Archive dans 2022

Le service civique, outil efficace de la course à la distinction

Pour Guillaume Duvivier, 22 ans, c’est la fin d’une « chouette parenthèse enrichissante ». Son service civique se termine dans deux jours, comme la quarantaine d’autres jeunes réunis en cette fin juin dans le 13e arrondissement de Paris, pour participer aux Rencontres nationales d’Unis-Cité, acteur majeur du service civique en France.

Pour ce rendez-vous, les volontaires sont invités – dans le cadre d’un temps de coaching express appelé « tremplin » – à mettre en valeur leur parcours et les compétences acquises, face à un professionnel qui leur donne des conseils. Guillaume raconte ses quatre années d’études de droit à la Sorbonne et « le besoin de faire une pause après un master 1 éprouvant, en raison de la crise sanitaire ». Il parle de cette mission de service civique chez Unis-Cités dans laquelle il a pu créer un podcast à destination des jeunes, où il a appris « à mettre sur pied un projet, à gérer un budget, à communiquer, à interviewer des gens, à monter des sons, etc. » « J’ai surtout gagné en confiance en moi », confie le vingtenaire, qui compte s’appuyer sur cette énergie retrouvée pour « continuer [ses] études de droit et passer le concours du barreau dès septembre ».

Ce moment symbolique de projection vers l’insertion professionnelle est tout sauf anodin lorsqu’on sait que plus de la moitié des volontaires décident de faire un service civique pour d’abord « avoir une expérience professionnelle », selon une étude publiée en 2021 par l’Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire (Injep). Arrivent ensuite (39 %) le fait « d’avoir un revenu » (les volontaires étant gratifiés d’une indemnité d’environ 580 €). La motivation « d’accomplir une mission d’intérêt général », raison d’être initiale du service civique, ne pointe qu’à la cinquième place (23 %).

Outil d’insertion professionnelle

Autrement dit : malgré les exhortations à « l’engagement de la jeunesse » accompagnant chaque communication politique sur le service civique, et la volonté de généraliser ce dispositif ayant déjà touché plus de 600 000 jeunes en douze ans d’existence, celui-ci est vu, par une majorité d’entre eux, davantage comme un outil d’aide sociale ou d’insertion professionnelle que comme un dispositif d’engagement.

« Et alors ?, répond Marie Trellu-Kane, la présidente et cofondatrice d’Unis-Cité, l’une des voix les plus écoutées sur le sujet en France, présente cet après-midi parmi les jeunes. Quand bien même une partie d’entre eux viennent pour d’autres raisons, pour se donner le temps de réfléchir à leur avenir ou pour ajouter une ligne sur leur CV, ils découvrent l’engagement et l’intérêt général avec le service civique, et cela perdure ensuite. »

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L’hôpital se meurt… guéri

Gouvernance. Le système de santé français est malade du succès de la thérapie mise en place depuis vingt ans pour le sauver. Au début des années 2000, les gouvernants s’inquiétaient en effet d’une aggravation potentiellement fatale du déficit de l’Assurance-maladie. On anticipait qu’il passerait de 1 à 10 milliards d’euros entre 2000 et 2010.

Le contexte était à la financiarisation de l’économie, et les gouvernements successifs s’en inspirèrent pour définir le remède : une politique dite de « modernisation » du secteur de la santé. « Moderniser » signifiait rationaliser la production pour traduire de manière méthodique en indicateurs financiers les offres de services, les investissements ou les budgets des hôpitaux. Les établissements de soins devaient devenir économiquement autonomes, à la manière des entreprises.

Pour leur apporter de l’oxygène, leurs modalités de financement furent élargies : la loi de 2003 autorisa des constructeurs privés à prendre en charge leurs investissements immobiliers en échange d’un loyer. L’ordonnance de 2005 tonifia leur autonomie financière en alignant les sources de revenus des secteurs public et privé.

Normes de rationalisation comptable

Les dotations budgétaires furent remplacées par une tarification à l’activité (dite T2A), établie selon une analyse statistique du coût moyen des pathologies traitées. L’équilibre des dépenses par les recettes exigeait des choix de services rentables. Cette semi-privatisation encouragea le regroupement des établissements pour atteindre la taille critique.

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Dans cette logique, la fonction de directeur d’hôpital fut créée et la parité instaurée entre les médecins et les gestionnaires dans les instances de gouvernance. Renforcée par la loi de 2009, cette réforme a introduit la distinction qui est classique en entreprise entre l’encadrement administratif et les métiers opérationnels, en l’occurrence les soignants dont le travail fut régulé par les normes de rationalisation comptable dont les gestionnaires sont les garants.

La « modernisation » avait pour principe de limiter l’excès d’offre de services en examinant à la fois leur efficacité thérapeutique et leur soutenabilité économique, l’une et l’autre étant évaluées par des indicateurs. Pour contenir aussi l’excès diagnostiqué de demande de soins, le nombre d’étudiants en médecine fut limité (numerus clausus) à 7 500 par an entre 2010 et 2019. Parallèlement, les lois bioéthiques débattues entre 2004 et 2020 valorisèrent une médecine « moderne » basée sur le résultat clinique, plutôt que sur le soin inconditionnel au patient.

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Un an après son « usine sœur », la fonderie Aluminium du Poitou ferme à son tour

A la fonderie Aluminium du Poitou, en 2012, à Ingrandes (Vienne).

Elles formaient ensemble les « fonderies du Poitou », au pluriel. Un an presque jour pour jour, après la fermeture de l’usine sœur, spécialisée dans la fonte, la fonderie Aluminium d’Ingrandes-sur-Vienne (Vienne), près de Châtellerault, devrait à son tour être mise en liquidation judiciaire, mardi 5 juillet. Son sort a été scellé par le tribunal de commerce de Paris, lors d’une audience, le 21 juin. Ses 280 salariés seront licenciés, comme leurs 292 camarades, un an plus tôt.

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Les deux fonderies de pièces automobiles partageaient un même et unique donneur d’ordre : Renault. Le constructeur les avait implantées dans la Vienne il y a quarante ans, pour y relocaliser l’activité de son usine historique de Boulogne-Billancourt (Hauts-de-Seine). Jusqu’à l’arrêt de la production, le 30 juin, « l’Alu » produisait des culasses.

« On a le sentiment d’un énorme gâchis industriel et social. On aurait pu trouver une solution pour maintenir les emplois et reconvertir le site, estime Jean-Philippe Juin, délégué syndical CGT et porte-parole de l’intersyndicale CGT-CFE-CGC. On entend beaucoup de discours sur la relocalisation et la réindustrialisation. Mais la réalité, c’est que dans nos petites campagnes, tout ferme. »

Enquête préliminaire pour abus de biens sociaux et blanchiment

Les remous, pour les deux sites, ont commencé en 2018, avec la crise du diesel. Ils sont, tour à tour, placés en redressement judiciaire, avant d’être repris en 2019 par le groupe Liberty House, une des sociétés de GFG Alliance, conglomérat du magnat indo-britannique Sanjeev Gupta, au fonctionnement opaque. Avec, à l’époque, un engagement de Renault sur un volume de commandes pendant quatre ans et une promesse d’investissement du repreneur dans la diversification des sites.

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Mais la promesse ne sera pas tenue. Quand, en mars 2021, Greensill, principal partenaire financier de GFG Alliance dépose le bilan, toutes les sociétés du groupe vacillent. A Ingrandes, les représentants des salariés alertent immédiatement sur la disparition d’un prêt garanti par l’Etat de 18 millions d’euros, accordé à la fonderie Alu un mois plus tôt. L’argent, versé par Greensill, n’a transité que quarante-huit heures sur le compte Société générale des fonderies, avant de repartir en Allemagne. L’enquête préliminaire pour abus de biens sociaux et blanchiment, confiée à l’Office central de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF), est toujours en cours. Des perquisitions ont eu lieu en avril.

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Pour FO, l’augmentation des salaires doit intervenir « maintenant »

Force ouvrière (FO) s’affiche, plus que jamais, comme le syndicat de la fiche de paye. Frédéric Souillot, son nouveau secrétaire général, l’a exprimé avec force, lundi 4 juillet : « Pour nous, l’augmentation des salaires, c’est maintenant », a-t-il lancé lors d’une conférence de presse, en élevant ce sujet au rang de priorité numéro un afin de « faire face à [l’]inflation galopante ». Son message s’adresse à l’Etat mais aussi aux chefs d’entreprises et aux représentants patronaux qui négocient à l’échelon des branches professionnelles.

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La prise de parole de M. Souillot intervient trois jours avant la « conférence » que le ministre du travail, Olivier Dussopt, organise afin de parler du pouvoir d’achat et des rémunérations avec les partenaires sociaux. FO place ainsi dans le débat quelques-unes des revendications qui lui sont chères. A commencer par une hausse substantielle et immédiate du smic, pour que celui-ci atteigne 1 500 euros net par mois (contre un peu plus de 1 300 euros, à l’heure actuelle, pour un temps plein). Une telle progression nécessiterait un « coup de pouce », c’est-à-dire une décision du gouvernement qui aille au-delà des mécanismes de revalorisation obligatoire du salaire minimum. Hypothèse que le pouvoir en place a, jusqu’à présent, toujours écartée.

Le leader de FO trouve que l’exécutif ne donne pas assez de « signes » en faveur du bulletin de paye. Le point d’indice, qui sert de référence pour calculer le traitement des fonctionnaires, a certes été revalorisé de 3,5 % à partir du 1er juillet, après plusieurs années de blocage, mais « ça dégèle peu », a estimé M. Souillot, signifiant par là que le geste est insuffisant.

Des « rustines »

FO juge également trop timorées les interventions de l’Etat figurant dans le projet de loi « pour la protection du pouvoir d’achat », dont l’examen à l’Assemblée nationale doit débuter le 18 juillet. Le texte prévoit de punir les branches professionnelles qui tardent à ajuster leur grille de salaires en fonction de l’évolution du smic en les fusionnant avec d’autres branches. Ce « n’est pas la réponse appropriée », a déclaré Karen Gournay, secrétaire confédérale chargée du dossier, y voyant « plus de la communication », avec un « effet marginal » à la clé. D’autres mesures sont inscrites dans le projet de loi (développement de l’intéressement, de la « prime Macron », etc.) mais il ne s’agit que de « rustines » qui n’apportent pas de réponse « structurelle » au problème du niveau de vie des travailleurs, selon M. Souillot.

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Vers une réforme en douceur de la justice commerciale et de la justice du travail

Eric Dupond-Moretti, garde des sceaux, prend la parole lors de la première réunion des Etats généraux de la justice, à Saint-Quentin-Fallavier (Isère), le 21 octobre 2021.

Réforme constitutionnelle, loi organique et loi ordinaire, le gouvernement aura besoin de ces trois vecteurs pour mettre en œuvre les conclusions des Etats généraux de la justice, dont Emmanuel Macron a promis qu’elles constitueraient la feuille de route du garde des sceaux. Sans parler de la loi de finances à venir, qui devra honorer les engagements en matière de création de postes de magistrats, greffiers et personnels de justice.

Si les incertitudes existent sur le calendrier et l’ampleur de la remise à plat de la justice en raison des équilibres politiques à trouver au Parlement, il est un domaine, pas le plus grand public, où les choses pourraient avancer facilement : les tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes. Les propositions formulées par le groupe de travail qui y était consacré ont de fortes chances d’être retenues dans les arbitrages à venir, après la remise officielle du rapport du comité des Etats généraux à Emmanuel Macron, prévue le 8 juillet.

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« Les grandes orientations et principales recommandations formulées par le groupe de travail sur les justices économique et sociale ont fait l’objet d’une approbation sans réserve par les membres du comité », peut-on lire dans ce rapport que Le Monde a pu consulter. Le comité indépendant présidé par Jean-Marc Sauvé, vice-président honoraire du Conseil d’Etat, chargé de restituer les conclusions des Etats généraux, n’a pas été aussi unanime sur les propositions des six autres groupes de travail (justice civile, justice pénale, missions et statuts, prison et réinsertion, etc.). Par ailleurs, Jean-Denis Combrexelle, qui avait été chargé, en octobre 2021, de présider ce groupe de travail, est, depuis le 24 mai, directeur de cabinet d’Eric Dupond-Moretti. Un poste stratégique pour négocier les projets de réforme et soumettre les arbitrages au ministre.

Mieux encadrer la procédure des prud’hommes

Les 130 pages du rapport du groupe de travail sur les justices économique et sociale, dont Le Monde a obtenu une copie, vont loin dans le détail de l’organisation de ces juridictions qu’il souhaite réhabiliter. Cette justice qui fonctionne essentiellement avec des juges issus de la société civile est considérée « comme périphérique » par le monde de la justice, déplore M. Combrexelle, alors que les tribunaux de commerce et les conseils de prud’hommes sont la « justice du quotidien et de proximité » pour de nombreux justiciables.

Le sujet le plus délicat – instiller des magistrats professionnels – est rapidement évacué, au nom « du principe de réalité ». « Substituer des magistrats de carrière à tous les juges ou même généraliser l’échevinage [un magistrat judiciaire entouré de deux juges citoyens] nécessiterait des moyens importants », lit-on dans ce rapport.

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Emploi : « La plupart des jeunes Chinois ont intégré la compétition »

Devant une agence de l’emploi, à Shanghaï, en avril 2020.

Le chômage des jeunes, qui a atteint un niveau record, en mai, à 18,4 %, peut-il déstabiliser le pouvoir ? Ces derniers mois, le premier ministre, Li Keqiang, a évoqué la question à au moins cinq reprises, lors de réunions, appelant le gouvernement et les autorités locales à « stabiliser » la situation de l’emploi. Affectée par la crise immobilière et par la politique zéro Covid, maintenue coûte que coûte par les autorités, la croissance chinoise devrait atteindre son plus bas niveau depuis le début des années 1990, à 4 % environ, loin des prévisions officielles de 5,5 %.

La dernière fois que la Chine a connu le chômage de masse, après des licenciements massifs dans le secteur public, à la fin des années 1990, un bond de l’activité, peu après, avait permis d’absorber rapidement les sans-emploi. Lors de la crise de 2008, l’Etat était intervenu avec un plan de relance massif, permettant, là encore, à l’activité de reprendre rapidement. A chaque fois, le chômage des jeunes avait été encore plus rapidement résorbé. Mais, aujourd’hui, avec le ralentissement structurel de la croissance, la donne a changé. Et le pays risque d’être confronté à un chômage de longue durée.

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Avec quel impact sur la jeunesse ? « En général, les jeunes ne restent pas très longtemps au chômage. Ensuite, ils tendent à compter sur leurs propres forces, plutôt que de se tourner vers l’Etat : la plupart ont intégré la compétition », souligne Chloé Froissart, professeure de sociologie politique à l’Institut national des langues et civilisations orientales, spécialiste des mobilisations sociales en Chine.

« La répression a été renforcée »

En effet, les jeunes sans emploi contactés par Le Monde ont tendance à se considérer comme responsables de leur situation : « J’étais moins motivé que d’autres étudiants, je n’ai pas envoyé beaucoup de CV », estime M. Wang (il ne donne pas son prénom), un jeune qui a passé huit mois sans emploi, en 2021, après sa sortie de l’université. Il avait pourtant envoyé plus d’une centaine de candidatures et passé vingt entretiens avant de trouver un employeur.

La mobilisation des jeunes chômeurs est d’autant moins probable qu’ils sont par définition isolés en sortant de l’université, contrairement à des ouvriers d’usine, par exemple, qui peuvent s’unir au sein de leur entreprise. Cela a été le cas à la fin des années 1990, pour protester contre des licenciements massifs au sein d’entreprises d’Etat. Surtout, les possibilités de mobilisation ont été drastiquement réduites par le resserrement du contrôle sur la société, avec de lourdes peines pour les contestataires.

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Dispositif « zéro artificialisation nette » : « On les mettra où, les usines, demain ? »

Des ouvriers de la cristallerie d’Arques (Pas-de-Calais), en 2003.

A la sortie de Saint-Omer (Pas-de-Calais), le long de l’autoroute A26, qui file vers Boulogne et la mer, le parc d’activités de la Porte-du-Littoral s’apprête à accueillir une nouvelle implantation industrielle. Une usine agroalimentaire doit voir le jour en septembre 2023, avec 25 salariés, peut-être 75, à terme, si tout va bien. Aujourd’hui, le site est en chantier : les fondations sont creusées jusqu’à la limite de la parcelle de 9 hectares, l’espace optimisé au maximum.

Sur la parcelle voisine de 4 hectares, ce sont trois entreprises, deux dans l’agroalimentaire et une dans la ferronnerie, qui sont annoncées. Le tout prend l’allure d’un jeu de construction avec des bâtiments imbriqués les uns dans les autres pour gagner de la place, un seul parking, une seule unité de traitement des eaux et une seule réserve à incendie pour tout le monde.

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Car, aujourd’hui, le mot d’ordre est de densifier pour économiser cette ressource devenue rare : le foncier. Loin, très loin des principes qui ont présidé à l’implantation d’une autre usine, à quelques centaines de mètres de là. Installé en 2015, SOS Oxygène vit en effet au large. Autour du bâtiment, un immense parking aux trois quarts vide, une vaste pelouse de quelque 7 000 mètres carrés : la réserve foncière « au cas où » l’entreprise s’agrandirait un jour. Christian Leroy, président de la communauté de communes du pays de Lumbres, désigne les autres locaux d’activité qui s’alignent de l’autre côté de l’autoroute, entourés, chacun, de leurs haies, de leur carré engazonné et de leur rideau d’arbres. « Aujourd’hui, il faut regrouper les usines pour gagner de la place, alors qu’avant on nous disait qu’il fallait les cacher, faire de l’intégration paysagère. »

10 % des terres sont aujourd’hui artificialisées

C’était avant le dispositif zéro artificialisation nette (ZAN). Inscrit dans la loi Climat et résilience d’août 2021, il vise à préserver la biodiversité et à limiter l’imperméabilisation des sols. Pour cela, la loi impose aux territoires de diminuer de 50 %, d’ici à 2030, le rythme d’artificialisation des terres, des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Un objectif qui s’applique à tous et à toutes les activités humaines, qu’il s’agisse de logements, d’infrastructures, d’équipements publics, et donc aussi économiques. Mais « le vrai sujet, c’est quand même l’industrie. On les mettra où, les usines, demain ? », s’interroge Christian Leroy.

A l’échelle de la France, 10 % des terres sont aujourd’hui artificialisées – ce qui en fait le pays le plus bétonné d’Europe par habitant. L’habitat en recouvre 42 %, les infrastructures de transports, 28 %, et l’industrie, 4 %, selon les chiffres de France Stratégie. L’Institut national de l’information géographique et forestière (IGN) démarre d’ailleurs la publication d’une base de données de référence pour la description de l’occupation du sol sur l’ensemble du territoire, avec pour objectif de couvrir la France entière en 2024.

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Atos, la contestation monte contre le conseil d’administration

Le directeur général d’Atos, Rodolphe Belmer, a démissionné le 14  juin. Ici, à Paris, le 16  février. 

La présentation, le 14 juin, du nouveau plan stratégique par Rodolphe Belmer, directeur général démissionnaire et désavoué par son conseil d’administration moins de six mois après son arrivée, a été le coup de trop. Depuis, les actionnaires d’Atos, numéro deux européen des services informatiques, ne décolèrent pas face à un cours de Bourse divisé par deux en trois semaines. Selon les informations du Monde, plusieurs d’entre eux ont écrit au conseil d’administration pour demander le départ du président, Bertrand Meunier. « On n’a jamais vu un plan présenté par un directeur général sur le départ justement parce qu’il n’est pas d’accord avec ce plan », tonne Frédéric Genevrier, cofondateur d’OFG Recherche, une société d’analyse qui conseille de grands investisseurs sur les questions de gouvernance des entreprises, pour qui « la responsabilité du conseil, et en particulier celle de Bertrand Meunier, qui le préside, est immense. Tout vient de là ».

« Les discussions avec les actionnaires sont confidentielles », répond Bertrand Meunier, tout en ne s’étonnant pas que « dans une période comme celle qu’Atos connaît, les interrogations soient plus nombreuses. Comment pourrait-il en être autrement ? ». Le président d’Atos évoque un « dialogue permanent avec les actionnaires, qu’ils soient petits ou grands » et dit répondre « aux questions des fonds d’investissement avec le plus grand sérieux pour leur apporter les éclairages qu’ils n’ont pas ».

Devenu président d’Atos au moment du départ, en novembre 2019, à la Commission européenne de l’ancien PDG, Thierry Breton, M. Meunier se retrouve aujourd’hui en première ligne face aux critiques. Le choix de Rodolphe Belmer, débauché de la direction générale d’Eutelsat, pour prendre la tête du groupe en janvier sans processus de sélection interne a provoqué des vagues dans le groupe.

Edouard Philippe attentif la situation

Plusieurs cadres importants ont quitté la maison. Ce choix a surpris aussi à l’extérieur et alimenté le divorce avec le conseil. Lors de l’assemblée générale du 18 mai, les actionnaires ont exprimé leur grogne en votant à 31,6 % contre le luxueux package de rémunération accordé par le conseil à M. Belmer : 2,4 millions d’euros de rémunération annuelle (fixe et variable), plus des clauses d’indemnités de départ et de non-concurrence, pouvant représenter jusqu’à trois ans et demi de rémunération annuelle. M. Belmer a accepté de réduire à neuf mois ses indemnités de départ, contre deux ans autorisés, soit un montant de 1,8 million d’euros. Sa clause de non-concurrence ne sera pas activée.

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L’argot de bureau : « greendesking », le boulot est dans le pré

A l’aube d’un nouvel été caniculaire, un choix cornélien s’offre au travailleur hybride moderne : endurer un trajet suffocant en voiture ou par les transports en commun pour s’offrir le luxe d’une climatisation d’entreprise salvatrice ; ou alors, se risquer au télétravail dans un logement moins frais. Que nenni, répond Pierre, votre collègue agaçant : « Oh, que je serais bien dans mon jardin, je me ferais peut-être des grillades à la pause déjeuner. En plus avec les arbres, c’est parfait, je n’ai pas trop chaud. »

Pour certains penseurs de l’entreprise du futur, le travail se dessine en vert, et pour tout le monde : le « greendesking » (avec ou sans espace) consiste justement à travailler en plein air, mais dans des conditions techniques qui ne sont pas dégradées pour autant.

L’herbe étant toujours plus verte chez le voisin, il faut se tourner vers les pays nordiques et anglo-saxons pour trouver les précurseurs de cette tendance assez jeune, mais surtout vers le Québec – qui, très étonnamment, ne propose pas de traduction à l’expression dans son Grand Dictionnaire terminologique. A Montréal, on trouve un réseau de quarante espaces de travail extérieurs gratuits, avec parasols, Internet et électricité.

Etre connecté au vivant

Il existe pléthore de solutions farfelues : on peut, par exemple, louer un espace de travail partagé, mais situé à la campagne, « planté » n’importe où (les Allemands d’Outside Society proposent un module équipé de 34 mètres carrés), ou alors choisir une cabane individuelle préfabriquée imprimée en 3D (invention de l’américain Denizen), que l’on peut mettre dans son jardin, ou à défaut en forêt.

Au-delà du fait d’ouvrir les yeux sur le monde qui nous entoure, et de voir sa créativité nourrie par l’inspiration du chant lyrique des oiseaux (et autres blablatages), le « greendesking » est un outil de qualité de vie au travail (QVT). Il aiderait à réduire l’absentéisme et le stress, démontrent plusieurs études : le rapport Human Spaces de 2015 avance que les salariés ne bénéficiant pas de fenêtre donnant sur l’extérieur et un milieu naturel sont les plus stressés. C’est ce que les psychanalystes nomment « biophilie », le besoin fondamental qu’a l’humain d’être connecté au vivant. Avec le « greendesking », vous l’aurez compris, il s’agit aussi d’être connecté au Wi-Fi.

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L’entreprise peut financer de tels espaces pour ses salariés, près de ses locaux par exemple. Ou en leur sein, à condition que le bond en avant soit massif, et que cela dépasse la cour intérieure réaménagée façon jardin d’hiver (SNCF Connect propose cette solution), avec ses cinq tables dont seulement deux non loin d’une prise de courant. Quid, également, du fameux jardin potager sur le rooftop (toit-terrasse) d’une entreprise parisienne, qui offre chaque année dix-sept tomates cerises aux 1 000 salariés de l’immeuble ?

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