Archive dans 2022

« Derrière la question du télétravail, le véritable enjeu n’est pas la distance, mais le temps »

Nous vivons dans un monde « phygital », à la fois dans le digital et dans le monde physique, non plus alternativement, mais concomitamment, à table avec nos amis et sur Facebook, en réunion au bureau et dans nos mails. Le développement des univers virtuels, les métavers, va encore accélérer cette remise en cause des séparations temporelles et physiques.

Le monde du travail ne peut y échapper, même s’il est à la traîne de celui de la consommation. Interroger le temps de travail, c’est ouvrir la boîte de Pandore managériale, car cela oblige les manageurs à se confronter à un pilier de l’organisation des entreprises ou de toute institution publique. Et ce pilier semblait inamovible depuis les temps si lointains du début de l’activité industrielle.

Quels en sont les soubassements ? Un temps longitudinal et qui peut se compter, de la pointeuse dans les ateliers aux feuilles de temps des consultants ou avocats ; un temps affranchi de ses racines culturelles ; un temps du collaborateur qui appartient à l’entreprise du moment où le contrat de travail est signé ; un temps standardisé ; un temps cloisonné : le temps de travail est équivalent au temps au travail.

Inégalités

Est-ce que cette vision peut raisonnablement tenir alors que les configurations organisationnelles connaissent des changements radicaux, imposés par le triptyque sanitaire (Covid-19), politique (problèmes d’approvisionnement liés à la guerre en Ukraine) et économique (inflation) ?

Non, et cela pour plusieurs raisons : le développement de la gig economy, littéralement « l’économie des petits boulots », qui amène de plus en plus d’entreprises à manager des travailleurs à la tâche, voire des bénévoles ; une conciliation entre la vie privée et la vie professionnelle revendiquée par l’immense majorité des salariés ; et une exigence – vis-à-vis de tous les collaborateurs – de flexibilité, d’agilité et d’initiative, considérées comme des conditions de la performance.

Le télétravail n’est pas une réponse à ces évolutions, il fait partie d’une équation bien plus grande. Et quand Elon Musk annonce qu’il exige de tous ses salariés un retour sur le lieu de travail, il pointe les nouvelles inégalités que génère le télétravail – possible pour les cols blancs, pas pour les cols bleus – et, en filigrane, les doutes sur la performance globale d’une organisation quand une partie de ses acteurs travaillent sans être « au travail ».

Ne plus « compter le temps »

Nous avons pourtant en France un beau précédent des dégâts d’une vision « toutes choses égales par ailleurs » de la question du temps de travail : le passage aux 35 heures !

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Combien coûte aux parents une garde d’enfants, assistante maternelle ou nounou à domicile ?

En moyenne 3,70 euros par enfant accueilli : c’est le salaire horaire net moyen réglé par les parents aux assistantes maternelles au quatrième trimestre 2021, selon les dernières données diffusées par l’Observatoire des emplois de la famille, ce 7 juillet. Un chiffre en hausse de 2 % sur un an.

Ce salaire moyen varie d’environ 45 % entre les départements les moins chers et ceux les plus chers – de 3,10 euros dans la Sarthe et dans l’Orne à 4,50 euros en Haute-Corse et à La Réunion. Au total, il dépasse les 4 euros dans quinze autres départements (parmi lesquels les Hauts-de-Seine, les Bouches-du-Rhône, la Guyane, la Corse-du-Sud, etc.). Paris se situe au milieu de la fourchette, à 3,80 euros.

« C’est le jeu de l’offre et de la demande qui explique principalement les disparités importantes entre les territoires, l’offre d’accueil est très inégalement répartie et il y a localement de fortes tensions », détaille Isabelle Puech, la directrice de l’observatoire, qui relève de la Fédération des particuliers employeurs de France (Fepem). Les chiffres se basent sur les données salariales transmises par l’Urssaf caisse nationale. « L’assistante maternelle est le premier mode d’accueil des jeunes enfants gardés hors de la famille », précise Isabelle Puech, indiquant qu’environ 966 000 parents y ont recours.

Quant au salaire horaire net de la garde d’enfants à domicile (au domicile des parents), autre mode de garde individuel possible, il s’élevait en moyenne, au dernier trimestre 2021, à 9,70 euros nets, en hausse de 2,20 % sur un an. Les écarts entre les départements sont moindres, de 8,60 euros dans la Creuse à 10,20 euros en Haute-Savoie. Selon la Fepem, environ 123 000 parents ont recours à cette option.

Deux logiques financières

Attention, même si dans les deux cas, le salaire est négociable entre les deux parties, employé et employeur, ces deux modes de garde fonctionnent, financièrement, de façon très différente, ce qui peut rendre les comparaisons complexes pour les parents.

Le salaire horaire net de l’assistante maternelle ne peut être inférieur à un minimum (c’est, depuis le 1er juillet 2022, 3,06 euros brut, et 3,18 euros si le professionnel a le titre professionnel « assistant maternel garde d’enfant »), qui dépend de dispositions légales et de la convention collective. Il doit être complété par les parents par d’autres éléments de rémunération : les congés payés, une indemnité d’entretien obligatoire (au moins 3,47 euros par enfant pour une journée de neuf heures, pour couvrir notamment les consommations d’eau et d’énergie, le matériel), souvent des frais de repas, etc. Tout s’entend par enfant confié.

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Dans le cas général, les parents ne paient pas de cotisations sociales pour leur assistant(e) maternel (le). Ils peuvent bénéficier, pour chaque enfant de moins de six ans ainsi gardé, du complément de libre choix du mode de garde (CMG), versé par les caisses d’allocations familiales ; son montant varie selon l’âge de l’enfant et les ressources du foyer. Autre aide financière accordée : un crédit d’impôt de 50 % de la dépense (CMG déduit), plafonné à 1 150 euros par enfant.

Les parents ayant recours à une garde d’enfants à leur domicile, souvent appelée « nounou à domicile », doivent, de leur côté, payer à leur employée un salaire horaire de base supérieur au smic – 10,88 euros brut depuis le 1er juillet – quel que soit le nombre d’enfants gardés. Le coût peut toutefois être réparti entre deux familles dans le cadre d’une « garde partagée ». S’ajoute la prise en charge d’une partie des frais de transport et d’une partie des cotisations et contributions sociales liées au salaire de leur employée.

60 %

C’est la proportion de gardes d’enfants à domicile déclarant que leur salaire a été fixé par négociation avec leur employeur, tandis que 20 % des personnes gardant des enfants à domicile disent avoir fixé elles-mêmes leur salaire, et que les 20 % restantes affirment que ce sont les parents qui l’ont décidé, selon une enquête en ligne menée en mai 2022 par l’Observatoire de l’emploi à domicile, sur l’attractivité des métiers à domicile.

Là aussi, les parents peuvent toucher un CMG (un par famille, même si deux enfants sont gardés par la nounou) et bénéficier d’un crédit d’impôt de 50 % du reste à charge, plafonné ici à 7 500 euros à partir de deux enfants à charge (9 000 euros pour la première année durant laquelle un salarié à domicile est employé).

Hausse des coûts de la garde à prévoir

S’ils peuvent donner une idée, une référence, aux parents actuellement à la recherche d’un mode de garde pour la rentrée, ces montants moyens de salaires constatés au dernier trimestre 2021 ne seront pas ceux pratiqués à la rentrée, de nouvelles revalorisations des grilles de salaires minimaux ont en effet été négociées depuis, en février et mai 2022, en raison notamment des hausses du smic, liées à l’inflation (la dernière revalorisation devant être appliquée prochainement), explique la Fepem.

La fédération anticipe également, pour les mois et années à venir, des hausses du coût de la garde pour les parents liées aux augmentations des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, mais surtout, plus structurellement, à un manque de professionnels.

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« Je crains des tensions fortes sur le marché, nous entrons dans la pénurie d’assistantes maternelles que nous annonçons depuis un certain temps, elle se constate déjà dans l’ouest du pays », déplore Marie-Béatrice Levaux, présidente de la Fepem. « D’ici à 2030, 44 % de celles en exercice seront en âge de partir à la retraite. Ce sont ainsi près de 125 870 professionnelles qu’il faudra remplacer pour maintenir une capacité d’accueil individuel des jeunes enfants identique à celle d’aujourd’hui. »

Pour faciliter le recrutement, poursuit-elle, « il faut notamment s’adapter aux demandes des nouvelles générations de professionnels, qui ont par exemple moins envie de travailler à la maison et davantage envie d’évoluer en équipe, ce qui est possible dans le cadre des maisons d’assistantes maternelles ».

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Elle alerte : « Tous ces éléments vont faire augmenter le reste à charge pour les parents, à moins que le gouvernement ne se décide à revaloriser le CMG, pour le rééquilibrer par rapport à l’aide accordée aux parents d’enfants gardés en crèche [directement incluse dans le tarif de la crèche et fonction des ressources de la famille]. »

La liberté au travail : utopie, illusion ?

Le livre. Aux Etats-Unis, les clients de certains services VTC (voiture de transport avec chauffeur) peuvent faire, lors de leur commande, la demande du « mode silencieux ». En d’autres termes, exiger que le chauffeur se taise. Une « fonctionnalisation quasi totale » du conducteur aux désirs des consommateurs, mise en exergue au sein de Travail e(s)t liberté ? (Erès).

Cet essai collectif, mené sous la direction d’Enrico Donaggio, de José Rose et de Mariagrazia Cairo, démontre à travers cette illustration comment les promesses de certaines entreprises sur une prétendue « libération » des travailleurs relèvent souvent de l’incantation.

Là où l’autonomie, l’indépendance et finalement l’émancipation des travailleurs sont mises en avant, il est davantage question, dans la pratique, d’« auto-exploitation ». « Il ne suffit pas d’énoncer des idéaux de liberté au travail, ni même de libérer le travail des hiérarchies et procédures pour pouvoir parler de travail libre », assurent les auteurs.

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A l’initiative du collectif international et interdisciplinaire ArTLib (Atelier de recherche travail et libertés), des spécialistes (philosophes, sociologues, etc.) se sont penchés sur les « articulations aujourd’hui dominantes entre travail et liberté ».

Pour ce faire, « ancrage théorique et historique » et « analyse de situations précises et travail d’enquête » s’entrecroisent. « Quelles sont les conséquences en termes de libertés individuelles et collectives des révolutions en cours dans le travail, ses pratiques et ses représentations ?  », s’interrogent les membres du collectif.

Prétexte, mirage

Sujet complexe, tant les acceptions de la notion de liberté dans un contexte professionnel sont nombreuses, et tant « les expériences du travail et les représentations qui les accompagnent sont (…) le théâtre de multiples déplacements entre liberté et nécessité, autonomie et domination, subjectivation et assujettissement, réalisation et perte de soi, appropriation et aliénation ».

Des paradoxes affleurent : si l’entreprise, lieu de compromis, a permis au travailleur d’accéder à l’indépendance économique, vecteur d’émancipation, c’est en échange de sa « subordination dans la situation de travail ».

Sujet complexe aussi parce que, indiquent les auteurs, la notion de liberté a été largement préemptée par « le modèle néolibéral ». C’est le cas dans le secteur des plates-formes numériques (VTC, livraisons de repas…), mais aussi au sein des entreprises libérées, qui peuvent être un leurre, souligne la sociologue Danièle Linhart dans sa contribution. « Le mouvement de “libération” unilatérale des entreprises témoigne de la capacité patronale à réinventer sans relâche de nouvelles modalités et légitimités de domination », estime-t-elle. Face à l’effacement de la hiérarchie, le salarié aurait in fine davantage de responsabilités et de pression au quotidien, devant porter lui-même la vision du leader face aux exigences du marché.

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SNCF : les salariés obtiennent une première augmentation après la grève de mercredi

La direction de la SNCF a accordé mercredi 6 juillet une première augmentation à ses salariés, qui se sont mobilisés en nombre pour suivre la grève organisée par les quatre syndicats représentatifs de l’entreprise.

La direction de la SNCF a accordé, mercredi 6 juillet, une première augmentation à ses salariés, qui se sont mobilisés en nombre pour suivre la grève qui a perturbé les départs en vacances. A l’issue d’une table ronde avec la direction, l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), deuxième syndicat de l’entreprise, a salué des « mesures encourageantes », qui devront être revues en fin d’année à l’aune de l’inflation, a rapporté à l’Agence France-Presse son secrétaire général, Didier Mathis.

La direction de la SNCF va notamment mettre en place une augmentation générale des salaires de 1,4 %, accompagnée d’une prime de 400 euros pour tous les agents et d’une augmentation de 100 euros sur une gratification de vacances. Au total, l’augmentation sera de 3,7 % pour les petits salaires et de 2,2 % pour les cadres, soit une médiane de 3,1 %. « Le compte n’y est pas », a protesté de son côté la fédération SUD-Rail, qui assure dans un communiqué qu’elle ne se « résignera pas à valider un énième recul du pouvoir d’achat des salarié-e-s de la SNCF ».

Troisième syndicat du groupe, SUD a appelé à une « riposte dans la durée » et a demandé « une compensation intégrale de l’inflation et la juste rémunération des efforts consentis au quotidien notamment dans cette période de reprise forte du trafic ».

Deux trains Ouigo sur trois maintenus

Alors que le rail s’apprête à vivre un été de fréquentation record après deux années marquées par l’épidémie de Covid-19, les quatre syndicats représentatifs de la SNCF – CGT, UNSA, SUD-Rail et CFDT – avaient appelé à faire grève mercredi pour réclamer des hausses de salaires face à une inflation galopante.

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Côté TGV, trois trains sur cinq circulaient sur l’axe est, trois trains sur quatre sur les axes nord et atlantique et quatre trains sur cinq sur l’axe sud-est, selon SNCF Voyageurs. Deux Ouigo sur trois devraient être maintenus. Le trafic local en Ile-de-France était également très perturbé.

Tous les clients dont les trajets ont été annulés ont normalement été prévenus par SMS ou par courriel. En cas de train supprimé, « il ne faut pas se faire rembourser et racheter un autre billet, qui sera au prix d’aujourd’hui et donc plus cher, mais il faut faire un échange : le billet sera au même prix que celui que vous aviez payé initialement, sans surcoût », a précisé la SNCF.

A Nantes, sur 507 trains interrégionaux qui devaient circuler, seuls 141 sont maintenus, selon la CGT-Cheminots. Sur le parvis de la gare, une quarantaine de syndicalistes de la CGT et de SUD-Rail ont déployé leurs drapeaux. « Nos salaires sont gelés depuis 2014 et nous demandons d’avancer les négociations annuelles sur nos salaires, qui ne sont prévues qu’en 2023 », a déclaré Nicolas Boumier, secrétaire de la CGT-Cheminots à Nantes.

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Le Monde avec AFP

Hausse des salaires : chez Ratier-Figeac, le mouvement de protestation s’enlise

Dans l’usine Ratier-Figeac (Lot), en 2017.

« Cela fait trois semaines qu’on est là. On ne va pas arrêter la grève et repartir sans rien. On est vraiment motivés pour faire bouger les choses », affirme Cédric, contrôleur en maintenance des pales chez Ratier-Figeac, sous-traitant aéronautique qui emploie 1 300 personnes à Figeac dans le Lot. « A un moment donné, il faut se mettre dans la tête que les prix ont flambé », insiste ce salarié qui gagne 2 080 euros brut par mois.

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« Pourtant, j’étais content d’entrer dans une grosse entreprise et je n’avais pas négocié mon salaire. Mais aujourd’hui, c’est un tout, et je me demande si le jeu en vaut la chandelle », ajoute-t-il, avant de préciser. « On est moins bien payés que chez Airbus. Certes, mais les prix des logements ne sont plus abordables. On a dû, avec ma femme, nous éloigner à quarante kilomètres de Figeac pour trouver une maison. »

Cet employé de 37 ans, entré en 2014 comme intérimaire chez ce fabricant d’hélices et d’équipements de cockpit (mini-manches, palonniers, manettes de gaz) a rejoint le mouvement de protestation entamé le 17 juin par les cols bleus pour la revalorisation de leur salaire. Chaque matin, dès 7 h 30, Cédric rejoint les rangs des salariés en colère qui se regroupent dans la cour d’honneur, derrière une banderole sur laquelle les mots « mal payés, surchargés, méprisés » sont écrits en lettres noires sur fond blanc, bloquant les lignes de production de l’équipementier, propriété de l’américain Collins Aerospace, filiale du groupe Raytheon Technologies.

Historique

Le refus de la direction de placer la revalorisation salariale en tête des sujets prioritaires de la réunion du comité social et économique (CSE) a mis le feu aux poudres. La CGT, principale organisation syndicale, a quitté la table des discussions, le 17 juin, pour informer les salariés rassemblés à l’extérieur des bâtiments. Dans la foulée, ils ont voté en assemblée générale une grève illimitée pour réclamer 300 euros brut par mois.

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La direction, de son côté, n’a pas cédé, campant sur sa position : elle prévoit une hausse des salaires de 2,8 %. Pas assez pour la CGT, au regard des bons résultats du groupe : un bénéfice net de 9 millions d’euros en 2020, de 36 millions d’euros en 2021. « Les négociations aboutissent pour les autres sites du groupe. Or, nous, depuis sept ans, nous n’avons aucune hausse du salaire plancher », regrette Fabien Trayaud, opérateur au centre d’usinage et délégué syndical CGT.

Afin de trouver une issue à ce premier conflit, historique par sa durée, les salariés ont « changé leur fusil d’épaule », le 1er juillet, revoyant leur proposition : ils réclament, désormais, un engagement écrit pour que l’ancienneté soit calculée sur le salaire de base et non plus sur le revenu minimum hiérarchique. « On perd entre 150 et 200 euros tous les mois », se justifie le délégué syndical. Autre proposition mise sur la table afin d’engager, à nouveau, les discussions avec le groupe : une hausse de 60 euros à 140 euros par mois calculée selon le montant des salaires. « Les salariés sont épuisés. Il faut trouver une solution », insiste M. Trayaud. Contactée par le Monde, la direction n’a pas donné suite à notre demande.

Sous l’effet de l’inflation, les mobilisations salariales se multiplient en France

Des salariés en grève manifestent à l’aéroport de Roissy-Charles- de-Gaulle, le 1er juillet. 

La statistique publique n’en donnera pas la mesure avant un an ou deux, mais tous les observateurs s’accordent à dire qu’il ne s’agit pas d’un simple effet de loupe médiatique : la France connaît une recrudescence de mobilisations pour des augmentations de salaire. « Les récits de conflits salariaux se multiplient, c’est indéniable », selon Karel Yon, sociologue et chercheur au CNRS.

Ce mercredi 6 juillet, le mouvement s’annonçait massif à la SNCF. Celui dans les aéroports franciliens d’Orly et de Roissy a entraîné la suppression d’un vol sur cinq samedi 2 juillet au matin. « Il y a vraiment un foisonnement d’actions sur ces questions salariales. Ça bouge partout, tout le monde est touché », renchérit Céline Verzeletti, secrétaire confédérale de la CGT, qui cite encore la grève des routiers, les mouvements dans les grandes entreprises privées Total ou Thales, et dans le secteur public. On pourrait y ajouter une longue liste de mobilisations constatées depuis l’automne, dans l’agroalimentaire, les assurances, la sécurité, l’aéronautique, chez les parfumeurs Marionnaud ou Sephora, les enseignes préférées des Français Leroy Merlin et Decathlon, et dans une myriade de PME ou d’entreprises de taille intermédiaire, inconnues du grand public.

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« Parce qu’elle touche tout le monde, à tous les postes, qu’elle n’est pas liée à une quelconque question de productivité ou d’investissement du salarié dans son travail, l’inflation a redonné tout son sens à la demande d’augmentation collective des salaires, souligne Jérôme Pélisse, professeur à Sciences Po et chercheur au centre de sociologie des organisations. Une pratique qui n’avait cessé de reculer ces dernières années dans les entreprises, au profit des augmentations individuelles, dites « au mérite ».

« La mobilisation paye »

De la même façon, la grève comme mode d’action collectif semble revivifiée : les témoignages abondent de salariés l’ayant expérimenté pour la première fois ces derniers mois. « Cette vague de grèves vient rappeler combien la relation salariale est fondamentalement conflictuelle et repose sur un rapport de force qui fait partie de la vie normale de l’entreprise », insiste M. Pélisse.

Avec son collègue chercheur au CNRS Pierre Blavier, il a étudié à la loupe les données (recueillies avant le confinement) de la dernière enquête « Relations professionnelles et négociations d’entreprise », de la direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail. « Alors qu’au niveau national, les conflits sociaux ne sont que rarement gagnants, nous avons montré qu’à l’échelle des établissements la mobilisation paye, souligne M. Blavier. Lors des négociations salariales, il existe un lien statistique fort entre l’occurrence d’une mobilisation collective et le fait que la direction amende sa proposition initiale. »

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Transparence des salaires, encore un effort

Faut-il être plus transparent pour être plus attractif ? A l’Association pour l’emploi des cadres (APEC) , « on recommande aux employeurs d’afficher des rémunérations dans les annonces d’emploi. Des entreprises le font », indique un responsable du recrutement. Mais ce n’est pas la règle du marché de l’emploi.

Sur l’imposant agrégateur d’offres d’emploi Indeed, les fourchettes de salaires accompagnent parfois les annonces : 27 373 à 40 480 euros par an pour un poste, par exemple, de gestionnaire de sinistre automobile. En revanche, le manager de proximité indemnisation devra postuler à l’aveugle. Cette offre ne détaille pas la rémunération, et elle est publiée depuis plus de trente jours par un groupe d’assurance.

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Malgré des problèmes de recrutement dans tous les secteurs, « la transparence des salaires n’est pas une tendance à la hausse », affirme Carlos Fontelas de Carvalho, président d’ADP, gestionnaire de paye, en France et en Suisse. Face à la concurrence sur les compétences techniques, l’entreprise de covoiturage Blablacar mise ainsi davantage sur le niveau de rémunération, la distribution d’actions gratuites et tous les à-côtés (budget télétravail, congé parental, mobilité durable) que sur la transparence des salaires à l’embauche.

La transparence n’est pas une priorité

« On n’affiche pas les salaires dans nos annonces. Il y a un besoin de maturité sur ces sujets, avant d’être complètement transparents. Ce serait dangereux de ne pas en tenir compte », argumente Stéphanie Fraisse, la DRH de Blablacar. Il est parfois difficile de respecter l’équité interne à l’entreprise, tout en faisant face à la concurrence sur le marché de l’emploi, où les niveaux de rémunération flambent sur les compétences les plus recherchées.

Par ailleurs, « si le salaire continue à être la priorité pour l’ensemble du personnel, d’autres composantes prennent une place très importante, comme la flexibilité dans l’organisation du travail, le télétravail et la possibilité de passer à la semaine de quatre jours. Avant, les entreprises se comparaient au marché et proposaient 10 % de plus pour remporter un recrutement. Maintenant, ça ne suffit plus et elles le savent », explique Carlos Fontelas de Carvalho.

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La transparence ne s’impose pas comme le critère prioritaire d’attractivité. « La part du salaire est relativement faible dans la reconnaissance attendue par les salariés. Elle passe après le respect et la reconnaissance des efforts, confirme David Mahé, fondateur et président de Human & Work, un groupe de cabinets de conseil RH spécialisé dans l’accompagnement des salariés. L’affichage des salaires, c’est une question de cohérence. Le sujet est de payer les gens au juste prix. Mais si on a de nouvelles recrues payées 20 % de plus que l’effectif présent, ça crée des difficultés. »

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Après le mouvement Balance ta start-up, le management devient un chantier prioritaire pour l’écosystème

« Moi dans le monde dans lequel je vis, si je ne travaille pas 80 heures par semaine, il y a très peu de chances que j’aie mon appartement, une résidence secondaire et peut-être une autre après » : début mai, les propos sur les stagiaires tenus dans un podcast par Claire Despagne, fondatrice de la start-up D+ for care, réveillaient sur les réseaux sociaux la méfiance du grand public envers le monde des start-up.

Stress, conditions de travail illégales, absence de services RH, cas de harcèlement sexuel et moral, de sexisme, de racisme… Un an et demi plus tôt, dans la foulée de la page Instagram Balance ton agency, qui dénonçait le harcèlement en agences de publicité, Balance ta start-up, qui compte aujourd’hui près de 200 000 abonnés, avait révélé au grand jour les dérives managériales dans des entreprises telles que Too Good to Go, Lydia, Doctolib ou Lou Yetu. Ces dysfonctionnements ont-ils été réglés ?

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Si la croissance de ces start-up a rarement été ralentie, les plus visées disent avoir pris le problème à bras-le-corps, notamment pour soigner leur réputation et leur image de marque employeur. « Ça nous a touché. On a lu avec attention les témoignages, se souvient Sarah Chouraqui, directrice générale de Too Good to Go (commerce, 130 salariés). Un candidat sur deux nous parlait de Balance ta start-up en entretien. Répondre à cela a été ma priorité, avec un vrai travail de fond pour accélérer les formations de nos manageurs, renforcer la culture du feedback, les canaux de communication interne, clarifier les process en cas de harcèlement. »

Une refonte de la gouvernance

Chez Iziwork (intérim, 250 salariés), où la volonté de croître rapidement avait totalement mis au second plan les questions de ressources humaines, la direction a créé un véritable département de six personnes, pour « mieux recruter et intégrer les collaborateurs ». Le directeur général France, Jérôme Bouin, fait état d’une « refonte totale de la gouvernance » : « On a changé tout notre système de communication et d’information en interne, avec une transparence totale des résultats pour tout le personnel. »

Docteure en sociologie à Paris-Dauphine, Marion Flécher s’est fait embaucher dans deux start-up, où elle a observé une situation similaire : « J’ai vu ce que l’hypercroissance faisait au management. Puisque la croissance est rapide, on cherche à embaucher dans les fonctions productives, pas dans les RH. Quatre ans après la création de la boîte où j’étais, il y avait une seule personne pour effectuer 70 recrutements en dix mois. Mais au bout d’un moment, les fondateurs se sont rendu compte que c’était un enjeu. »

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Retraites : la baisse de la population active pourrait avoir un « impact négatif sur la situation financière » des régimes

Voilà une série d’études de nature à conforter dans leurs convictions tous ceux qui militent pour un recul de l’âge légal de départ à la retraite. A partir de 2040, la population active pourrait diminuer en France. Cette tendance avait certes été « anticipée », mais avec une ampleur moindre, comme l’indiquent des documents qui doivent être débattus, jeudi 7 juillet, lors d’une réunion du Conseil d’orientation des retraites (COR). Une telle évolution retient l’attention, car elle pourrait avoir « un impact négatif sur la situation financière » des régimes de pension.

La population active désigne les personnes qui travaillent et celles qui sont au chômage (c’est-à-dire sans emploi, à la recherche d’un poste et disponibles immédiatement pour l’occuper). En 2021, il y en avait 30,1 millions. Leur nombre continuerait de s’accroître dans les années à venir, mais moins vite et moins longtemps qu’escompté, selon des simulations dévoilées le 30 juin par l’Insee. En 2040, on en recenserait 30,5 millions, soit 400 000 de plus en près de deux décennies, puis la décrue s’amorcerait, pour ramener les effectifs à 29,2 millions en 2070.

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Dans ses précédents calculs réalisés en 2017, l’Insee aboutissait à des résultats très différents. Son scénario dit « central » – le plus souvent retenu – tablait sur une progression continue durant un demi-siècle : 29,5 millions en 2015, 31,1 millions en 2040, 32,1 millions en 2070. Le COR, lui, dans son dernier rapport annuel publié en 2021, avait effectué de nouvelles projections, fondées notamment sur des hypothèses basses de fécondité. Un exercice qui avait débouché sur des chiffres orientés à la baisse à partir de 2040 : 31,5 millions cette année-là, puis 30,6 millions en 2070.

Moins de cotisants et plus de retraités

En définitive, ce serait moins : 29,2 millions en 2070, donc, si l’on en croit les données diffusées le 30 juin par l’Insee. Ces révisions s’expliquent par plusieurs raisons. D’abord, souligne le COR, le « nombre de femmes en âge de procréer » est moins important que prévu, ce qui pèse ensuite sur le « nombre de naissances anticipé » et, in fine, sur les effectifs des actifs. Deuxième facteur à prendre en considération : le solde migratoire, c’est-à-dire la différence entre le nombre de personnes qui entrent dans le territoire et le nombre de personnes qui le quittent. Ce paramètre serait plus faible, avec – en particulier – moins d’individus en âge de travailler ou de rechercher un poste.

Enfin, le questionnaire du recensement a été rénové, ce qui « a permis d’améliorer la mesure de la population », en cernant mieux les « situations de multirésidence, notamment les enfants en résidence partagée » : ces derniers « pouvaient être, dans certains cas, comptés à tort deux fois », selon le COR. En résumé, il y aura moins de jeunes et d’actifs et plus de seniors que ce à quoi on s’attendait. Ce qui pourrait aussi signifier moins de cotisants et plus de retraités.

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