le rapport au travail ne se réduit pas à un simple échange économique, mais qu’il implique aussi un certain épanouissement personnel, une recherche du sens et de la maîtrise de ce que l’on fait. Lorsqu’on les interroge sur ce qui fait un bon métier, une bonne rémunération ou la possibilité de s’y épanouir, les Français sont les plus nombreux à choisir l’épanouissement (54 %), bien avant leurs homologues italiens (45 %), allemands (41 %) ou britanniques (31 %). Et c’est en France que cet objectif est le plus consensuel, divisant peu les catégories socioprofessionnelles entre elles. En revanche, le différentiel entre générations s’avère important puisque l’épanouissement est choisi par 51 % de la génération des « boomers » (nés entre 1945 et 1964) contre 66 % de la génération Z (nés entre 1995 et 2005).

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Carnet de bureau : « L’égalité femmes-hommes à l’index »

La note moyenne de l’index égalité femmes-hommes déclarée par les entreprises en 2023 est de 88/100, a annoncé, le 8 mars, le ministère du travail. Pour Orange SA, 89/100, avec une petite faiblesse sur la parité au sein des dix plus hautes rémunérations ; 96/100 à la Caisse nationale d’assurance-vieillesse ; qui dit mieux ?

L’index, que chaque entreprise de plus de cinquante salariés est obligée de brandir le 1er mars, est censé exprimer le niveau d’égalité entre les femmes et les hommes, par la mesure des écarts de salaire, de promotion et de la parité au sein des dix plus fortes rémunérations : 72 % des entreprises concernées ont publié leur index en 2023, contre 61 % en 2022 et 2021 et 54 % en 2020.

L’index, créé par la loi sur l’avenir professionnel, en 2018, apparaît désormais sur les sites des entreprises au printemps, comme les premières fleurs de l’année, essentiellement pour vanter leurs bons scores et étaler leur image de « belle boîte ». « Les résultats sont en constante progression depuis sa mise en place, en 2019 », souligne le ministère du travail. Il reste pourtant beaucoup à faire pour atteindre l’égalité professionnelle en entreprise, en particulier au sein du très masculin top 10.

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Les mauvais élèves de l’index font profil bas, d’autres évitent tout simplement de déclarer leur situation, quitte à risquer la sanction prévue par la loi. Depuis 2019, 49 pénalités financières ont ainsi été notifiées aux entreprises par l’inspection du travail, pour absence de publication de l’index, absence de définition de mesures correctrices ou du fait d’un index inférieur à 75/100 pendant plus de trois exercices consécutifs. Depuis 2020, 77 entreprises sont restées en deçà du seuil fatal de 75/100, qui déclenche la sanction.

Des conclusions sévères

Quelle est donc l’utilité de cet index ? Quatre ans après sa création, l’Institut des politiques publiques (IPP) a décidé d’en faire le bilan, et l’a présenté en conférence de presse le 6 mars. Ses conclusions sont sévères : « Une couverture limitée », « peu d’effet sur les entreprises concernées », « des règles de calcul complexes, qui permettent d’atténuer les écarts salariaux ». En clair, les entreprises ont appris à adapter l’instrument de mesure au service de leurs intérêts ou ne rentrent tout simplement pas dans le champ d’application. L’IPP a ainsi établi que les postes de travail pris en compte par l’index « ne représentent que 25,5 % de l’emploi privé ».

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Il ne faudrait pourtant pas jeter l’index aux orties, comme un vulgaire élément parasite de communication. Car, si Orange SA, par exemple, peut aujourd’hui présenter un taux de féminisation de plus de 32 % des cadres dirigeants et de 40,7 % au comité exécutif (comex), c’est bien parce que, avant la loi Rixain de 2021, qui a imposé un quota de femmes au comex des entreprises de plus de 1 000 salariés, il y avait eu la création de l’index, et, dix ans plus tôt, en 2011, la loi Copé-Zimmermann, qui introduisit des quotas dans les conseils d’administration.

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« Cadres noirs » : guerre de ressources humaines

Une entreprise organise une fausse prise d’otages pour départager des candidats : l’objectif est de recruter le cadre idéal pour mener à bien une grosse restructuration. L’intrigue est celle d’un polar de Pierre Lemaitre publié en 2010 chez Calmann-Lévy, aujourd’hui adapté en bande dessinée, après avoir été transposé en minisérie par Arte (Dérapages, 2020). Mais pas seulement.

Elle s’inspire aussi d’un sinistre fait divers bien réel. En 2005, Philippe Santini, le patron de la régie publicitaire de France Télévisions, transformait un séminaire de cadres en prise d’otages fictive – sans en avoir informé les participants – afin de tester la gestion du stress par ses équipes. Il finira condamné au pénal. Nulle surprise que Pierre Lemaitre y ait trouvé matière à tricoter un habile thriller social, lui qui a fait de la domination un des thèmes-phares de son œuvre, tous les genre confondus.

L’adaptation en BD, scénarisée par Pascal Bertho, se déploie en trois tomes, dont le deuxième vient de paraître. Et prend le temps de camper son personnage principal, Alain Delambre, un DRH lessivé par quatre ans de chômage, dessiné par Giuseppe Liotti avec un physique à la Patrick Dewaere et quelque chose dans le regard de Pierre Lemaitre lui-même.

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Aux abois, Delambre saute sur une annonce d’assistant RH pour un grand groupe et ne recule pas même devant la perspective d’organiser ce fameux kidnapping comme épreuve d’embauche. Mais quand, à quelques jours du recrutement, il découvre que le poste tant convoité est déjà pourvu et que l’éprouvante sélection à venir n’est qu’une mascarade, son sang ne fait qu’un tour. Le « jeu » de ses recruteurs va se retourner contre eux.

Un univers déshumanisé

Un engrenage se met en route, dont les rouages sont astucieusement montés dans le désordre par le scénario de Pascal Bertho, qui multiplie flash-back et détours chronologiques, comme pour mieux cerner les motivations profondes d’un homme aussi ambigu que désespéré. Car dès la couverture du premier tome, Delambre apparaît maîtrisé par les hommes du RAID, le regard traversé par une lueur de satisfaction, laissant penser que tout ce qui va suivre (son emprisonnement, son procès) est prémédité.

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Dans le deuxième volume, la bataille de l’opinion est engagée, et certains commencent à le voir comme un lanceur d’alerte sur les dérives du monde du travail. Un univers déshumanisé, où les cadres supérieurs seraient embauchés pour leur sang-froid, véritables « cadres noirs », plus proches de tueurs que de manageurs bienveillants.

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Meta va supprimer 10 000 postes de plus

Meta avait déjà annoncé en novembre la suppression de 11 000 emplois.

Meta, maison mère des réseaux sociaux Facebook et Instagram, va supprimer 10 000 postes de plus, après une première vague de 11 000 licenciements début novembre, a annoncé, mardi 14 mars, le PDG du groupe, Mark Zuckerberg.

Le géant de Menlo Park, en Californie, va en outre faire disparaître de son organigramme 5 000 postes actuellement non occupés, ajoute-t-il dans un communiqué.

La vague de licenciements annoncée en novembre, qui représentait 13 % de ses effectifs, était la première de l’histoire du groupe. Meta a vu ses revenus annuels baisser à 116,61 milliards de dollars en 2022, soit de 1 %, par rapport à 2021. Jamais, depuis son introduction en Bourse en 2012, la firme n’avait vu ses revenus annuels reculer.

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Le Monde avec AFP

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Réforme des retraites : « Très tôt, les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans l’économie »

Comme le secteur des transports, celui de l’énergie (électriciens, gaziers, raffineurs) est aux avant-postes dans la mobilisation actuelle contre le projet gouvernemental de réforme des retraites. Dès le début du XXe siècle, « les travailleurs de l’énergie ont eu conscience de leur place éminente dans le fonctionnement général de l’économie », note le spécialiste du syndicalisme Stéphane Sirot, professeur d’histoire à l’université de Cergy-Pontoise.

Pourquoi retrouve-t-on aujourd’hui les salariés de l’énergie aux avant-postes de la mobilisation ?

Electriciens et gaziers ont encore une forte identité professionnelle. Ce sont des métiers à statut. Le statut national du personnel des industries électriques et gazières est une grande conquête sociale de l’après-seconde guerre mondiale [avec le départ anticipé à la retraite, selon la pénibilité des métiers]. Une conquête dont la libéralisation de l’énergie en Europe menace, depuis une trentaine d’années, la pérennité ou le périmètre. Ce statut, comme l’avenir de l’entreprise EDF, suscite une certaine unité syndicale, avec la CGT encore très fortement implantée et combative. Même si elle a reculé, elle demeure la première organisation syndicale [38 % des voix aux élections professionnelles des électriciens et gaziers, en 2019].

Comment expliquer le poids encore important des syndicats dans cette branche ?

Une particularité caractérise les industries électriques et gazières. Pour EDF comme pour GDF, ces deux entreprises nationalisées ont eu pour créateur… l’homme qui était jusque-là dirigeant syndical de la fédération CGT du secteur. En l’occurrence Marcel Paul, alors ministre communiste de la production industrielle dans le gouvernement du général de Gaulle [en 1946]. Cette situation a d’ailleurs longtemps généré des relations sociales particulières, avec une perception de l’intérêt général cristallisant tous les acteurs : l’Etat, les syndicats et les dirigeants de l’entreprise, dont Marcel Boiteux [directeur, puis président d’EDF entre 1967 et 1987].

En quoi le recours à la sous-traitance, très présente dans le nucléaire notamment, influe-t-il sur le champ syndical ?

Il est bien plus compliqué de mobiliser sur un même site des individus dont les entreprises, les conditions de travail, les salaires et les statuts diffèrent. La sous-traitance complexifie considérablement le travail syndical. C’est aussi pour cela qu’existe la revendication d’un statut de l’énergéticien qui pourrait être applicable à tous ceux qui interviennent dans le secteur.

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Camaïeu, San Marina, Kookaï… Désastre dans le prêt-à-porter

Ce fut une déflagration dans le secteur du prêt-à-porter : l’annonce, le 1er octobre, du placement de Camaïeu en liquidation judiciaire. Dans la foulée, le géant de l’habillement a fermé ses 511 magasins et licencié plus de 2 500 personnes. Le début d’une série noire.

San Marina, Kookaï, C & A, Go Sport… La liste est longue. Semaine après semaine, les mauvaises nouvelles pour le secteur s’accumulent – et des milliers de personnes se retrouvent sans emploi, ou menacées de le perdre. Pourquoi ces fleurons français du prêt-à-porter s’effondrent-ils ? Les nouvelles habitudes d’achat des Français, notamment sur Internet, suffisent-elles à expliquer cette crise ?

Dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », Juliette Garnier, journaliste au Monde et spécialiste de l’économie du prêt-à-porter, explique la chute de ces marques, auparavant dominantes sur le marché.

Un épisode de Dorali Mensah. Réalisation Quentin Tenaud. Musiques : Amandine Robillard et Epidemic Sound. Présentation et rédaction en chef : Morgane Tual. Dans cet épisode : extraits : INA-JT Europole TV, le 23 octobre 1990 ; AFP TV, le 28 septembre et le 1er octobre 2022 ; LCI, le 3 février ; Europe 1, le 18 février ; France 2, le 20 février ; Sud Radio, 21 février 2023.

« L’Heure du Monde »

« L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

En savoir plus sur la crise du secteur de l’habillement :

Écouter aussi Vinted : l’achat de vêtements d’occasion est-il une fausse bonne idée ?

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En Californie, le statut d’indépendant des chauffeurs de société de VTC est approuvé par un tribunal

Dans la bataille juridique de longue haleine qui l’oppose à des chauffeurs, Uber peut souffler. Une cour d’appel de Californie a jugé, lundi 13 mars, que la loi définissant le statut d’indépendant des conducteurs de sociétés de VTC n’était pas contraire à la Constitution de cet Etat de l’Ouest américain.

Uber, son concurrent Lyft, et d’autres plates-formes refusent de considérer les conducteurs comme des employés à part entière, ce qui impliquerait de leur accorder certains droits, comme des allocations-chômage ou d’éventuelles négociations collectives. L’Union internationale des employés des servicese (ou SEIU, pour Service Employees International Union, en anglais), un syndicat qui milite pour le statut de salariés, avait remporté une première bataille en août 2021, quand un juge avait déclaré la « proposition 22 » « inconstitutionnelle », parce qu’elle limitait « le pouvoir de l’assemblée » à légiférer à l’avenir sur ce sujet. Cette loi approuvée lors d’un référendum en 2020 consacrait le travail rémunéré à la tâche, même si elle accordait aux chauffeurs quelques avantages sociaux.

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« La décision du jour est une victoire pour les travailleurs et les millions de Californiens qui ont voté pour la “proposition 22” », a réagi, lundi, Tony West, le directeur juridique d’Uber. A l’inverse, la décision de lundi est un « coup terrible », selon Nicole Moore, la présidente de Rideshare Drivers United (RDU), une association californienne de chauffeurs.

« Nous sommes tous sidérés, en colère et prêts à continuer la lutte », a-t-elle déclaré à l’Agence France-Presse (AFP). « L’année dernière, nous avons montré à quel point la “proposition 22” est mauvaise pour les conducteurs », a-t-elle ajouté. Selon des rapports de la RDU, moins de 10 % des chauffeurs bénéficient de l’assurance santé promise par cette loi, et ils gagnent en moyenne « 6,20 dollars de l’heure » (5,80 euros environ) après leurs frais, « ce qui est inférieur au salaire minimal fédéral », détaille-t-elle. L’association espère que le SEIU va faire appel et porter l’affaire devant la Cour suprême californienne.

Lire notre enquête : Article réservé à nos abonnés « Uber Files » : révélations sur le deal secret entre Uber et Emmanuel Macron à Bercy

Une perte nette de plus de 9 milliards de dollars en 2022

Uber défend ardemment son modèle économique, la « gig economy », ou l’économie rémunérée à la tâche, largement adoptée, mais aussi largement critiquée, dans de nombreuses grandes villes dans le monde. L’entreprise californienne a d’ailleurs dû lâcher du lest dans certains pays, comme au Royaume-Uni, où elle a ainsi dû accorder en 2021 un statut de travailleur salarié à ses conducteurs britanniques, avec salaire minimal et congés payés, une première mondiale pour l’entreprise.

Aux Etats-Unis, la plate-forme continue de résister aux différents assauts. Avec son concurrent Lyft et des services de livraison, elle avait dépensé en 2020 plus de 200 millions de dollars (plus de 187 millions d’euros) pour promouvoir le oui à la « proposition 22 ». Et trois mois avant le vote, les deux entreprises californiennes avaient menacé d’interrompre totalement leur service dans l’Etat, ce qui aurait mis au chômage des dizaines de milliers de personnes.

Les électeurs avaient voté à 58,6 % en faveur de la loi proposée par les entreprises. « Dans tout l’Etat, les chauffeurs ont dit qu’ils étaient satisfaits de la “proposition 22”, qui leur permet de profiter de nouveaux avantages tout en préservant la flexibilité du travail par les applications », a affirmé Tony West, lundi.

La plate-forme de réservation de véhicules avec chauffeur (VTC) et de livraisons de repas a enregistré une perte nette de 9,1 milliards de dollars sur l’année 2022, malgré un bénéfice net de près de 600 millions de dollars au quatrième trimestre 2022. Son titre prenait près de 5 % lors des échanges électroniques après la clôture de la Bourse, lundi.

Lire le reportage : Article réservé à nos abonnés « On prend tout parce qu’on n’a pas le choix » : l’angoisse des chauffeurs VTC

Le Monde avec AFP