Archive dans 2022

Réforme de l’assurance-chômage : les députés et les sénateurs trouvent un accord

Un compromis à tout prix. Députés et sénateurs ont trouvé, mercredi 9 novembre, un accord en commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi qui ouvre la voie à une nouvelle réforme de l’assurance-chômage. Le gouvernement donne ainsi des gages à la droite et pourra mettre en avant la nouvelle méthode de concertation promise par l’exécutif. « Dialoguer et construire ensemble, c’est pouvoir agir pour le plein-emploi. C’est ce que montre l’accord trouvé par les députés et sénateurs », a ainsi réagi la première ministre, Elisabeth Borne, sur Twitter.

Rien n’a été facile pour arriver à un équilibre sur ce texte qui permet en premier lieu au gouvernement de prolonger les règles actuelles de l’assurance-chômage issues de la réforme de 2018. Il donne aussi la possibilité à l’exécutif de mettre en place, par décret, le principe de modulation des règles d’indemnisation en fonction de la conjoncture économique, promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Car la majorité sénatoriale – Les Républicains (LR) et Union centriste – a fait preuve d’abnégation pour maintenir les mesures qu’elle avait ajoutées pour durcir le texte et qui prévoyaient de ne plus indemniser les salariés qui refuseraient trois propositions de contrat à durée indéterminée (CDI) à l’issue d’un contrat à durée déterminée (CDD) et les intérimaires dès le premier refus. Le compromis trouvé en CMP les reprend finalement en alignant les règles : désormais, deux refus de CDI après un CDD ou un contrat d’intérim sur le même poste entraîneront la perte de l’indemnisation chômage.

Arbitrage de Matignon

Un revers pour le ministre du travail, Olivier Dussopt, qui avait répété son opposition à ces deux principes depuis les premières discussions au Parlement. Après de longues heures de tractation mardi soir jusqu’à mercredi matin, le compromis a finalement été trouvé après arbitrage de Matignon. « La question des refus de CDI a été le point dur des négociations », avoue le rapporteur (Renaissance) du texte à l’Assemblée, Marc Ferracci, qui réaffirme néanmoins sa « réserve » au sujet d’une mesure « dont l’opportunité est discutable et qui sera difficile à appliquer », soulignant le risque de mettre en place « une usine à gaz ». Mais pour le député des Français de l’étranger, « il était important de trouver un compromis, et les sénateurs tenaient absolument à ce point ».

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C’était en effet une « ligne rouge » pour la corapporteuse (LR) du projet de loi au Sénat, Frédérique Puissat, pour qui ces mesures « rappellent que l’assurance-chômage est un système assurantiel » dans lequel « les demandeurs d’emploi peuvent avoir droit à l’allocation de retour à l’emploi dès lors qu’ils sont privés de façon involontaire d’emploi », ce qui n’est pas le cas lorsqu’on refuse un CDI. Le député MoDem d’Eure-et-Loir, Philippe Vigier, qui a porté cette mesure, se félicitait également de cet accord qui « illustre ce que la majorité doit faire : trouver un compromis sans compromission ».

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Les licenciements chez Meta, un revers pour Mark Zuckerberg

Devant les bureaux de Meta, à Londres, mercredi 9 novembre 2022.

« C’est un des changements les plus difficiles que nous ayons faits dans l’histoire de Meta », a concédé Mark Zuckerberg, mercredi 9 novembre, en annonçant 11 000 licenciements dans la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, qu’il a fondée en 2004. Cette vague de licenciements, qui représente 13 % des 87 000 employés, n’est certes pas la plus importante du secteur de la tech. Elon Musk, le nouveau propriétaire de Twitter, vient d’en réduire les effectifs de moitié. Mais les départs chez Meta sont le plan social le plus important des dernières années en valeur absolue dans cette industrie. Il est aussi symbolique : c’est la première fois que l’entreprise, fondée il y a dix-huit ans, licencie. Pour M. Zuckerberg, c’est un revers.

« Je veux assumer la responsabilité de cette décision et les raisons qui nous ont fait en arriver là », a écrit dans une lettre aux employés le dirigeant de 38 ans, se disant « désolé » pour les licenciés. Les salariés écartés recevront quatre mois d’indemnité, plus quinze jours par année d’ancienneté et leur assurance-santé sera conservée pendant six mois. Mais tous ont vu leur accès informatique aux données de l’entreprise coupé immédiatement, par souci de « sécurité », comme chez Twitter.

Pour expliquer la situation, Zuckerberg a reconnu avoir fait une « erreur » d’analyse, avoir trop investi après la pandémie de Covid-19, en raison de la hausse des usages en ligne et de l’e-commerce. « Beaucoup de gens – dont moi – prédisaient que cette accélération serait permanente. Malheureusement, cela ne s’est pas passé comme je l’avais prévu : non seulement l’e-commerce est revenu à sa tendance précédente, mais la dépression macroéconomique, le renforcement de la concurrence et la perte de signaux importants pour la publicité ont fait chuter nos revenus bien plus bas que je l’avais anticipé », argumente le dirigeant, faisant allusion au succès du réseau social TikTok ou à la limitation du ciblage publicitaire par Apple.

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Spirale négative

Meta n’est certes pas la seule entreprise touchée par ces vents contraires : outre Twitter, le service de transport VTC Lyft et la solution de paiement Stripe vont licencier plus de 10 % de leurs salariés. Passé à 1,6 million d’employés, Amazon vient d’annoncer une « pause » des embauches. Même TikTok s’est réorganisé et a licencié quelques cadres en raison du ralentissement économique, selon le Financial Times. Le secteur de la tech a déjà supprimé plus de 100 000 postes cette année, plus que les 80 000 de 2020, année de la pandémie, selon le site Layoffs.

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« Avec le régime actuel d’assurance-chômage des travailleurs frontaliers, les entreprises françaises subventionnent de fait des employeurs étrangers »

L’un des objectifs de la nouvelle loi sur l’assurance-chômage est de rendre l’indemnisation « contracyclique » – c’est-à-dire de faire varier le niveau d’indemnité en fonction inverse de l’état du marché de l’emploi –, au risque de bâtir une nouvelle usine à gaz. Mais, dans le même temps, des chantiers qui permettraient de réaliser d’importantes économies demeurent en déshérence. Par exemple, le régime d’assurance-chômage des frontaliers.

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La France compte près d’un demi-million de résidents qui travaillent chez nos voisins, essentiellement ceux des frontières est et nord. La France est liée à ces pays par une convention multilatérale européenne : l’employeur étranger d’un résident français frontalier acquitte les cotisations dans son pays ; ce frontalier cotise au régime d’assurance-chômage du pays d’emploi. Mais s’il perd son emploi, alors il dépend du régime d’assurance français.

Par exemple, si Marie, habitante d’Annemasse, perd son emploi à Genève, c’est l’agence Pôle emploi d’Annemasse qui la gérera et lui versera une assurance-chômage sur la base des revenus qu’elle percevait en Suisse, et cela même si Marie est citoyenne helvète. Les caisses suisses ne remboursent au maximum que cinq mois d’indemnisation (seulement trois si elle a travaillé moins de douze mois), alors que les durées d’indemnisation des frontaliers licenciés sont bien plus importantes. Comme il n’y a pas de transmission transfrontalière des informations d’embauche, Marie peut même oublier d’avertir Pôle emploi qu’elle a retrouvé un travail en Suisse et continuer un temps à percevoir l’assurance-chômage française.

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Avec toujours plus de Français frontaliers partis répondre aux pénuries de main-d’œuvre de nos voisins, mais aussi de ménages suisses s’établissant en France pour fuir le prix du foncier de leur pays, la France a versé, en 2020, 1,1 milliard d’euros de prestations chômage aux frontaliers et récupéré à peine 200 millions des caisses étrangères. Un trou abyssal, dont les trois quarts avec la Suisse, qui devrait se réduire cette année, mais avoisiner tout de même 600 millions d’euros. Avec ce système, les entreprises françaises subventionnent de fait des employeurs étrangers. Et comme les prestations versées aux frontaliers sont proportionnelles à leurs salaires, les employeurs français des zones frontières peinent à convaincre ces chômeurs de prendre les emplois vacants. Ce phénomène est plus marqué à la frontière suisse : la prestation moyenne mensuelle des frontaliers indemnisés est d’environ 2 700 euros, alors que la moyenne des allocations est, en France, de 1 200 euros.

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« Quelque chose est définitivement reconfiguré par l’urgence écologique » : comment une partie des jeunes ingénieurs sont devenus « technocritiques »

Des militants du groupe écologiste Greenpeace manifestent devant l’Ecole polytechnique contre le lien entre la compagnie pétrolière Total et l’X, à Palaiseau, le 12 mars 2020.

Cérémonies de remise de diplômes « hackées » par des discours anticapitalistes et technocritiques, désertions en série et reconversions de jeunes ingénieurs en quête de sens : un vent de contestation souffle chez les jeunes ingénieurs et dans leurs grandes écoles. Sur ces campus souvent isolés, majoritairement peuplés de garçons formés pour devenir une petite élite activement recherchée par les entreprises, de nouveaux débats ont lieu sur la place de la technologie dans la lutte contre le changement climatique. Comment les jeunes ingénieurs se sont-ils politisés ? Antoine Bouzin, ancien ingénieur devenu doctorant en sociologie au Centre Emile-Durkheim (université de Bordeaux), donne des pistes d’explication.

Entre le discours critique, en novembre 2018, de Clément Choisne, jeune diplômé de Centrale Nantes, et celui des « agro bifurqueurs » d’AgroParisTech en avril, près de quatre ans se sont écoulés, et le malaise des jeunes ingénieurs semble s’aggraver. Comment expliquer ces tensions ?

Mon hypothèse, c’est que dans ces espaces que sont les écoles d’ingénieurs, il y a des prémisses théoriques et conceptuelles qui ne sont plus explicitées. L’évidence veut que tout progrès reste bon en soi et implique nécessairement du progrès social. Cet axiome ne fait plus débat, il est même de mauvais goût de le questionner et cela peut vous faire passer pour un farfelu.

Lors d’un entretien mené dans le cadre de mes recherches sur l’engagement écologique des ingénieurs, un ingénieur en thèse sur les low tech a partagé avec moi le « dégoût » qu’inspirait son sujet aux membres de son laboratoire. Or ce mythe du progrès – qui a été construit pour légitimer la modernisation de la société – a toujours été questionné. La révolte des luddites [des artisans anglais du textile qui, en 1811-1812, se sont attaqués aux machines à tisser] constitue à cet égard une lutte presque archétypale.

Tout au long du XXe siècle, des intellectuels ont questionné cet implicite, comme Jacques Ellul, Ivan Illich ou Bernard Charbonneau. Parmi les ingénieurs, une idée gagne du terrain : les mesures politiques et économiques, prises ces dernières années pour répondre à l’urgence de la crise, n’ont pas été efficientes.

Dans son discours de fin d’études, Clément Choisne, très critique du capitalisme de « surconsommation », concluait par « je doute et je m’écarte ». Quatre ans plus tard, les « agro bifurqueurs » ont la volonté de pointer la chaîne des responsabilités, et de citer la liste de « coupables » : le capitalisme, le techno-solutionnisme, les cadres sup, les sciences et la technique… C’est comme si le rapport à la science était de nouveau discuté alors que les notions de progrès technologiques étaient jusqu’à présent indiscutables.

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Aux Etats-Unis, de jeunes patrons de la Silicon Valley s’en vont

Avis de gros temps sur la côte ouest des Etats-Unis. Plusieurs jeunes patrons de la Silicon Valley s’en vont, poussés dehors par leurs actionnaires, ou tout simplement lassés par la vie d’une start-up devenue adulte. Parag Agrawal vient ainsi d’être remercié à la tête de Twitter par son nouveau propriétaire Elon Musk. Son départ suit de peu celui de Jack Dorsey, et avant lui Dick Costolo.

Ben Silbermann, cofondateur du site Pinterest, a démissionné de son poste de directeur général. Emily Weiss, créatrice du site de produits de beauté Glossier, a abandonné ses responsabilités de directrice générale au jour le jour pour s’occuper de son bébé. Joe Gebbia, l’un des trois piliers d’Airbnb, entend de même se consacrer à sa nouvelle start-up : son enfant. Il évoque avec gourmandise la production future de documentaires, tout en restant conseiller et membre du conseil d’administration de son entreprise.

Pour comprendre ces multiples départs, ou tout du moins ces prises de distance, Josh Lerner, professeur à la Harvard Business School, évoque le cycle de vie de l’univers des capital-risqueurs, les financiers des start-up du high-tech. Quand l’argent circule en abondance, ce qui fut encore le cas durant l’année record de 2021 avec des investissements à hauteur de 344 milliards de dollars (environ 348,5 milliards d’euros), ces financiers sont « enthousiastes, optimistes et laissent les mains libres aux fondateurs ».

« Mentalement épuisant »

En revanche, lorsque pointe la crainte d’une récession, « ils sont beaucoup plus inquiets pour leur retour sur investissement ». « Ils veulent savoir comment et pourquoi les décisions sont prises, insiste le professeur. Ils s’arrogent beaucoup plus de droits de contrôle. Et pour l’entrepreneur, cela devient moins amusant. Il perd la liberté d’adopter des mesures audacieuses et se sent poussé vers la sortie. » Surtout quand la start-up a suffisamment grandi pour atteindre le statut de « Licorne » – valorisée à plus d’un milliard de dollars –, la donne change.

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« Le fondateur de start-up doit montrer beaucoup de courage et de résolution pour bousculer le statu quo, dit Sebastian Mallaby, l’expert en économie internationale du Council on Foreign Relations (CFR), auteur du livre The Power Law. Venture Capital and the Art of Disruption (Allen Lane, non traduit). Le patron d’une entreprise mûre est censé être responsable. Ce n’est donc pas étonnant que des fondateurs couronnés de succès ne le soient plus quand leur entreprise entre en Bourse. » D’où l’éventuel changement de leader.

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Dividende salarié : le coup de pouce de l’inflation

Carnet de bureau. « Ce n’est pas acceptable qu’il y ait, d’un côté, les patrons et l’Etat-patron, et, de l’autre, les ouvriers, en situation d’antagonisme permanent. Il faut que tous ceux qui participent au fonctionnement de l’économie, à la création de richesses, comprennent qu’ils sont embarqués sur le même bateau. » Ces propos ne sont pas ceux d’un syndicaliste revendicatif, mais appartiennent au président Charles de Gaulle, à l’origine de l’ordonnance de 1959 qui posa le principe de l’intéressement des travailleurs aux bénéfices de l’entreprise, puis de celle de 1967 qui créa la participation obligatoire pour les entreprises d’au moins 100 salariés.

« Equilibrer la relation entre rémunération du capital et du travail. C’est l’objectif initial qui était envisagé par le général de Gaulle lors de la création de ces dispositifs », expliquent les auteurs du rapport « Partage de la valeur » de l’Institut Montaigne. C’est toujours le cas, au moment de trouver des solutions pour maintenir le pouvoir d’achat des travailleurs face à l’inflation, avec l’idée d’instaurer un « dividende salarié », moins contraignant que l’intéressement et touchant plus de salariés que la participation actuelle.

Car, après plus d’un demi-siècle, il faut se rendre à l’évidence, le rééquilibrage du partage de la valeur avance à pas de fourmi. Le dernier bilan de la direction générale du Trésor ne comptait toujours que 9 millions de salariés couverts par un dispositif de partage de la valeur en 2018 (soit 50,9 % des salariés du privé), qu’il s’agisse de l’intéressement facultatif ou de la participation obligatoire.

Un nouvel élément de rémunération

Le retour de la hausse de l’inflation serait-il susceptible de déclencher enfin ce rééquilibrage ? Emmanuel Macron a annoncé une prochaine grande conférence sur le partage de la valeur : « Quand il y a une augmentation des dividendes pour les actionnaires, il doit y avoir un mécanisme identique pour les salariés », justifiait-il, le 26 octobre, sur France 2. Et ses équipes d’enchaîner : « Je souhaite qu’avec les partenaires sociaux, nous avancions plus rapidement sur notre proposition de dividende salarié, qui doit donner rapidement des résultats concrets. Une entreprise qui distribue des résultats à ses actionnaires doit aussi distribuer à ses employés », a déclaré le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, à l’ouverture des débats au Sénat le 2 novembre sur la loi de programmation budgétaire.

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La volonté politique est affichée. La majorité des partenaires sociaux sont ouverts à la négociation, mais pas avant fin janvier 2023. Les sujets complexes exigent du temps. Et pour la CGT, la priorité est d’augmenter les salaires. C’est à ce propos qu’un nouveau dispositif pourrait intéresser les DRH. Le dividende salarié est à la fois une prime liée à la performance collective, qui peut nourrir l’engagement des salariés, et un nouvel élément de rémunération.

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Dans la police, pendant les réformes, le malaise persiste

Déjà, le 2 octobre 2019, à l’appel des syndicats de la police nationale, plusieurs milliers de policiers avaient manifesté à Paris lors d’une « Marche de la colère ».

Cet article peut être écouté dans l’application «   La Matinale du Monde  »

Quarante et un suicides depuis le 1er janvier. Déjà cinq de plus qu’en 2021. Le chiffre est encore loin du tragique bilan de l’année 2019, au cours de laquelle 59 fonctionnaires de police s’étaient donné la mort. Mais il dit l’ampleur d’un malaise persistant au sein de l’institution, loin des considérations techniques sur le recrutement ou la réforme de la police judiciaire.

Depuis vingt ans, chaque année, 43 suicides sont recensés en moyenne dans la police. Rapporté au taux constaté sur le plan national (de l’ordre de 14 pour 100 000), celui enregistré au sein de l’institution (28,7 cas pour 100 000) illustre la surexposition des policiers et des policières. Et rien ne semble pouvoir assurer une décrue significative de ces passages à l’acte, favorisés par un accès immédiat aux armes à feu, impliquées dans une majorité de cas.

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Le problème n’est pas nouveau : en avril 2019, déjà, Police Magazine, une publication interne, y consacrait un numéro entier, signe que l’administration prend dorénavant en compte un phénomène longtemps présenté comme la manifestation exclusive de difficultés personnelles ou familiales.

Les causes d’un suicide sont évidemment multifactorielles, mais « un flic qui va mal chez lui arrive dans un commissariat où les vestiaires et les chiottes sont dégueulasses, sans douches ni poubelles pour les serviettes hygiéniques des nanas, tout ça est désastreux », note Stéphanie Eynard, policière en activité et animatrice bénévole de l’association Alerte police en souffrance (APS), comme une quinzaine de ses collègues à travers la France.

« Le premier qui avoue sa faiblesse a perdu »

« Après des journées de dix heures de boulot », au rythme moyen de 200 prises de contact par mois, les membres de l’association s’entretiennent avec leurs collègues en détresse. « Mais nous ne sommes pas des psys, nous orientons simplement », précise Mme Eynard. Pour aider à obtenir de simples documents que l’administration tarde à communiquer, ou fournir des conseils juridiques grâce à des relations « informelles » avec des cabinets d’avocats ou des psychologues du secteur privé, à travers un partenariat avec Assopol, une autre association. Vingt-deux années de service en brigade de nuit puis à la brigade anticriminalité (BAC) et, désormais, dans une unité d’investigation, ont forgé la conviction de Mme Eynard : « Nous sommes d’abord des matricules, donc des dossiers administratifs. »

« Nos personnels sont régulièrement exposés à des situations de violence physique ou sociale, de la souffrance, de la détresse, observe Catherine Pinson, psychologue clinicienne et cheffe du service de soutien psychologique opérationnel de la police (SSPO). Cela induit une usure professionnelle, une accumulation des missions compliquées, avec une dimension émotionnelle très forte. Le traumatisme psychologique ou ces formes d’épuisement constituent des facteurs de risque spécifique. » L’institution, assure Mme Pinson, en a pleinement conscience et a pris les devants en déployant des « vrais moyens » : 122postes de psychologues à temps plein, dont 20 créés pour la seule année 2022.

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La capitaine des « P’tits bateaux », sur France Inter, est débarquée

Avant toute chose, elle voudrait « adresser un grand merci aux auditeurs ». Lorsqu’elle a rendu l’antenne en effet, dimanche 6 novembre, au terme de ce qui devait être son dernier numéro des « P’tits bateaux », Noëlle Bréham ne savait pas qu’elle ne la reprendrait pas le dimanche suivant.

Lundi, la productrice de France Inter a reçu un courrier recommandé lui signifiant son « licenciement pour motif personnel ». Convoquée à un entretien le 10 octobre, elle ne s’y était pas rendue, sur les conseils de son avocat : alors qu’elle réclame un CDI depuis un an – d’abord de gré à gré, par l’intermédiaire de son avocat depuis le printemps –, Noëlle Bréham avait compris qu’elle n’obtiendrait pas gain de cause. « Radio France lui avait proposé un nouveau CDD pour cette saison, explique Maître Yoann Sibille. En cohérence avec sa démarche, ma cliente ne pouvait pas l’accepter. D’où la situation de blocage. » Entrée en 1982 à France Inter, la productrice devrait quitter la maison ronde après « quarante années de CDD successifs », poursuit son défenseur dans un communiqué de presse. A Radio France, les producteurs (présentateurs) signent des contrats à durée déterminée dits « d’usage » (CDDU), attachés aux dates des grilles de programmes.

« Nous voyons partir Noëlle Bréham avec regret », a reconnu Adèle Van Reeth, la directrice de France Inter, dans un mail envoyé aux équipes mardi à la mi-journée. C’est parce que la présentatrice à la voix mutine travaillait depuis septembre en dehors de tout contrat, malgré « de nombreuses relances », insiste la dirigeante, « que son maintien à l’antenne [est] juridiquement impossible ».

Recours aux prud’hommes

La précarité des producteurs de Radio France constitue une source sans cesse renouvelée de recours aux prud’hommes, plus ou moins médiatisés, de la part de ceux dont les émissions s’arrêtent – même s’ils ont plus de 70 ans, cette limite d’âge prévue par la loi n’existant pas pour ces collaborateurs intermittents. Tantôt des transactions interrompent les procédures, tantôt les plaignants obtiennent des indemnités.

La situation financière de Noëlle Bréham était paradoxalement devenue compliquée lorsque la chaîne lui avait proposé d’animer une quotidienne, « La nuit est à vous », en 2015. « Pour pouvoir l’assurer, j’avais quitté l’émission de France 5 “Silence ça pousse”, que je coanimais depuis treize ans, raconte celle qui aura 66 ans le 25 décembre. L’émission n’a duré qu’un an, puis on m’a confié une hebdomadaire comme lot de consolation (« Etat d’esprit » ), qui n’a elle aussi duré qu’une saison. Avec les seuls “P’tits Bateaux”, j’avais un revenu compris entre 1 100 et 1 300 euros par mois, ce qui est peu, quand on vit en région parisienne. »

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Carrefour mise sur le discount, au travers d’une refonte de son modèle commercial

Un magasin Supeco, enseigne discount de Carrefour, à Valenciennes (Nord), le 4 septembre 2019.

« Aujourd’hui, Carrefour est bien mieux armé pour aborder l’avenir. » Tel est le constat fait par Alexandre Bompard, le PDG du groupe de distribution, mardi 8 novembre, lors de l’annonce de son plan stratégique pour les quatre prochaines années, baptisé « Carrefour 2026 ». Pour sa mise en œuvre, l’entreprise, qui a réalisé un chiffre d’affaires de 81,2 milliards d’euros en 2021, augmentera ses investissements, à 2 milliards d’euros par an, contre 1,7 milliard actuellement.

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Après avoir remis l’entreprise à flot depuis son arrivée en juillet 2017, le PDG s’attaque à une refonte de son modèle commercial pour l’adapter à la situation économique inflationniste et aux enjeux écologiques. En France, dans ses magasins, Carrefour ne constate pas de baisse de ses ventes en volume, mais un changement de comportement des consommateurs : ils viennent plus souvent, font des courses plus petites comportant davantage de produits de marque de distributeur et de premiers prix, en recherche les meilleures affaires pour gérer au mieux les fins de mois difficiles.

Un contexte qui pousse Carrefour à accélérer le développement de sa marque propre, qui constituera le pivot de son modèle commercial, avec l’objectif qu’elle réalise 40 % du chiffre d’affaires du groupe sur les produits alimentaires en 2026, contre 33 % en 2022 et 25 % en 2018. « C’est une rupture majeure. Cela veut dire qu’un produit alimentaire sur deux que nous vendrons sera de marque Carrefour », a déclaré, mardi, M. Bompard, depuis le siège de l’entreprise, à Massy (Essonne).

« Produits certifiés durables »

Face aux préoccupations sur le pouvoir d’achat, Carrefour va également importer en France son enseigne de cash & carry, Atacadao, qui cartonne au Brésil, où il devrait compter plus de 470 magasins d’ici à 2026. Ce modèle de vente en gros volumes sur palettes est semblable à celui de Metro ou Costco, ouvert aux particuliers comme aux professionnels, mais sans la contrainte d’une carte ou d’un abonnement pour y faire ses courses. Un premier magasin sera testé en septembre 2023 en Ile-de-France.

Le groupe poursuivra le développement de son autre enseigne de discount Supeco, notamment en Espagne, pour atteindre 200 magasins au total à horizon 2026, soit 80 de plus qu’actuellement. Dernier ressort anticrise, l’hypermarché, dont le modèle semblait pourtant condamné. Il sera un pilier stratégique dans la course aux prix bas. « Je crois en la valeur de ce format. C’est un rempart contre l’inflation, à condition qu’il assume toute sa vocation populaire, et son rôle de premier format discount », a lancé M. Bompard.

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