Redéfinir le statut du dirigeant
Entreprises. Il faudrait remercier le conseil d’administration de Stellantis (fusion de PSA et Fiat Chrysler) pour une décision qui, en faisant l’unanimité contre elle, a sonné l’alerte. Pouvoirs publics, responsables de l’opposition et observateurs ont jugé que la rémunération du PDG, Carlos Tavares, était choquante et injustifiable.
Même les actionnaires de Stellantis ont émis un avis défavorable. Et, si la question des salaires excessifs des dirigeants est ancienne, la réprobation générale a été si forte que le président de la République s’est prononcé, le 14 avril, pour un encadrement de ces rémunérations à l’échelle européenne.
On peut craindre cependant que l’alerte soit vite oubliée. Les administrateurs de Stellantis ne se sont pas souvenus qu’en 2013 Philippe Varin, alors président du directoire de PSA, avait renoncé à une retraite chapeau qui contrastait de façon inacceptable avec les sacrifices demandés aux salariés. Au-delà de l’indignation du moment, cette réforme aboutira si elle repose sur une conception partagée et responsable du chef d’entreprise.
Il faut d’abord contester les idées reçues habituelles. Comme l’alignement sur un « prix de marché mondial » élevé du dirigeant, ou l’idée que le talent de ce dernier est la seule cause du succès de son entreprise. En effet, les rémunérations excessives étaient rares dans la deuxième partie du XXᵉ siècle, et pourtant rien ne permet de dire que les dirigeants de l’époque étaient moins talentueux ou moins sollicités.
Seuls les résultats financiers comptent
Les rémunérations ont ensuite explosé dans les années 1990, quand la doctrine actionnariale de l’entreprise est devenue dominante et prescrivait d’aligner la rémunération des dirigeants sur l’intérêt des actionnaires. Au fondement du salaire du dirigeant, il n’y avait plus les multiples responsabilités vis-à-vis des personnels, de l’écosystème de l’entreprise ou des territoires. Seuls comptaient les résultats financiers de l’entreprise.
Mais ces critiques ne suffiront pas. Pour justifier la limitation des salaires des dirigeants – par exemple, à un certain multiple du salaire minimal – plusieurs travaux soutiennent qu’il faut inscrire dans le droit une définition différente du « chef d’entreprise », afin que ses devoirs soient reconnus par statut (Stéphane Vernac, « Que peuvent attendre les travailleurs d’un statut du dirigeant d’entreprise ? », Revue de droit du travail, Dalloz, 2017, page 519). Car le droit ne connaît que le gérant de société, défini comme la personne autorisée à signer des contrats au nom de cette dernière, ou le représentant de l’employeur tenu de respecter le droit du travail…
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