Archive dans juin 2022

Le passé esclavagiste de Volkswagen devant la justice brésilienne

Les locaux du Laboratoire de recherche sur le travail forcé contemporain à l’université fédérale de Rio de Janeiro ne sont pas très grands et ses murs sont couverts d’étagères. A l’intérieur, des livres mais surtout des classeurs, rangés par Etat et par année, réunis méticuleusement depuis plus de quarante ans. Le père Ricardo Rezende sait immédiatement où se trouvent ceux qui concernent le constructeur allemand Volkswagen. Ces derniers jours, le téléphone de ce religieux et professeur de droit ne cesse de sonner. « Cela fait quarante ans que j’attends cette audience, donc même si je suis bien grippé et fatigué, je suis heureux », dit-il.

Mardi 14 juin, les avocats du constructeur allemand devaient comparaître devant le procureur chargé du combat contre l’esclavage moderne, Rafael Garcia Rodrigues, qui devait leur notifier des accusations qui pèsent contre l’entreprise. Les faits imputés ne se sont pas déroulés au sein des usines du groupe au Brésil mais dans une exploitation agricole au sud-est de l’Amazonie, que Volkswagen avait acquis en 1973 dans le cadre de l’opération « Amazonie ». Cette dénomination toute militaire était en réalité un programme de développement de la région impulsé par l’armée.

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La junte avait alors mis en place des ristournes fiscales et des aides publiques pour attirer les investisseurs privés, nationaux comme internationaux. Volkswagen avait jeté son dévolu sur une propriété de 140 000 hectares : la Companhia do Vale do Rio Cristalino, dans la localité de Santana do Araguaia, où de très nombreux travailleurs ont été retenus contre leur volonté et sans salaire. « Il est impossible d’estimer leur nombre, quarante ans après les faits. Mais nous avons retrouvé vingt travailleurs et notre enquête montre que Volkswagen était parfaitement au courant des pratiques criminelles qui avaient cours », assure aujourd’hui Rafael Garcia Rodrigues.

Créer le « bœuf du futur »

En 2019, ce procureur reçoit la visite du père Rezende, armé d’un lourd dossier constitué depuis des années. « Volkswagen avait enfin accepté d’indemniser les ouvriers de ses usines à Sao Paulo qu’elle avait livrés à la junte militaire. J’ai pensé que c’était le moment de s’occuper de ceux de Cristalino », raconte le religieux. Cristalino aurait dû être une exploitation agricole modèle, socialement irréprochable et techniquement à la pointe. « Volkswagen avait l’ambition de créer le “bœuf du futur” : une race adaptée au climat tropical. Le bétail et le fourrage étaient contrôlés depuis l’Ecole polytechnique de Zurich, en Suisse, et l’université de Géorgie, aux Etats-Unis. Le slogan de son président à l’époque était “Ce monde n’a pas besoin seulement de voitures, mais aussi de viande” », explique Antoine Acker, professeur d’histoire à l’Institut des hautes études internationales et du développement (IHEID) à Genève et auteur du livre Volkswagen in the Amazon (Cambridge University Press, 2017, non traduit).

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La sobriété écologique exige un effort majeur de recherche

Entreprise. En avril, le Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC) a annoncé qu’il restait peu de temps pour éviter un réchauffement climatique à plus de 1,5 degré. L’alerte a mis la planification écologique à l’agenda gouvernemental. Elle a aussi exacerbé les antagonismes entre les tenants d’une sobriété consentie – voire émancipatrice – et les partisans d’un effort résolu de recherche scientifique et technique.

Or ces deux stratégies sont indispensables l’une à l’autre, et une politique de sobriété doit aussi être éclairée par un effort majeur de recherche, notamment sur les principes de justice qui la guident.

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La crise climatique tient à ce que nos modes de vies les plus prisés ont été principalement obtenus à l’aide de sources d’énergie et de systèmes techniques trop émetteurs de CO2. On peut donc agir dans deux directions : la sobriété écologique qui consiste à conduire un profond changement de nos modes de vies, et la recherche de nouvelles technologies vertes et qui ne bouleverseraient pas trop ces derniers.

La sobriété semble ne dépendre que de la décision collective. La voie technologique apparaît lente et incertaine et pourrait dangereusement retarder cette décision. La sobriété devrait donc s’imposer au plus vite, même si elle force à rompre avec nos pratiques les plus désirées. Mais un changement aussi violent n’a pu être obtenu qu’en temps de guerre ou de pandémie, et de façon provisoire.

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En outre, d’un pays à l’autre, les émissions par habitant (Banque mondiale, 2018) varient en valeur relative de 1 (Rwanda) à 320 (Qatar), en passant par 150 (Etats-Unis) et 88 (moyenne des pays membres de l’Organisation de coopération et de développement économiques).

De nouveaux modèles techniques

Comment répartir efficacement et équitablement les efforts de sobriété ? Comment gérer les conséquences non prévisibles de cet effort ? La recherche nécessaire pour réussir une telle transformation, au niveau national et mondial, est immense. Car, outre la conception partagée de critères de justice, il faut réussir les nouveaux modèles techniques indispensables à la sobriété : la généralisation sans carences d’une alimentation moins carnée, la réduction drastique des déplacements non verts, la pleine recyclabilité des matériaux, la viabilité des circuits courts, etc.

Serait-elle un horizon indépassable, la voie de la sobriété n’en est pas moins inconnue. Or c’est l’imprévisibilité de ses effets qui pousse simultanément à la recherche de technologies alternatives. Car même si celles-ci n’émergent que dans quelques années, nul ne sait où nous auront alors conduits les politiques de sobriété, tant au plan climatique que sociétal.

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« Ici, on travaille plus pour gagner moins ! » : face à l’inflation, de multiples mobilisations pour des augmentations de salaire

Manifestation des employés de l’aéroport Paris-Charles-de-Gaulle en grève, à Roissy-en-France (Val-d’Oise), le 9 juin 2022.

Pour marquer le début de leur troisième semaine de grève, les 67 salariés du fabricant de cellules électriques Pommier devaient défiler dans les rues de Bagnères-de-Bigorre (Hautes-Pyrénées) mardi 14 juin, avant de se rendre, le lendemain, en bus au siège du groupe, à Cahors, « pour faire du bruit » : ils réclament une hausse salariale de 5 %, le maintien de la prime de vacances de 400 euros et une augmentation de l’indemnité panier-repas.

« Je ne sors plus. Je ne vais plus ni chez l’esthéticienne ni chez la coiffeuse. Et je n’ai pas mis les pieds dans le sable depuis deux ans, résume Claude de Haro, monteuse chez Pommier, divorcée, et mère de trois enfants. Je gagne 1 400 euros net, ancienneté comprise, mais 1 000 euros partent en charges fixes. Je dois aller piocher des légumes dans le potager de mes parents. Je suis “Jo la débrouille”, car, ici, on travaille plus pour gagner moins, et on n’a jamais rien. »

Comme chez Pommier, des mobilisations éclosent en France chaque semaine pour des augmentations de salaire. Portées par des syndicats de toutes les étiquettes, elles touchent de la PME à la multinationale, tous secteurs d’activité confondus. Citons, par exemple, les grèves chez le spécialiste du revêtement de sol Gerflor, le parfumeur Marionnaud, l’énergéticien RTE, l’assureur AG2R La Mondiale ou le spécialiste de travaux routiers Eurovia…

« Pas de dynamique particulière » pour les primes

Alors que l’inflation en France a atteint, en mai, 5,2 % sur un an, son plus haut niveau depuis trente-sept ans, les derniers chiffres de la Dares, service statistique du ministère du travail, indiquent qu’au premier trimestre l’indice du salaire mensuel de base n’avait augmenté que de 2,3 % sur un an.

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Un décrochage entre salaires et hausse des prix qui ne semble pas compensé par des primes exceptionnelles de pouvoir d’achat (PEPA), constate le Groupe Alpha, cabinet de conseil en relations sociales. « Avec 379 accords PEPA dans nos bases de données au premier trimestre, nous sommes dans les mêmes niveaux qu’en 2021, explique Antoine Rémond, responsable du centre études & data. Il n’y a donc pas de dynamique particulière. Pas plus dans les sommes octroyées : la moyenne dans notre échantillon est de 496 euros, alors qu’elle était de 506 euros en 2021, selon le gouvernement. »

Sans surprise, ce décalage provoque des mécontentements et, ponctuellement, des mobilisations difficiles à quantifier. Chargée d’études au centre études & data du Groupe Alpha, Alice Rustique souligne cependant que depuis 2018, en moyenne, une cinquantaine d’accords salariaux (sur plusieurs milliers) mentionnaient un contexte conflictuel, et ce nombre a doublé au premier trimestre 2022. Petit indice de l’actuelle « conflictualité ».

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Réinsertion par le sport : « On fait comprendre à ces jeunes que tout ne passe pas par les diplômes »

« Avec lui, si on n’arrive pas à l’heure, c’est cinq tours de plus, quand il pleut c’est dehors. » Entre l’échauffement et la montée sur le ring, Hakim, 23 ans, raille la discipline de son entraîneur, Abdel-Malik Ladjali. Cet ancien boxeur professionnel de 28 ans, au club de l’ABC Roubaisien depuis ses 11 ans, n’est pas seulement prof de boxe : « coach d’insertion par le sport », il accompagne depuis six mois une « promotion » d’une dizaine d’adhérents du club, pour les aider à construire un projet professionnel.

Des valeurs que ces jeunes énumèrent avec le sourire, conscients du « cliché » : dépassement de soi, respect de l’autre, être à l’heure, ne jamais baisser les bras… Dans le groupe, on trouve de futurs chauffeurs-livreurs, carrossiers ou restaurateurs. Hakim, lui, veut à tout prix travailler dans la banque, « pour l’échange avec les clients ». Il a découvert ce métier dans le cadre du parcours avec son coach, après des années de galère. « Pôle emploi et la mission locale, c’est l’usine, t’es un numéro. Ici, il y a un suivi, on est poussés et compris. »

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Au premier trimestre 2022, 11,8 % des moins de 29 ans, soit 1,5 million de personnes, n’étaient ni en emploi, ni en études, ni en formation (NEET), d’après l’Insee. Si ce chiffre est en baisse continue depuis une dizaine d’années (15,1 % en 2012), les quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) souffrent d’inégalités face à l’emploi : les jeunes NEET y sont deux fois et demie plus nombreux (26,7 %), selon l’Observatoire national de la politique de la ville.

« Réseau colossal »

« Il y a une crise majeure du chômage des jeunes, car tout un pan de la population est méprisé, sans espoir, coupé du monde de l’entreprise, constate Jean-Philippe Acensi, président de l’Agence pour l’éducation par le sport (Apels), un réseau d’associations qui aide les décrocheurs. Il faut aller les chercher dans les espaces sportifs, qui sont un réseau colossal. »

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L’idée n’est pas nouvelle. L’Apels est née il y a vingt-cinq ans. Mais elle renouvelle son approche depuis 2015 avec le développement de ces coachs d’insertion par le sport, notamment à Roubaix, ville de 100 000 habitants dont plus des trois quarts vivent en QPV. L’association a suivi 340 volontaires des Hauts-de-France en 2021, dans le cadre de ses deux programmes mêlant sport et cours en classe (remises à niveau, entraînement à l’entretien d’embauche…). « Mais les besoins sont tels qu’il faudrait accompagner au moins 50 000 jeunes par an, et former des milliers d’éducateurs », détaille M. Acensi.

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Discrimination sexiste : Google paye 118 millions de dollars pour solder une plainte collective de femmes

Quinze mille femmes ont poursuivi le géant de l’informatique Google.

Google a accepté de payer 118 millions de dollars pour solder une plainte en nom collectif accusant le groupe d’avoir discriminé les femmes en termes de salaires et d’échelons en Californie, ont annoncé deux cabinets les défendant, vendredi 10 juin. La plainte avait été engagée en 2017 devant un tribunal de San Francisco par des anciennes employées de Google estimant que le moteur de recherche payait les femmes moins que les hommes sur des postes équivalents et qu’elles étaient assignées à des échelons moins élevés que des hommes à expériences et qualifications équivalentes car l’entreprise se basait sur leurs salaires précédents.

Selon le texte de l’accord, rendu public par les avocats, Google « nie toutes les allégations de la plainte et maintient que [le groupe] s’est pleinement conformé à toutes les lois, règles et réglementations applicables à tout moment ». L’entreprise, filiale d’Alphabet, n’avait pas dans l’immédiat répondu à une sollicitation de l’Agence France-Presse.

Déjà une procédure en 2021

Les deux parties ont décidé de négocier un accord afin d’« éviter les coûts de la poursuite d’une procédure, tout en garantissant une indemnisation pour les plaignants », ajoute le document. L’accord doit encore être approuvé par un juge.

Le moteur de recherche avait déjà accepté en 2021 de payer 3,8 millions de dollars au ministère du travail américain à la suite d’accusations de discriminations envers des femmes et des Asiatiques. La plus grande partie de cet argent devait servir à indemniser 2 565 femmes employées par Google à des postes d’ingénieur, ainsi que près de 3 000 personnes, candidates féminines ou candidats d’origine asiatique, qui n’avaient pas été choisis pour de tels postes. Google avait alors déclaré que les discriminations avaient été détectées au cours d’une analyse interne de routine et que l’entreprise avait accepté de verser cette somme pour corriger la situation, tout en niant avoir enfreint la loi.

Le Monde avec AFP

Le difficile statut des correspondants de France 24 à l’étranger

Pour Anne-Fleur Lespiaut, la vie de correspondante de France 24 au Mali a subitement pris fin le 22 mars. Alors que les militaires au pouvoir venaient de suspendre la diffusion de la chaîne et de la radio RFI (deux entités du groupe audiovisuel public France Médias Monde) dans le pays, la direction à Paris lui demande de quitter Bamako, où elle s’était installée fin 2020.

Depuis plusieurs mois, la jeune femme faisait les frais de la dégradation des relations diplomatiques entre Paris et Bamako, où elle était publiquement qualifiée de « persona non grata au service de médias français de propagande ». Depuis son retour, elle fait face à d’autres tracas. « Je suis à sec, France 24 n’a pas maintenu mon salaire », déplore la journaliste de 28 ans, que l’on avait pourtant assurée du contraire.

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De fait, contractuellement, rien n’oblige France 24 à honorer cette promesse. Comme l’écrasante majorité des 160 correspondants de la chaîne publique, Anne-Fleur Lespiaut est en réalité considérée comme une prestataire, rémunérée non pas directement par la chaîne mais par l’une des 47 sociétés de productions sous-traitantes.

Malgré le « montant minimum garanti » que France 24 versait tous les mois à l’entreprise qui l’employait à Bamako, Hemisphère Media Production Africa (HMPA), son directeur Patrick Fandio a estimé qu’il était « de la responsabilité » de France 24 d’indemniser Anne-Fleur Lespiaut, et non de la sienne, comme il l’a écrit dans un communiqué diffusé après avoir été mis en cause dans un article du Canard enchaîné. Contacté, Patrick Fandio nous a renvoyées à ce texte. Le 10 mai, il a annoncé à la chaîne que leur collaboration s’arrêterait en décembre.

Dépenses imprévues

« Anne-Fleur n’était pas notre salariée », riposte Loïck Berrou, adjoint au directeur de France 24 chargé des magazines et reportages. Interlocuteur privilégié des correspondants, le journaliste défend un système « qui permet à France 24 d’avoir un réseau qui tient la route, et aux correspondants de bien gagner leur vie ».

Une appréciation que tous ceux que nous avons interrogés ne partagent pas. « Plusieurs d’entre nous ont dû abandonner notre statut de pigiste (donc aussi le paiement en salaire, et l’obtention de la carte de presse), pour fonder nos sociétés et être payés sur facture, explique un journaliste qui préfère garder l’anonymat, de crainte de perdre son unique source de revenus. Nous ne cotisons donc pas à la “Sécu” pour nos retraites, nous n’avons pas droit aux congés de maternité, ni au chômage, ni aux indemnités de licenciement si nous sommes virés. »

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Tout plaquer pour reprendre un café de village : un pari dans l’air du temps

En plus des services qu’ils proposent, les cafés de village sont d’importants lieux de sociabilité.

A chaque pèlerin son coup de cœur sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle. Les uns citent la beauté des paysages, les autres, la réflexion et le dépassement de soi. Mais c’est pour les villages que craque Laure Bonnet-Madin : « Au bout de trois semaines, je me suis rendu compte que ce que je préférais, c’était me poser au café pour discuter avec les gens du coin. Enfin, je me sentais bien. » Car, lorsqu’elle part pour une longue randonnée, en septembre 2021, la trentenaire qui a grandi en région parisienne, diplômée de Rennes School of Business, n’est pas épanouie : « J’ai fait toute ma carrière dans l’immobilier, de la start-up à Nexity, du commercial à la gestion. A la fin, j’avais l’impression d’être un hamster tournant dans une roue. Je n’étais qu’un pion à qui on demandait de faire du chiffre, peu importe la satisfaction du client. »

A 30 ans, la gestionnaire de copropriété quitte son travail, son compagnon, et emprunte un autre chemin, qui lui fait connaître l’épiphanie sur une place de village. Deux mois plus tard, la Parisienne s’installe à Saintigny, une petite commune rurale du Perche (Eure-et-Loir), qui compte à peine 1 000 habitants. Son nouvel appartement donne sur une église du XIIe siècle, réputée pour ses fresques médiévales – et tout juste promue monument historique, précise la jeune femme. Sensible au patrimoine, la néorurale apprécie surtout le commerce situé au rez-de-chaussée de sa nouvelle résidence : un café, le sien.

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Car, de retour de son itinérance sur le chemin de Saint-Jacques-de-Compostelle, Laure Bonnet-Madin a postulé au programme « 1 000 cafés ». Portée par le groupe SOS, une association spécialisée dans l’entrepreneuriat social, cette initiative a pour objectif de revitaliser les villages de moins de 3 500 habitants en y ouvrant ou en y reprenant des cafés multiservices qui risquent de disparaître.

Sentiment d’abandon

En effet, si les territoires ruraux ne sont pas un ensemble uniforme, ils font face à une tendance commune : un sentiment d’abandon lié à la perte de services publics, de commerces de première nécessité et de lieux de sociabilité. Ainsi, 53 % des communes de moins de 3 500 habitants ne disposent d’aucun commerce du quotidien, ni de débit de boissons. Et huit habitants d’une commune rurale sur dix souhaitent voir un café ouvrir dans leur commune, souligne l’équipe de 1 000 cafés. L’initiative est financée à la fois par des fonds propres du groupe SOS, par de grands partenaires privés, ainsi que par l’Agence nationale de la cohésion des territoires.

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Inflation : la boucle prix-salaires, un risque à ne pas surestimer

« La croissance des salaires (…) a commencé à s’enclencher », assurait, jeudi 9 juin, Christine Lagarde, la présidente de la Banque centrale européenne (BCE), en annonçant de prochaines hausses de taux d’intérêt pour lutter contre l’inflation. Un phénomène que les banquiers centraux et les gouvernements, échaudés par le souvenir des années 1970, redoutent par-dessus tout. A l’époque, à la suite du choc pétrolier, et comme les rémunérations étaient automatiquement indexées sur les prix, les fiches de paie ont été régulièrement revalorisées. Pour financer ces augmentations de salaire, les entreprises ont relevé leurs tarifs, alimentant ainsi l’inflation. Cette boucle, ou spirale prix-salaires, a été désamorcée en 1982 en France par la désindexation des salaires de l’indice de prix.

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Quarante ans plus tard, la boucle prix-salaires fait figure d’épouvantail. Les données sur les premiers mois de 2022 – avant, donc, la déclaration de Mme Lagarde – semblaient pourtant indiquer que la vague tant redoutée n’était pas encore formée. Alors que l’inflation a atteint 5,2 % sur un an au mois de mai en France, les salaires devraient plutôt grimper de 3,6 %, selon les calculs effectués par l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE). Dans la zone euro, on s’oriente vers « une croissance des salaires d’environ 3 % en 2022 et de 2,5 % en 2023 », explique Philip Lane, économiste en chef de la BCE.

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« A ce stade, il est vraiment prématuré de parler de boucle prix-salaires », estime en conséquence Julien Marcilly, économiste en chef de Global Sovereign Advisory. D’autant que le contexte économique a sensiblement changé par rapport aux années 1970. D’abord, les banques centrales n’avaient pas le même rôle de garde-fou dans la lutte contre l’inflation, et leurs avis et décisions étaient moins suivis. Ensuite, les services, qui sont moins inflationnistes que l’industrie, pèsent plus lourd qu’auparavant dans l’économie française. Enfin, après une longue période de plein-emploi et de croissance, les salariés avaient davantage de marge de négociation qu’aujourd’hui face aux employeurs pour améliorer leur paie.

Demandes de revalorisation modérées

« Ce qui est dangereux, ce n’est pas de revaloriser les salaires, c’est de le faire de manière mécanique. L’automaticité de l’indexation rend le phénomène impossible à arrêter », rappelle Mathieu Plane, directeur adjoint du département analyse et prévision de l’OFCE. Actuellement, seul le smic reste automatiquement indexé sur l’inflation, ainsi que les pensions de retraite, qui ont toutefois été gelées plusieurs années. Le reste résulte de la négociation, et ne présente donc pas de risque de spirale « s’il s’agit de revalorisations valables pour cette année et rediscutées l’année prochaine en fonction de la situation », poursuit M. Marcilly.

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« On aimerait faire plus, mais encore faudrait-il que le chiffre d’affaires suive » : face à l’inflation, les patrons en quête de solutions

« Ce n’est pas simple pour les salariés, mais ce n’est pas simple pour nous non plus. » Du Chablisien, où il dirige une petite entreprise de négoce, Olivier Tricon soupire. « Après deux ans à subir le Covid et les difficultés pour trouver des salariés », voilà que l’inflation s’en mêle. Impossible d’y échapper quand on vit et travaille au milieu des coteaux striés de vignes. « Dans nos campagnes, tout le monde se déplace en voiture, tout le monde est tributaire de la hausse des prix du carburant. Alors, j’ai versé la prime Macron, et j’ai pensé à donner 50 euros en plus par mois à mes vingt salariés. Mais avec les charges, ils touchaient 39 euros, et moi ça m’en coûtait 75. Tout le monde était perdant », observe-t-il. Pour ce patron qui a commencé « en bas de l’échelle », pas question pour autant de ne pas faire de geste pour son équipe. Alors, c’est décidé : en juillet, « [il augmentera] tout le monde de 3 %, pour essayer de compenser l’effet de l’inflation sur le pouvoir d’achat. » « Et puis qui sait, ça limitera peut-être les velléités de mes gars de partir ailleurs… »

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A Mérignac, dans la banlieue de Bordeaux, Myriam King, à la tête d’une PME d’une cinquantaine de personnes spécialisée dans l’entretien des bureaux et des parties communes d’immeuble, a le sentiment d’être dos au mur. « Compte tenu du prix des logements à Bordeaux, les gens vont vivre à la campagne, raconte-t-elle. Alors maintenant, certains me disent qu’ils ne peuvent plus venir travailler parce que l’essence est trop chère. On est obligés de céder et d’accorder des augmentations, sinon ils ne viennent pas bosser. »

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Vincent Roche, avocat au sein du cabinet Fidere, expert en droit social, le confirme : « Nos clients nous posent de plus en plus de questions sur la manière d’accompagner le pouvoir d’achat de leurs salariés, sans prendre de risque et sans mettre les comptes de l’entreprise en danger. » En sept mois, le smic a été revalorisé trois fois, soit une augmentation de 5,9 % en un an. Les négociations de branche conduites jusqu’à présent se sont traduites par des hausses de salaires d’environ 3 %, contre 1 % ces dernières années. Pas assez, cependant, pour rattraper l’inflation, qui a atteint 5,2 % au mois de mai. « On a déjà augmenté les salaires [début 2022], et il faudrait recommencer », poursuit Mme King, à Mérignac. « Mais moi, les augmentations de tarif auprès des clients, je ne les fais qu’une fois par an. »

« Un niveau d’incertitude vraiment élevé »

A la tête de Lamazuna, une PME qui fabrique des cosmétiques zéro déchet, Laëtitia Van de Walle surveille, elle, avec anxiété la courbe de ses ventes. « On a déjà augmenté tous les non-cadres en les indexant sur l’inflation, et on a compensé la hausse des cotisations des mutuelles. On aimerait bien faire plus, mais encore faudrait-il que le chiffre d’affaires suive. Alors, on renvoie la discussion à octobre, et tant pis si ça râle un peu. » En attendant, la patronne de cette société installée dans la campagne drômoise discute avec ses salariés qui réclament une « prime de covoiturage ». Tandis qu’à Niort, le patron d’une entreprise industrielle s’arrache les cheveux : comment donner un coup de pouce aux ouvriers qui font 60 kilomètres de voiture pour venir à l’usine sans pénaliser ceux qui viennent à vélo ?

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