La principale loi visant à l’insertion professionnelle des personnes handicapées a célébré ses trente-cinq ans le 10 juillet. Cette loi et les nombreux textes qui ont suivi ont permis des progrès considérables en matière d’inclusion, mais certains handicapés rencontrent malheureusement encore des barrières majeures sur le chemin de l’emploi, en particulier les handicapés psychiques.
La question n’est pas que marginale. Plus de 10 millions de Français souffrent aujourd’hui de troubles psychiques modérés ; 2,5 millions effectuent chaque année un séjour en établissement psychiatrique. La pandémie a beaucoup amplifié les fragilités. Mais les employeurs, malgré la pénurie de talents, restent très réticents à accueillir ces publics, ignorant leur intelligence et leur créativité.
Les personnes avec des déséquilibres mineurs ont un taux de chômage deux fois plus élevé que la moyenne. Les plus gravement touchés sont, pour leur part, quasiment exclus du monde du travail. Alors que 40 % des handicapés, tous handicaps confondus, sont en emploi, ce n’est le cas que de 20 % des personnes dont la maladie a abouti à un handicap psychique reconnu.
Peur et incertitude
Ce type de handicap, en réalité, fait peur. Il est mal connu et souvent invisible au premier abord, ce qui augmente le sentiment d’incertitude. La fluctuation des symptômes désarçonne. Le risque d’absentéisme est problématique. Certains soupçonnent les personnes de simuler. Les adaptations du milieu de travail s’avèrent donc indispensables, et très différentes de celles nécessaires pour des handicaps moteurs ou sensoriels.
Mais l’inclusion peut, malgré tout, être favorisée. C’est l’objet des recherches que nous avons menées dans les établissements et services d’aide par le travail (ESAT), qui accueillent aujourd’hui une large partie de ces publics, avec des activités de type professionnel, mais sans les contraintes de productivité et le niveau de stress des entreprises classiques.
Tous les encadrants n’y sont pas formés aux spécificités des handicapés psychiques, mais nous avons pu observer à quel point ceux qui bénéficiaient d’une sensibilisation dans ce cadre modifiaient ensuite leurs pratiques, arrivant ainsi à anticiper les problèmes.
Ils acquièrent ainsi de bons réflexes pour faire baisser la tension, connaissent les procédures à suivre pour éviter que des crises ne déstabilisent le collectif de travail. Les formations s’avèrent également utiles pour gérer les équipes au quotidien, en évitant de donner l’impression qu’on passe tout à une personne en raison de son handicap psychique. Les équipes, progressivement, apprennent à gérer les difficultés.
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Dans une récente tribune publiée par LeMonde, Israël Nisand, professeur émérite de gynécologie obstétrique et ancien président du Collège national des gynécologues et obstétriciens français (Cngof), s’arroge le droit de parler en lieu et place des sages-femmes. (« Aujourd’hui, nous en sommes rendus à ne plus avoir assez de sages-femmes pour faire les accouchements », Le Monde du 27 juillet).
Loin de mettre en cause la fermeture des maternités en France et la transformation des autres en usines à accoucher dans la pénurie hospitalière actuelle de sages-femmes, il entend rendre celles-ci coupables de ne penser qu’à leur confort en faisant valoir leurs « droits » plutôt que leurs « devoirs ».
Selon lui, c’est parce qu’elles choisissent de travailler en libéral qu’il en est ainsi. Il entend leur imposer, par la coercition, l’ordre médical et patriarcal avec ce genre de proposition : « Il faudrait que les sages-femmes soient tenues de pratiquer pendant un temps minimal ce pour quoi elles ont été formées (…). Créons un stage interne des sages-femmes sur une durée de deux fois six mois dans deux maternités différentes, rémunéré par l’Etat à hauteur de 2 000 euros brut. »
Manifestement, Israël Nisand se trompe d’époque et de mandat. Le temps est définitivement révolu où, de 1945 à 1995, le Conseil national de l’ordre des sages-femmes était présidé par un homme gynécologue obstétricien. Tout comme la sage-femme, responsable d’enseignement d’une école de sages-femmes, était placée sous l’autorité d’un tel médecin jusqu’en 2016. Tandis que la qualité des actes médicaux sage-femme, identiques à ceux des médecins, n’a été reconnue équivalente par l’Assurance-maladie qu’en 2016, ignorant longtemps toute égalité professionnelle.
Monopole professionnel
La situation actuelle, que les sages-femmes n’ont eu cesse de dénoncer, résulte de réformes en périnatalité où les autorités, dès les années 1970, se sont appuyées essentiellement sur l’expertise des gynécologues obstétriciens pour orienter leurs politiques en la matière, comme le rappellent des sociologues à l’origine d’un rapport réalisé en 2021 pour le compte de l’Observatoire national de la démographie des professions de santé.
Les gynécologues obstétriciens ont pu promouvoir un monopole professionnel avec l’idée de la grossesse comme potentiellement pathologique et l’accouchement à risque, par nature, ainsi que l’a défini Israël Nisand lui-même en 1998, dans un article paru dans la revue Les Dossiers de l’obstétrique : « L’accouchement ne peut être considéré comme normal que deux heures après la naissance. » Il faut, à chaque fois, la présence « en permanence d’une sage-femme, d’un obstétricien, d’un anesthésiste et d’un pédiatre ». De plus, le suivi de la santé génésique et sexuelle des femmes ne peut relever que des compétences exclusives du médecin.
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Parmi les mesures les plus polémiques de ce texte figure la monétisation des jours de réduction du temps de travail (RTT). A gauche, elle est perçue comme un outil de détricotage des 35 heures plutôt qu’un levier d’augmentation générale des salaires. Dans une tribune parue au Journal du dimanche, des élus, experts et universitaires déplorent « la fin du cadre et des garanties collectives du temps de travail et la consécration du gré à gré laissant le salarié seul face à l’employeur ». Mais que recouvre concrètement cette mesure et à qui va-t-elle bénéficier ?
D’abord proposée par la droite par une série d’amendements, la mesure vise à permettre aux salariés de convertir les journées de récupération du temps de travail non utilisées en complément de salaire. Les députés Les Républicains (LR) souhaitaient « mieux récompenser le travail et le mérite et augmenter les salaires net des Français », tout en aidant les entreprises à « maintenir un niveau d’activité important face aux problèmes de recrutements ».
Pour limiter la mesure dans le temps, la majorité présidentielle a déposé par l’intermédiaire du député La République en marche (LRM) Marc Ferracci, un amendement qui permettait de borner la mesure aux RTT acquises entre le 1er janvier 2022 et le 31 décembre 2023. Mais lors de la commission mixte paritaire, les sénateurs sont parvenus à repousser cette date jusqu’à fin 2025.
Durant cette période, les salariés pourront demander à leur entreprise, quelle qu’en soit la taille, de renoncer à une partie ou à la totalité de leurs jours de RTT. S’il accepte, l’employeur devra rémunérer ces journées ou demi‑journées travaillées en y appliquant « une majoration de salaire au moins égale au taux de majoration de la première heure supplémentaire applicable dans l’entreprise », soit un taux minimum de 10 % du salaire. Un plafond est fixé à 7 500 euros par an.
Cette rémunération sera également défiscalisée, c’est-à-dire qu’elle ne sera ni soumise à cotisations ni à l’impôt sur les revenus. C’est la principale nouveauté de la mesure. Car s’il existait déjà des voies pour monétiser les RTT, elles prévoyaient le versement de cotisations patronales et le montant versé était soumis à l’impôt.
Qui est vraiment concerné ?
Pour rappel, les RTT sont des jours de repos complémentaires et distincts des congés payés, prévus par la loi de 1998 abaissant le temps de travail hebdomadaire de trente-neuf heures à trente-cinq heures. Le salarié peut en bénéficier dès qu’il travaille plus de trente-cinq heures par semaine si l’accord collectif de son entreprise le prévoit. Et au-delà de trente-neuf heures par semaine, le temps supplémentaire travaillé est censé être rémunéré en heures supplémentaires. Actuellement, sauf exception, notamment si l’entreprise dispose d’un « compte épargne-temps », ces jours de RTT sont perdus pour le salarié s’ils ne sont pas posés dans l’année.
Pour pouvoir bénéficier de la réforme, encore faut-il initialement disposer de RTT. Ce dispositif concerne uniquement les salariés du secteur privé qui bénéficient d’un dispositif de réduction du temps de travail. Les 5,6 millions d’agents de la fonction publique en sont donc exclus. Et, tous les salariés ne sont pas logés à la même enseigne. C’est très souvent le cas pour les cadres, qui ont des contrats basés sur un « forfait jours » : ils doivent travailler un certain nombre de jours, le reste se répartit en congés et en RTT.
En 2015, une étude de la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques (Dares) estimait que dans les entreprises de dix salariés ou plus du secteur privé non agricole, 13,3 % des salariés avaient un temps de travail décompté sous forme d’un forfait annuel en jours impliquant des RTT. Ce régime était « largement répandu chez les cadres (47 %) et peu développé chez les non-cadres (3 %) ».
Certains secteurs, comme le commerce, la restauration, l’hôtellerie, le transport rémunèrent plutôt leurs employés à l’heure, et préfèrent payer des heures supplémentaires plutôt que d’accorder des RTT. « Si l’on prend l’exemple de la restauration, un marché très tendu, ce fonctionnement évite d’avoir à remplacer les gens qui seraient absents du fait de RTT », précise l’avocate en droit du travail Caroline André-Hesse.
Les données les plus récentes montrent que les RTT sont très inégalement réparties. La dernière étude de la Dares en date, parue en 2017, indique que ce sont les cadres et professions intellectuelles supérieures qui déclarent disposer du plus grand nombre de jours de congés et de RTT par an (33 jours par an en moyenne) devant les professions intermédiaires (31 jours), les employés qualifiés (29 jours), les ouvriers qualifiés (27 jours) et enfin les employés et ouvriers non qualifiés (26 jours). Ils seront donc les principaux bénéficiaires de cette mesure.
La droite y voit un retour de la philosophie portée par Nicolas Sarkozy derrière le slogan devenu adage, « Travailler plus pour gagner plus ». La gauche y discerne, au contraire, un coup de sabot funeste aux 35 heures. En adoptant définitivement le projet de loi de finances rectificative (PLFR), jeudi 4 août, les députés et sénateurs ont entériné deux mesures faisant l’objet d’un fort dissensus politique : d’un côté la possibilité pour les employeurs de racheter les RTT de leurs employés jusqu’au 31 décembre 2025 (pour un plafond maximum de 7 500 euros), et de l’autre, le rehaussement pérenne du plafond de défiscalisation des heures supplémentaires (de 5 000 à 7 500 euros).
C’est sous la pression des députés Les Républicains (LR) dans un Hémicycle où il ne dispose que d’une majorité relative que le camp présidentiel, à la recherche de compromis et favorable à l’esprit des dispositions, a donné son feu vert. Au Sénat, les élus de droite ont tenté d’aller plus loin en pérennisant les deux dispositifs, pourtant limités aux années 2022 et 2023 dans la première version votée à l’Assemblée. Après l’adoption de ces modifications en séance, ils sont ressortis gagnants du compromis trouvé mercredi en commission mixte paritaire.
Des mesures défendues de longue date par la droite
La monétisation des RTT et la défiscalisation des heures supplémentaires, inscrites au programme présidentiel de Valérie Pécresse au printemps, appartiennent à la feuille de route idéologique de la droite. En 2007, sept ans après la mise en œuvre des lois Aubry sur la réduction de la durée légale du temps de travail à 35 heures, Nicolas Sarkozy s’était ainsi fait l’apôtre de la défiscalisation des heures supplémentaires, avant que la mesure ne soit supprimée par François Hollande – puis réintroduite par Emmanuel Macron en 2019.
Tout au long des discussions, arguant que ces mesures permettaient de revaloriser le travail et d’accorder aux salariés un gain de pouvoir d’achat, les élus LR ont donc joué de leur voix pour imprimer leur marque. « On assume parfaitement de mettre un coin dans les 35 heures », a ainsi lancé lundi 1er août la sénatrice Christine Lavarde (Hauts-de-Seine). Le chef de file des sénateurs LR Bruno Retailleau a, lui aussi, avancé que « les 35 heures ne sont certainement pas un gain et une avancée sociale pour tout le monde », quand la députée Véronique Louwagie (Orne) s’est félicitée jeudi du « retour du “Travailler plus pour gagner plus”, cher aux Républicains », « pour que le travail rapporte toujours plus que l’assistanat ».
« Coup de force » visant à « tuer les 35 heures »
A gauche, le tollé a été conséquent. Dénonçant un « coup de force » sans concertation syndicale visant « à tuer les 35 heures », les élus estiment que ces deux dispositifs servent de prétexte au gouvernement pour contourner la question de la revalorisation des salaires, qu’ils ont pourtant portée en vain durant les débats.
« Parce qu’ils voudront maintenir à tout prix leur pouvoir d’achat et parce que vous leur refusez une augmentation des salaires, [les salariés] n’auront d’autre choix que de renoncer à leur temps de repos », a fustigé la députée socialiste Christine Pires Beaune (Puy-de-Dôme) jeudi. « C’est aussi une attaque au financement de notre modèle social puisque les mesures prévoient des exonérations de cotisations sociales et d’impôt », souligne le député écologiste Julien Bayou (Paris).
Le sénateur socialiste Rémi Féraud (Ile-de-France) critique de ce fait une « sarkozisation très assumée de la politique d’Emmanuel Macron » qui, selon lui, « ouvre la boîte de Pandore de la régression sociale ». Son collègue de l’Assemblée Mickaël Bouloux (Ille-et-Vilaine) a prévenu en séance que des élus de la Nupes saisiraient le Conseil constitutionnel sur les RTT afin de vérifier la conformité de « la modification du code du travail au sein d’une loi de finances » qu’ils mettent en doute.
« Vieilles recettes »
Du côté des syndicats, la colère est semblable. « Au lieu de vouloir peser sur les politiques salariales des entreprises, de poser l’enjeu du partage de la valeur produite, de considérer les évolutions du travail et son intensification, le Parlement nous sert de vieilles recettes », a regretté le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, dans un tweet.
La CGT a, elle, critiqué, dans un communiqué publié jeudi, le « recours à la monétisation des RTT », qui pose « plusieurs questions », dont celle de « la remise en cause de la durée légale du temps de travail », « dans un contexte où de nombreuses luttes dans les entreprises sont menées pour travailler moins mais tou.te.s et mieux ».
Regrettant, lui aussi, « la remise en cause des 35 heures », Frédéric Souillot, secrétaire général de Force ouvrière, a questionné la portée de la mesure, jeudi sur RTL : « Combien de salariés vont être touchés ? Ceux qui sont en forfait jour n’y auront pas droit. [Ceux de] toutes les entreprises où il y a un compte épargne temps n’y auront pas droit non plus. »
Mais dans le camp présidentiel, ces accusations sont renvoyées à de « faux procès ». « Le rachat des RTT, c’est une faculté, ce n’est pas une obligation. Nous ne modifions en rien la durée légale hebdomadaire du travail qui reste à 35 heures », a ainsi tenté de rassurer le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, jeudi devant les députés.
Pour Jean-René Cazeneuve, rapporteur général du texte, « c’est risible de ressortir le coup des 35 heures », alors que ces mesures « répondent à une demande des Français », s’inscrivent dans le cadre du droit du travail et comprennent « des garde-fous pour éviter tout abus ».
Il souligne que pour le rachat de RTT, « le double consentement de l’employeur et du collaborateur est nécessaire », tandis que pour les deux dispositifs le « plafond maximum de conversion de temps en argent est fixé à 7 500 euros ». Soulignant les insuffisances du paquet pouvoir d’achat en matière salariale, les syndicats appellent à la mobilisation générale le 29 septembre.
L’économie française continue de générer des emplois. Dans son estimation flash, publiée vendredi 5 août, l’Institut national de la statistique et des études économiques (Insee) dénombre 102 000 créations net de postes dans le secteur privé, au deuxième trimestre 2022, ce qui représente une augmentation de 0,5 % par rapport au premier trimestre. Il s’agit de la sixième hausse trimestrielle de suite.
Malgré les incertitudes qui pèsent sur l’économie, ces chiffres confirment donc la bonne santé de l’emploi, déjà observée précédemment, conjuguée à un taux de chômage modéré (7,3 % au premier trimestre, selon les chiffres de l’institut). Alors que l’année 2021 avait déjà largement compensé les effets de la crise liée au Covid-19 (+ 4,3 % sur l’ensemble de l’année, soit 838 700 emplois de plus), la poursuite de la dynamique se traduit par un nombre d’emplois largement supérieur à l’avant-crise : mi-2022, l’emploi salarié privé dépasse son niveau de fin 2019 de 3,8 % (+ 754 200 emplois).
Dans le détail, seul l’intérim connaît un reflux entre fin mars et fin juin (− 2,1 %), après une année 2021 prospère. Hors intérim, le secteur tertiaire marchand apparaît comme le grand vainqueur et explique presque à lui seul la bonne tendance du marché du travail : croissance de 0,8 % au deuxième trimestre, après 0,6 % au premier (soit une progression de 97 300 emplois après 77 300 au premier trimestre). Le tertiaire se situe même 4,5 % au-dessus de son niveau d’avant-crise. De leur côté, l’industrie, l’agriculture ou encore la construction se stabilisent.
Difficultés de recrutement
Ces bons chiffres, qui seront précisés dans un bilan détaillé le 8 septembre, peuvent en partie s’expliquer par un changement méthodologique survenu récemment : depuis le premier trimestre 2022, les évolutions conjoncturelles de l’emploi salarié prennent en compte celles des alternants (apprentis et titulaires de contrats de professionnalisation). Ayant révisé ses chiffres de 2021 en prenant en compte les créations d’emplois liés à l’alternance, l’Insee indiquait, en juin, que le dynamisme de ces contrats réservés aux jeunes comptait pour un tiers de la croissance de l’emploi sur l’ensemble de 2021.
L’estimation flash de l’Insee ne donne pas d’informations supplémentaires sur le type de contrat de travail et le temps de travail des salariés occupant ces nouveaux emplois et ne permet pas non plus de revenir sur les problèmes structurels que disent rencontrer les employeurs, à commencer par les difficultés de recrutement et la baisse de productivité depuis 2020.
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Emmanuel Macron remet sur la table la réforme des retraites. A chaque fois le même psychodrame, les mêmes inquiétudes et postures. L’âge légal de départ à la retraite cristallise les débats. Les uns, au nom de l’équité sociale et d’un regard négatif sur le travail, souhaitent le retour à la retraite à 60 ans. Les autres, au nom du réalisme démographique et de l’équilibre des comptes, penchent pour un retour à l’âge de 65 ans pour partir à la retraite. Rappelons que l’âge de 65 ans avait été fixé par le Conseil national de la Résistance (CNR), en 1945. Ce fut la règle jusqu’en 1982.
Les Français se distinguent des Européens par un refus très majoritaire de travailler plus longtemps. Mais un refus largement corrélé par rapport au positionnement social : 77 % des classes moyennes inférieures et modestes et 85 % des plus pauvres sont favorables à la retraite à 60 ans, contre seulement 35 % du côté des catégories aisées, selon un sondage Ifop publié en février. De même, si 42 % des Français se déclarent prêts à travailler jusqu’à 64 ou 65 ans pour avoir une bonne retraite, 62 % des cadres sont dans cette perspective, mais seulement 39 % des ouvriers, d’après le baromètre du Cercle de l’épargne/Amphitéa de mai.
Souffrance, mépris, manque de sens
Les retraités sont les plus sceptiques devant un retour à la retraite à 60 ans. Toujours selon le même sondage Ifop, ils ne sont que 53 % à se déclarer favorables à une retraite généralisée à 60 ans alors que 71 % des Français défendent cette position. Pour autant, même les retraités ne sont guère favorables à l’allongement de la durée de travail. Les Français de plus de 65 ans refusent à 49 %, le droit aux seniors de ne pas partir en retraite, contre 38 % du côté des seniors belges et 17 % pour les seniors allemands, comme le démontre le baromètre de la Fondation Korian et Ipsos pour le bien-vieillir, 2018.
Ce large refus d’une réforme des retraites qui conduirait à travailler plus longtemps s’explique en grande partie par les représentations négatives du travail. Il reste souvent associé à de la souffrance, au sentiment d’être méprisé et au manque de sens. On ne parle même plus de métier mais de poste, de job, de place, de fonction…
Une des grandes transformations de la période postépidémique concerne la distance prise par rapport au travail : l’envie a disparu ! Les jeunes en particulier semblent pour une grande part d’entre eux ne plus vouloir s’investir dans le travail. Le télétravail apparaît à certains comme un droit naturel. A la suite de la longue période de confinement, où une partie de la population a été mise en chômage technique, beaucoup, quel que soit leur âge, ont pris goût à être rétribués sans avoir à travailler… D’autres ont eu envie d’autres choses, de (re)trouver du sens dans leur activité professionnelle.
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De mémoire d’ouvriers, à Kistelek, jamais on n’avait encore vu arriver de nouveaux collègues d’aussi loin. Fin mai, pour la première fois de l’histoire de cette petite commune de 7 000 habitants du sud de la Hongrie, une vingtaine d’Indonésiens ont débarqué pour aider les 200 ouvriers de l’usine de câbles électriques, actuellement débordée par les commandes. « Nous avons expliqué à nos travailleurs hongrois que nous étions tellement à court de bras que la production risquait d’être bloquée ou qu’ils ne pourraient pas partir en vacances », expose Marton Balog, directeur de la production de cette usine appartenant à la multinationale italienne Prysmian.
Ce lundi 18 juillet, les ouvriers indonésiens sont encore en phase d’apprentissage, mais l’entreprise italienne espère qu’ils pourront être totalement autonomes dans les prochaines semaines. « Je connaissais la Hongrie uniquement par la coupe du monde de football », avoue sans difficulté Muhamad Firdaus, jovial ouvrier de 22 ans, venu de Padang, sur l’île de Sumatra, pour assembler des câbles douze heures par jour dans ce coin reculé de l’Europe centrale. « J’aime la Hongrie, les gens sont très gentils avec moi », poursuit ce diplômé en mécanique, qui s’est même mis à l’apprentissage de la si difficile langue magyare.
A ses côtés, Ponton Sijari, 26 ans, est aussi « très content » d’avoir quitté son Indonésie natale pour la première fois de sa vie « pour gagner environ deux fois plus ». Soit un peu plus de 600 euros net par mois, un salaire important pour l’Indonésie, mais qui ne suffit plus à attirer la main-d’œuvre hongroise. « On est d’abord allés chercher en Ukraine ou en Roumanie, mais nous n’avons pas eu trop de succès, le turn-over était trop important, alors on s’est dit qu’on allait chercher encore plus loin dans le Sud-Est asiatique », raconte Tiago Campelo, directeur des ressources humaines de la filiale hongroise de Prysmian.
Salle de prière
Ce Portugais est à l’origine de ce qu’il qualifie prudemment « d’expérience intéressante » dans ce pays dirigé depuis 2010 par le premier ministre nationaliste Viktor Orban, connu dans toute l’Europe pour son combat acharné contre l’immigration. Ilne cache pas avoir pris les plus grandes précautions possibles afin d’éviter de mauvaises réactions : les Indonésiens sont hébergés à une heure de route, à Szeged, une ville étudiante qui accueille déjà des étrangers, et un interprète est présent tous les jours sur le site.
La direction a aussi organisé des réunions avec les ouvriers hongrois pour leur expliquer toutes les différences culturelles, notamment pourquoi elle a décidé d’ouvrir une petite salle de prière musulmane. A en croire les ouvriers de Prysmian, ces précautions payent. « L’usine a tout fait pour qu’ils se sentent bien, il n’y a aucun problème, à part celui de la langue », salue par exemple Tibor Szögi, 48 ans, qui travaille depuis neuf ans sur les chaînes de production. Après deux mois d’expérience, M. Campelo ne cache pas son soulagement. « Je m’attendais à plus de résistance », affirme celui qui prévoit désormais de faire venir des dizaines d’Indonésiens supplémentaires dans les prochaines semaines.
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Les principaux acteurs de l’apprentissage grimpent jusqu’au plus haut sommet de l’Etat pour plaider leur cause. Mardi 2 août, cinq poids lourds du secteur ont écrit à Emmanuel Macron afin de lui manifester leur « incompréhension » et leur « stupéfaction » face aux réductions de moyens budgétaires annoncées au début de l’été et applicables à la rentrée. Les auteurs du courrier ne demandent pas au chef de l’Etat de renoncer à ces « économies », reconnaissant qu’elles sont « nécessaires ». Mais ils suggèrent de les réaliser différemment pour atténuer le « choc » infligé aux centres de formations d’apprentis (CFA).
La démarche fait suite à une délibération, adoptée le 30 juin, par France compétences, « l’autorité nationale » de régulation et de financement de l’apprentissage dont le conseil d’administration est multipartite (Etat, partenaires sociaux, régions, personnalités qualifiées). Cette instance a préconisé une baisse « moyenne totale de l’ordre de 10 % » des « niveaux de prise en charge » – la dotation qui sert à financer l’accompagnement du titulaire d’un contrat d’apprentissage. Le coup de sécateur sera donné en deux temps, avec une première diminution d’environ 5 % le 1er septembre, suivie d’une autre – à partir du 1er avril 2023 –, dont le montant pourrait être équivalent. Entre 750 et 800 millions d’euros devraient être ainsi économisés.
Cette recommandation entend rationnaliser un dispositif victime, à certains égards, de son succès. En 2021, un peu plus de 730 000 contrats d’apprentissage ont été signés, contre 290 000, cinq ans auparavant. Une progression spectaculaire, amorcée par la loi de septembre 2018 « pour la liberté de choisir son avenir professionnel », qui a libéralisé le système. L’essor a été amplifié par les primes exceptionnelles octroyées depuis 2020 aux employeurs qui embauchent des apprentis.
Dans ce contexte, France compétences a été mise à contribution dans des proportions très supérieures à ses ressources. Avec, comme conséquence, l’apparition d’un déficit devenu structurel : – 4,6 milliards d’euros en 2020, – 3,2 milliards en 2021… Cette année, le déséquilibre pourrait être encore plus important (– 6 milliards, selon la Cour des comptes). L’Etat a été appelé à la rescousse plusieurs fois pour éviter à l’opérateur d’être en cessation des paiements.
« Disparités de traitement »
La montée en puissance de l’apprentissage s’est accompagnée de poussées des prix – pas toujours pleinement justifiées – et d’effets d’aubaine. Plusieurs évaluations conduites au cours des deux dernières années ont constaté que les dotations dépassaient, en moyenne, de 20 % le coût des formations. A partir de la fin 2021, tous les protagonistes ont engagé le dialogue dans le but de faire converger le niveau des aides avec celui des charges endossées par les CFA. Les discussions ont abouti à un résultat conforme aux attentes de France compétences, s’agissant de 70 % des niveaux de prise en charge. Pour les autres, l’opérateur s’est montré plus directif en préconisant, bien souvent, un tour de vis.
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« Alliances françaises » (3/6). Depuis le début des années 2000, invités par la cité-Etat, l’Insead, l’Edhec et l’Essec ont pris pied à Singapour. Ce contexte permet aux écoles de commerce françaises de négocier des partenariats stratégiques en Asie, et aux étudiants singapouriens d’être exposés à un environnement international à moindre coût.