Archive dans 2022

Bruno Le Maire : « Nous avons changé »

Le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, le 20 juillet 2022 à l’issue du conseil des ministres à l’Elysée, à Paris.

Pièce maîtresse du dispositif gouvernemental en ce début de législature marquée par une forte inflation et des tensions géopolitiques qui affectent la croissance, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, est en première ligne au moment de faire adopter par les parlementaires le projet de loi d’urgence sur la protection du pouvoir d’achat et sur le projet de loi de finances rectificative en assurant le financement.

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Sur le pouvoir d’achat, les oppositions vous accusent de ne pas suffisamment chercher le compromis. Etes-vous prêts à trouver un accord, notamment sur le carburant, avec Les Républicains (LR) ?

Bien sûr ! Nous sommes ouverts au compromis. Mais il faut un cadre : rien qui puisse dégrader nos finances publiques, tout pour la transition climatique, tout pour le travail. La suppression des taxes sur les carburants n’est donc pas envisageable. C’est une mesure irréversible qui coûterait chaque année des dizaines de milliards d’euros au contribuable. Et en plus pour subventionner une énergie fossile. Le gouvernement propose une remise de 18 centimes d’euro par litre jusqu’au 1er octobre, puis une indemnité plus ciblée. Si les LR estiment qu’il faut faire davantage que 18 centimes, pourquoi pas ? Une chose est sûre : les compromis qui aboutiront lors des discussions à l’Assemblée doivent respecter notre enveloppe de 4,4 milliards d’euros pour 2022.

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Une partie de la majorité est désormais favorable à une taxe sur les « superprofits », à laquelle vous vous opposez…

Ne tombons pas dans une escroquerie intellectuelle qui laisserait penser que toutes les entreprises françaises auraient profité de la crise. Un grand nombre de nos entreprises sont affectées par la hausse des prix de l’énergie et par les difficultés d’approvisionnement. Seules quelques entreprises, notamment dans les secteurs énergétique et du transport maritime, ont fait des bénéfices importants. Nous leur demandons de faire un effort. Je pense en particulier à Total et à CMA-CGM. Elles ont pris de premiers engagements. Doivent-elles faire plus ? Oui, certainement. Nous ferons les comptes lors du projet de loi de finances 2023.

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L’Espagne, l’Italie ou le Royaume-Uni ont instauré cette taxation exceptionnelle…

Vous oubliez que ces trois pays ont des taux de prélèvement obligatoire inférieurs au nôtre ! En France, à chaque difficulté, on répond par une nouvelle taxe. Ce réflexe pavlovien n’améliore en rien le pouvoir d’achat des Français. Avec l’attractivité du pays, la valorisation du travail et le soutien aux entreprises, la baisse des impôts fait partie de l’ADN politique de notre majorité. Affirmons notre identité politique. Ne cédons pas aux sirènes des oppositions. Restons nous-mêmes. N’oublions jamais que nos choix économiques depuis 2017 nous ont mis sur le chemin du plein-emploi et ont fait de la France le pays le plus attractif pour les investissements étrangers en Europe.

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Secteur aérien : deux accords signés pour revaloriser les salaires minimums

Deux accords visant à revaloriser l’ensemble des salaires minimums dans le transport aérien et à simplifier la grille de classification de la branche ont été signés par les partenaires sociaux, a annoncé mercredi 20 juillet la Fédération nationale de l’aviation et de ses métiers (FNAM). Ces accords ont été signés « par quatre des cinq organisations syndicales représentatives au sein de la branche, à savoir la CFDT, la CGT, la CFE-CGC et l’UNSA » qui pèsent à elles toutes 75 % des voix, s’est réjoui la FNAM, principale organisation professionnelle du secteur aérien.

Le nouvel accord salarial concerne les personnels au sol et non les personnels navigants, et s’assimile à un rattrapage, alors que le smic a augmenté sensiblement récemment, et que tout le secteur est perturbé cet été par des pénuries de personnel et des grèves d’hôtesses, stewards et pilotes dans les compagnies aériennes.

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Cet accord prévoit une revalorisation des sept premiers niveaux de salaire de la grille à hauteur de 6 %, « soit une augmentation annuelle entre 1 100 euros et 1 417 euros pour les salariés sur ces premiers niveaux », a fait savoir la FNAM.

« Plus de 11 % au-dessus du smic annuel actuel »

C’est la deuxième fois cette année que les minima de la branche sont réévalués. « En janvier dernier, la FNAM avait entériné un premier accord salarial visant à revaloriser les plus bas salaires de la grille au regard de l’impact de la hausse du smic », a rappelé l’organisation patronale. Cette fois-ci, c’est la hausse du 1er mai dernier qui a été répercutée. Avec ce nouvel accord, la rémunération minimale d’un salarié du premier échelon est portée « à plus de 11 % au-dessus du smic annuel actuel », assure la FNAM.

Le smic doit à nouveau être réévalué de 2,01 % au 1er août en raison de l’inflation qui s’est portée à 5,8 % en juin.

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La déléguée générale adjointe chargée des affaires sociales à la FNAM, Hélène Clavé, s’est réjouie de la signature de ces deux accords. Elle a salué un dialogue social de qualité « qui a permis de trouver un compromis malgré le contexte économique fragile, instable et incertain du secteur », selon un communiqué.

Comme beaucoup d’autres secteurs, l’aérien peine à recruter pour répondre à une demande croissante avec la fin des restrictions de voyage liées à la pandémie de Covid-19.

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Le Monde avec AFP

Sans-papiers, ils font tourner un centre d’hébergement d’urgence

A l'entrée de l'hôtel Ibis à Bagnolet (Seine-Saint-Denis), converti en centre d'hébergement d'urgence depuis le début de la crise sanitaire, les employés sans-papiers lancent un mouvement de grève pour exiger le paiement de leurs salaires et leur régularisation, le 20 juillet 2022.

C’était au début de l’épidémie de Covid-19. Alors que la France était confinée depuis trois semaines à peine, la population claquemurée, l’Etat se mobilisait pour mettre à l’abri les plus vulnérables.

En Seine-Saint-Denis, un nombre record de chambres d’hôtel étaient préemptées. A Bagnolet, par exemple, un hôtel Ibis était réquisitionné pour offrir un hébergement d’urgence à des sans-abri. La gestion du lieu était confiée à un opérateur bien connu de l’Etat, l’association Coallia, mastodonte de l’hébergement social de plus de 4 000 salariés, dont le président n’était autre que l’actuel ministre aux outre-mer, Jean-François Carenco.

Dans ce grand bâtiment de huit étages, qui voisine l’autoroute A3, plus de 400 personnes sont encore abritées aujourd’hui, originaires notamment d’Afrique de l’Ouest, d’Afghanistan ou d’Europe.

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Et c’est ici que, mercredi 20 juillet, sept travailleurs ont entamé une grève. Ils font partie d’une équipe d’une vingtaine d’agents hôteliers qui, pour le compte d’une entreprise sous-traitante, Gaba Global Service International, gèrent l’accueil, la livraison des repas et l’entretien du réfectoire. Ils disent aussi être chargés de faire des rondes de sécurité dans les étages. Ils travaillent de jour ou de nuit, souvent douze heures par vacation. Fait tout à fait notable : ils sont sans-papiers et disent n’avoir jamais été déclarés. Ils expliquent aussi au Monde n’être payés qu’un mois sur deux en moyenne.

Moins de 3,50 euros de l’heure

Originaires de Côte d’Ivoire, du Mali ou encore de Guinée et aujourd’hui accompagnés par le syndicat CGT, ils ont débrayé pour exiger le paiement de leurs salaires et leur régularisation.

A l’entrée de l’hôtel, mercredi, outre la présence des grévistes et de syndicalistes, on pouvait observer le va-et-vient routinier des résidents ainsi que d’autres salariés. Il apparaît que la gestion de ce centre est entièrement confiée à des entreprises sous-traitantes, qu’il s’agisse de la sécurité ou même de l’accompagnement des résidents. Les travailleurs sociaux, par exemple, sont tous intérimaires. Contactée, Coallia n’avait pas encore donné suite au moment de la publication de l’article. En début d’après-midi, mercredi, un représentant de l’association ainsi qu’un autre de Gaba Global Service International se sont brièvement déplacés sur le site pour rencontrer les grévistes, avant de convenir d’un nouveau rendez-vous jeudi.

« On a des loyers à payer et des familles qui comptent sur nous », explique au Monde l’un d’eux, Alassane (à leur demande, seuls les prénoms des travailleurs sont donnés). Cet Ivoirien de 39 ans vit en France depuis près de cinq ans. Il a été embauché dans le centre d’hébergement d’urgence dès son ouverture, au mois d’avril 2020. Plusieurs grévistes montrent les attestations de déplacement dont ils ont bénéficié pendant le confinement. Sur la foi de relevés bancaire et des jours qu’il dit avoir travaillés, Alassane aurait perçu 4 976 euros en 2022 pour 1 428 heures, soit moins de 3,50 euros de l’heure, sans jamais voir l’ombre d’un contrat de travail ou d’un bulletin de salaire.

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« Pour certains salariés, c’est un second licenciement » : l’unique projet de reprise de la Société aveyronnaise de métallurgie enterré

Après des semaines d’attente, le couperet est tombé, douchant le dernier mince espoir des anciens salariés de la société aveyronnaise de métallurgie (SAM), plantée dans la zone industrielle Les Prades, à Viviez, sur les hauteurs du bassin houiller de Decazeville (Aveyron). Matthieu Hède, l’unique candidat à la reprise de cette usine définitivement close, a annoncé jeter l’éponge, lundi 18 juillet. Le dirigeant de MH Industries, un groupe lotois spécialisé dans la fabrication de pièces métalliques, a essuyé une fin de non-recevoir de la part de Renault – premier client de la SAM – pour l’achat de pièces. « Il n’y avait pas de scénario possible sans le constructeur. Il fallait le convaincre pour amorcer la reprise avant de pouvoir nous en passer demain », explique M. Hède ce mercredi.

Si la proposition présentée en avril (8 millions d’euros de chiffre d’affaires par an) semblait le satisfaire, le groupe au losange s’est ravisé deux semaines plus tard. « Il ne voulait plus entendre parler des salariés de la SAM. Pour Renault, la fonderie n’existe plus », rapporte M. Hède, qui espérait, alors, « que le gouvernement joue son rôle d’interlocuteur. » Autre raison l’ayant poussé à renoncer à reprendre la SAM : un financement loin d’être bouclé. « Le montant, entre 30 millions et 45 millions d’euros, était un souci. Car les organismes financiers étaient peu nombreux à nous suivre sur un projet risqué de sous-traitance. »

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« Ce n’est pas de la déception. Le mot n’est pas assez fort. C’est du dégoût, de la colère, réagit David Gistau, ancien agent de production entré à la fonderie en 1991, et ex-membre CGT du comité social et économique de l’entreprise. Pour certains salariés c’est comme si on les licencie une deuxième fois. » Le tribunal de commerce de Toulouse avait scellé le sort de cette fonderie le 26 novembre 2021, prononçant la cessation définitive de son activité et le licenciement de 333 employés. Ces derniers ont alors occupé l’usine pendant cent cinquante-quatre jours avant d’obtenir, sous l’égide de la préfète d’Aveyron, des garanties permettant d’éviter la vente des machines par les mandataires judiciaires.

« Notre territoire disparaît peu à peu »

Ghislaine Gistau, ex-déléguée syndicale CGT, ne s’en remet pas. « Je suis écœurée. Le gouvernement avait les moyens d’agir et voilà, il laisse agir le constructeur automobile en toute impunité », fustige-t-elle. A 45 ans, cette responsable qualité embauchée en 1998 effectue actuellement un bilan de compétences. « Je suis nostalgique de cette entreprise et des relations nouées avec mes collègues. J’ai besoin d’ouvrir une autre page. Je ne travaillerai probablement plus dans l’industrie », reconnaît-elle.

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Just Eat annonce un vaste plan social, touchant 350 livreurs

La société de livraison de repas à vélo Just Eat, qui avait marqué sa différence en recrutant début 2021 des livreurs salariés quand les autres plates-formes recourent à des autoentrepreneurs, a annoncé lundi 18 juillet son intention de stopper son service opéré par son propre personnel dans vingt-six villes sur les vingt-sept où elle est implantée, selon les deux syndicats présents dans l’entreprise, Force ouvrière (FO) et la Confédération générale du travail (CGT).

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Cette amplification du plan qu’elle avait présenté en avril – elle comptait alors se restructurer dans vingt villes – a été présentée lors d’une réunion extraordinaire du Comité social et économique (CSE). L’entreprise ne serait donc plus présente avec ses salariés qu’à Paris, où ne restent actuellement que « deux cent vingt livreurs, contre huit cents en 2021 », déplore Jérémy Graça, délégué FO. La direction précise que Just Eat « ne se retire pas » de ces villes mais se réorganise et cherche « une solution alternative avec un partenaire externe ». Il s’agira, vraisemblablement, d’une plate-forme recourant à des livreurs autoentrepreneurs.

La partie commerciale aussi touchée

Le projet de plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), qui était en négociation, s’alourdit en conséquence. Il prévoit la suppression de 350 postes de livreurs salariés, de 40 postes en équivalent temps plein (ETP) dans les fonctions support de l’activité logistique et 50 au siège social, selon la direction. En avril, 279 emplois étaient visés, selon les syndicats pour qui l’autre filiale, Eat on Line, qui assure la partie commerciale, serait aussi touchée. La direction justifie ces annonces « en raison d’une dynamique de marché difficile en France et de [son] ambition d’atteindre une croissance durable ».

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En CSE, la direction aurait « dit que les chiffres sont mauvais partout, y compris à Paris, précise M. Graça. On se demande si elle ne va pas fermer là aussi. » La direction aurait aussi estimé « que cela coûte trop cher de salarier les livreurs, ajoute Ludovic Rioux, délégué CGT. Mais les livreurs ne sont là que pour livrer, pas pour faire rentrer de l’argent, ce qui est le rôle de la filiale commerciale. » La direction, qui affirme rester « attachée à ce modèle salarié en France et en Europe », précise que celui-ci est « très difficile à exploiter lorsqu’il n’y a pas un terrain de jeu égal pour tous les opérateurs ». Et Just Eat de plaider pour « une législation claire et un soutien des pouvoirs publics afin de créer un environnement où livreur et entreprise bénéficient tous deux du modèle salarié ».

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Compétences, salaires, conditions de travail… Les PME peinent toujours à recruter

« On n’avait jamais eu un pic aussi haut. On a toujours autant d’entrepreneurs qui cherchent à recruter, mais ils ne trouvent plus les compétences dont ils ont besoin », s’inquiète François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Alors que la moitié des dirigeants de PME recrutent en ce moment, 94 % d’entre eux disent rencontrer des difficultés à trouver le « bon profil », indique une étude publiée ce mardi 19 juillet par la CPME.

L’organisation patronale a interrogé, en ligne, du 16 juin au 12 juillet, 2 362 dirigeants de TPE-PME sur l’état de leur activité. Ces chiffres confirment une tendance déjà illustrée à plusieurs reprises par les études de la Banque de France ou l’enquête « Besoins en main-d’œuvre » de Pôle emploi, de 2022, selon laquelle 57,9 % des projets de recrutement sont jugés difficiles par les entreprises, soit 13 points de plus qu’en 2021.

Les employeurs, et ici la CPME, attribuent régulièrement ces difficultés à la pénurie de personnel qualifié et à l’inadéquation entre les compétences recherchées et les compétences des candidats. Selon l’enquête de la CPME, 74 % des chefs d’entreprise concernés se plaignent de l’« absence de candidats », quand 47 % invoquent le manque de compétences.

Mauvaises conditions de travail et bas salaires

Au-delà de la conjoncture économique défavorable, le président de l’organisation patronale s’étonne du turnover important rencontré par un dirigeant interrogé sur quatre : « La moitié des salariés qui partent le font pour se consacrer à un projet personnel, sans reprendre d’emploi. On touche du doigt les conséquences post-Covid, c’est un phénomène de société. Et nous, employeurs, restons désarmés par rapport à cela », déplore François Asselin, qui évoque aussi les nombreux salariés ayant changé de secteur depuis la crise Covid.

Ces raisons ne suffisent pourtant pas à justifier l’impossibilité de trouver des profils dans les secteurs en tension : les bas salaires et les mauvaises conditions de travail en sont la principale cause, démontrait encore une étude de la direction de l’animation de la recherche et des études et des statistiques (Dares) du ministère du travail, publiée en juin (« Quelles sont les conditions de travail qui contribuent le plus aux difficultés de recrutement dans le secteur privé ? », Analyses n° 26, Dares, juin 2022).

« Quand on croise les difficultés de recrutement avec la difficulté des conditions de travail mentionnée par les employeurs, ce sont ceux qui présentent les conditions les plus difficiles en termes d’horaires, de pénibilité, de difficulté à faire un travail de qualité qui n’arrivent pas à recruter », explique Thomas Coutrot, économiste et auteur de l’étude.

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Dans les entreprises, une prise de conscience encore très limitée des enjeux liés aux canicules

Sur un chantier de construction à Savenay, près de Nantes, le 18 juillet 2022.

« Je travaille dans un bâtiment entièrement exposé au soleil et en grande partie vitré. La climatisation est en panne depuis plus d’un an et, malgré de nombreuses relances, rien, raconte une animatrice culturelle pour la mairie de Paris, qui a répondu à un appel à témoignage du Monde.fr. Nos solutions ? Du système D : des couvertures de survie sur certaines fenêtres, des torchons mouillés sur les épaules, un parasol et un tuyau brumisateur pour notre espace extérieur (tout ça à nos frais) et des relances. Pendant ce temps, on prend sur nous et certains collègues font des malaises. »

Si le code du travail ne prévoit pas de seuil de température au-delà duquel un salarié pourrait s’arrêter de travailler, l’Institut national de recherche et de sécurité pour la santé et la sécurité au travail (INRS) estime que la chaleur peut constituer un risque « au-delà de 30 degrés pour une activité sédentaire, et de 28 degrés pour un travail nécessitant une activité physique ».

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L’appréciation de la situation revient exclusivement à l’employeur, chargé d’assurer la santé et la sécurité de ses salariés : il a simplement l’obligation de noter dans le « document unique d’évaluation des risques » les dangers liés aux « ambiances thermiques », et de mettre en œuvre des actions de prévention. Il doit aussi fournir de l’eau fraîche et potable, et vérifier que la ventilation des locaux de travail est correcte et conforme à la réglementation. En cas de vigilance rouge, des mesures d’aménagement de l’organisation du travail sont encouragées, et doivent être ajustées chaque jour.

Les métiers d’extérieur rodés

Les métiers en extérieur sont bien sûr les plus concernés par les périodes de chaleur. Dans le secteur du bâtiment et des travaux publics, les obligations de l’employeur sont plus précises : ce dernier doit « mettre à la disposition des travailleurs un local de repos adapté aux conditions climatiques », et trois litres d’eau potable et fraîche par jour. Les entreprises sont maintenant rodées : « On a un organisme de prévention assez fantastique, qui fait des fiches sur tous les sujets possibles en période de canicule pour nos adhérents », se satisfait Olivier Salleron, président de la Fédération française du bâtiment, organisation professionnelle du BTP. Au-delà de la mise à disposition d’une zone au frais, d’eau et de protections, « le réflexe évident, c’est d’adapter les horaires, de les rendre flexibles à l’échelle d’une ou de plusieurs semaines de chaleur : commencer à 6 heures un jour de canicule, puis à 8 heures un jour plus frais… Il faut aussi adapter les tâches aux conditions. »

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Chez Louvre Hotels, trois établissements en grève depuis 55 jours

Assis dans des fauteuils de camping et sur des bidons en plastique, ils lèvent les bras et crient « merci ! » quand un chauffeur de bus ou les pompiers klaxonnent en signe de soutien en passant devant leur piquet de grève installé près de l’entrée de l’hôtel Campanile de Suresnes (Hauts-de-Seine) et de l’hôtel Première classe, tout proche, qui ont le même personnel. « Maltraitance salariale », « Non-respect des conditions de travail », peut-on lire sur leur banderole.

Ce sont des femmes de chambre, lingères, employés polyvalents, etc., soit vingt-quatre salariés grévistes sur soixante-cinq, selon la CGT (20 % à 30 % de l’effectif, d’après la direction), qui sont présents six jours sur sept, depuis… le 26 mai. Un mouvement lancé par la CGT-Hôtels de prestige et économiques (CGT-HPE) et coordonné avec les grévistes de deux autres établissements du groupe Louvre Hotels : le Campanile de Gennevilliers (Hauts-de-Seine) et le Golden Tulip Villa Massalia de Marseille.

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Aucune négociation n’est en cours. « On sent qu’on est considérés comme des moins que rien », dénonce Ali Djoumoi, élu CGT-HPE au comité social et économique (CSE), à Suresnes. En 2012, une grève de 28 jours avait permis l’internalisation des salariés du nettoyage employés par un sous-traitant, ce qui avait fait tache d’huile dans d’autres hôtels.

« Je m’arrête seulement lorsque je souffre trop »

Mardi 19 juillet, les grévistes des trois sites organisent un rassemblement devant le Campanile La Villette, à Paris, pour « montrer [leur] force et [leur] solidarité », mais aussi renflouer leur « caisse de grève », précise Fouad Slimani, délégué syndical CGT-HPE au CSE central de Louvre Hotels. Rachel Kéké, la députée Nupes et ex-gréviste CGT-HPE à l’hôtel Ibis Batignolles, à Paris, y est attendue.

Laura Benoumechiara, directrice des ressources humaines de Louvre Hotels, évoque « une grève minoritaire dans le groupe », qui compte près de deux cents établissements. Leur revendication phare : une hausse de salaire de 300 euros nets, portée par la CGT au niveau national, ainsi qu’une prime d’ancienneté et une meilleure prise en charge des arrêts maladie.

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« Certaines salariées qui souffrent du dos ne prennent pas leur arrêt maladie, car souvent les indemnités journalières sont payées avec quinze jours ou un mois de retard », souligne une salariée du Campanile de Gennevilliers. « Il y a quatre ans, en tirant les gros sacs de serviettes sales, je me suis fait une déchirure musculaire à la hanche, témoigne une lingère. Le médecin m’avait proposé un arrêt, que j’ai refusé. Je m’arrête seulement lorsque je souffre trop. » Une collègue, première femme de chambre (elle peut remplacer la gouvernante) a, elle, « un problème de diabète avec insuline. Le médecin a voulu m’arrêter, car j’étais très fatiguée, ma tension était trop élevée. J’ai refusé, en me souvenant qu’en 2019, lorsque j’ai été hospitalisée trois semaines, je n’ai pas eu de quoi payer le loyer ensuite. J’ai dû demander de l’aide. »

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Refaire le monde depuis son potager : l’engouement pour les formations à la permaculture

FactuelCette méthode alternative de production agricole séduit une jeunesse inquiète face à la dégradation continue de l’environnement et désireuse de renouer avec la terre.

Une trentaine de jeunes quittent leur tente et se regroupent sous l’ancienne étable, où s’amoncellent vieilles machines agricoles, palettes et boulonnerie de toute sorte. Hébergés dans l’Oasis du Grand Matrignat (Ain), une ferme bressane traditionnelle reconvertie en lieu alternatif et écologique, les premiers arrivés s’installent sur les canapés usés, les autres s’assoient à même la paille et étirent leurs corps bronzés, après plusieurs jours passés à scier, cueillir, creuser.

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Le cercle de parole peut commencer. On loue le goût de la soupe de plantes sauvages, on décortique la complexité de la construction de la serre autonome en énergie, on livre des recommandations pour une bonne utilisation de la sciure dans les toilettes sèches. Les participants de cette initiation à la permaculture, en passant par l’écoconstruction, la métallurgie et les plantes médicinales et comestibles, se répartissent ensuite en différents ateliers : cueillette sauvage avec un ethnobotaniste, construction d’un poulailler mobile, d’une tiny house et d’une serre.

L’association The Northern Lights organise un programme autour de la permaculture, à Saint-Nizier-le-Bouchoux (Ain), le 7 juillet 2022.

Expérimentation et d’apprentissage

Financée par Erasmus+, la formation est orchestrée par Romain Cavillon, 30 ans, ancien ingénieur mécanique qui a démissionné d’Alstom en 2016. Après sa rupture professionnelle, il s’est formé à la médecine chinoise, a acheté un camion et est parti pour un tour du monde des écovillages, où il découvre la permaculture. En 2021, le trentenaire rachète la ferme familiale, qu’il transforme en endroit d’expérimentation et d’apprentissage sur les pratiques de l’agriculture régénératrice. Ses séminaires font le plein : « J’ai reçu près de cent candidatures pour une trentaine de places. La formation est financée par l’Europe, les participants paient seulement 90 euros, une somme symbolique qui nous permet d’avoir un public vraiment engagé, et qui ne vient pas faire du tourisme. »

Romain Cavillon, porteur du projet The Northern lights et du programme Erasmus+, dans sa ferme, à Saint-Nizier-le-Bouchoux (Ain), le 7 juillet 2022.

« On n’a pas tous les mêmes parcours ni le même âge, mais nous voulons tous lutter contre le désastre écologique »

Originaires de toute l’Europe, les participants ont entre 25 et 35 ans, étudient la biologie comme les sciences politiques, sont parfois en rupture professionnelle. La majorité a rejoint le stage en covoiturage, pour limiter son empreinte carbone. « On n’a pas tous les mêmes parcours ni le même âge, mais nous voulons tous lutter contre le désastre écologique », résume Clara Schade-Poulsen. Dans le cadre de ses études de sciences politiques et anthropologie à la School of Oriental and African Studies à Londres, cette Italo-Danoise de 23 ans est partie en Norvège pour documenter la résistance de la population aux éoliennes terrestres : « J’ai été séduite par l’approche globale de la permaculture, qui repose sur trois principes : prendre soin des humains, prendre soin de la terre, partager équitablement les ressources. »

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Smic : l’exécutif veut mettre la pression sur le patronat

Quand l’Etat pousse le secteur privé à négocier sur les salaires, il a du mal à être pris au sérieux. Démonstration en est faite, une fois de plus, avec le projet de loi « pour la protection du pouvoir d’achat », que l’Assemblée nationale examine en séance publique à partir de lundi 18 juillet. Le texte cherche à mettre la pression sur les branches professionnelles qui tardent à ajuster leurs grilles de rémunération en fonction de l’évolution du smic. Mais son efficacité est mise en doute, en particulier par la gauche, qui y voit une « menace en peau de lapin », selon la formule de Pierre Dharréville, député communiste des Bouches-du-Rhône.

La mesure incriminée vise à résoudre un problème qui ne date pas d’hier mais dont l’ampleur s’est récemment accentuée. Depuis octobre 2021, le smic a été revalorisé à trois reprises, atteignant désormais un peu plus de 1 302 euros net par mois (pour un temps plein). Ces réajustements successifs ont été décidés conformément à la loi, qui vise à garantir que la rémunération minimale progresse au moins aussi vite que l’inflation.

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Mais de nombreuses branches professionnelles n’arrivent pas à tenir le rythme. Sur les 171 qui sont suivies par le ministère du travail, 112 avaient, au 1er juillet, une convention collective contenant au moins un coefficient de rémunération sous le smic. Ces situations de « non-conformité » renvoient aux difficultés que le patronat et les syndicats rencontrent pour trouver des accords dans un délai raisonnable, à l’échelon de secteurs d’activité. Parfois, il y a même des blocages structurels, comme dans le monde de la prévention-sécurité, dont la grille affiche trois niveaux de salaires inférieurs au smic, d’après la direction générale du travail.

« Occasion manquée »

Dans ces cas-là, les chefs d’entreprise sont tout de même tenus de verser le minimum légal à leurs personnels mais des travailleurs, situés dans les premiers coefficients des conventions collectives, peuvent se retrouver payés au smic, lequel a été revalorisé, faute de discussion entre les partenaires sociaux pour rehausser les grilles.

Le projet de loi tente de corriger de telles anomalies : désormais, les branches retardataires pourront être fusionnées avec d’autres si leur accord collectif ne respecte pas le minimum légal. Le but est de les « inciter à négocier » et « d’assurer la conformité de leurs minima au smic », indique l’exposé des motifs du texte.

Beaucoup de députés ont jugé cette innovation bien timide, lors des débats en commission des affaires sociales, mercredi 13 juillet. François Ruffin, élu La France insoumise de la Somme, y a vu « une manière de se décharger de nos responsabilités et de ne pas les prendre », résumant ainsi l’état d’esprit de bon nombre de ses pairs de la Nouvelle Union populaire écologique et sociale.

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