Archive dans 2022

RSA : « Conditionnalité et automaticité sont deux objectifs contradictoires »

Tribune. « Ce que je souhaite faire avec le RSA [revenu de solidarité active], c’est exactement ce que nous sommes en train de déployer depuis quelques semaines avec le contrat d’engagement jeunes pour les 18-25 ans. » Alors que, depuis des mois, le gouvernement refuse d’ouvrir le RSA aux 18-25 ans, arguant que la situation des jeunes est spécifique, le candidat Macron propose aujourd’hui d’étendre les caractéristiques d’un contrat destiné spécifiquement aux jeunes… à tous les bénéficiaires du RSA !

Emmanuel Macron souhaite donc introduire une conditionnalité plus stricte pour l’obtention du RSA, avec une obligation de consacrer 15 à 20 heures par semaine à une activité dans un but d’insertion professionnelle – une proposition similaire à celle de sa rivale de droite Valérie Pécresse. « En même temps », il propose de verser les aides sociales « à la source », de manière automatique, afin de lutter contre le non-recours.

Ces deux caractéristiques (conditionnalité et automaticité) sont pourtant contradictoires. Les deux propositions du candidat n’atteindront pas les objectifs affichés, car le diagnostic sur lequel elles reposent n’est tout simplement pas le bon.

Commençons par la conditionnalité.

La question est récurrente à droite. Elle a fait l’objet d’une proposition de loi en 2017 portée par Guillaume Peltier, député LR et aujourd’hui vice-président de Reconquête ! Une mesure similaire a été décidée en février 2016 par le conseil départemental du Haut-Rhin (LR), sous la forme de 7 heures de bénévolat obligatoire pour toucher le RSA. La justice administrative avait annulé cette décision…

Des minima sociaux moins attractifs

Mais le Conseil d’Etat a cassé l’annulation, jugeant que le contrat d’insertion, « élaboré de façon personnalisée » peut prévoir légalement « des actions de bénévolat à la condition qu’elles puissent contribuer à une meilleure insertion professionnelle du bénéficiaire et restent compatibles avec la recherche d’un emploi ». Logiquement, ces activités ne peuvent être proposées qu’aux bénéficiaires du RSA les plus proches de l’emploi, ceux engagés dans un parcours d’insertion professionnelle.

Depuis 2018, la possibilité de conditionner RSA à des heures d’activité est donc déjà possible… Il est certes possible de changer la loi, mais pour quoi faire ? Obliger les départements à contraindre les bénéficiaires du RSA à travailler ? Ce serait une vision particulière du libéralisme et de la décentralisation… Assouplir le cadre législatif ? Aujourd’hui, il est cohérent : les obligations doivent se faire dans un souci réel d’insertion ; il ne s’agit donc pas de casser des pierres au bord de la route afin de punir ou de stigmatiser.

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Les chauffeurs VTC se mobilisent face à la hausse du prix du carburant

Lors d’une mobilisation des chauffeurs VTC, à Paris, le 28 mars.

« Travailler douze heures par jour, sept jours sur sept, pour gagner correctement » sa vie : ce chauffeur de VTC, qui s’exprime, parmi d’autres, dans la vidéo de l’Intersyndicale nationale VTC (INV), n’en peut plus. L’INV a entendu ce « ras-le-bol général », comme le dit son secrétaire général, Brahim Ben Ali, qui a appelé ses collègues à une mobilisation, lundi 28 et mardi 29 mars, à Paris, et dans cinq autres villes. La consigne est de se déconnecter des plates-formes durant ces deux jours. Des mobilisations « statiques », précise-t-il, « car [ils] n’[ont] plus d’argent pour le carburant ». La forte hausse des prix sert de déclencheur à ce mouvement, alors que le secteur a déjà souffert durant la crise liée au Covid-19.

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Selon un sondage rapide fait par l’INV par le biais d’un réseau social, auquel 1 733 chauffeurs adhérents du syndicat ont répondu, ces derniers estiment avoir perdu 45 % de leurs revenus entre septembre 2021 et le 20 mars. A Paris, estime M. Ben Ali, « avant le Covid, pour quinze heures de connexion [temps d’attente inclus], un chauffeur pouvait enregistrer 250 euros de chiffre d’affaires. Aujourd’hui, c’est 100 ou 150 euros, voire 50 euros pour certains. » « Pour ceux qui déclarent tous leurs revenus, ajoute-t-il, ils perçoivent 950 ou 1 000 euros net par mois, pour cinquante-cinq ou soixante heures de connexion par semaine, dont 450 euros partent dans le carburant. Ce n’est pas tenable. »

« Les chauffeurs perçoivent 950 ou 1 000 euros net par mois, dont 450 euros partent dans le carburant. Ce n’est pas tenable », Brahim Ben Ali, secrétaire général de l’INV

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La prise en charge par l’Etat jusqu’à 18 centimes d’euro par litre de carburant, à partir du 1er avril et pour quatre mois, n’est pas suffisante au regard de la hausse du prix, pour l’INV. Certains auraient jeté l’éponge, déclare M. Ben Ali. Uber, par exemple, déclare compter entre 28 000 et 29 000 chauffeurs, contre 30 000 en 2019, avant la crise liée au Covid.

Une hausse des tarifs

Certaines plates-formes ont pris des mesures pour alléger le coût du carburant. Uber, par exemple, distribuera un chèque énergie de 100 euros, le 31 mars, à ceux qui réalisent plus de 50 courses par semaine. « Cela profitera à 20 % des chauffeurs », estime M. Ben Ali. L’entreprise californienne a aussi augmenté ses tarifs passagers d’une contribution exceptionnelle de 0,75 euro par trajet, depuis le 25 mars. La situation sera réexaminée après deux mois d’application. Son concurrent Freenow a mis en place, le 18 mars, un « bonus de 0,84 euro brut » par course, « au moins pour deux semaines », sans augmenter le prix payé par le client.

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Un emploi sur-mesure pour reprendre goût à se former

Se fonder sur les compétences et envies des demandeurs d’emploi pour répondre à des besoins inassouvis sur le territoire : tel est le projet de l’expérimentation « Territoires zéro chômeur de longue durée » depuis son lancement en 2017, dans 19 zones de 5 000 à 10 000 habitants.

Dans les faits, un CDI, à temps choisi et nécessairement payé au smic, est proposé sans condition à chaque demandeur d’emploi de longue durée de la zone, inscrit ou non à Pôle emploi : les volontaires deviennent salariés d’une entreprise à but d’emploi (EBE), qui réalise des missions utiles localement, mais n’entrant pas en concurrence avec les entreprises de la région. 13 Avenir, qui œuvre dans des quartiers prioritaires du 13e arrondissement parisien, a un statut associatif.

« On a une vingtaine de métiers autour de quatre grands secteurs, énumère Elisa Lewis, directrice générale. Le réemploi de matériaux, les services à la population (conciergerie, médiation numérique pour des seniors en difficulté), les services aux autres employeurs du territoire (livraison à vélo de pain et de paniers bio) et l’animation d’un tiers-lieu dans un centre d’hébergement de l’Armée du salut (espace de coworking, restauration solidaire). »

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A l’embauche, un bilan individuel est organisé avec chaque salarié pour faire le point sur ce qu’il sait faire, et ce pour quoi il aimerait être formé au sein de l’EBE. Laure Descoubes est responsable du comité local pour l’emploi de Thiers (Puy-de-Dôme), qui comprend quatre EBE employant aujourd’hui 153 salariés. « On coconstruit les activités avec les personnes : par exemple, celles qui disent savoir coudre, mais aimeraient se perfectionner sur certaines techniques. »

Se libérer

Avant cela, des formations générales au « savoir-être » sont dispensées pour que les ex-chômeurs reprennent confiance : remise à niveau en informatique, autonomie, développement personnel… « Chez nous, explique Elisa Lewis, il y a un parcours d’intégration de deux mois proposé par Pôle emploi en amont de l’embauche. Les personnes sont accompagnées sur l’expression de leurs appétences. »

Puis des formations techniques sont proposées de manière individualisée, voire des formations qualifiantes de longue durée. « Dans chaque EBE, il y a un plan de développement des compétences et une priorisation des formations à opérer : comme dans une entreprise classique », rappelle Laurent Grandguillaume, président de l’association Territoires zéro chômeur de longue durée.

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Harry Françoise, ex-magasinier de 51 ans, s’est formé à la restauration grâce à Pôle emploi juste avant d’intégrer 13 Avenir, en 2018. Il gère aujourd’hui la cuisine du restaurant solidaire, qui sert trente couverts chaque jour. « J’ai d’abord été intégré par rapport à mes compétences de magasinier. Mais je voulais développer un projet de café solidaire : grâce à l’EBE, j’ai pu faire des nouvelles formations en restauration collective, en gestes et posture par rapport à la cuisine, en hygiène, une formation de sauveteur secouriste du travail… Un café solidaire est aussi venu nous former sur comment accueillir les clients. » Fier du chemin parcouru, il forme désormais ses collègues en cuisine et parraine des jeunes du quartier, pour « les aider eux aussi à reprendre confiance en eux ».

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L’argot de bureau : le « servant leadership », un patron aux petits oignons

L’ambiance est solennelle en ce lundi matin, dans la salle de réunion d’une PME en marketing : cinq pupitres sont installés au fond de la pièce, d’où cinq chefs de projet proposent un plan de bataille pour la semaine, à coups d’affiches et de slogans. Affalé sur sa chaise dans un coin de la pièce, à côté des autres salariés, un homme un peu plus âgé veille discrètement à l’équilibre du temps de parole, glisse quelques mots de-ci, de-là, pour avancer dans l’ordre du jour… Il n’est autre que le directeur de l’entreprise.

Votera-t-il pour le meilleur projet ? Sûrement pas, personne ne sortira d’ici tant que les cinq ne se seront pas mis d’accord, et lui n’interviendra pas. Même en cas de conflit, il ne prendra pas parti par peur de défavoriser ou de frustrer certains salariés, et il fera le choix du « laissez-faire »…

En leur octroyant sa confiance, ce manageur est simplement au service de ses collaborateurs : il fait preuve de « servant leadership », un oxymore que l’on peut traduire par « leadership serviteur » ou « animation serviable ». Le concept est à mettre au crédit de Robert Greenleaf, pionnier du management dans le groupe américain AT&T : « Le meilleur dirigeant est d’abord un serviteur », peut-on lire dans son ouvrage The Servant as Leader (1970). Ce dernier postule qu’un dirigeant « leader avant tout » aurait tendance à privilégier ses intérêts personnels, ce qui desservirait la performance de l’organisation.

Plus un état d’esprit qu’une méthode

WeMaintain, une entreprise spécialisée dans la maintenance d’ascenseurs, s’est convertie : « On voulait couper avec le management autoritaire, se souvient le cofondateur Tristan Foureur. C’est plus un état d’esprit qu’une méthode : il consiste à écouter les personnes, faire preuve d’empathie, être à l’opposé du micromanagement. » Les 150 salariés sont divisés en équipes autoconstituées, qui définissent elles-mêmes leur management et leurs missions.

Entreprise libérée, pyramide inversée, management horizontal, holacratie… Cette image d’Epinal du chef qui ne « cheffe » pas vraiment tourne en boucle, mais force est de constater que la fin des chefs n’est pas pour demain.

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Par ailleurs, s’il ne tranche plus et n’anime plus rien, le patron « aux petits oignons » a-t-il encore une raison de venir travailler ? Le blues du petit chef dépossédé de son autorité ne dure qu’un temps, assure Tristan Foureur : « Pour certains manageurs, lâcher la bride peut prendre du temps, mais, au fur et à mesure, ils se rendent compte que leurs équipes sont plus performantes quand elles ont la liberté de gérer leur budget. »

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« A l’explicabilité de l’intelligence artificielle, sont associés des enjeux organisationnels et politiques majeurs »

Tribune. Au cœur de la nouvelle révolution industrielle et sociétale, les questions éthiques relatives à l’intelligence artificielle (IA) et à ses applications se posent avec acuité.

Actuellement, le débat le plus récurrent et le plus vif est celui des biais, réels ou supposés, que l’IA peut reproduire, ou engendrer. Ces biais, qu’ils soient de genre, relatifs aux origines, aux convictions religieuses ou aux opinions politiques, sont d’autant plus scrutés qu’ils font écho à des préoccupations politiques d’une actualité brûlante.

En parallèle des interrogations sur les biais, ou plutôt englobant ces questions, un autre enjeu éthique de l’IA se profile : celui de l’explicabilité des systèmes algorithmiques. La capacité des organisations à constamment expliquer les systèmes qu’elles conçoivent et utilisent pourrait vite devenir un enjeu politique majeur.

Comprendre et rendre compte

En effet, il peut être difficile de reconstituer le chemin qui conduit aux solutions proposées par des systèmes comprenant des algorithmes apprenants, notamment du deep learning tels que les réseaux de neurones. Or, c’est précisément cette famille d’IA, plutôt « boîte noire », qui connaît un succès important dans des tâches comme la reconnaissance d’image et de texte, utilisée dans les véhicules autonomes, les chatbots, les diagnostics médicaux…

Si, sur le papier, ex ante, leur fonctionnement est plus ou moins appréhendé, la complexité des multiples correspondances qui se forment durant l’apprentissage échappe à la rationalité limitée des humains, fussent-ils spécialistes. Comprendre pourquoi telle décision a été prise dans tel cas devient vite une gageure, encore plus en présence de plusieurs systèmes d’IA imbriqués les uns dans les autres. En témoignent les incertitudes persistantes sur les causes définitives de récents accidents de voitures autonomes, malgré les multiples travaux d’investigation sur le sujet.

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Il faut donc expliquer pour d’une part, comprendre dans le but d’améliorer l’algorithme, parfaire sa robustesse et prévoir ses failles et, d’autre part, pour rendre compte aux multiples parties prenantes, externes (régulateurs, utilisateurs, partenaires) ou internes à l’organisation (managers, chefs de projet).

Pour répondre à ce défi, un nouveau champ a émergé : l’eXplainable Artificial Intelligence (XAI) qui propose des outils d’explication. Cependant, malgré les réponses qu’il apporte, deux questions majeures persistent.

Explication n’est pas justification

La première est l’identification du périmètre d’explication à retenir : les outils d’XAI permettent de comprendre certains fonctionnements, mais en occultent d’autres estimés non prioritaires.

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Formation : « Les entreprises savent que les métiers changent, mais pas forcément vers quoi »

L’ambition affichée de l’Agence nationale pour la formation professionnelle des adultes (Afpa), qui tenait le 17 mars sa journée portes ouvertes, est de susciter des vocations dans les filières porteuses d’emplois. Acteur majeur de la formation professionnelle, devenu en 2017 établissement public industriel et commercial, l’AFPA a transformé ses centres de formation en « villages » ouverts aux entreprises, aux acteurs de l’insertion, au monde associatif, à Pôle emploi et aux missions locales. Sa directrice générale, Pascale d’Artois en dresse le bilan.

Vous avez lancé à l’automne 2021, un dispositif de mise en relation des recruteurs avec les 20 000 stagiaires qui finissaient leur cursus en décembre. Comment cela s’est-il passé ?

L’objectif était de rapprocher l’offre et la demande de compétences. Deux mille cinq cents entreprises, à 85 % des petites structures, nous ont contactés jusqu’en décembre 2021 pour une ou plusieurs embauches. Le bilan n’est pas finalisé, mais nous avons décidé de pérenniser le dispositif et de tenir un rôle de DRH pour les TPE des territoires qui n’ont pas forcément les moyens de venir jusqu’à nos centres.

Comment l’AFPA cible-t-elle les métiers en tension ?

Par la coconstruction des parcours au sein de nos « villages ». Le plan d’investissement dans les compétences [PIC, lancé par le gouvernement en 2018] nous a amenés à réfléchir désormais en matière de partenariats avec les entreprises, les collectivités locales et tous ceux qui concourent à fluidifier un parcours professionnel, y compris les acteurs du logement, de la mobilité et de la parentalité. Le « conseil du village » comprend un responsable de l’AFPA et un référent pour chaque partenaire.

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On demande aux directeurs de nos centres de proposer des projets qui répondent aux besoins des territoires. La Banque des territoires, notre partenaire, peut venir en soutien des entreprises qui nous rejoignent. L’un des plus beaux exemples de village est celui du Havre, où Siemens Gamesa a installé son école de techniciens en maintenance d’éoliennes, un métier où la pénurie se fait sentir.

Notre objectif est de fabriquer les compétences dont le territoire a besoin ou va avoir besoin. L’AFPA crée de nouveaux plateaux techniques, comme à Chatellerault (Vienne), où l’on forme à la fabrication de batteries embarquées par exemple. Durant des années, ce qu’on n’a pas su faire, c’est oser fermer un site quand un besoin n’existait plus. Or, un plateau technique de soudage, par exemple, se démonte et se remonte en une seule semaine.

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La formation professionnelle tente de s’adapter aux métiers du futur

Par et

Publié aujourd’hui à 17h00, mis à jour à 17h00

« Je trouve extraordinaire le concept d’avoir des artisans du bois juste à côté de l’endroit où on est formé, ça permet de se faire un réseau, ça donne plein de projets pour la suite, et ça me donne de la confiance. J’ai déjà une promesse d’embauche ! » Ancien éducateur spécialisé et agent immobilier, Hervé Roux, 52 ans, est élogieux lorsqu’il évoque le centre de l’Agence pour la formation professionnelle des adultes (AFPA) du Puy-en-Velay où il effectue un cursus de six mois pour devenir agent de maintenance des bâtiments.

Pour éviter la fermeture, le centre AFPA du Puy-en-Velay a en effet dû se réinventer : il s’est mû fin 2019 en « village » qui propose une offre de formation (aux métiers du bois, du bâtiment, des services à la personne…) à tous les publics de ce territoire et qui accueille en même temps une manufacture où des artisans de la région (menuisiers, mécaniciens, tourneurs sur bois…) mutualisent leurs dépenses. Les activités pullulent, et l’émulation anime les grands hangars de ce site de 13 500 mètres carrés situé dans la zone industrielle de Saint-Germain-Laprade, en périphérie de la préfecture de Haute-Loire. L’enjeu de cette cohabitation : favoriser l’échange entre les formés et les artisans indépendants pour susciter des vocations dans le secteur du bois, toujours en quête de menuisiers.

Le sujet revient souvent depuis la crise liée à l’épidémie de Covid-19 : la relance est freinée par les difficultés de recrutement d’un certain nombre de secteurs. Au top 10 des métiers avec les plus fortes difficultés de recrutement, l’enquête annuelle « Besoins en main-d’œuvre de Pôle emploi » cite dans l’ordre : charpentier, couvreur, géomètre, tuyauteur, vétérinaire, médecin, régleur de machines, aide à domicile et aide ménagère, carrossier automobile, mécanicien et électronicien de véhicule. Le bilan de l’année 2021 estime de 255 000 à 390 000 le nombre de projets de recrutement abandonnés faute de candidats.

C’est le cas dans l’artisanat : « On a encore des problèmes à trouver des gens pour rentrer dans les ateliers de couture », reconnaît Alexandre Boquel, directeur du développement des métiers d’excellence du groupe LVMH. Sur les 280 métiers qui font la réputation du numéro un français du luxe, « une trentaine sont des métiers en tension », explique-t-il.

« L’économie évolue de plus en plus vite »

Dans le secteur du numérique, le déficit de candidats coûte cher à toutes les entreprises : l’Observatoire des métiers du numérique, de l’ingénierie, du conseil et de l’événement (Opiiec), qui comptabilise 0,56 candidat par poste publié, avec des profils trop peu diversifiés, estimait en 2019 le manque à 65 000 postes d’ici à 2023.

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Auchan explique rester en Russie pour le bien de ses salariés et des clients

Une femme entre dans un centre commercial de Moscou, le 24 mars 2022, dans lequel se trouvent un supermarché Auchan et des magasins Leroy-Merlin et Decathlon.

Selon ses dires, c’est un choix qui n’est « pas simple ». Le PDG d’Auchan Retail International, Yves Claude, a défendu, dimanche 27 mars, le maintien des activités du groupe en Russie. « Partir serait imaginable sur le plan économique mais pas du point de vue humain », avance-t-il dans un entretien au Journal du dimanche.

Interpellé par le président ukrainien, Volodymyr Zelensky, devant le Parlement français, mercredi, sur son activité en Russie, où il est présent depuis une vingtaine d’années et emploie 30 000 personnes, le groupe Auchan a décidé de se maintenir dans le pays, même s’il prévoit des pertes pour 2022, explique M. Claude.

En Russie, où Auchan réalise 10 % de ses ventes mondiales, « nous avons un positionnement de “discounteur” et nous pensons contribuer en période de forte inflation à protéger le pouvoir d’achat des habitants », ajoute-t-il, précisant ne pas vouloir priver ses salariés, dont 40 % sont actionnaires, de leur emploi et ses clients de leurs besoins alimentaires quotidiens. « Nos clients nous demandent instamment de rester », explique-t-il.

« Facile de nous critiquer »

« Il est facile de nous critiquer, mais nous, on est là, on fait face et on agit pour la population civile », répond-il aux critiques qui appellent l’Association familiale Mulliez (Leroy-Merlin, Auchan ou Decathlon) à quitter la Russie, estimant que ses enseignes font d’elle un des plus gros contribuables pour le budget de l’Etat russe.

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Yves Claude, récemment nommé à la tête d’Auchan Retail et d’Auchan France, rappelle qu’Auchan a suspendu ses investissements en Russie et que sa filiale (232 magasins et des activités de commerce en ligne) y fonctionne « en autarcie ».

« Si nous partons, nous risquons l’expropriation et nous exposons nos dirigeants locaux à des poursuites pénales pour faillite frauduleuse. Et si nous confions nos biens à un tiers, une autre option proposée, cela signifie qu’ils seront récupérés par des capitaux russes. Cela n’amènera pas la paix et sera au contraire contre-productif en renforçant l’écosystème économique et financier russe », explique-t-il.

« Je me pose des questions tous les jours, car la décision n’est pas simple à prendre, mais je suis convaincu que c’est la bonne. Je me sens soutenu par mes actionnaires, mes collaborateurs et nos partenaires sociaux » mais aussi par des hommes politiques, affirme Yves Claude, interrogé sur les conséquences de ce maintien sur l’image du groupe. Il conclut en affirmant ne pas « ressentir » de débats intenses au sein de l’Association familiale Mulliez, qui emploie 77 500 personnes en Russie.

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Des conditions « extrêmes » en Ukraine

En Ukraine, où Auchan détient 43 magasins (6 000 employés), les conditions sont « extrêmes » et des ruptures de stocks de produits frais ont commencé à être observées, car 90 % des produits venaient de l’intérieur du pays. Des solutions d’approvisionnement depuis les pays limitrophes ont été mises en place cette semaine, précise le PDG.

Une centaine d’employés Ukrainiens ont été accueillis par leurs homologues à l’étranger et seront recrutés ailleurs par le groupe, dont les actionnaires consacreront une partie du dividende pour aider les réfugiés, explique-t-il encore.

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Le Monde avec AFP

« Déconstruire ses automatismes » : les stages de communication non violente en plein essor

Les piliers de la CNV sont l’observation des faits, l’expression des sentiments, l’identification des besoins et la formulation de demandes claires.

Cela s’appelle « l’expérience de la punition ». Rappelez-vous une punition qui vous a beaucoup marqué enfant, essayez de vous souvenir des raisons pour lesquelles vous avez été puni – parfois c’est impossible –, la méthode utilisée pour vous sanctionner, et enfin des émotions que vous avez ressenties. Puis faites un effort pour imaginer ce que l’adulte a éprouvé. Que reste-t-il de ce souvenir, des années plus tard ? Le plus souvent un sentiment d’injustice, et presque toujours une impression tenace de disproportion entre l’acte et la sanction. C’est ce que sont en train d’expérimenter une quinzaine de professeurs et autres professionnels de l’Education nationale à l’occasion d’un stage de formation à la communication non violente (CNV), organisé par le lycée Simone-Veil de Noisiel (Seine-et-Marne).

Sur les 16 participants ce jour-là, 11 racontent avoir subi un châtiment corporel (gifle, fessée…). Les raisons de ces punitions jettent un froid : bavardage, mauvaise note à l’école, retard… Des choses somme toute assez banales. « C’est très violent. Je me sens démunie face au décalage entre les actes et les punitions », dit Lou Garcin, 23 ans, jeune professeur d’EPS. Dans notre groupe, nous essayons de catégoriser les émotions des adultes au moment de la punition, et le résultat est implacable. C’est 50 nuances de colère : « énervé », « furieux » ou « hors de lui ». Résumons : l’écrasante majorité des punitions dont les participants se souviennent ont été données par des adultes qui n’étaient ni calmes ni rationnels.

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Tout au long de ce stage, qui doit durer six jours, des expériences de cet ordre seront analysées. L’objectif : déconstruire « huit mille ans » de pensée binaire soutenant un système fondé sur les « dominants et les dominés », « le bien et le mal », « le normal et l’anormal », « le vrai et le faux ». Car le but de la CNV est bien « sociologique » et non « psychologique », affirme dès le départ la formatrice, Véronique Gaspard, une ancienne infirmière en réanimation formée à la communication non violente depuis une quinzaine d’années. Depuis quelques années, les stages de CNV se multiplient en France, s’adressant à tous types de public : travailleurs sociaux, soignants, thérapeutes, managers, enseignants, parents… Selon l’AFFCNV, l’association qui regroupe les formateurs certifiés en CNV, 1 800 formations ont été organisées l’année dernière, un chiffre qui a doublé en cinq ans.

Bonté naturelle

Théorisée par le docteur Marshall Rosenberg, élève du psychologue américain Carl Rogers et inspiré par Gandhi, à la fin des années 1960, la CNV prend sa source dans un souvenir d’enfant : au début des années 1940, Marshall Rosenberg grandit à Detroit (Michigan), où les tensions raciales sont vives. Un jour de rentrée des classes, alors que le calme règne, il se fait traiter de « sale youpin » lorsque son professeur fait l’appel. A la sortie, les deux enfants à l’origine de l’insulte le rouent de coups. Cet événement génère en lui un double questionnement : « Comment se fait-il que nous puissions nous couper de notre bonté naturelle au point d’adopter des comportements violents et agressifs ? Et inversement, comment certains individus parviennent-ils à rester en contact avec cette bonté naturelle même dans les pires circonstances ? » s’interroge le docteur dans Les mots sont des fenêtres (ou bien ce sont des murs) (La Découverte, rééd. 2016).

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