Archive dans 2022

La justice annule la sanction contre un inspecteur du travail

Deux ans et demi après avoir été sanctionné par sa hiérarchie, un inspecteur du travail vient d’obtenir réparation devant la justice. Le tribunal administratif de Nancy a annulé, jeudi 20 octobre, la décision de « déplacement d’office » qui avait été prise en 2020 à l’encontre d’Anthony Smith. Les magistrats ont estimé que la mesure était « disproportionnée au regard de la gravité des fautes commises ». Le jugement intervient dans un conflit qui avait provoqué de gros remous au ministère du travail et suscité une intense campagne de mobilisation en faveur du fonctionnaire.

Dans l’administration où il exerce son activité, Anthony Smith est un personnage connu. Il a été responsable, durant plusieurs années, du syndicat CGT travail-emploi-formation professionnelle. Les faits qui lui sont reprochés remontent au début de la crise sanitaire. Sa hiérarchie l’accusait alors d’avoir « méconnu, de manière délibérée, grave et répétée, les instructions » qui avaient été données aux inspecteurs du travail, durant l’épidémie de Covid-19.

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L’un des principaux griefs portait sur la manière dont il était intervenu chez l’Aradopa, une importante association d’aide à domicile implantée à Reims (Marne) – la ville où M. Smith était en poste, à l’époque. L’agent de contrôle s’était manifesté à plusieurs reprises auprès de la direction de cette structure pour qu’elle protège ses collaborateurs contre le risque d’infection par le coronavirus. Il avait notamment exigé l’octroi aux salariés de masques de « type FFP2 ou FFP3 », ce qui avait été jugé contraire à « la doctrine sanitaire nationale », puisque de tels équipements étaient réservés aux soignants et ne se justifiaient pas pour les personnels de l’Aradopa.

Forte émotion

A la mi-avril 2020, la direction générale du travail (DGT) avait suspendu M. Smith en faisant connaître sa décision par un communiqué de presse très dur : les « agissements » de ce fonctionnaire « nuisent à l’action du système d’inspection du travail, à son efficacité et à l’esprit qui doit l’animer dans cette période de crise », avait-elle indiqué. Une procédure disciplinaire avait été engagée, débouchant, en août de la même année, sur une mutation d’office en Seine-et-Marne, à quelque 200 kilomètres du domicile de M. Smith.

L’affaire avait créé une forte émotion. Cinq syndicats du ministère du travail (CGT, CNT, FO, FSU, SUD) avaient dénoncé une « action folle de répression » à l’égard d’un agent coupable de n’avoir « fait que son devoir ». Un comité de soutien avait été mis en place, sous la houlette de Thomas Portes, aujourd’hui député La France insoumise (LFI) de Seine-Saint-Denis. De nombreuses personnalités, issues d’horizons variés, avaient exprimé leur solidarité : Jean-Luc Mélenchon, le chef de file de LFI ; Philippe Martinez, le leader de la CGT, ainsi que l’un de ses prédécesseurs, Bernard Thibault ; le cinéaste Jean-Louis Comolli ; l’athlète Yohann Diniz…

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Dans les transports franciliens, le télétravail n’a pas fait disparaître les heures de pointe

Quai du RER E, à Fontenay-sous-Bois (Val-de-Marne), le 18 octobre 2022.

Si le télétravail contribue à vider les transports en commun franciliens de ses usagers le vendredi, il n’empêche pas les salariés de retrouver des métros et RER bondés aux heures de pointe les autres jours ouvrés. C’est la conclusion en demi-teinte d’une étude sur la fréquentation des transports franciliens, menée pour la troisième année de suite par l’Institut Paris Région, en partenariat avec Transilien SNCF, la Mass Transit Academy et les bureaux d’études Hove et Sustainable Mobilities.

Rendue publique jeudi 20 octobre, cette enquête d’ampleur compile différentes sources, pour dresser un panorama des habitudes de déplacement des Franciliens : les données de trafic en Ile-de-France, l’analyse des traces GPS d’habitants de la région ainsi que deux sondages menés par BVA auprès de clients des lignes de transports et de télétravailleurs.

Selon ces données, les Franciliens se déplacent moins en transports en commun qu’avant la crise : depuis le printemps 2022, la fréquentation du mass transit (réseau ferré, hors bus) a seulement retrouvé entre 80 % et 85 % de son niveau d’avant-Covid-19. Un phénomène alimenté par le télétravail, « devenu une donnée structurelle », fait valoir la directrice Transilien SNCF, Sylvie Charles.

Cette moyenne cache une fréquentation très variable : selon les conclusions de la note d’analyse publiée par Paris Région, « le vendredi connaît désormais un écart de fréquentation de 18 % par rapport au mardi », à l’heure de pointe du matin. Le même écart se retrouve au niveau des réseaux routiers (16 %) et atteint un pic sur les pistes cyclables parisiennes (30 %).

Le RER A reste moins fréquenté qu’avant la crise

Les différences de fréquentation entre les lignes sont aussi notables. Sur le RER B, utilisé majoritairement par les travailleurs de « première ligne », « on a assez rapidement retrouvé les niveaux de 2019 », note Sylvie Charles. Mais, sur la ligne du RER A en direction de la Défense, quartier d’affaires principalement fréquenté par des cadres susceptibles de bénéficier du télétravail, « on n’a toujours pas retrouvé ces niveaux, y compris aux heures de pointe ».

Certes, avant la pandémie, les transports franciliens étaient déjà moins bondés le vendredi ; mais l’écart maximal était de 7 % avec les jours de la semaine. « Aux mêmes horaires, on constate aujourd’hui des fréquentations du mass transit fortes le mardi et le jeudi, moindres le lundi et le mercredi, très en retrait le vendredi », relève Paris Région.

Un phénomène qui s’explique par le plébiscite du vendredi comme jour de télétravail : d’après l’une des enquêtes menée par BVA pour la SNCF, le vendredi est un jour télétravaillé par 49 % de ceux qui utilisent le réseau ferré des transports en commun franciliens, contre 31 % pour le mardi.

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Les comptes de l’assurance-chômage excédentaires pour la première fois depuis 2008

Dans le contexte économique actuel, aussi particulier qu’incertain, les bonnes nouvelles s’accompagnent de la plus grande prudence. Aucune euphorie n’a ainsi entouré la publication, jeudi 20 octobre, des prévisions financières de l’Unédic, l’association paritaire chargée de la gestion de l’assurance-chômage. Le moment avait pourtant quelque chose d’inédit par son caractère positif : cette année, le régime est pour la première fois excédentaire depuis 2008, à + 4,4 milliards d’euros. Un chiffre d’autant plus remarquable qu’il est plus de deux fois supérieur à ce que prévoyait l’organisme en juin. Surtout, ce dernier table sur un résultat du même ordre (+ 4,2 milliards d’euros) en 2023 et en 2024.

« On se garde bien de parler d’excédent budgétaire, mais plutôt de solde positif, avec notre niveau de dette », a nuancé le vice-président de l’Unédic, Jean-Eudes Tesson, membre du Medef, lors d’une conférence de presse au siège de l’organisme, jeudi. Il n’empêche, la bonne santé de l’assurance-chômage permet à l’Unédic d’accélérer le remboursement de cette dette, qui demeure certes toujours importante, à 59,2 milliards d’euros fin 2022. Parmi lesquels figurent les 18,4 milliards d’euros de dette Covid, dont la question du traitement n’est toujours pas réglée avec le gouvernement. Dette Covid mise à part, l’Unédic espère retrouver en 2024 un niveau d’endettement inférieur (32,8 milliards) à son niveau d’avant crise (36,8 milliards).

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Les comptes de l’assurance-chômage tirent notamment parti des créations d’emploi, qui restent en dynamique en 2022 (+ 246 000) malgré le ralentissement de l’activité économique (hausse du produit intérieur brut de 2,5 % sur un an, contre 6,8 % en 2021), selon la note diffusée par les services du régime. Un phénomène qui stimule les cotisations sociales, et, donc, les recettes du régime. Ce dernier prévoit cependant un coup d’arrêt en 2023, tant pour les créations d’emploi (- 6 000) que pour la croissance (+ 0,3 % du PIB) avant un rebond en 2024 (+ 92 000 créations d’emplois et 1,6 % de croissance).

Le double effet de l’inflation

L’inflation joue également un rôle important dans les comptes de l’Unédic, avec deux effets opposés. Un premier positif pour les recettes, avec l’augmentation des salaires et donc de la masse salariale. Mais ce paramètre aura en revanche des conséquences négatives à plus long terme et « se traduira par une progression plus soutenue de l’allocation journalière versée aux demandeurs d’emploi », selon l’Unédic. En effet, les nouveaux allocataires qui entreront dans le système auront des salaires plus élevés et, en conséquence, des indemnités plus importantes.

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Covid-19 : la justice donne raison à Anthony Smith, inspecteur du travail sanctionné pour avoir exigé des masques pour des salariés

L’inspecteur du travail Anthony Smith, à Paris, le 7 mai 2022.

Le tribunal administratif de Nancy a annulé, jeudi 20 octobre, la sanction prononcée contre Anthony Smith, inspecteur du travail mis à pied, puis muté, en 2020, pour avoir désobéi à sa hiérarchie au début de l’épidémie de Covid-19. « Ce jugement confirme qu’Anthony n’a fait que son métier » et « vient éclairer le caractère purement politique de la sanction », s’est rapidement félicité son comité de soutien dans un communiqué publié sur Twitter.

Il était reproché à M. Smith d’avoir exigé la mise à disposition d’équipements de protection individuelle, notamment des masques, et la mise en œuvre de mesures de protection contre le Covid-19, au bénéfice de salariées d’une association d’aide à domicile de la Marne, à une époque où les masques, qui faisaient défaut, n’étaient pas obligatoires.

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L’inspecteur avait été mis à pied en avril 2020, en plein confinement, alors que Muriel Pénicaud était ministre du travail. Sa successeure, Elisabeth Borne, l’actuelle première ministre, avait ensuite transformé la sanction en mutation d’office en Seine-et-Marne, avant de prononcer finalement une mutation dans la Meuse, plus proche du domicile de M. Smith. Mme Borne avait critiqué la gestion de l’affaire par le chef de la direction générale du travail de l’époque, qui a par la suite démissionné.

Une sanction « disproportionnée »

A l’audience devant le tribunal administratif, en septembre, la rapporteuse publique avait requis l’annulation de la sanction, la jugeant « disproportionnée compte tenu de la faible gravité des faits reprochés ». « Ce dossier est vide, je n’ai fait que mon travail d’inspecteur du travail », avait affirmé M. Smith, entouré par plusieurs dizaines de personnes, dont les députées « insoumis » Mathilde Panot et Caroline Fiat, venues le soutenir.

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Il avait dénoncé une sanction prise « pour des raisons politiques » et une « attaque contre les inspecteurs et inspectrices du travail ». Son avocat, Me Renaud Fages, avait, quant à lui, évoqué un « dossier monté de toutes pièces », « pour taper sur un syndicat, la CGT », dont Anthony Smith est adhérent.

Le Monde avec AFP

Retraites complémentaires : l’exécutif revoit sa copie

 Elisabeth Borne au côté du ministre du travail, Olivier Dussopt, à la sortie du conseil des ministres, à l’Elysée, à Paris, le 19 octobre 2022.

Le gouvernement retouche une mesure qui mécontente au plus haut point les syndicats et le patronat. Inscrite dans le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2023, elle porte sur le prélèvement des cotisations Agirc-Arrco, qui financent les retraites complémentaires du privé. La collecte de ces contributions sera finalement transférée au réseau des Urssaf à partir de 2024 et non pas de 2023, comme le prévoyait le texte au départ. Cet arbitrage a été officialisé, mercredi 19 octobre, à la veille de l’ouverture des débats en séance à l’Assemblée nationale.

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Sous des dehors techniques, le dossier recèle, en réalité, de forts enjeux politiques. A l’heure actuelle, le recouvrement des cotisations de retraites complémentaires incombe à des organismes rassemblés sous la bannière de l’Agirc-Arrco – un dispositif paritaire copiloté par les syndicats de salariés et les mouvements d’employeurs. Il y a plusieurs années, décision a été prise de confier aux Urssaf la perception de ces contributions. Le but affiché est de simplifier la vie des entreprises et d’optimiser les opérations de prélèvement.

Les partenaires sociaux désapprouvent la démarche, car elle risque, selon eux, d’altérer la qualité du calcul des droits, donc le montant de la pension complémentaire. Ils s’interrogent également sur une opération qui pourrait préfigurer la captation par l’Etat des ressources du régime tout en portant atteinte au fonctionnement paritaire de celui-ci. A plusieurs reprises, ils ont interpellé le gouvernement pour lui demander de renoncer à son projet ou – s’agissant de la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME) – de le remettre à plus tard.

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« Les problèmes restent entiers »

Le pouvoir en place, qui réfute les arguments des syndicats et du patronat, a seulement accepté de revoir les dates de mise en application de la réforme. Ainsi, dans sa version initiale, le PLFSS a prévu un transfert du recouvrement en deux temps : à partir du début de 2023 pour les entreprises de plus de 250 personnes et l’année suivante s’agissant des autres. Mais durant l’examen du texte par la commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale, les oppositions sont montées au créneau. Le lien entre cotisations et droits « pourrait ne plus être convenablement assuré demain », ce qui laisse planer la menace de « dérèglements sévères » au détriment des assurés, a déclaré Thibault Bazin (LR, Meurthe-et-Moselle). Des élus LR et du groupe Démocrate ont déposé des amendements entraînant l’abandon du transfert, qui ont été votés avec le concours de la gauche, contre l’avis de la rapporteure générale, Stéphanie Rist (Renaissance, Loiret).

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A Cuneo, en Italie, dans les coulisses d’une usine Michelin

Des robots permettant le transport des pneumatiques vers la presse de cuisson, à Cuneo (Italie), en 2022.

C’est l’un des secrets les mieux gardés de l’industrie française : l’usine Michelin. Le groupe de Clermont-Ferrand fait parfois visiter son laboratoire de recherche, ses pistes d’essai, son centre d’apprentissage et, bien sûr, son musée, mais jamais les usines de production de pneus. Pourtant, tout change.

Les industriels doivent ouvrir leurs portes pour montrer leurs trésors de technologie et dépoussiérer leur image auprès des jeunes, dont la majorité pense qu’il ne s’agit pas d’un secteur d’avenir. Ils entendent aussi démontrer qu’ils ne sont pas indifférents aux questions climatiques et aux ressources limitées de la planète. A fortiori lorsque l’entreprise produit des pneus pour les voitures haut de gamme, ces lourds SUV que combattent les écologistes…

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Michelin a donc ouvert à la presse les portes de son usine de Cuneo, dans le Piémont (nord-ouest de l’Italie), mercredi 5 octobre. Dans cette ville de 55 000 habitants, tout près des Alpes-Maritimes, l’équipementier emploie 2 200 personnes. C’est son deuxième plus gros site de production en Europe, après celui d’Olsztyn, en Pologne (plus de 4 000 salariés). On y fabrique 13 millions de pneus de voitures de tourisme par an. L’usine, gigantesque, s’étale sur 1 kilomètre carré.

De l’extérieur, elle ne semble pas avoir beaucoup changé depuis sa création, en 1963. Mais une fois la barrière d’entrée franchie, surprise : un camion, ou plus précisément une remorque bleue Michelin, se déplace sans bruit et, surtout, sans cabine ni chauffeur. « Un AGV », précise le responsable de l’innovation pour l’Italie, Marco Mangialardo : un automated guided vehicle ou « véhicule à guidage automatique ». Ils remplacent l’ancienne flotte de camions qui transportaient les pneus dans l’enceinte du site et permettent d’économiser 50 tonnes de dioxyde de carbone par an.

Une révolution culturelle

Les chiffres sur la multiplication des robots et les réductions d’émission rythmeront la visite. Dès 2012, le groupe s’est fixé des objectifs de baisse de son empreinte carbone. Il est désormais en ordre de marche pour atteindre « zéro émission nette d’ici à 2050 ». Le but ? Un recul de 50 % par rapport à 2010, dès 2030. Eclairage d’usine passé en LED, isolation des bâtiments, installation de pompes à chaleur, nouvelles machines : comparativement à 2010, le groupe a déjà diminué sa consommation d’énergie de 18 % et vise une réduction de 37 % en 2030 et de 60 % en 2050.

L’énergie « verte » doit passer de 22 % en 2022 (achats de certificats d’énergie compris) à 100 %. La centrale électrique, avec ses impressionnantes cheminées à l’entrée du site de Cuneo – un partenariat avec Engie –, va donc bientôt s’arrêter. Elle est en bout de course et sera remplacée en 2023 par une autre dite « trigénération », qui pourra fonctionner au fioul ou au gaz, mais surtout à la biomasse.

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Chez TotalEnergies, à Feyzin, la grève se poursuit, et le tribunal administratif de Lyon examine la légitimité des réquisitions de personnels

Une station TotalEnergies fermée devant la raffinerie de Feyzin (Rhône), le 19 octobre 2022.

La grève devrait se poursuivre à la raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), au sud de la métropole de Lyon. « Ils ne lèveront pas la grève, tant qu’il n’y aura pas du concret sur la table », a déclaré, dans la soirée du mercredi 19 octobre, Pedro Afonso, en sortant d’une réunion de plus de trois heures avec la direction du site pétrolier.

Selon le délégué CGT, le cadre des discussions a évolué, passant d’une revendication nationale sur les revenus à des négociations au niveau local, entre salariés et directions de chaque site de TotalEnergies. A Feyzin, l’heure n’est donc plus à l’augmentation des salaires. Les grévistes ont listé dix points de réclamation, dont l’embauche de quatre ouvriers en contrats précaires. Ils n’ont obtenu que la promesse d’un investissement pour améliorer le système de chargement dans le service expédition, sans certitude.

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« Nous avons un problème de confiance avec la direction, nous voulons un bon de commande de ce matériel », a précisé M. Afonso. La reconduite de la grève doit se voter tôt dans la matinée du jeudi 20 octobre. « Je pense que les grévistes seront très déçus », a insisté le syndicaliste, dont la voix était couverte par le vrombissement des camions-citernes sortant de la raffinerie.

« Il faut faire quelque chose, sinon le pays s’arrête »

Près de deux cents camions ont pu sortir du site de Feyzin au cours de la journée de mercredi, pour approvisionner les stations-service de la région Auvergne-Rhône-Alpes, contre cinquante pour la journée de lundi. Signe évident que les deux arrêtés de réquisition du personnel, pris par le préfet du Rhône cette semaine, ont pour effet de rétablir une activité quasi-normale.

Parmi la dizaine de salariés réquisitionnés dans le service expédition de TotalEnergies de Feyzin, trois l’ont été dans le chargement ferroviaire, pour des convois à destination de la région Bourgogne-Franche-Comté. Les immenses cuves de réserves du site de Feyzin, visibles depuis l’autoroute A7 dans le couloir de la chimie, alimentent 51 % des besoins en carburants de la région Auvergne-Rhône-Alpes.

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« Il faut faire quelque chose, sinon le pays s’arrête », a solennellement déclaré Ivan Bouchier. Le préfet délégué à la sécurité et à la défense pour la zone de défense sud-est a tenu à défendre en personne « la légitimité » des réquisitions préfectorales, à l’audience du tribunal administratif de Lyon, mercredi après-midi. Car au moment où les syndicats négociaient à Feyzin, leurs avocats soutenaient un référé-liberté auprès de la justice administrative, pour réclamer la suspension des arrêtés de réquisitions des personnels de TotalEnergies.

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Chez TotalEnergies, le mouvement de grève s’essouffle

La raffinerie TotalEnergies de Feyzin (Rhône), le 19 octobre 2022.

La première brèche est venue de la raffinerie de Donges (Loire-Atlantique), quand les salariés ont voté la levée de la grève en assemblée générale, mercredi 19 octobre, à la mi-journée. Dans la soirée, les équipes de nuit de Mardyck (Nord) et de La Mède (Bouches-du-Rhône) optaient également pour sa « suspension », quand ceux de Gonfreville-l’Orcher (Seine-Maritime) et Feyzin (Rhône) votaient sa reconduite, mercredi soir, puis jeudi 20 octobre au matin.

Après plus de trois semaines d’une grève perturbant fortement l’approvisionnement des stations-service en carburant, le mouvement s’effiloche. Plusieurs événements l’ayant fragilisé ces derniers jours.

D’abord, l’accord signé, vendredi 14 octobre, entre la direction du groupe et les syndicats CFDT et CFE-CGC, majoritaires ensemble, qui n’a pas satisfait la CGT. Il prévoit notamment 5 % d’augmentation générale pour tous les ouvriers et techniciens.

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Ensuite, les réquisitions ordonnées dès jeudi 13 octobre par le gouvernement. Dès le lendemain, des grévistes ont été réquisitionnés au dépôt de Mardyck, stratégique pour l’approvisionnement des Hauts-de-France. Puis, lundi, à Mardyck et à Feyzin, où dix salariés étaient encore réquisitionnés, mercredi. « Les réquisitions, ça met la pression, confiait, dès leur annonce, Thierry Defresne, secrétaire CGT du comité européen TotalEnergies. Personne n’a envie de voir la police le lever le matin et lui dire devant ses enfants : “toi, tu vas au boulot !” Ni d’encourir amendes et peines de prison. »

« Nous n’avons plus les leviers pour nous battre »

Depuis, le réapprovisionnement des stations-service a réduit peu à peu l’effet de la grève – à 13 heures, mercredi 19 octobre, 20,3 % des stations-service connaissaient encore des difficultés au niveau national, contre 24,8 % la veille.

Premiers touchés par les réquisitions, la semaine dernière, les salariés d’Esso-ExxonMobil se sont rendus à l’évidence dès vendredi, en mettant fin à leur mouvement de grève entamé le 20 septembre. « Nous n’avons plus les leviers pour nous battre », avait alors expliqué le coordinateur CGT du site, Christophe Aubert.

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Restait, pour les grévistes de TotalEnergies, l’espoir d’un second souffle dans la mobilisation d’autres secteurs, alors que des syndicats de salariés – la CGT, Force ouvrière, la FSU et Solidaires – et des mouvements de jeunesse appelaient à généraliser la grève, lors d’une journée d’action interprofessionnelle, mardi 18 octobre. La journée n’a pas eu l’ampleur espérée, mobilisant, mais guère au-delà des cercles habituels.

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« Les allègements de cotisations n’ont pas d’impact significatif sur l’emploi lorsqu’ils touchent des salaires au-delà de 2,5 smic »

Les finances publiques de la France sortent de la crise du Covid-19 particulièrement dégradées, avec un déficit d’environ 5 % en 2022 et qui ne devrait pas s’améliorer en 2023. Alors que les besoins d’investissement dans l’éducation, la santé ou le changement climatique sont plus pressants que jamais, la crise actuelle du pouvoir d’achat génère de nouveaux transferts d’une ampleur exceptionnelle. Dans ce contexte, il est indispensable de faire une revue exhaustive des dépenses publiques et de réduire les moins efficaces.

Les dépenses en faveur des entreprises ne doivent pas échapper à cette règle, en particulier dans des circonstances où différents impôts qu’elles acquittent (impôts sur les sociétés) ont été ou vont être réduits. Dans cette perspective, une proposition d’amendement à la loi de finance actuellement en discussion à l’Assemblée nationale prévoit de supprimer les exonérations de cotisations employeurs à la branche famille pour les salaires supérieurs à 2,5 smic.

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Le coût annuel pour les finances publiques de l’ensemble des dispositifs d’allégements généraux de cotisations sociales avoisine 60 milliards d’euros en régime de croisière. Ils sont justifiés par leur impact positif sur l’emploi.

Aujourd’hui, ces allègements portent sur les salaires inférieurs à 3,5 smic [le smic s’élève aujourd’hui à 11,07 euros brut de l’heure, soit 1 678,95 euros brut par mois]. Nous considérons qu’il faut distinguer dans ces allègements ceux qui portent sur les bas salaires, utiles pour l’emploi, de ceux qui portent sur les salaires élevés.

Plusieurs évaluations ont montré qu’ils n’ont en effet pas d’impact significatif sur l’emploi lorsqu’ils touchent des salaires au-delà de 2,5 smic (« Baisses de charges : stop ou encore ? », note n° 49, Conseil d’analyse économique, 2019).

Au bénéfice des salaires élevés

Plus récemment, une évaluation de France Stratégie a montré que les baisses de charges associées au crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi (CICE) ont surtout bénéficié aux salaires élevés.

En effet, lorsque le taux de chômage est faible et le pouvoir de négociation élevé, ce qui est davantage le cas des salariés rémunérés au-delà de 2,5 smic, les allègements ont peu d’effet sur l’emploi. Ils se traduisent essentiellement par des augmentations de salaire, car ils attisent la concurrence des entreprises en matière de recrutement.

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Ce phénomène est d’autant plus marqué que les difficultés de recrutement sont fortes, comme actuellement. D’autre part, avec le retour de l’inflation, des mesures qui ciblent directement les ménages semblent plus efficaces que des allègements de charges pour soutenir le pouvoir d’achat de la classe moyenne.

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Les salariés de SFR attendent avec méfiance les orientations stratégiques de la nouvelle direction

La dernière fois que les représentants du personnel de SFR ont été réunis, à l’automne 2020, pour une procédure légale d’information sur les orientations stratégiques de leur entreprise, la direction leur a promis que tout allait bien. Quatre mois plus tard, elle sortait de son chapeau un plan de départs volontaires portant sur 1 700 personnes, soit près d’un salarié sur cinq, ce qui a valu à l’opérateur télécoms d’être condamné pour déloyauté par le tribunal judiciaire de Paris, en septembre 2021.

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Autant dire que la prudence règne à l’orée de la nouvelle consultation sur la stratégie pour les trois prochaines années, lancée mercredi 19 octobre. La procédure doit durer deux mois. Le départ, le 13 octobre, comme l’a révélé La Lettre A, d’Arnaud Billard, le directeur des relations sociales d’Altice France, la maison mère de SFR et d’Altice Média (RMC, BFM…), trois mois seulement après sa prise de fonctions, n’est pas de nature à rassurer. Son prédécesseur, Gabriel Tadjine, n’avait lui-même occupé ce poste que quelques semaines…

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Patrick Drahi renverse la direction de SFR

Début 2022, Grégory Rabuel, le PDG d’Altice France, s’était engagé à l’oral, devant les salariés, à ne pas toucher à l’emploi jusqu’à fin 2023. Mais, depuis, Patrick Drahi, le propriétaire du groupe, a écarté la direction. En plus de M. Rabuel, remercié le 23 août après une année seulement à ce poste, l’actionnaire a révoqué le directeur des activités grand public, Fabien Costa, ainsi que trois directeurs à l’échelon inférieur chez SFR.

« On voudrait savoir où nous allons »

La purge n’est probablement pas terminée. Dans les couloirs, les paris sur le maintien à son poste du directeur financier d’Altice France, Benjamin Haziza, sont ouverts. Le nom de François Vauthier, dont le père, Alain, est un proche de Patrick Drahi, et qui a déjà tenu les cordons de la bourse de SFR entre 2016 et 2019, revient avec insistance pour reprendre ce poste-clé. Contacté, un porte-parole de l’opérateur dément le départ de M. Haziza. Il ajoute que la consultation sur les orientations stratégiques est une procédure légale et habituelle, organisée tous les deux ans.

Après quelques mois en retrait, le retour remarqué au siège d’Altice depuis cet été d’Armando Pereira, le fidèle bras droit de Patrick Drahi, n’annonce pas forcément des jours heureux

Après le coup de chaud estival de son actionnaire, la nouvelle direction de l’opérateur joue maintenant la carte de l’apaisement. Les premiers contacts entre Mathieu Cocq, le nouveau PDG de SFR, et les représentants du personnel se sont déroulés dans un bon climat, selon plusieurs sources. « Il s’est dit à l’écoute, ouvert à la discussion et conscient de la difficulté de l’époque, après la crise due au Covid-19 et la montée de l’inflation », indique l’une d’entre elles, sous couvert d’anonymat. Le nouveau PDG a, par exemple, promis d’ouvrir les négociations annuelles obligatoires sur les salaires pour 2023 dès décembre, soit avec quelques mois d’avance sur le calendrier habituel. « Mais on sait que la direction a toujours un train d’avance sur nous et on voudrait savoir où nous allons », se méfie un représentant du personnel.

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