Archive dans 2022

« Les fabricants du secteur de l’électronique doivent aller au-delà du salaire minimum »

« Quiconque travaille a droit à une rémunération équitable et satisfaisante lui assurant, ainsi qu’à sa famille, une existence conforme à la dignité humaine. » Ce principe fondamental est reconnu par les Nations unies dans la Déclaration universelle des droits de l’homme de 1948 [article 23].

Toute personne ayant un emploi à temps plein devrait en effet non seulement pouvoir se nourrir et se loger mais aussi avoir accès à des soins et à une éducation, pour elle-même et pour sa famille. C’est-à-dire accéder à un salaire de subsistance.

Malheureusement, même dans certains pays, dits industrialisés, cette évidence n’est toujours pas une réalité et les dérives actuelles liées à l’inflation et aux tensions économiques aggravent des inégalités déjà bien installées.

Main-d’œuvre cachée

A l’échelle mondiale, l’écart est frappant, en particulier dans les pays où se concentrent la plupart des opérations d’extraction, de traitement et de production de nos produits électroniques. Un secteur dans lequel les personnes travaillent dans des mines aux conditions particulièrement difficiles, avec un salaire inférieur à 5 dollars par jour (4,80 euros environ), ou dans des usines dans lesquelles elles assemblent des appareils sur des chaînes de production pendant plus de quatre-vingts heures par semaine pour subvenir à leurs besoins. Ils sont la main-d’œuvre cachée derrière les produits que vous avez entre les mains.

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Il est donc temps que les fabricants du secteur de l’électronique, tous pays confondus, s’assurent de la pertinence d’aller au-delà du salaire minimum. Dans l’idéal, cette démarche ne devrait pas être nécessaire : les salaires minimums légaux dans les pays de production devraient constituer un salaire de subsistance.

Force est de constater que, trop souvent, ce n’est pas le cas. Selon les statistiques de l’Organisation internationale du travail (OIT), près d’un travailleur sur cinq dans le monde gagne trop peu pour se sortir, lui et sa famille, de l’extrême pauvreté. Une étude révèle, par exemple, que dans quatre régions de Chine en 2020, un salaire décent correspondrait en réalité à trois fois le salaire minimum légal local.

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Payer un salaire décent signifie donc tout simplement traiter les travailleurs comme des personnes plutôt que comme des « ressources humaines » et respecter leur dignité inaliénable.

A peine plus qu’un café en terrasse

De surcroît, garantir un salaire de subsistance représente un effort ridiculement bas ! Concrètement, pour une marque de smartphone, cela représente 2 euros par appareil vendu, soit à peine plus qu’un café en terrasse… Généraliser cet engagement n’a rien de sorcier non plus : dans de nombreuses industries dont l’électronique, de multiples acteurs ont déjà fait le travail et partagent leur méthodologie, tenant compte du coût de la vie et des différences géographiques pour chaque lieu de production.

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« Dans la tech, il y a une longue histoire de succès et de flops »

Le centre d’innovation robotique BOS27 d’Amazon à Westborough, dans le Massachusetts, le 10 novembre 2022.

Margaret O’Mara, historienne et professeure à l’université de Washington et spécialiste de la Silicon Valley, se penche sur les effets des déboires récents de la tech américaine touchant notamment Twitter et Facebook.

Les licenciements massifs dans la Silicon Valley font penser à l’éclatement de la bulle Internet en 2000. Ces époques sont-elles comparables ?

On peut faire un certain nombre de parallèles. La bulle dot.com avait connu des phénomènes similaires à ceux que nous avons vus pendant la décennie : l’enthousiasme des marchés boursiers, des valorisations très importantes pour certaines entreprises, des recrutements massifs, une croissance accélérée.

Sur le plan macroéconomique aussi des similitudes existent : taux d’intérêt très bas et manne de capitaux prêts à être investis dans des actions plutôt que dans des obligations. A l’époque, les petits investisseurs s’enthousiasmaient pour le secteur technologique. Ils voulaient participer à l’essor de l’Internet. Cette fois, ils ont investi dans les cryptomonnaies. Cela ne semble pas avoir été une très bonne idée.

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Il y a aussi des différences importantes. L’industrie technologique est aujourd’hui beaucoup plus vaste, les entreprises nettement plus matures, les plus performantes en Boursee sont d’énormes machines à profits, comme Facebook, Amazon et Apple. Cette période faste a aussi duré beaucoup plus longtemps. L’ère Internet a vraiment commencé à Wall Street lorsque [le navigateur] Netscape est entré en Bourse en 1995. Le crash remonte à 2000-2001.

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Cette fois, la croissance a accéléré juste après la crise financière mondiale, dans les années 2010-2012, il y plus de dix ans. Et le volume d’argent est bien plus important. En 2021, il y a eu cinq fois plus de somme de capital-risque investi qu’au plus fort du boom de l’Internet, en 1999.

Pourquoi ce krach maintenant ?

Dans la tech, il y a une longue histoire de boom & bust [« de succès et de flops »]. Par ailleurs, ce qui entre en ligne de compte, c’est le niveau de maturité des grandes plates-formes et de leurs produits. Nous avons l’iPhone depuis quinze ans déjà. Facebook et YouTube existent depuis un moment, leur croissance a beaucoup ralenti. Les réseaux sociaux ont maintenant de grands concurrents, comme TikTok. Et ils sont soumis à des pressions réglementaires dans l’Union européenne et, peut-être prochainement, aux Etats-Unis.

On a vu ce phénomène précédemment, quoique à un degré moindre. A la fin des années 1980, le marché des ordinateurs personnels avait explosé. Quand il s’est un peu calmé, tout le monde cherchait quelque chose de nouveau. Et l’Internet a été commercialisé. Cette fois, beaucoup ont pensé que c’est le secteur des cryptomonnaies qui représentait la nouveauté.

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Les géants du Net à l’heure des réductions de coûts et d’effectifs

« J’ai survécu à la vague de licenciements chez Meta. Devrais-je accepter une proposition de job pour aller chez Google ? » C’est le genre de questions qu’on peut lire ces jours-ci sur Blind, un forum anonyme de discussion autour des emplois du secteur de la tech. Au sondage lancé par cet ingénieur informatique rescapé des 11 000 suppressions de postes annoncées le 9 novembre par la maison mère de Facebook, Instagram et WhatsApp, les confrères conseillent à 73 % de fuir chez le leader de la recherche en ligne. Car, « il y aura une deuxième vague », met en garde un internaute. D’autres ne sont pas de cet avis : « Tu seras furieux si tu te fais virer après une semaine chez Google, alors attends plutôt un peu », lui conseille un autre, anticipant des départs contraints dans la firme de Mountain View. « C’est la fin, les travailleurs de la tech américaine sont sur la même voie que les métallurgistes », dramatise un autre. « Arrêtez de faire peur aux gens. Il y a encore plein d’embauches dans certaines entreprises de tech », le rembarrent plusieurs développeurs.

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La teneur de ces débats aurait paru improbable il y a encore quelques mois, dans un des secteurs les plus florissants de l’économie mondiale. En quelques jours, Meta a annoncé les premiers licenciements de son histoire, Twitter a sabré ses effectifs en deux, Stripe et Lyft se sont séparés de 13 % de leurs salariés. Même Amazon a lancé un plan social de 10 000 employés de bureau, assorti d’un gel des embauches, également « ralenties » chez Apple. Selon le site de ressources humaines Indeed, le nombre d’annonces d’ingénieurs logiciels a reculé de 29 % en octobre, par rapport à un an plus tôt.

Ce coup de froid sur l’emploi s’accompagne de mesures d’économies inédites, chez Meta, Amazon ou Google que le PDG a souhaité en octobre rendre « 20 % plus productives ». Les directions financières portent un œil nouveau – et soupçonneux – sur les dépenses. Certaines activités déficitaires ont été fermées : chez Amazon, le projet de robot de livraison à roulettes Scout et le service médical Amazon Care ; chez Google, le service de jeux Stadia ; chez Meta, les montres et tablettes connectées…

Sanctionnés en Bourse

Au troisième trimestre, les GAFA (Google, Apple, Facebook, Amazon) ont publié des croissances d’activité ralenties : seulement + 6 % pour Google, + 8 % pour Apple et + 15 % pour Amazon. Meta a même enregistré une baisse de 4 %. Leurs titres sont sévèrement sanctionnés en Bourse : – 66 % depuis le début de l’année pour Meta, – 41 % pour Amazon, –33 % pour Google et –19 % pour Apple.

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Paris adopte une charte sociale pour renforcer sa prévention contre les accidents du travail avant les JO 2024

A quelques jours du lancement décrié de la Coupe du monde de football au Qatar, en raison, entre autres, du nombre d’ouvriers morts sur les chantiers des stades, le Conseil de Paris a voté mercredi 16 novembre la création d’une charte sociale visant à faire de la capitale, ville d’accueil des JO 2024, un exemple en matière de sécurité au travail.

« Objectif zéro mort au travail » : la proposition de la délibération affiche son ambition. Porté par le Groupe communiste et citoyen (GCC), le texte prévoit que la ville exclut de recourir, dans le cadre de ses commandes publiques, à des entreprises condamnées pour non-respect du droit du travail dans les cinq années précédant l’appel à projet.

Dans le contrat passé avec l’opérateur, une clause prévoira sa rupture en cas de manquement en matière de santé et de sécurité, de défaut de paiement des salaires et heures supplémentaires ou encore de non-respect des règles relatives au temps de travail. Afin d’éviter la dilution de la responsabilité des entreprises en cas d’accident du travail, la délibération votée par le Conseil de Paris prévoit également de limiter le niveau de cumul des sous-traitants par les opérateurs impliqués dans la réalisation d’un projet.

Le problème de la sous-traitance

Le titulaire d’un marché public est, en effet, libre d’avoir recours à des sous-traitants pour exécuter certaines tâches. « Tous les acteurs que nous avons rencontrés nous ont dit que l’un des premiers problèmes, c’est la sous-traitance en cascade », a indiqué Nicolas Bonnet Ouladj. En amont du vote de la délibération, le président du Groupe communiste et citoyen à Paris a rappelé que l’Hexagone était loin d’être exemplaire en matière de sécurité au travail.

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Dans la seule région Île-de-France, « l’inspection du travail a reçu 140 signalements du 30 janvier au 30 août 2022, dont 38 mortels », contre 34 l’année précédente, a signalé l’élu. Afin de « rendre visible ce fait social » au niveau de la capitale, le texte porté par le Groupe communiste prévoit également la création d’un observatoire parisien des accidents du travail, ainsi que le renforcement des contrôles sur le territoire.

Dans le cadre des Jeux Olympiques de 2024, une charte sociale avait déjà été signée en 2018 par les organisations patronales, syndicales et les collectivités impliquées dans leur organisation, prévoyant que les parties prenantes veillent au grain en matière de respect des conditions de travail des salariés œuvrant sur les chantiers.

Les réserves de l’opposition municipale

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« La notion même de travail a pris un sacré coup dans l’aile depuis la pandémie de Covid-19 »

Elon Musk a prévenu. Dorénavant ne seront admis à travailler chez Twitter que les forçats adeptes d’une culture du travail « extrême » (extremely hardcore), ne comptant plus les heures et accessible seulement aux meilleurs. Les autres prendront la porte et trois mois d’indemnités. Une bonne partie a choisi de faire sa valise.

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User sa santé pour s’enrichir et accroître la fortune de l’homme le plus riche de la planète n’est plus vraiment l’horizon rêvé de la nouvelle génération. La notion même de travail a pris un sacré coup dans l’aile depuis la pandémie de Covid-19. On en a vu les signes dans les démissions et pénuries soudaines d’emploi qui se sont répandues tant aux Etats-Unis qu’en Europe.

L’étude publiée le 11 novembre par la Fondation Jean Jaurès et signée Jérôme Fourquet et Jérémie Peltier le confirme : en 1990, quand on interrogeait les Français sur ce qui était très important pour eux, 60 % citaient spontanément le travail. Ils ne sont plus que 24 % à le penser en 2021. Les loisirs, cités par 31 % des sondés en 1990, recueillent désormais 41 % des suffrages, près de deux fois plus que pour le travail.

Crispation sur le pouvoir d’achat

Quand Nicolas Sarkozy lançait en 2007 son « travailler plus pour gagner plus », plus de 60 % des Français déclaraient être disposés à rogner sur leurs loisirs pour arrondir leurs fins de mois. Aujourd’hui, c’est l’inverse. En pleine crispation sur le pouvoir d’achat, ils sont la même proportion à admettre envisager de gagner moins pour avoir davantage de temps libre.

Les gens vont moins au cinéma, font moins de sport et d’activités extérieures. Une « épidémie de flemme » particulièrement marquée chez les moins de 50 ans

La crise sanitaire a servi de révélateur, avec ses confinements, son chômage partiel et la généralisation du télétravail. Les auteurs de l’étude évoquent un « ramollissement généralisé des individus ». Les gens vont moins au cinéma, font moins de sport et d’activités extérieures. Une « épidémie de flemme » particulièrement marquée chez les moins de 50 ans. Les habitants de la région parisienne sont les plus touchés. L’extension formidable du télétravail n’y est pas pour rien. La RATP enregistre un trafic 18 % plus faible le vendredi que le mardi.

Les racines de ce basculement spectaculaire sont profondes. C’est tout un système de valeurs qui bascule. « La sacralisation du travail et de l’effort s’est effacée avec la dislocation terminale de la matrice catholique et la disparition des mondes ouvrier et paysan », écrivent les auteurs de l’étude.

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Twitter confronté à une nouvelle vague de départs après l’ultimatum d’Elon Musk à ses salariés

Les bureaux de Twitter, le 1er novembre 2022 à San Francisco.

Au lendemain d’un ultimatum posé par Elon Musk, les départs se multipliaient chez Twitter jeudi 17 novembre, sans qu’on sache précisément combien. Le nouveau propriétaire du réseau social avait demandé aux employés rescapés de la première vague de licenciements de choisir entre se donner « à fond, inconditionnellement », et partir.

Selon plusieurs médias américains, des centaines d’employés ont choisi de partir. « Je suis peut-être exceptionnelle, mais (…) je ne suis pas inconditionnelle », a par exemple tweeté Andrea Horst, dont le profil LinkedIn affiche encore « responsable (survivante) de la chaîne d’approvisionnement chez Twitter ». Elle a ajouté le hashtag « #lovewhereyouworked », c’est-à-dire « aime l’endroit où tu as travaillé », comme de nombreux autres salariés annonçant leur choix.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Twitter dans le chaos, deux semaines après son rachat par Elon Musk

D’après Zoë Schiffer, journaliste du média spécialisé Platformer, Twitter a prévenu jeudi après-midi tous les employés que les bureaux étaient temporairement fermés et inaccessibles, même avec un badge.

Jeudi soir, de nombreux utilisateurs du réseau social, notamment des ex-collaborateurs, des journalistes et des analystes, se demandaient donc si la fin de Twitter serait proche. « Et… nous venons d’atteindre un nouveau pic d’utilisation de Twitter, lol », a ironisé Elon Musk, qui a racheté la plateforme pour 44 milliards de dollars le 27 octobre.

Il a aussi tweeté un drapeau de pirate à tête de mort et un mème (image parodique), montrant un homme au visage d’oiseau bleu, posant devant une tombe aussi masquée d’un oiseau bleu, comme si Twitter assistait, hilare, à son propre enterrement.

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Chez Twitter, Elon Musk lance une vague de licenciements… par courriel

« Bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire »

Mercredi, Elon Musk, avait demandé individuellement aux employés du réseau social de s’engager à « travailler de longues heures à haute intensité », « pour bâtir un Twitter 2.0 révolutionnaire et réussir dans un monde de plus en plus concurrentiel ». Et de préciser :

« Seule une performance exceptionnelle vaudra une note suffisante. »

Les salariés avaient jusqu’à jeudi après-midi pour cliquer sur la case « oui », sous peine de devoir quitter Twitter avec une indemnité correspondant à trois mois de salaire. Une méthode qui détonne, même aux Etats-Unis, où le droit du travail est moins protecteur des salariés que dans beaucoup de pays développés.

Mais dans un e-mail jeudi, Musk a toutefois fait marche arrière concernant le télétravail, auquel il était opposé, braquant de nombreux employés. Il a fait savoir que, pour rester, il fallait que « [leur] supérieur prenne la responsabilité de s’assurer qu’[ils apportent] une excellente contribution ». Les travailleurs seraient également censés avoir « des réunions en présentiel avec [leurs] collègues à une cadence raisonnable, idéalement une fois par semaine, mais pas moins d’une fois par mois ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Twitter : les milliers de salariés licenciés ont le « cœur brisé »

Jeudi soir, des messages anti-Elon Musk ont été projetés sur la façade du siège de Twitter à San Francisco, juste à côté du logo de l’entreprise. On pouvait par exemple y lire « Elon Musk, ferme-la », « Stop au Twitter toxique » ou « En avant vers la faillite », comme en attestent les photos de Gia Vang, une journaliste de l’antenne locale de la chaîne NBC.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés La folle histoire d’Elon Musk avec Twitter

Licenciements après des critiques d’Elon Musk

La moitié des 7 500 employés du groupe ont déjà été licenciés il y a deux semaines par le multimilliardaire, tandis que d’autres sont partis volontairement dans les jours qui ont suivi. Quelque 700 salariés avaient déjà démissionné pendant l’été, avant même d’être sûrs que l’acquisition aurait lieu. Plus tôt cette semaine, Elon Musk avait également commencé à licencier un petit groupe d’ingénieurs qui l’avaient contesté publiquement ou dans le système de messagerie interne Slack de l’entreprise.

Des dizaines d’employés actuels et surtout passés se sont retrouvés jeudi soir dans un spaces, les salons audio de la plate-forme, pour se soutenir et évoquer de bons souvenirs. Des salariés qui ont choisi de rester ont évoqué leur attachement indéfectible au réseau social et leur désir de le voir survivre et même renaître.

Lire la chronique : Article réservé à nos abonnés « Je ne vais pas quitter Twitter, c’est Musk qui doit partir » : les futurs ex-twittos

« A tous les Tweeps [le surnom des employés de Twitter] qui ont décidé qu’aujourd’hui serait leur dernier jour : merci d’avoir été des collègues incroyables à travers les hauts et les bas. J’ai hâte de voir ce que vous ferez ensuite », a de son côté déclaré Esther Crawford, directrice des produits en développement de la plate-forme, une des rares responsables qui n’ont ni démissionné ni été congédiés, et qui soutiennent encore publiquement le nouveau dirigeant.

« Bravo à tous les travailleurs de Twitter. Vous avez bâti un lieu de connexion vital et vous méritiez tellement mieux. (…) Merci », a pour sa part tweeté l’élue démocrate Alexandria Ocasio-Cortez. Cette nouvelle série de départs intervient au moment où Twitter se prépare pour la Coupe du Monde 2022, l’un des événements les plus commentés sur Twitter qui pourrait potentiellement submerger ses systèmes.

Lire le décrypage : Article réservé à nos abonnés Après le rachat de Twitter par Elon Musk, quelles seront les nouvelles règles de modération ?

Le Monde avec AP et AFP

« Les cadres en télétravail avec enfants quittent rarement l’Ile-de-France pour s’installer dans un petit village »

Si tous les cadres supérieurs et les jeunes diplômés ne sont pas partis télétravailler à la campagne, la crise sanitaire liée au Covid-19 a accéléré la volonté des Français de s’éloigner des métropoles pour vivre en milieu périurbain et dans les villes intermédiaires. Et, pour une minorité d’entre eux, de construire un projet de vie alternatif en lien avec le monde rural. La géographe Hélène Milet pour la Plateforme d’observation des projets et stratégies urbaines (Popsu) et coordinatrice d’une étude qui croise analyses statistiques et enquêtes de terrain pour mesurer l’impact de la crise sanitaire sur les déménagements des Français, revient sur les principaux résultats de cette première phase.

La crise sanitaire et les confinements ont-ils chamboulé la géographie résidentielle française ?

Non, car le premier enseignement de nos études, c’est que les grands flux de déménagements continuent de se faire à l’intérieur des grandes villes : des Parisiens qui déménagent à Paris ou dans les communes proches, d’autres entre grands pôles urbains. Lors du premier confinement, par exemple, le flux de recherches le plus important entre deux communes sur Leboncoin était constitué de Parisiens qui regardaient des biens immobiliers à vendre à Marseille. Pour autant, on peut repérer un « effet Covid-19 » dans l’accélération de certaines migrations qui préexistaient à la crise sanitaire.

Les départs des grandes villes sont en augmentation, et les Français qui les quittent se dirigent vers quatre types de territoires : les couronnes périurbaines, principalement dans les espaces pavillonnaires, les villes petites et moyennes, les littoraux – en particulier la façade atlantique – et, enfin, certains territoires ruraux.

Lire aussi l’enquête : Article réservé à nos abonnés « Sans possibilités de télétravail, certains ne postulent même pas » : pour retenir les jeunes diplômés, le pari de l’ultraflexibilité

Qu’est-ce que l’analyse des consultations d’annonces immobilières en ligne nous apprend des envies de déménagement des Français ?

L’étude menée grâce aux données du site Meilleurs Agents montre une augmentation du rythme des recherches depuis le déclenchement de la crise : les Français ont consulté plus d’annonces, ce qui peut traduire une envie de changement plus marquée. On note aussi un attrait plus fort pour les zones rurales et pour les maisons. Sur Leboncoin, les consultations d’annonces de ventes de biens immobiliers ont progressé pendant les deux premiers confinements et la distance entre la commune d’origine de l’internaute et celle où se situent les biens consultés a augmenté, dépassant les 200 kilomètres en moyenne après la crise sanitaire, alors qu’elle était de 175 kilomètres en 2019.

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Quand les jeunes diplômés sont victimes d’« âgisme » en entreprise

Estelle a vécu sa première mauvaise expérience à 21 ans, lors d’une année en alternance dans une maison d’édition. Dès son arrivée, sa maître de stage lui fait faire le tour des bureaux. Elles finissent par le pôle marketing, exclusivement composé de femmes. « Elles m’observent, pouffent et commentent : “Mais cest légal ?” Sous-entendu : je nai pas lair majeure, je ne devrais pas travailler ici. » S’ensuivent deux années pendant lesquelles Estelle, ignorée de tous, a le sentiment d’être transparente.

Cinq ans plus tard, diplômée de master, elle est embauchée dans une autre maison d’édition. « Ma responsable me présente au service comptable, où un homme d’une quarantaine d’années me regarde et répond, en riant : “Ah, j’ai cru que c’était ta petite-fille !”, sans me parler, ni même m’avoir dit bonjour. Dans les deux cas, ces phrases ont été prononcées sur le ton de la rigolade, sans s’adresser directement à moi. Les gens se sont permis un commentaire sur mon apparence, comme si je n’avais pas été présente physiquement dans la même pièce », se désole-t-elle.

Ces expériences pénibles ont fait totalement perdre à Estelle sa confiance en elle et l’ont incitée, pour compenser, à travailler davantage que les autres, afin de « paraître crédible ». Selon une enquête sur les discriminations dans l’emploi menée en 2021 auprès des jeunes actifs de 18 ans à 34 ans par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), plus d’un sur trois affirme avoir vécu une situation de discrimination dans le cadre de sa recherche d’emploi ou de sa carrière, contre une personne sur cinq dans la population générale, avec l’âge (23%) comme deuxième critère de stigmatisation juste après le genre (27%) . « On savait quil y avait une grande conscience des jeunes sur ces questions, mais la réalité est encore plus alarmante que ce quon pouvait imaginer », admet la Défenseure des droits, Claire Hédon, qui a commandé l’enquête.

« Notre culture attache une importance capitale au respect des aînés, au point d’omettre des réalités embarrassantes. » Laelia Benoit, pédopsychiatre et sociologue

Le baromètre confirme que près de 90 % des sondés déclarent avoir déjà connu une situation de dévalorisation au cours de leur vie professionnelle, avec principalement une sous-estimation de leurs compétences, une mise sous pression pour en faire toujours plus, et le fait de se voir confier des tâches inutiles et ingrates. Un haut niveau d’études ne permet pas d’être plus protégé. Au contraire, même : les salariés avec une équivalence master ou plus seraient les plus exposés dans le monde professionnel (40,6 %).

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Coupe du monde 2022 : au Népal, la désillusion des ouvriers migrants des chantiers qataris

La route étroite et sinueuse reliant Katmandou au district de Dhanusha, dans l’est du Népal, est encombrée de bus et de camionnettes hors d’âge ; les premiers ramènent des travailleurs au village, les secondes transportent jusque sur leur toit des chèvres apeurées, qui seront bientôt sacrifiées. En cette fin septembre, le pays s’apprête à célébrer Dashain, la plus grande et longue des fêtes hindoues. En quelques heures, 1,4 million de personnes ont quitté la capitale pour rejoindre leur famille et prier la déesse Durga, symbole de la victoire du bien contre le mal, qui peut assurer la prospérité. L’occasion, pour les familles séparées, de se réunir autour de délicieux mets, d’embellir les maisons, d’acheter de nouveaux vêtements. La plupart des foyers comptent au moins une personne partie pour travailler, à l’intérieur ou à l’extérieur du pays.

Urmila Devi Pandit, 35 ans, dans sa maison à Rupaitha, au Népal, le 28 septembre. Son époux, Budhan Pandit, est décédé au Qatar.

Après six heures de virages serrés dans les montagnes, le paysage change radicalement. Le district de Dhanusha, à la frontière avec l’Inde, est la seule partie plate du petit pays himalayen. Dotée d’une végétation tropicale, la flat valley est encore accablée, à cette période de l’année, par des températures torrides. Ce n’est pas la région la plus pauvre, mais c’est d’ici qu’est parti, ces dernières années, le plus fort contingent de travailleurs népalais pour le Qatar.

Depuis 2010, année où l’émirat a été choisi pour accueillir le Mondial 2022 de football, des centaines de milliers de Népalais sont allés travailler sur place. Les chantiers ne manquaient pas : il a fallu construire ou rénover huit stades, mais aussi toutes les infrastructures afférentes, routes, autoroutes, métro, hôtels, villes nouvelles… Réputés bons travailleurs, peu chers, car peu qualifiés, les ouvriers népalais se sont vu assigner les tâches les plus difficiles, les plus dangereuses.

Lire aussi : Qatar 2022 : la Coupe du monde des excès

Budhan Pandit, un paysan, était l’un de ceux-là. Il venait de Rupaitha, un village agricole sans charme du Dhanusha, situé à une vingtaine de kilomètres de la frontière indienne. Il a travaillé dur, quatre ans durant, sur divers chantiers du Mondial. L’ouvrier népalais est revenu dans un cercueil. C’était il y a douze mois. Sa veuve, Urmila, 35 ans, prostrée sur le pas de sa maisonnette, laisse son plus jeune fils, Dinesh, raconter leur calvaire. La dernière fois qu’elle a vu son mari, c’était quelques secondes avant sa mort.

« Ma mère était au téléphone avec lui, en visio, confie l’adolescent. C’était l’heure de sa pause. Il travaillait à la construction d’une piste d’atterrissage à l’aéroport international Hamad, à Doha. Il était assis devant un bulldozer, ce qui avait inquiété ma mère. Mais il lui avait dit : “Ne t’inquiète pas, tout le chantier est à l’arrêt.” » Le couple discutait des ennuis de santé d’Urmila, sujette à des évanouissements, quand, soudain, un nuage de poussière a envahi l’écran. Puis, plus rien. Après deux jours d’angoisse, un collègue lui a annoncé la nouvelle : son mari avait été écrasé par le bulldozer, tué sur le coup. C’est un oncle qui a rapatrié le corps, deux semaines après. Il ne restait que le tronc.

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Assurance-chômage : la modulation des droits définitivement adoptée

Le ministre du travail, Olivier Dussopt, prend la parole lors de la séance des questions au gouvernement, à l’Assemblée nationale, le 3 novembre.

Le Parlement a définitivement adopté jeudi 17 novembre, le projet de loi ouvrant la voie à une modulation de l’assurance-chômage selon la conjoncture, une perspective qui hérisse la gauche, l’extrême droite et les syndicats. Les sénateurs ont entériné jeudi midi un compromis trouvé avec les députés sur ce texte, qui n’a pas nécessité le recours à l’arme constitutionnelle du 49.3 grâce à un accord conclu avec la droite.

Le projet de loi du ministre du travail, Olivier Dussopt, prévoit dans un premier temps de prolonger les règles actuelles de l’assurance-chômage, issues d’une réforme contestée du premier quinquennat Macron. Un décret a été pris en ce sens par anticipation à la fin d’octobre. Il permet, par ailleurs, de moduler par décret certaines règles de l’assurance-chômage afin qu’elle soit « plus stricte quand trop d’emplois sont non pourvus, plus généreuse quand le chômage est élevé », conformément à la promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Une concertation est en cours avec les partenaires sociaux et le gouvernement fera connaître « les arbitrages retenus » le 21 novembre, pour une application de la modulation au début de 2023. « Nous travaillons sur une modulation de la durée maxim[ale] d’indemnisation », actuellement de vingt-quatre à trente-six mois selon l’âge, a déclaré mardi M. Dussopt aux députés. Ainsi « nous ne prévoyons pas de modifier les conditions d’affiliation au système d’assurance-chômage ».

Lire aussi : Article réservé à nos abonnés Assurance-chômage : « L’effet à attendre de la nouvelle réforme est une pression à la baisse sur les salaires »

Il faut six mois de travail sur une période de référence de vingt-quatre mois pour l’ouverture des droits. L’exécutif estime qu’il y a urgence du fait des difficultés de recrutement des entreprises et fait de cette réforme une première pierre de sa stratégie pour atteindre le plein-emploi en 2027, soit un taux de chômage d’environ 5 %, contre 7,4 % actuellement.

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« Nous n’avons pas plié »

Députés et sénateurs sont parvenus à un compromis sur ce texte en commission mixte paritaire la semaine dernière, au prix d’un durcissement imposé par les sénateurs Les Républicains (LR), auquel le ministre était initialement opposé. Il a été ajouté que le refus à deux reprises en un an d’un contrat à durée indéterminé (CDI) après un contrat à durée déterminée (CDD) ou un contrat d’intérim au même poste, au même lieu et avec la même rémunération entraînerait la perte de l’indemnisation chômage. Ce sera à l’employeur (ou aux deux employeurs) d’en informer Pôle emploi, ce qui pose une « difficulté technique » pour que ce ne soit pas une « usine à gaz », a jugé M. Dussopt. « Le gouvernement n’en voulait pas, mais nous n’avons pas plié », s’est félicitée Frédérique Puissat (LR), rapporteuse du texte au Sénat. Son homologue à l’Assemblée, Marc Ferracci (Renaissance), trouve la mesure « peu opérationnelle et fragile juridiquement », et y voit « une démarche un peu idéologique, même s’il y a un vrai sujet sur le refus de CDI ».

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Une autre disposition, ajoutée par des amendements de la majorité présidentielle et des députés LR, fait encore débat : « L’abandon de poste » sera désormais assimilé à une démission, pour limiter l’accès à l’assurance-chômage. Les élus de droite « ont été force de proposition, tant à l’Assemblée qu’au Sénat », insiste le député LR Stéphane Viry, qui estime cependant que le projet de loi « n’épuise pas » les réformes à mener.

A l’unisson des syndicats, la gauche critique, elle, « une réforme de droite » dont l’objectif serait de faire « baisser les indemnités des chômeurs ». Avant le vote définitif mardi à l’Assemblée, acquis par 210 voix contre 140, les « insoumis » ont défendu, en vain, une dernière motion de rejet de ce texte qui, selon eux, donne « une vision jetable des salariés ». Les socialistes ont annoncé une saisine du Conseil constitutionnel. Les députés Rassemblement national (RN) ont également voté contre le texte, qui met, selon eux, « punition et culpabilisation à l’ordre du jour ». Le projet de loi prévoit, en outre, l’ouverture d’une concertation sur la gouvernance de l’assurance-chômage et une « simplification drastique » de la validation des acquis de l’expérience (VAE), selon la ministre déléguée, Carole Grandjean.

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Le Monde avec AFP