« Sans eux, je ferme boutique » : de Paris au Pays basque, des patrons plaident pour la régularisation des travailleurs sans-papiers
FactuelFace aux pénuries de main-d’œuvre dans la restauration ou le bâtiment, de plus en plus d’employeurs défendent un meilleur accès aux titres de séjour.
Avec bagou et passion, souvent une cigarette roulée entre ses doigts, Etienne Guerraud parle des heures de son affaire, la « dernière grande brasserie indépendante de Paris ». Pour faire tourner Le Café du commerce, dans le 15e arrondissement, il recourt depuis des années à une main-d’œuvre étrangère. « Sans eux, je ferme boutique », dit-il, sans détour.
Les étrangers représentent 40 % de ses quelque cinquante salariés. Il y a Idriss et Hamadi, deux Mauritaniens, respectivement pâtissier et commis de cuisine, mais aussi Dieuvenor, un plongeur haïtien et Mamadou, un cuisinier malien… « Je ne les échangerais pas pour un Gaulois, ce sont des gars super. »
Les procédures de régularisation, Etienne Guerraud les connaît bien aussi. Combien de fois un salarié s’est présenté à lui, après plusieurs mois de contrat, pour lui avouer qu’il lui avait présenté à l’embauche la carte de séjour d’un autre et qu’en réalité, il est sans-papiers ? On appelle cela travailler sous alias. A chaque fois, M. Guerraud a accompagné ses salariés tout au long de la fastidieuse et incertaine procédure de régularisation par le travail.
Selon la circulaire ministérielle de 2012, dite Valls, qui fixe les critères selon lesquels un préfet peut exceptionnellement accorder un titre de séjour à un travailleur, celui-ci doit présenter vingt-quatre feuilles de paie, être présent en France depuis au moins trois ans et présenter une promesse d’embauche. Un peu plus de 8 000 personnes en ont bénéficié en 2021.
« Permettre un traitement plus rapide des régularisations »
Rien de simple. Dieuvenor, le plongeur haïtien de 30 ans, qui réunit toutes les conditions de régularisation depuis juin 2021, n’a obtenu un rendez-vous à la préfecture des Yvelines qu’en décembre 2022 pour déposer sa demande de titre de séjour. Il lui faudra attendre certainement plus d’un an avant d’avoir une réponse. D’ici là, il a « peur ». « On est au bout du bout, lâche Etienne Guerraud. Il faut simplifier les choses. »
C’est pour dénoncer cette ineptie et l’inaccessibilité des préfectures aux travailleurs étrangers que la CGT devait organiser, mercredi 29 juin, un rassemblement devant la Direction générale des étrangers en France (DGEF) à Paris. Le syndicat veut « en finir avec le “bon vouloir” des préfectures » et que des régularisations puissent être enclenchées sur la simple présentation de preuves de travail. « Des pans entiers de l’économie ne fonctionneraient pas sans leur force de travail », insiste la CGT.
Ce discours, de plus en plus d’employeurs l’endossent. « La réalité c’est que tous les restaurateurs à Paris ont un travailleur sous alias, confie à son tour Jean Ganizate, cofondateur du groupe de restaurants Melt. Les Français ne veulent plus bosser dans les métiers difficiles. » M. Ganizate connaît bien la CGT qui l’a accompagné sur plusieurs dossiers de régularisation de commis sénégalais, papous ou bangladais. Aujourd’hui encore, il demande au syndicat de l’aider alors qu’un de ses sous-chefs, un Sri-Lankais en France depuis plus de dix ans, craint de basculer dans la clandestinité alors qu’il est sans nouvelle de sa demande de renouvellement de titre de séjour.
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