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Recrutement des enseignants : la crise qui frappe l’école française n’épargne pas les pays voisins

Voilà un rapport qui tombe à point nommé. A l’heure où l’éducation nationale se prépare, pour cette première rentrée du second quinquennat Macron, à des difficultés record de recrutement des enseignants – au point de miser, comme à Versailles ou à Toulouse, sur des « job dating » pour réussir à positionner, en septembre, un enseignant (même non titulaire) devant chaque classe –, le Sénat pose sa loupe sur cette problématique, majeure, des ressources humaines à l’école.

« Enième » rapport sur un sujet – la crise des vocations – déjà amplement documenté ? Pas tout à fait : alors que l’ensemble des organisations syndicales ont interpellé, mercredi 8 juin, le nouveau ministre de l’éducation, Pap Ndiaye, pour lui demander de les recevoir « le plus rapidement possible », un rapport d’information intitulé « Crise d’attractivité du métier d’enseignant : quelles réponses des pays européens ? », présenté, jeudi 9 juin, par le sénateur (Les Républicains) Gérard Longuet, au nom de la commission des finances du Sénat, aborde le sujet sous un prisme des comparaisons internationales. Avec le risque, que ne manqueront pas de mettre en avant les porte-parole du monde enseignant, de mettre sur le même plan des « profils », des parcours et des situations professionnelles qui n’ont pas grand-chose à voir d’un pays à l’autre.

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Le rapporteur, Gérard Longuet, a, pour défendre ce choix, un constat à faire valoir : si de « grandes disparités » existent dans le métier de professeur, « l’ensemble des pays européens est confronté, écrit-il, à des difficultés croissantes de recrutement laissant présager une réelle crise d’attractivité européenne ». Une situation qui remonte, selon les spécialistes de l’école, à une quinzaine d’années.

Le salaire ne fait pas tout

En Suède, il faudrait recruter 77 000 professeurs, d’ici à 2023, pour répondre aux besoins. L’Allemagne n’est pas épargnée : il lui manquait 15 000 enseignants à la rentrée 2019, et il pourrait en manquer encore 26 000, rien qu’au primaire, d’ici à 2025. Au Portugal, 30 000 départs à la retraite sont prévus d’ici à 2030, ce qui représente un cinquième des enseignants en poste.

Les deux derniers exemples cités font l’objet d’un long développement : en consacrant aux enseignants allemands et portugais une analyse détaillée, le rapport fait le lien entre revalorisation et attractivité. Pour le nuancer fortement : l’Allemagne et le Portugal, souvent cités en exemple pour avoir eu leur « choc PISA » et qui ont en commun de bien rémunérer leurs professeurs, n’échappent pas au tarissement du « vivier ». Un signe que le salaire ne fait pas tout.

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Le lent démarrage des emplois francs

Tribune Article réservé à nos abonnés

« La planification écologique doit se mettre au service d’une dynamique transgénérationnelle et de la jeunesse »

Benoît Bonte, directeur de Millionroads, et Sophie Pène, professeure en sciences de l’information, rejoints par d’autres personnalités, expliquent, dans une tribune au « Monde », qu’il faut se servir de la planification, imaginée avec les associations étudiantes et écologiques, pour transformer les offres de formation et les métiers à destination des jeunes.

L’apprentissage cache-t-il les mauvais chiffres du chômage, comme l’affirme Jean-Luc Mélenchon ?

A quelques jours du premier tour des élections législatives, le leader de La France insoumise (LFI), Jean-Luc Mélenchon, continue de s’attaquer au bilan d’Emmanuel Macron dans l’espoir de rassembler des électeurs derrière son alliance, la Nouvelle Union populaire écologique et sociale (Nupes). Invité dans la matinale de France Inter, mardi 7 juin, le candidat malheureux à l’élection présidentielle a estimé que « le chômage est masqué par le recours à l’apprentissage ».

Alors que la journaliste Léa Salamé, qui l’interrogeait, lui rétorquait que « le chômage n’a jamais été aussi bas depuis quinze ans », M. Mélenchon s’est emporté :

« Madame Salamé, dites à vos auditeurs que le chômage a baissé parce qu’on inscrit 900 000 postes nouveaux qui sont en fait les contrats des jeunes apprentis, qui sont des apprentis, pas des embauchés ! (…) Le chômage est à son plus haut niveau, le chômage réel. »

Pourquoi c’est exagéré

Comme le souligne Mme Salamé, le taux de chômage n’a jamais été aussi bas en quinze ans, si on prend les chiffres au sens du Bureau international du travail (BIT), qui reste l’« indicateur de référence pour l’analyse des évolutions du marché du travail », comme le note le ministère du travail.

Au premier trimestre, le taux de chômage est resté quasiment stable (– 0,1 point) à 7,3 % de la population active en France, après avoir diminué de 0,6 point le trimestre précédent, selon les données de l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee). Depuis l’arrivée d’Emmanuel Macron à l’Elysée, au deuxième trimestre 2017, le taux de chômage a baissé de 2,2 points. « Il s’agit de son plus bas niveau depuis début 2008, si l’on excepte la baisse ponctuelle en trompe-l’œil du printemps 2020, pendant le premier confinement », précise l’Insee.

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Mais pour Jean-Luc Mélenchon, cette baisse du taux de chômage est uniquement due à l’augmentation des contrats d’apprentissages, fortement poussée par des aides exceptionnelles mises en place depuis la crise sanitaire.

Le nombre des contrats d’apprentissage a en effet explosé durant le premier quinquennat d’Emmanuel Macron. Selon la Direction de l’animation, de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, 731 000 nouveaux contrats d’apprentissage dans le secteur privé et public ont été signés en 2021, contre 289 000 en 2016.

Cette forte hausse s’explique par différentes réformes : aides financières aux apprentis, soutien renforcé à l’embauche et mesures visant à simplifier le recours à l’apprentissage pour les employeurs. Le très coûteux plan « 1 jeune, 1 solution », mis en place en pleine crise sanitaire, en juillet 2020, prévoit notamment de verser une aide exceptionnelle (entre 5 000 et 8 000 euros) aux employeurs qui recrutent un apprenti.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Pour la Cour des comptes, le très coûteux plan 1 jeune, 1 solution n’a eu qu’un résultat « inégal »

« Jamais, en France, on n’a aidé à un tel niveau un emploi, analyse Bruno Coquet, chercheur associé à l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE) et auteur d’une note sur le sujet. Les aides exceptionnelles permettent de couvrir 100 % du salaire d’un apprenti de moins de 25 ans la première année. » Ces aides, prévues jusqu’en juin, vont être prolongées « au moins jusqu’à la fin de l’année », a annoncé, fin mai, le ministre du travail, Olivier Dussopt.

Un lien difficile à estimer

Cette augmentation indéniable du nombre d’apprentis suffit-elle à expliquer la totalité de la baisse du chômage ? « Il est très compliqué d’établir ce lien. Il existe, mais on ne sait pas le quantifier à ce stade », commente Bruno Coquet, tout en assurant sans hésitation que « dire comme Jean-Luc Mélenchon que tous les apprentis d’aujourd’hui étaient au chômage hier est faux ».

Dans une note de conjoncture publiée en mars, l’Insee explique d’ailleurs qu’une majorité des entrants en apprentissage n’étaient pas chômeurs, mais étudiants avant le début de leur contrat :

« D’après les données de la Dares, en 2020, 53,9 % des entrants en apprentissage étaient en études avant le début du contrat et seulement 28,1 % étaient déjà en apprentissage ou demandeurs d’emploi. On peut donc estimer qu’une grande partie des bénéficiaires de ces contrats passent de l’inactivité à l’emploi. »

Cela signifie que la forte hausse du nombre de contrats en alternance a un effet important sur la progression du taux d’activité et d’emploi des jeunes, davantage que sur le chômage. Entre fin 2015 et fin 2021, le taux d’emploi des jeunes a ainsi augmenté de 5,3 points, dont 2,9 points sont attribués aux contrats en alternance.

Lire aussi : Chômage : le bilan d’Emmanuel Macron est-il aussi bon qu’il le prétend ?

Pour comptabiliser tous les contrats d’alternance, il faut inclure aussi les contrats de professionnalisation. Depuis la réforme de l’apprentissage de 2018, qui a étendu de 25 à 29 ans révolus l’âge maximal d’entrée, les contrats de professionnalisation ont enregistré une baisse importante entre 2019 et 2020, avant de repartir à la hausse en 2021. Cumulés, les deux types de contrats ont quasiment doublé en cinq ans, passant de 484 700 en 2016 à 852 300 en 2021. L’ordre de grandeur avancé par M. Mélenchon correspond bien aux chiffres de l’Insee, qui évalue le « stock » d’alternants aux alentours de 900 000 à la fin 2021.

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Enfin, on peut noter que le chômage des 15-24 ans avait commencé à baisser dès 2016, avant même la réforme de l’apprentissage, les aides exceptionnelles et l’explosion du nombre d’alternants.

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Si les chiffres impressionnants de l’apprentissage ne peuvent pas expliquer totalement la baisse du chômage, comme le laisse entendre M. Mélenchon, l’arrêt programmé à la fin 2022 des aides exceptionnelles risquent de réduire drastiquement le nombre de contrats d’apprentissage, donc le taux d’emploi des jeunes.

Pour Bruno Coquet, ces aides, qui étaient légitimes durant le plus fort de la crise, sont devenues aujourd’hui « inutiles et trop coûteuses » et ont été « massivement utilisées pour insérer dans l’emploi des jeunes qui ne rencontrent pas ou peu de problèmes », c’est-à-dire des diplômés de niveau bac + 2 ou supérieur. Au contraire, elles ont été « sans effet sur les jeunes les plus en difficulté à l’entrée sur le marché du travail ».

La pénurie de logements est devenue « le frein numéro un » au recrutement de saisonniers

C’est une facette du métier qu’Alexandre Thiébaud n’avait pas imaginée lorsqu’il a repris un restaurant et une crêperie de Pouliguen, près de La Baule : la chasse aux appartements. Un patron d’établissement de station balnéaire doit désormais se muer en investisseur immobilier avisé pour loger son personnel. En trois ans, le restaurateur, qui double ses effectifs l’été, a acquis sept appartements au Pouliguen, « tous pris par des salariés à l’année ou des saisonniers ». Sans cela, comment attirer les cuisiniers ou barmen qui assureront son chiffre estival ? Dans les coins les plus touristiques de France, le logement, gratuit si possible, est devenu un prérequis pour les métiers du tourisme les plus en tension. « On loge surtout des employés qualifiés, comme les chefs cuisiniers ou les responsables de salle, car nous ne sommes pas en manque de main-d’œuvre non qualifiée, commis de cuisine ou serveurs, explique Alexandre Thiébaud. On a beaucoup de jeunes qui ont des parents habitant sur la côte. »

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Même frénésie immobilière pour Jean-Baptiste Pieri, propriétaire de deux hôtels en Corse. A Ajaccio, il sous-loue à ses employés trois appartements pour 400 euros par mois, la moitié des prix du marché. Ses jeunes Ajacciens employés à l’année en contrat à durée indéterminée, pour 2 000 euros par mois, ne peuvent plus se loger dans leur ville d’origine. Certains se voient contraints de signer des baux étudiants – ce qu’ils ne sont plus – valables uniquement pour l’année scolaire, qui les obligent à trouver une autre solution pour l’été. Au cap Corse, il construit une deuxième maison près de son établissement pour loger des saisonniers dépassés par la flambée des loyers.

« Jusqu’à il y a deux ans encore, ils trouvaient. Aujourd’hui, on doit les loger, et ce n’est pas une pression de leur part : c’est simplement qu’il n’y a plus rien. Ce qui était déjà exigé pour les saisons courtes, juillet et août, s’étend désormais sur des contrats longs, de mars à octobre. Celui qui ne propose pas de logement à un saisonnier ne pourra pas l’embaucher », affirme M. Pieri.

« Airbnb est notre fossoyeur »

Le logement est devenu « le frein numéro un au recrutement, la première question que pose le salarié », témoigne Thierry Grégoire, responsable de la question des saisonniers à l’Union des métiers et des industries de l’hôtellerie (UMIH). En Corse comme ailleurs, deux phénomènes se conjuguent. L’essor de la location touristique sur des plates-formes comme Airbnb, qui retire du marché régulier les petites surfaces qui conviennent aux étudiants et aux jeunes travailleurs, et l’exil des citadins vers les littoraux normands, breton ou atlantique, qui a tiré vers le haut l’ensemble du marché immobilier local. Des stations où il était encore possible de se loger facilement, même en retrait du front de mer, connaissent désormais une situation similaire à celle connue de longue date sur la Côte d’Azur ou dans les stations de sports d’hiver.

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A Nice, le manque de saisonniers dans l’hôtellerie-restauration met le secteur sous tension

Une annonce pour la recherche de personnel de restauration au Moka Kfé, sur la place Masséna, à Nice, le 31 mai 2022.

Sur la Côte d’Azur, à quelques jours du début de la saison estivale, le soleil est d’ores et déjà au rendez-vous, tout comme les touristes nationaux et internationaux. Les employés saisonniers, eux, se font plus rares.

Un peu partout dans Nice (Alpes-Maritimes) fleurissent des panneaux et autres affichettes sur les devantures des restaurants : « Recherche serveuse et barman. Déposez votre CV ». Du café de la place Masséna au plus célèbre des fast-foods, avenue Jean-Médecin, en passant par les restaurants de la promenade des Anglais, nombreux sont les établissements qui ne parviennent pas à compléter leurs équipes.

Enquête : Article réservé à nos abonnés « Il va falloir se rendre compte que les gens ne sont plus corvéables à merci » : dans l’hôtellerie-restauration, les départs de salariés se multiplient

« La “coupure” est devenue un gros mot »

Ce besoin de main-d’œuvre oblige les professionnels du secteur à améliorer les conditions de travail pour attirer du personnel, sous peine de voir leur établissement fermer partiellement ou refuser des clients faute de bras.

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C’est le cas de Tom Wander, gérant du Bistrot gourmand, restaurant situé près de la place Masséna et ouvert toute l’année. « Les profils avec de l’expérience sont durs à trouver et à garder », reconnaît le jeune homme de 29 ans, à la tête de l’établissement depuis un an et demi. « On a donc changé de stratégie, notamment sur les horaires. C’est la première question qu’on me pose avant même de parler du salaire. Les gens sont à la recherche de temps parfois plus que d’argent. Le système de “coupure” [la pause de plusieurs heures entre les services du midi et du soir], il faut oublier. C’est devenu un gros mot. » Terminés, donc, les services en deux temps. Les employés en salle travaillent désormais de 10 heures à 17 heures ou de 17 heures à la fermeture du restaurant, entre 23 heures et minuit.

Tom Wander, 29 ans, gérant du Bistrot gourmand, à Nice, le 31 mai 2022.

Une nouvelle accueillie avec enthousiasme par Sylvain Fragneau, l’assistant maître d’hôtel de l’établissement. Comme plusieurs de ses proches, ce père de famille de 29 ans a songé, durant les confinements successifs, à quitter le milieu qu’il a intégré quatorze ans plus tôt. « Je me suis beaucoup questionné. Bon nombre de mes amis, en cuisine ou dans l’hôtellerie, sont partis pour avoir une vie sociale plus épanouie. » C’est bien le changement d’organisation au sein du restaurant, décidé après concertation avec son patron, qui l’a convaincu de rester.

« Le Covid a changé notre façon de vivre », abonde Sophian Dallée, chargé du recrutement à la plage privée la Baieta, promenade des Anglais. « Les doléances ne sont plus les mêmes qu’il y a quelques années. Aujourd’hui, ils veulent tous “faire des longues”, comme on dit ! Je comprends que le personnel qui vit les coupures à longueur de temps en a marre. »

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Assurance-chômage : le redressement des comptes se confirme

A ce stade, les comptes de l’assurance-chômage continuent de se redresser, malgré le soudain refroidissement de la croissance. En 2022, le régime devrait dégager un excédent de 2,5 milliards d’euros, selon les prévisions financières publiées, mercredi 8 juin, par l’Unédic, l’association pilotée par les partenaires sociaux qui gère le système d’indemnisation des demandeurs d’emploi. Le retour à meilleure fortune est « confirmé », a déclaré Patricia Ferrand, la présidente (CFDT) du dispositif, lors d’une conférence de presse. Mais ce constat est énoncé avec prudence, en raison – notamment – de la guerre en Ukraine, qui entretient de fortes incertitudes sur la conjoncture économique.

L’amélioration en cours fait suite à deux années terribles, durant lesquelles le régime a enregistré des déficits exceptionnels, en lien avec la crise sanitaire : – 17,4 milliards d’euros en 2020 et – 9,3 milliards d’euros en 2021. Ces pertes colossales ont mis à mal des finances déjà très dégradées avant le début de l’épidémie de Covid-19. Fin 2021, la dette de l’Unédic s’est creusée, atteignant 63,6 milliards. Toutefois, d’ici à décembre 2024, une partie du trou pourrait être comblée, à hauteur de presque 10 milliards : d’après Mme Ferrand, deux tiers de ces économies résulteraient de la réforme de l’assurance-chômage, qui a durci les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi.

Lire aussi notre éditorial : Assurance-chômage : une réforme déséquilibrée

Mesures d’urgence à partir de mars 2020

« La dette est extrêmement importante », a commenté Jean-Eudes Tesson, vice-président (Medef), mais il convient, selon lui, de « dissocier » celle qui est imputable aux « mesures d’urgence » prises à partir de mars 2020 par l’Etat, en mettant à contribution l’Unédic (chômage partiel, etc.). Les montants en jeu sont loin d’être négligeables : 19,2 milliards d’euros. Comment et par qui seront-ils remboursés ? Les syndicats et le patronat souhaitent que la question soit abordée avec le gouvernement.

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Un autre dossier occupe tous les esprits : l’ouverture d’une négociation entre partenaires sociaux pour élaborer une nouvelle convention qui redéfinira les paramètres du régime. A l’heure actuelle, ceux-ci sont fixés dans un décret dont les dispositions s’appliquent jusqu’à début novembre. Cependant, il n’est pas sûr que les organisations d’employeurs et de salariés parviennent à boucler un texte d’ici là, d’autant moins qu’ils doivent, au préalable, recevoir un « document de cadrage » de Matignon avant d’engager les discussions. Mercredi, Christophe Valentie, le directeur général de l’Unédic, a déclaré que l’hypothèse d’une prorogation du décret n’était pas exclue.

« Chief Bullshit Officer », de Fix : de l’art de rire d’une entreprise sans âme

Livre. Monsieur le directeur n’a ni nom ni prénom. En revanche, il a parfois des intuitions. Et toute une armée de collaborateurs qui s’exécutent pour les mettre en application, sans réellement s’interroger sur leur viabilité. « Nous devons devenir une entreprise numérique et disruptive, assène-t-il un jour à Léonce, manageur fatigué et responsable informatique. Nous devons devenir une “licorne” ! »

Se transformer en « licorne », ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars ? Léonce, comme les autres salariés, s’exécute. Il porte désormais une corne en carton au milieu du front. Un code qui permettra aux « esprits éclairés qui œuvrent à transformer [le] groupe » de se reconnaître dans les couloirs. Quant aux autres, ils seront considérés comme terriblement « XXe siècle ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Les recommandations de l’Observatoire de la qualité de vie au travail « pour une sortie de crise réussie »

Bienvenue dans l’entreprise vue par François-Xavier Chenevat, alias Fix, dessinateur au crayon aiguisé et ancien consultant. A travers sa bande dessinée Chief bullshit officer (Diateino), il nous entraîne dans les aventures d’un bestiaire de bureau, entre un DRH froid, l’ambitieux adjoint du responsable informatique et une armée de jeunes recrues qui s’adaptent tant bien que mal au monde professionnel.

Au temps du Covid-19

L’auteur dépeint une organisation où le cynisme côtoie l’absurde, où l’incantation fleure bon l’hypocrisie. Le trait est forcé, évidemment, la part belle étant donnée à la caricature. Mais derrière les situations prêtant à rire, de réelles déviances des organisations sont mises au jour. A commencer par cette capacité à user et abuser d’un vocabulaire prétendument inspiré, consécration de l’entre-soi.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés « Nous sommes parfois notre pire manageur » : commencer un emploi en télétravail, une expérience singulière

On veut « monétiser une user experience », évoquer la « scalability de l’agilité », assister à un « informal meeting ». On disrupte aussi, bien sûr. Mais tout cela en « mode agile », et avec « bienveillance ». Les lieux communs du management, récités sans conviction, sont également pointés et tournés en dérision. « Lambert, je vous délègue ce dossier absolument crucial, explique Léonce à un membre de son équipe. Soit nous réussissons ensemble, soit vous échouez seul. » Un autre jour, le même Léonce assure à son collaborateur : « Mais bien sûr que notre entreprise encourage le télétravail. » Avant d’ajouter : « Veillez simplement à bien garder votre bracelet électronique. »

Le travail à distance est d’ailleurs largement évoqué, dans des planches consacrées à la pandémie de Covid-19, ce temps où les salariés se sont mis à rêver d’une « discussion à la machine à café », des « jérémiades des collègues » et de la « cantine douteuse ».

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A l’aube de l’été, la grande désertion des saisonniers du tourisme en Europe

Une annonce pour la recherche de personnel de restauration, devant le Moka Kfé, sur la place Masséna, à Nice, le 31 mai 2022.

Cet été, vous allez attendre. Attendre votre crêpe. Attendre à l’aéroport. Attendre à l’hôtel. Car les bras ne seront pas assez nombreux pour vous servir, peu importe l’endroit où vous comptez partir : de Colmar à Héraklion, des Pouilles à Perros-Guirec, de Saint-Tropez à Séville et jusqu’en Amérique du Nord, le monde touristique occidental est concerné par la pénurie d’employés du tourisme, en particulier pour les contrats précaires de saisonniers et leurs tâches éreintantes. Ce qui fut absorbable lors des deux derniers étés, en raison de la baisse du nombre de touristes étrangers, devrait l’être plus difficilement cette année : tout indique que les Européens du Nord vont reprendre leur grande migration vers le soleil.

Que trouveront-ils sur les plages du bord de l’Adriatique, où, en Emilie-Romagne, 83 % des professionnels ne trouvent pas de personnel ? Et sur les côtes espagnoles, où manquent 50 000 employés saisonniers ? Aux mêmes causes – connues de longue date –, les mêmes effets, quels que soient l’état du marché du travail ou son mode de régulation : les professionnels de l’hôtellerie-restauration font le constat du déficit d’attractivité de leur secteur, du manque de personnel qualifié et de la difficulté à les loger.

Lire notre décryptage : Article réservé à nos abonnés Logistique, hôtellerie, bâtiment… A travers l’Europe, la grande pénurie de main-d’œuvre

Les trous dans les plannings se traduiront par des fermetures ponctuelles, une demande de polyvalence accrue pour les salariés ou une désorganisation pouvant nuire à la qualité de service, comme c’est déjà le cas dans les aéroports de Paris, de Londres ou d’Amsterdam. Ce dernier cas est symptomatique d’un secteur qui a préféré se séparer d’une partie de sa main-d’œuvre durant la pandémie de Covid-19, malgré les aides mises en place par les gouvernements. Peu d’employeurs s’attendaient à un rebond aussi rapide de l’activité et certains ont, faute de visibilité, préféré faire avec les moyens du bord à l’été 2020, sans réembaucher leurs saisonniers habituels. Le secteur des loisirs a été le dernier à recruter après la crise, dans un contexte général de manque de main-d’œuvre.

« Nous ne pouvons pas payer mieux »

Durant les périodes de fermeture des cafés et lieux touristiques, les salariés de l’hôtellerie-restauration se sont tournés vers d’autres secteurs en tension et « ont trouvé que c’était plus sympathique ailleurs, mieux payé et moins contraignant », souligne Pascal Pedrak, secrétaire général de la CFDT Ile-de-France, chargé de l’hôtellerie, du tourisme et de la restauration. En France, la hausse des salaires du secteur, entrée en vigueur le 1er avril, a vite été rattrapée par celle du smic, due à l’inflation. Cette même inflation qui, parallèlement au remboursement des prêts garantis par l’Etat, limite les marges de manœuvre des restaurateurs, touchés par la hausse des prix des matières premières.

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Le Québec met les enfants au travail pour faire face à la pénurie de main-d’œuvre

Au Québec, il n’y a pas d’âge minimum pour travailler, il suffit à l’employeur de s’assurer d’obtenir l’autorisation écrite des parents pour les mineurs de moins de 14 ans.

A l’âge où certains jouent encore aux Lego, Adrien empile consciencieusement les boîtes de conserve au bout de son rayon. Tous les soirs, le jeune garçon sort de l’école en courant pour venir travailler dans cette grande surface du nord de l’île de Montréal. Deux heures de travail quotidien après la classe : un emploi du temps chargé pour ce garçonnet de 12 ans. Aux caisses de ce même supermarché, de très jeunes adolescents, comme lui, aident les clients à remplir leurs sacs. Combien d’heures par semaine pour chacun, pour quel salaire ? Le gérant refuse de répondre.

Ces mineurs sont pourtant employés, a priori, en toute légalité. Au Québec, il n’y a pas d’âge minimum requis pour commencer à travailler. La loi sur les normes du travail se contente d’énumérer quelques restrictions : l’employeur doit s’assurer d’obtenir l’autorisation écrite des parents pour les mineurs de moins de 14 ans. Jusqu’à16 ans, il est interdit de les faire travailler pendant les heures de classe, et les horaires de nuit sont proscrits.

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En 2016, une enquête menée par l’Institut de la statistique du Québec soulignait qu’un écolier sur trois avait un emploi rémunéré pendant l’année scolaire. Une situation déjà particulière, qui faisait du Québec, et plus généralement du Canada, des figures d’exception au sein des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques en matière de travail des enfants.

« Autonomisation des enfants »

« Dès la fin des années 1990, la déréglementation des horaires d’ouverture des commerces de détail en soirée et le week-end a fait exploser les besoins en main-d’œuvre à temps partiel, explique Elise Ledoux, professeure en ergonomie, spécialiste des questions du travail à l’université du Québec à Montréal. Les écoliers, libérés de leurs cours dès le début de l’après-midi en vertu de l’aménagement du temps scolaire au Québec, étaient une main-d’œuvre idéale pour quelques heures par jour. »

Aujourd’hui, le phénomène atteint une ampleur inégalée. D’après une étude de Statistique Canada, le taux d’emploi des mineurs au Québec dépasse les 51 %. La situation économique actuelle de la province – un taux de chômage de seulement 3,9 % et une pénurie de travailleurs aggravée par la pandémie de Covid-19, avec quelque 240 000 postes à pouvoir – accroît la pression sur les employeurs. Corollaire : la main-d’œuvre immigrée et les mineurs sont particulièrement courtisés. Sur les autoroutes du pays, les géants de la restauration rapide comme Tim Hortons ou McDonald’s déploient une communication offensive grâce à d’immenses panneaux publicitaires promettant aux parents qu’un emploi chez eux « favorisera la carrière de [leur] enfant ».

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Crise aux urgences : le gouvernement annonce de « premières mesures » avant l’été

Lise, Bérangère et Cécile, toutes trois infirmières, lors de la manifestation des soignants pour des hausses de salaires et d’effectifs, à Bordeaux, le 7 juin 2022.

Face aux urgentistes réunis en congrès à Paris, la nouvelle ministre de la santé était particulièrement attendue, alors que les services des urgences sont en première ligne dans la crise que traverse l’hôpital depuis plusieurs semaines. Heures supplémentaires payées double, élèves infirmiers « immédiatement » employables à la sortie d’école : Brigitte Bourguignon a annoncé mercredi 8 juin de « premières mesures » afin de surmonter un « été difficile » à l’hôpital, sans attendre les conclusions de la « mission flash » sur les urgences lancée par le président de la République, quelques jours plus tôt.

« L’été sera difficile » et il faudra « trouver des solutions pour que les Français ne soient pas privés de soins », a déclaré Mme Bourguignon, qui a reconnu un « risque de rupture d’accès aux soins réel ». Cent vingt services d’urgences sont déjà contraints de fonctionner en mode dégradé, en réduisant leurs effectifs ou en fermant la nuit ou le week-end, selon un décompte réalisé au 20 mai par l’association SAMU-Urgences de France.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés Crise de l’hôpital : face à la catastrophe annoncée, comment sauver les urgences ?

« Le gouvernement prend ses responsabilités face à la crise », a affirmé la ministre. L’exécutif a « décidé de réactiver le doublement de la rémunération des heures supplémentaires du personnel non médical, et du temps de travail additionnel des médecins, pour l’ensemble de la période estivale ». Ce dispositif a été mis en place pendant la crise du Covid-19, durant laquelle les ressources humaines étaient déjà l’un des points critiques pour le maintien de l’offre de soins.

La ministre a aussi annoncé « un dispositif exceptionnel » pour que « les élèves infirmiers et aides-soignants ayant achevé leur formation initiale en juin et juillet [puissent] commencer à exercer immédiatement, sans attendre la remise officielle de leur diplôme ».

Une mesure qui devrait néanmoins avoir un impact limité sur les effectifs, à entendre les étudiants : il s’agit, pour les élèves infirmiers, « d’une à deux semaines entre la sortie d’école et le diplôme », selon Mathilde Padilla, présidente de la Fédération nationale des étudiants en sciences infirmières. « Cela reposera sur le volontariat, et il faudra toujours être encadré par une infirmière », ajoute la représentante.

Les soignants retraités « volontaires pour reprendre une activité » cet été bénéficieront pour leur part de « facilités de cumul [avec] leur pension de retraite », a aussi annoncé Brigitte Bourguignon. Les agences régionales de santé ont par ailleurs été sommées de « remobiliser les dispositifs territoriaux de gestion de crise » pour coordonner hôpitaux publics, cliniques privées et professionnels libéraux.

Lire les réponses à vos questions : Mobilisation dans les hôpitaux : « La crise hospitalière est devant nous, et les mesures budgétaires ne résoudront certainement pas tout »

Une réponse « en trois temps »

« Il y a eu quelques annonces, c’est positif, réagit Philippe Revel, chef du pôle urgences adultes SAMU-SMUR du CHU de Bordeaux. Il faut garder un état d’esprit positif, sinon on n’y arrivera pas cet été. » Les urgences du CHU Pellegrin font partie des services touchés de plein fouet par la crise, avec une fermeture décidée la nuit depuis le 18 mai, les patients étant appelés à passer par le 15 de manière systématique avant de se déplacer.

Pour le responsable de la CGT-Santé Christophe Prudhomme, qui appelait la veille à une mobilisation avec huit autres organisations syndicales et collectifs soignants, la réponse gouvernementale est néanmoins loin d’être à la hauteur. « On réactive les mêmes mesures que celles proposées pour passer les vagues Covid, mais ce ne sont pas des solutions, juge-t-il. Les soignants ont besoin de souffler cet été, on leur dit déjà de ne pas prendre plus de deux semaines de congé, et là, on leur propose des mesures pour travailler plus, ce n’est pas sérieux, beaucoup n’acceptent déjà plus de faire des heures supplémentaires… »

Ces « premières mesures seront bientôt complétées par les propositions de la mission Braun », a ajouté Brigitte Bourguignon. Emmanuel Macron a chargé le médecin François Braun, président de SAMU-Urgences de France et référent santé du candidat La République en marche lors de la campagne, d’une « mission flash » sur les urgences et les soins non programmés, dont les résultats sont attendus d’ici au 1er juillet. La réponse à la crise sera rythmée « en trois temps », a rappelé la ministre, le troisième temps correspondant à la grande conférence « avec les parties prenantes » sur la santé, attendue pour cet été. « Nous parlerons de tout, sans totem, ni tabou », a soutenu Brigitte Bourguignon, assurant qu’une « attention particulière » sera portée à la reconnaissance de la pénibilité du travail de nuit.

Si la nécessité de revaloriser ce que l’on appelle « permanence de soins » (soir, nuit, week-end) emporte une large adhésion dans les rangs des soignants, d’autres mesures provoquent d’ores et déjà un vif débat dans la communauté médicale, comme la mise en place d’une régulation systématique par le SAMU pour accéder aux urgences, ou encore le déploiement d’équipes d’infirmiers pour pallier le manque d’urgentistes dans certaines situations.

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