Archive dans 2022

Devant le tribunal de Saint-Omer, le procès de centaines de milliers d’euros gagnés sur le dos du crédit personnel de formation

Matériel informatique pour travail à domicile.

« Il existe des start-up qui inventent des technologies incroyables qui leur permettent d’exploser leur chiffre d’affaires en quelques mois. Mais pas dans la formation en bureautique », ironise le procureur de la République, Mehdi Benbouzid, dans son réquisitoire devant le tribunal correctionnel de Saint-Omer (Pas-de-Calais), mardi 21 juin.

Et c’est bien ce qui a attiré les soupçons de la cellule antiblanchiment du ministère des finances, Tracfin : comment Happy-Form, petite société unipersonnelle de formation, lancée début 2020, est-elle parvenue à réaliser plus de 3 millions d’euros de chiffre d’affaires en seulement quelques mois d’existence ?

Assise bien droite sur son banc dans sa veste rouge, Aurore M., créatrice et dirigeante de la société, n’a que peu à voir avec Steve Jobs ou Elon Musk. Cette quadragénaire blonde aux ongles manucurés de rose a pourtant trouvé une martingale, qui lui a permis de se verser en deux ans plus de 300 000 euros de dividendes sur le dos du crédit personnel de formation (CPF). Depuis 2019, cette cotisation versée par les entreprises est à libre disposition du salarié, qui peut librement financer une formation de son choix, via une plateforme gérée par la Caisse des dépôts et consignations (CDC). Un principe vertueux, mais qui a ouvert l’appétit des centaines d’escrocs désireux de capter cette manne ; des grands – qui inondent de SMS ou d’appels intempestifs des millions de salariés – aux plus petits.

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Aurore M. fait partie de la seconde catégorie. Elle-même ancienne salariée d’instituts de formation, elle se lance dans l’aventure en créant sa société début 2020. Du fait du confinement, plaide-t-elle, elle choisit une méthode particulière : ses formations aux logiciels de bureautique (Word, Excel, Powerpoint), qu’elle facture plusieurs milliers d’euros à la CDC, sont dispensées sous la forme d’une simple clé USB contenant cours et exercices, envoyée au domicile de ses stagiaires. Coût de revient : 193 euros pour le kit de formation, acheté clés en main auprès d’entreprises spécialisées, plus 6,90 euros pour la clé, résume Me Georges Holleaux, l’avocat de la CDC, partie civile.

« Vous vendez 1 800 euros une formation, mais concrètement, que faites-vous ? Est-ce que vous faites les supports, les cours ? Non, vous donnez une clé USB », fustige le procureur.

La cheffe d’entreprise peine à répondre. Tout comme elle a le plus grand mal à justifier l’autre recette qui a assuré le succès de sa petite entreprise auprès des salariés. En échange de la souscription à l’une de ses formations, ils reçoivent des cadeaux : ordinateurs, tablettes, smartphones… « Je voulais mettre à leur disposition un support de formation », tente-t-elle, expliquant que, crise sanitaire aidant, elle a du mal à se procurer ce matériel informatique.

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Apprentis ou stagiaires : la préoccupation des entreprises est de les attirer et de les fidéliser

La multiplication des contrats d’apprentissage, dont les aides aux entreprises ont récemment été prolongées jusqu’à la fin de l’année 2022, a-t-elle révolutionné l’intégration des jeunes sur le marché du travail ? A l’occasion de la 25e édition des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec ManpowerGroup, une dizaine de dirigeants et de DRH se sont réunis mardi 14 juin, à Paris, pour évoquer les différents types de contrats destinés aux étudiants et aux jeunes diplômés.

« Le paysage de l’apprentissage et des stages a été bouleversé ces dernières années, depuis la réforme de 2018. » Bertrand Martinot, économiste, directeur du conseil en formation et développement des compétences chez Siaci Saint Honoré, a ouvert la discussion en revenant sur le succès incontestable de l’apprentissage dans les entreprises françaises : on compte en effet 732 000 entrées en apprentissage en 2021, contre moins de la moitié (320 000) en 2018.

Ce développement s’est réalisé, rappelle-t-il, aux dépens des stages et des contrats de professionnalisation : « En 2020, il y avait 225 000 stagiaires de l’enseignement supérieur, et c’est en forte diminution. Il est difficile toutefois de parler de transfert du stage vers l’apprentissage car un stagiaire n’est pas un salarié, il n’est pas censé faire des actes de production. Il n’est pas rémunéré en salaire mais par une gratification. Ce sont souvent des postes mal définis, il n’y a pas forcément un maître en relation avec l’école ou l’université. »

Avant tout les diplômes du supérieur

Du côté des jeunes, mieux suivis et rémunérés qu’en stage, comme du côté des employeurs, les bénéfices de ce contrat apparaissent incontestables. « Notre branche et ses entreprises ont maintenant une vraie stratégie autour de l’apprentissage : nous voulons 1 000 alternants par an, sur des métiers d’audit ou d’informaticien, qui peinent à séduire les jeunes », détaille Marc Landais, DRH de l’Agirc-Arrco. « On a joué le jeu de l’apprentissage, on a monté notre CFA [centre de formation des apprentis], on forme 250 personnes par an », explique de son côté Jean-Philippe Lacharme, directeur général de Saint-Gobain Développement.

Bertrand Martinot a tenu à rappeler que l’expansion récente de l’apprentissage touche avant tout les diplômes du supérieur : les jeunes de niveau bac + 3 et plus représentaient 20 % des apprentis en 2018, ils sont 40 % en 2021. « Depuis la réforme, on peut parler d’une gentrification de l’apprentissage, qui touche de nouvelles populations pour lesquelles la question de l’insertion est moins problématique, souligne Franck Bodikian, DRH de ManpowerGroup France. Or c’est toujours problématique pour les jeunes de niveau inférieur à bac + 2, BTS. »

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Pénuries, débrayages, vols annulés… Pagaille à venir dans les aéroports d’Europe

Des passagers attendent d’embarquer à l’aéroport d’Amsterdam-Schiphol (Pays-Bas), le 21 juin 2022.

Les juillettistes vont-ils pouvoir prendre leur avion pour partir en vacances ? Rien n’est moins sûr. Les syndicats représentatifs en Europe de la compagnie à bas coût (low cost) irlandaise Ryanair « appellent les hôtesses et stewards (…) à cesser le travail » fin juin et début juillet. Une grève à l’échelle européenne, qui menace d’être très suivie, tant les personnels sont remontés contre les mauvaises manières de leur direction.

En France, les personnels navigants commerciaux (PNC) sont appelés à rester sur le tarmac les samedi 25 et dimanche 26 juin. En Italie, le conflit est prévu sur la seule journée du 25 juin. En revanche, il va s’étirer sur trois jours en Belgique, du 24 au 26 juin. La palme revient aux Espagnols, qui ont déposé un préavis de grève en deux temps, d’abord du 24 au 26 juin, puis du jeudi 30 juin au samedi 2 juillet.

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Ryanair n’est pas la seule compagnie touchée par un mouvement social. Une autre low cost, la britannique easyJet, est aussi sous le coup d’un appel à la grève déposé par l’Union syndicale ouvrière (USO). Le syndicat a ciblé les jours de grands départs en vacances. Il prévoit une première salve de débrayages de vingt-quatre heures les 1er, 2, 3, 15, 16, 17, 29, 30 et 31 juillet. La centrale vise les aéroports de Barcelone, Malaga et Majorque (Baléares), certains parmi les plus fréquentés par les touristes en congés en Espagne. « Nous espérons qu’une grève coordonnée aura l’impact que la compagnie mérite et exposera les mensonges qu’elle raconte », explique une organisation syndicale.

Sans surprise, les centrales syndicales revendiquent l’amélioration des conditions de travail et des rémunérations des personnels, tant chez Ryanair que chez easyJet. Il faut dire que le quotidien des PNC des deux compagnies low cost européennes est très loin de l’image d’Epinal accolée à l’hôtesse de l’air.

En France, le salaire de base d’un PNC de Ryanair ne dépasse pas 854 euros par mois, auxquels s’ajoutent 8,50 euros par heure de vol. Au total, une hôtesse ou un steward touche parfois péniblement 1 200 euros net mensuels, souligne Damien Mourgues, délégué syndical du Syndicat national du personnel navigant commercial (SNPNC-FO) de Ryanair.

En Espagne, les PNC ne sont pas vraiment mieux lotis : « Le personnel navigant d’easyJet en Espagne a actuellement un salaire de base de 950 euros par mois. Le salaire le plus bas (…) de l’ensemble des bases en Europe », dénonce l’USO.

« Inaction de l’inspection du travail »

Compagnie la plus rentable d’Europe, sinon la plus riche, Ryanair semble aussi l’une des plus avares et des plus dures à l’égard de ses salariés. Ainsi, malgré des réclamations récurrentes, elle se refusait, il y a peu encore, à proposer un peu d’eau et de nourriture à bord aux hôtesses et stewards.

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Comment les hôpitaux se préparent à passer l’été

Le panneau d'informations à destination des soignants dans la salle du personnel de l’unité Lambling dans le service hépato-digestif au CHU de Rennes, le 15 juin 2022.

Comment conserver la sécurité des soins quand les effectifs se réduisent ? C’est ainsi que pourrait se résumer le dilemme du secteur hospitalier à l’approche de l’été, alors que la plupart des directions s’engagent à ne pas toucher aux congés de leurs soignants, épuisés par deux années de crise sanitaire.

S’il est habituel de fermer des lits tous les ans pour s’adapter à ces équipes réduites, l’été 2022 s’annonce particulièrement difficile. Depuis le printemps, des difficultés de recrutement compliquent les plannings estivaux dans les établissements et obligent les équipes à chercher de nouvelles solutions.

Lire l’enquête : Article réservé à nos abonnés Crise de l’hôpital : face à la catastrophe annoncée, comment sauver les urgences ?

Selon une enquête menée en avril et mai par la Fédération hospitalière de France (FHF) auprès de plus de 400 établissements et dont les données sont publiées en exclusivité, mercredi 22 juin, dans Le Monde, la quasi-totalité (99 %) des établissements connaissent des difficultés de recrutement, de manière permanente ou ponctuelle. Et ce, malgré une augmentation moyenne des effectifs de 3 % entre 2019 et 2021, ainsi qu’une hausse de la masse salariale de 16 %. « Cette situation n’a pas permis de réduire la proportion de postes vacants dans les professions d’aides-soignants et en infirmiers », écrivent les auteurs. En cause ? Une demande de soins en constante augmentation, notamment en raison des soins déprogrammés pendant la crise sanitaire.

Au niveau national, 74 % des centres hospitaliers (CH) et 55 % des centres hospitaliers universitaires (CHU) – de plus grandes structures – ont des problèmes de recrutement d’infirmiers, les difficultés se concentrant sur les postes de nuit.

Dans les CHU, les postes les plus en souffrance se situent dans les blocs opératoires et en chirurgie ; en services de médecine pour les centres hospitaliers. Mais c’est la gériatrie qui est au centre des préoccupations, pour 90 % des CHU et 84 % des CH. Selon la FHF, la réintégration des soignants suspendus pour non-vaccination ne résoudrait pas pour autant cette crise, puisqu’ils ne représentent plus que 0,3 % des agents des établissements.

« Resserrer nos liens »

« C’est comme la sécheresse, c’est tari », avance Gildas Le Borgne, directeur de cabinet à la direction générale du CHU de Rennes, pour évoquer l’assèchement du marché de l’emploi en Ille-et-Vilaine. Une « situation inédite », selon les mots de l’agence régionale de santé (ARS) Bretagne, qui oblige le système hospitalier à l’introspection.

« Après la crise exceptionnelle du Covid-19, on espérait reprendre nos marques, mais là ce sont nos propres forces vives qui font défaut », regrette M. Le Borgne. Moins de personnes se sont présentées aux entretiens d’embauche, posant plus de conditions, notamment sur les horaires de nuit ou les postes en gériatrie. Y compris parmi les étudiants diplômés cette année. « On a l’impression que ceux qui s’interrogeaient sur leur métier ont vu que leur environnement de travail ne s’améliorait pas », analyse M. Le Borgne.

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Recherche : « Il y a urgence à prévenir le saccage d’une génération de scientifiques »

De nombreux secteurs de la société ont été gravement affectés par la pandémie. L’enseignement supérieur et la recherche n’ont pas échappé à cette remise en cause majeure des modalités de travail. Mais cela a pris un tour particulier pour les jeunes scientifiques, qui sont à un moment critique de leur développement. L’impact a été encore plus fort sur celles et ceux ayant une famille à charge, notamment les jeunes mères, et celles et ceux qui font un travail expérimental ou de terrain. Des jeunes initialement engagés vers une carrière de recherche doutent désormais du bien-fondé d’une telle orientation de leur vie.

Cela a conduit à organiser, à Bruxelles le 13 juin, une conférence sur ce sujet à l’initiative du ministre portugais des sciences, des technologies et de l’enseignement supérieur Manuel Heitor, à la fin de son mandat. La quatrième dans le cycle des conférences Gago sur la politique scientifique européenne intitulée « Europe Supports Young Researchers in Times of Uncertainty » (« L’Europe soutient les jeunes chercheurs en période d’incertitude »). L’objectif élargi visait à considérer, au-delà de la pandémie, d’autres incertitudes apparues depuis l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe.

Des données recueillies dans certains pays et certaines institutions y ont été présentées ainsi que des témoignages du vécu de jeunes chercheurs. Suivant les pays et les disciplines, les conséquences de la pandémie varient. Au moment où une situation plus normale concernant échanges et contacts personnels s’installe, disposer de données fiables et comparables dans tous les pays d’Europe au niveau doctoral et post-doctoral est une urgence. Il s’agit aussi d’anticiper les motivations des étudiants actuellement en master, voire en licence, et leur choix dans les années qui viennent.

Accès aux emplois académiques de plus en plus tardif

La discontinuité produite par la pandémie et les nouvelles conditions économiques intervient dans une situation difficile. En effet, la durée des contrats disponibles dans ces moments décisifs pour s’engager dans la recherche est souvent strictement limitée, engendrant angoisse et frustration. L’accès à des emplois académiques stables est de plus en plus tardif et varie d’un pays européen à l’autre.

Dans leurs témoignages, les représentants des organisations de jeunes chercheurs ont souligné que, pour pallier ce phénomène, une révision radicale des conditions offertes en début de carrière s’impose.

« L’Europe ne peut se permettre de voir les forces vives de sa recherche gravement affectées alors que la bataille globale pour les talents fait rage au niveau international. L’enjeu est l’avenir de l’Europe »

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Dans les campagnes de Sologne et de Touraine, une agriculture au goût bulgare

ReportageSans la main-d’œuvre bulgare, la fraise du Loir-et-Cher et la vigne d’Indre-et-Loire seraient moribondes. A la tête d’une armada de saisonniers, une poignée de recruteurs font jouer leurs réseaux pour satisfaire les attentes de dizaines de producteurs locaux.

« Pour cueillir une fraise sans l’abîmer, il faut laisser glisser la tige entre les doigts pour que le fruit tombe tout seul dans le creux de la main. C’est un travail délicat, pour les femmes », affirme Djimi Bektashev, 30 ans, ancien saisonnier devenu agent de 260 travailleurs bulgares, souvent des familles acheminées par bus, qu’il déploie à travers le Loir-et-Cher. Jusqu’à la mi-juin, les voici au service d’une demi-douzaine de producteurs de fraises parmi les quarante-deux du département. Presque tous ont recours à une main-d’œuvre étrangère, soit bulgare, soit nord-africaine, payée au salaire minimum.

Entre Montlivault et Saint-Claude-de-Diray, près d’un bac permettant aux touristes à vélo de traverser la Loire, on peut voir ces jeunes femmes en nage, un fichu sur le crâne, accroupies dans des serres de plastique interminables, chauffées à blanc par le soleil. Quand le thermomètre atteint les 30 °C à l’extérieur, la température sous serre dépasse allègrement les 45 °C. « Ces dernières semaines, à cause des fortes chaleurs, j’ai accompagné quelques dames aux urgences de Blois. Elles ont fait des malaises et ont perdu leur journée », déplore Djimi.

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L’hiver, ses troupes s’activent dans les champs de tabac des montagnes pauvres de Blagoevgrad, dans le sud-ouest de la Bulgarie, pour 400 euros par mois. En France, après quelques écueils, Djimi préfère ne plus se mêler des contrats de travail : « Je laisse les déclarations à l’employeur. C’est sa responsabilité. » Cependant, il reste vigilant : « [En 2021], j’ai fourni cinquante personnes à une grosse exploitation de fraises. Au bout de trois mois, aucun n’avait été payé, alors je suis allé voir l’inspection du travail… J’étais dans leur bureau depuis dix minutes, dans l’attente de mon rendez-vous, qu’un premier paiement était réalisé. Cet exploitant a le bras long, comme vous dites en France. »

Des saisonniers bulgares travaillent à la cueillette des fraises et des framboises, à Contres (Loir-et-Cher), le 8 juin 2022.
Des saisonniers bulgares travaillent à la préparation de plants de fraisiers, à Fontaine-en-Sologne (Loir-et-Cher), le 8 juin 2022.

Djimi travaille en solo, sans secrétaire ni rabatteur : les ouvriers le contactent par le biais de Facebook et d’Instagram. Il s’arrange ensuite pour trouver des gîtes où les héberger, autour de 500 euros par mois et par famille. Au client, Djimi facture 140 euros de commission par mois et par travailleur, auquel il ajoute 120 euros de frais de transport. « [En 2022], on a augmenté le tarif du bus à cause du prix du gazole. »

« C’est très dur physiquement »

Le département est touché par une pénurie de travailleurs saisonniers venus du Maroc. Sans raison précise, les visas sont délivrés au compte-gouttes et beaucoup trop tard : la ferme des frères Hermelin, à Cour-Cheverny, n’a pour l’instant obtenu que douze ouvriers sur ses vingt-quatre habituels. « Des personnes qu’on salarie quatre mois, pour la fraise puis le cornichon, et qui n’ont aucun problème à se loger grâce à leurs liens familiaux », souligne Stéphane Hermelin.

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La finale du Top 14 à Saint-Denis perturbée par un appel à la grève

Après la finale de la Ligue des champions, le 28 mai, celle du Top 14 de rugby. Un mouvement de grève va toucher plusieurs lignes de trains de banlieue, dont les RER B et D, vendredi 24 juin, jour de la finale du championnat de rugby entre Castres et Montpellier, organisée au Stade de France.

Les syndicats SUD-Rail, mais aussi CGT, UNSA, CFDT et FO sur certaines lignes, appellent à la mobilisation. Les lignes B et D du RER, qui desservent le Stade de France, sont concernées par ce mouvement de grève. Même chose pour les lignes H, J, K, L et R du Transilien, selon le syndicat SUD-Rail. Les RER A et C devraient eux aussi être touchés, toujours selon le même syndicat.

Les conducteurs franciliens de la SNCF protestent contre les changements de planning incessants qui interviennent quelques jours ou même parfois la veille de leur prise de service en raison des nombreux travaux sur les lignes, selon une source syndicale. Viennent aussi se greffer des revendications salariales aux motifs de la grève, selon la même source.

Lors de la finale de la Ligue des champions le 28 mai dernier au Stade de France, une grève des conducteurs de la RATP sur le RER B avait conduit à un report massif des voyageurs sur le RER D, facteur alors mal pris en compte par les autorités dans l’organisation des flux d’arrivée au stade. Cette fois-ci, la grève concerne la SNCF, donc le RER D mais aussi le tronçon nord du RER B qui conduit directement au Stade de France.

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Le Monde avec AFP

Partout en France, à la veille de l’été, des maternités sous haute tension

Lors d’une manifestation pour la défense de la maternité de Nevers, devant l’agence régionale de santé de Nevers, le 15 avril 2022.

« A l’heure où je vous parle, nous avons cinq patientes qui ont des maladies qui exigent qu’on déclenche l’accouchement, mais nous n’avons aucune place en salle de naissance. » Le professeur Stéphane Bounan le dit posément, ce jeudi 16 juin. Il peut examiner chaque recoin de son service, au centre hospitalier de Saint-Denis (Seine-Saint-Denis), le constat est sans appel : ça coince « comme jamais », avant même le cœur de l’été, période toujours tendue.

Pas question pour le praticien de prendre le risque de transférer l’une de ces femmes vers d’autres structures. « Ce serait dangereux », dit le chef de service de cette maternité « de type III », qui accueille les grossesses les plus à risque, avec des services de réanimation néonatale et adulte dans ses murs. « On attend que des places se libèrent en salle de naissance, dit-il. Mais ce n’est pas confortable du tout. »

Voilà des mois que tout se dégrade. Avec un mal que ne connaissaient pas vraiment, jusque-là, les grandes maternités comme celle de Stéphane Bounan : les postes de sage-femme vacants. Sur un effectif de 91 temps plein, le service compte aujourd’hui… 63 postes pourvus. Il y a à peine deux ans, il était au complet, se souvient-il.

Les établissements du département de Seine-Saint-Denis font partie des maternités les plus en difficulté face à la pénurie de sages-femmes, mais l’alerte est générale, à entendre les acteurs de la périnatalité, qui s’inquiètent de la « catastrophe » à venir depuis des mois. « La situation est dramatique partout en ce moment, donc autant vous dire que, cet été, ça va être l’enfer », dit Camille Dumortier, présidente de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF), qui relève déjà des « problèmes de sécurité flagrants » dans certains établissements, en raison du sous-effectif.

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« Ça va être terrible cet été »

A Saint-Denis, ce sont d’abord les consultations non essentielles qu’il a fallu fermer, comme l’hypnose ou la sophrologie, puis les cours de préparation à l’accouchement, l’activité d’échographie… Les inscriptions ont progressivement été restreintes, passant à 300 par mois, contre 400 auparavant. Jusqu’à toucher le cœur du réacteur : depuis le début de l’année, 8 des 26 lits pour les grossesses à haut risque, et 10 lits de « suites de couche » ont fermé. Ainsi que 2 salles de naissance sur 9, et la salle de prétravail.

Avec des conséquences. Comme ce premier refus de prendre une patiente qu’il a dû opposer à la cellule régionale de transferts « in utero », qui gère la régulation des urgences concernant les grossesses pathologiques. S’il arrive toujours à une maternité de se retrouver parfois saturée – son cœur d’activité est d’accueillir du « non-programmé » –, c’est devenu bien plus fréquent.

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Entre luxe et désastre écologique, le paradoxe des étudiants de l’industrie des superyachts

Des superyachts amarrés sur le « quai des milliardaires » de la ville d’Antibes, sur la Riviera française, le 3 juillet 2020.

« La créativité naît de l’angoisse comme le jour naît de la nuit noire. » « C’est dans la crise que naissent l’innovation, les découvertes et les grandes stratégies. » Massimo Paperini cite Albert Einstein en anglais devant une trentaine d’étudiants. Le professeur, qui n’est pas philosophe mais architecte naval, assure le cours « The Yacht Design of the Third Millennium » dans le cadre du master « yacht design » de l’Ecole polytechnique de Milan. Sur un grand écran, l’enseignant projette une carte de l’Italie parsemée de points rouges : « Il s’agit des aires marines protégées. L’accès aux plus belles mers de notre planète est désormais interdit aux armateurs qui ne se soucient pas de l’environnement. On compte sur vous pour maîtriser les réglementations visant à respecter les fonds marins. »

Une injonction à remettre en perspective : émissions de gaz d’échappement, utilisation de peintures contenant des substances nocives, rejet d’eaux souillées, dégradation des fonds marins… La grande plaisance est une activité intrinsèquement polluante. « Loués 225 000 euros à 1 million d’euros la semaine, consommant 2 000 litres de carburant à l’heure, les superyachts sont un miroir grossissant révélant l’envolée des inégalités économiques et l’accélération du désastre écologique », souligne Grégory Salle. L’auteur de Superyachts. Luxe, calme et écocide (éditions Amsterdam, 2021) rappelle que la seule flotte des 300 plus gros superyachts en activité émet près de 285 000 tonnes de dioxyde de carbone, soit autant voire davantage qu’un pays entier. « Aujourd’hui, les porte-parole de l’industrie du superyachting ont des préoccupations écologiques plein la bouche. Eux aussi se disent touchés par la grâce du développement durable », résume, non sans ironie, le sociologue.

« Bien sûr, un superyacht a une mauvaise empreinte carbone. Mais on ne va pas tous se mettre au paddle pour autant », dit Alexandra Illa, étudiante en yacht design

Peut-on vraiment conjuguer superyacht et sobriété ? « Les superyachts sont de plus en plus médiatisés, notamment avec la confiscation des biens des oligarques russes en raison de la guerre en Ukraine. Tant mieux : c’est une occasion à saisir pour faire évoluer le secteur », assure Dimitris Magenis, 26 ans, qui a intégré le master « yacht design » de l’Ecole polytechnique de Milan après des études d’architecture en Grèce. Avec trois camarades de promo, il s’exerce à concevoir un bateau à voile et un superyacht à moteur. L’équipe commence par imaginer le propriétaire : un banquier de 35 ans, sportif, aimant voyager dans les coins les plus reculés de la planète.

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L’argot de bureau : le « team bonding », des liens qui libèrent

L’entreprise taïwanaise Foxconn n’est pas connue pour son amour du « bonheur au travail ». Ce géant de la fabrication de composants informatiques, qui emploie plus de 1 million de personnes en Chine, a été pointé du doigt au début des années 2010 lorsqu’une vague de suicides avait révélé les réelles conditions de travail des ouvriers. Et pourtant, chaque matin, avant de s’installer sur la chaîne de montage où il est interdit de parler, les salariés criaient en cœur, avec enthousiasme, devant leurs chefs : « We are good, very good, VERY VERY GOOD ! », apprend-on dans un ouvrage de la sociologue Jenny Chan (La machine est ton seigneur et ton maître, Agone, 2015).

L’objectif de ce rituel matinal ? Rappeler aux individus qu’ils font avant tout partie d’une équipe, d’une famille soudée. C’est justement l’objectif, en management, du team bonding. Fort heureusement, en général, il n’a pas pour but de masquer des conditions de travail horribles. Si le team building – ou « construction d’équipe » – est un incontournable du phrasé managérial depuis les années 1980, avec ses activités insolites collectives hors du cadre de travail, de l’atelier smoothie à l’escape game en passant par la sculpture sur glace, son cousin le team bonding prend du galon dans l’événementiel d’entreprise.

Les deux termes sont parfois synonymes, mais leur étymologie permet de cerner la différence : le team bonding – du verbe anglais to bond, « lier » – s’adresse à des salariés qui se connaissent déjà. On peut donc le traduire par « reconnexion » ou « renforcement d’équipe ». Le bonding est en quelque sorte le service après-vente du building, le contrôle technique des relations entre collègues.

Des moments d’exception

Au-delà de la nuance sémantique, les actions ne répondent pas aux mêmes objectifs. Quand le team building se veut intellectuellement stimulant, en favorisant l’esprit de compétition – quelle équipe trouvera le trésor en premier… –, le team bonding laisse place à la convivialité : il n’a pas besoin d’être encadré par des animateurs, puisqu’il peut s’agir d’un simple dîner d’équipe ou d’un pot pour célébrer les vacances.

L’objectif est de créer des liens davantage personnels que fonctionnels, plutôt en petit comité : en se parlant de choses plus intimes, les salariés développeront la confiance et l’empathie envers leurs congénères, ce qui favorisera un climat social plus apaisé.

Le team bonding cherchera plutôt des moments d’exception, où l’on se lâche : saut en parachute, séance de « yoga du rire », escapade dans une « salle de casse » où chacun pourra évacuer ses frustrations professionnelles à grands coups de masse sur de la vaisselle ou des écrans plats… Ou encore un peu de marche sur des charbons ardents, en faisant attention à ce qu’il n’en résulte pas des brûlures pour vingt-cinq salariés, comme dans l’entreprise suisse Goldbach il y a quelques jours.

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