Archive dans mai 2022

Edgar Grospiron, Fabien Pelous… Les conférenciers sportifs, témoins des maux de l’entreprise

« Si les champions peuvent devenir entrepreneurs ou salariés après leur retraite sportive, certains capitalisent sur leur notoriété : depuis une dizaine d’années, les agences mettant en relation entreprises et sportifs prospèrent. »

« Depuis quelque temps, on sent que les collaborateurs ont besoin de se revoir en équipe après le Covid. Avec le télétravail, on se heurte à un gros écueil pour générer de la solidarité entre les personnes. » Fort de plusieurs centaines d’interventions dans des sociétés de tailles et de domaines multiples, Fabien Pelous, joueur le plus sélectionné en équipe de France de rugby (1995-2007), sait de quoi il parle. « On fait appel à moi pour mettre l’accent sur la performance collective. Le rugby, c’est associer toutes les fonctions et tous les gabarits pour aller vers un même objectif. »

Si les champions peuvent devenir entrepreneurs ou salariés après leur retraite sportive, certains capitalisent sur leur notoriété : depuis une dizaine d’années, les agences mettant en relation entreprises et sportifs prospèrent. Les demandeurs sont souvent des grandes entreprises, comme des constructeurs automobiles, des banques ou des cabinets de conseil, « mais aussi de plus en plus de PME et de start-up », selon Matthieu Aboudaram, PDG de WeChamp, agence née il y a cinq ans.

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Motivation, courage, travail en équipe, dépassement de soi, rebond après un échec… Les enjeux des entreprises rejoignent en de nombreux points ceux du sport. Champion olympique de ski de bosses à Albertville en 1992, Edgar Grospiron est le plus aguerri des conférenciers : il effectue quatre-vingts interventions par an depuis quinze ans, à 8 500 euros pièce. « Quand j’étais athlète, des sponsors m’ont demandé de raconter ma vie devant leurs équipes. J’ai trouvé ça valorisant, mais je ne voyais pas en quoi cela pouvait être un métier. » Il s’est formé à partir de 2001 au management, et a appris les ressorts théoriques de la motivation au travail en étant formateur.

« Dans un univers qui fait rêver »

En règle générale, l’intérêt purement managérial d’une conférence paraît limité. « Je me suis formé sur le tas, raconte Fabien Pelous. Je ne fais que traduire en terminologie d’entreprise ce que j’ai vécu dans le sport. Attention, je ne peux pas répondre à toutes les problématiques : je ne vais pas inventer un propos sur le télétravail, je n’ai jamais fait de “télérugby”. Mon but, c’est juste d’ouvrir des cases dans le cerveau sur des façons de manager. »

En effet, l’essentiel est ailleurs : les intervenants, en personnalisant le management, peuvent transmettre des messages que les manageurs n’arrivent plus à faire passer. « L’objectif du chef d’entreprise qui fait appel à un sportif est de développer un discours qui est sensiblement le même que le sien, mais dans un univers qui fait rêver les gens : il y a des soucis de résistance au changement et il souhaite susciter un déclic », explique Julien Pierre, maître de conférences en sociologie et management du sport à l’université de Strasbourg.

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Femmes au travail : le genre « invisible »

Carnet de bureau. La discrimination se porte bien. Selon une enquête IFOP réalisée pour L’Autre Cercle (association contre les discriminations faites aux LGBT+ en entreprise) sur « la visibilité et l’inclusion des lesbiennes au travail en France », et publiée mardi 10 mai, ces salariées sont peu visibles en entreprise. Entre le 9 novembre 2021 et le 25 janvier 2022, l’institut de sondage a interrogé 1 402 femmes lesbiennes ou bisexuelles, de 18 ans ou plus, en activité professionnelle. Un tiers (33 %) d’entre elles seulement sont « visibles » en tant que telles par leurs supérieurs hiérarchiques, et 40 % par leurs collègues de même niveau hiérarchique.

Un constat qui serait anodin s’il était sans conséquences sur le travail, la santé et la carrière des salariées en question. Mais ce n’est pas le cas. « Ces salariées subissent les mêmes conséquences que toute victime de harcèlement : isolement, perte d’engagement, d’investissement. Au cours des trois dernières années, 26 % disent avoir eu des pensées suicidaires, et 21 % en sont venues à quitter leur entreprise. Par ailleurs, elles sont victimes d’inégalités pour tous les droits liés à leur foyer : leur conjointe, leurs enfants. Tant qu’elles ne se sont pas dévoilées, elles ne peuvent pas en profiter », explique Catherine Tripon, porte-parole nationale de L’Autre Cercle et coresponsable du projet Voilat (Visibilité ou invisibilité des lesbiennes au travail).

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En complément de l’enquête IFOP, 88 entretiens qualitatifs ont été réalisés par L’Autre Cercle pour comprendre les raisons de cette invisibilité. Est-elle volontaire ? Subie ? Systémique ? Un début de réponse réside dans la mesure de leur discrimination : 53 % des femmes interrogées déclarent avoir subi au moins une discrimination ou une agression au travail, et 31 % ont subi l’une et l’autre. Une majorité d’entre elles ont fait l’expérience d’une « lesbophobie d’ambiance » : elles ont été témoins ou cibles directes de propos particulièrement désobligeants, « peu propices à une visibilité sereine », précise l’enquête.

Peur des représailles

Le silence est souvent le premier réflexe des victimes de discriminations en tout genre. Selon le 13e baromètre annuel sur la perception des discriminations dans l’emploi, réalisé conjointement par le Défenseur des droits et l’Organisation internationale du travail (OIT), « parmi les personnes qui n’ont rien dit au moment des faits [de discriminations] (23,5 %), 68 % évoquent la peur des représailles de la part des auteurs, 60 % indiquent qu’elles ne savaient pas quoi faire, et 56 % pensent que cela n’aurait rien changé ».

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Sur le marché du travail, les jeunes diplômés fragilisés par la crise sanitaire

Une génération stoppée net dans sa lancée en mars 2020. La crise sanitaire liée au Covid-19 a représenté un « coup d’arrêt brutal » pour la jeunesse, alors que celle-ci commençait à peine à connaître une embellie sur le marché de l’emploi, souligne une vaste enquête du Centre d’études et de recherches sur les qualifications (Céreq), publiée mardi 10 mai. Menée tous les six ans auprès de plus de 25 000 personnes, l’enquête « Génération » analyse l’entrée sur le marché du travail de l’ensemble des sortants du système éducatif. Cette nouvelle édition, retrace les parcours des jeunes qui ont terminé leur formation en 2017, et qui ont été interrogés à plusieurs reprises cinq ans après leur entrée dans la vie active. Elle est la première étude d’une telle ampleur à documenter les conséquences de la crise sanitaire sur l’insertion de toute une génération de jeunes, et de sa brutalité.

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Avant le premier confinement dû au Covid-19 et l’arrêt de l’économie qu’il a entraîné, les indicateurs étaient au vert. En février 2020, trois ans après l’entrée sur le marché du travail de cette génération, le taux de chômage au sein de cette dernière avait baissé de trois points par rapport à celui qu’avait connu la cohorte précédente, sortie du système éducatif en 2010. L’enquête souligne aussi un accès au contrat à durée indéterminée (CDI) « plus fréquent et rapide », avec 68 % de CDI chez les jeunes en emploi (en hausse de quatre points par rapport à la génération diplômée en 2010, à la même période). Cette génération profite à l’époque d’une « conjoncture économique plus favorable » sur l’ensemble du marché du travail, après les effets de la crise de 2008 qui avait fragilisé durablement les jeunes entrés dans la vie active au début des années 2010, observe Thomas Couppié, chargé d’études au Céreq, coauteur de l’enquête.

Arrêt massif des recrutements

Ces bons indicateurs témoignent aussi d’une évolution sociologique, reflet de la massification toujours plus forte de l’enseignement supérieur : la génération de 2017 est davantage diplômée que celle sortie en 2010. Dans cette cohorte, 78 % sont détenteurs au moins d’un baccalauréat, et près de la moitié (47 %) est diplômée du supérieur. Un « seuil symbolique » en passe d’être atteint, note l’étude, qui pointe toutefois de fortes inégalités, quand seulement 8 % des enfants d’ouvrier sortent avec un diplôme du supérieur. Au passage, l’enquête montre que le diplôme reste plus que jamais « protecteur vis-à-vis du chômage », souligne Elsa Personnaz, coautrice. La moitié des titulaires d’un diplôme bac + 5 ont ainsi accédé rapidement à un CDI, contre seulement 5 % des non-diplômés.

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Appel à témoignages : vous avez fait un bilan de compétences récemment, racontez-nous

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Ces jeunes femmes qui choisissent, une fois diplômées, de rentrer dans les campagnes et les petites villes où elles ont grandi

La maison est postée au bord de la route principale, qui traverse quasiment toute la commune de Bouconville. Peu de passage sur cette départementale, tracée au milieu de vastes étendues agricoles : à part pour rendre visite à l’un des cinquante habitants de ce village des Ardennes, « il n’y a pas de raison de venir par ici », remarque Sophie Limousin, 28 ans, qui tend une tasse de thé à son amie assise à la table du salon. Copines depuis le lycée à Vouziers, vingt kilomètres plus loin, Laurine Piekarek et elle déjeunent régulièrement ensemble. Elles s’étaient un peu perdues de vue pendant leurs années d’études. L’une n’avait jamais envisagé qu’un départ temporaire, l’autre rêvait de quitter le coin pour de bon. Toutes deux se sont retrouvées ici, dans la campagne où elles ont grandi.

Leur trajectoire reflète celle de nombre de jeunes femmes ayant grandi à la campagne ou dans les petites villes. Davantage encouragées que leurs homologues masculins à faire des études, et donc à se rendre dans de grandes agglomérations, les jeunes femmes des villes petites ou moyennes ont également plus tendance à retourner s’installer dans leur territoire d’origine. C’est la conclusion d’une étude publiée dans la revue Travail, genre et sociétés (n° 46, La Découverte, 2021) , réalisée par les sociologues Elie Guéraut et Fanny Jedlicki, chercheurs associés à l’Institut national d’études démographiques (INED), à partir d’une série d’entretiens et des données du recensement de 2013 et de la plate-forme de répartition dans le supérieur Admission post bac de 2015.

« Les jeunes femmes obtiennent de meilleurs résultats scolaires que les garçons : plus souvent bachelières, elles vont ensuite chercher le diplôme là où il se trouve », explique Fanny Jedlicki. Localement, elles font face à une offre de formation plus restreinte, avec de rares filières dites « féminines », et tendent davantage à se rendre dans les pôles universitaires. Mais pour elles, le départ se pose bien souvent en d’autres termes que pour les jeunes hommes qui font aussi le pas vers la grande ville. « Elles sont confrontées à une double injonction, celle de quitter leur ville d’origine pour étudier et celle de continuer, malgré tout, à investir les liens de proximité », souligne Elie Guéraut.

Lire le récit : Article réservé à nos abonnés « On est les derniers d’ici » : rester, partir ou revenir, le tiraillement des jeunes ruraux

Une partie d’entre elles adaptent alors leur choix de formation à « l’espace des possibles local », observe la doctorante Perrine Agnoux, qui suit les parcours de jeunes femmes en Corrèze, et particulièrement de bachelières pro « aide à la personne », filière d’avenir d’un département vieillissant. « Le départ en ville, pour acquérir une autre qualification, est vécu par beaucoup comme un sacrifice provisoire avant le retour », souligne-t-elle.

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Pas de mère… pas de congé « de paternité »

Droit social. Le système de protection sociale, dont la clé de voûte était, en 1945, une sécurité sociale qui assurait la couverture de la plupart des risques du travailleur salarié (très généralement un homme, le célèbre M. « Gagne-Pain ») et de ses ayants droit (dont l’épouse, « Mme Au-foyer », sans ressources propres, et leurs enfants légitimes) a évolué.

Il n’en reste pas moins des situations dans lesquelles le genre reste un critère d’attribution d’un droit. Comme le congé de paternité devenu, depuis 2013, également celui de « l’accueil de l’enfant », qui figure à l’article L. 1225-35 du code du travail. Ce texte permet de suspendre le contrat de travail à l’occasion d’une naissance ou d’une adoption. Il est complété par l’article L. 331-8 du code de la sécurité sociale, qui organise le revenu de remplacement durant ce congé, dont la durée a d’ailleurs été augmentée depuis juillet 2021.

Un cas non couvert

Le congé de paternité est notamment accordé au compagnon ou au partenaire de la mère qui n’est pas le père biologique de l’enfant dans le cadre d’un couple hétérosexuel et à la compagne ou à l’épouse de la mère dans le cadre d’un couple homosexuel.

Toutefois, huit ans après l’ouverture du mariage et de l’adoption aux couples de même sexe, il reste un cas non couvert.

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Ainsi, en cas d’adoption d’un enfant par un couple d’hommes, les caisses primaires d’assurance-maladie, compétentes pour le versement de l’indemnisation par application du code de la sécurité sociale, accèdent à la demande d’un premier congé de paternité mais rejettent la demande de congé de paternité de l’époux ou du compagnon de l’adoptant ou du coadoptant : pas de mère, pas de congé d’accueil de l’enfant, selon le texte.

Le traitement est donc différent, selon que les adoptants sont un couple de femmes ou un couple d’hommes.

La Cour européenne des droits de l’homme considère de façon constante, par application de l’article 14 de la Convention européenne des droits de l’homme, « qu’une différence de traitement est discriminatoire si elle manque de justification objective et raisonnable, c’est-à-dire si elle ne poursuit pas un but légitime ou s’il n’y a pas un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé ».

« Responsabilité éducative »

Le but annoncé de ce congé, notamment par la réforme de 2021, était « de renforcer les pères dans leur responsabilité éducative à l’égard de leurs enfants par un investissement précoce auprès de ceux-ci » : il est dès lors paradoxal, et surtout non justifiable, d’accorder le congé de paternité à l’épouse ou à la compagne de la mère ou de l’adoptante et de refuser ce droit au mari, compagnon du père biologique ou du père adoptant.

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L’emploi des seniors, un des enjeux clés de la future réforme des retraites

Emmanuel Macron reçoit les partenaires sociaux, ici avec Laurent Berger (CFDT) et Geoffroy Roux de Bézieux (Medef), à l’Elysée, le 24 juin 2020.

En voulant porter à 65 ans l’âge légal de départ à la retraite, Emmanuel Macron relève un redoutable défi : celui de l’emploi des seniors. La France représente un contre-exemple – ou un antimodèle – en la matière, avec un pourcentage de sexagénaires en activité qui s’avère parmi les plus faibles des pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE). Une situation identifiée de longue date mais que les gouvernements successifs, malgré de vibrantes professions de foi, n’ont pas vraiment prise à bras-le-corps – y compris pendant le premier quinquennat du président réélu.

Les chiffres donnent un aperçu de l’ampleur de la tâche. Certes, la proportion de seniors en emploi s’est accrue au cours des deux décennies écoulées. Au quatrième trimestre de 2021, 56,1 % des personnes de 55 à 64 ans occupaient un poste, soit 18,4 points de plus par rapport aux trois premiers mois de 2003, selon une note de la Dares – la direction chargée des études au ministère du travail. Cette augmentation est imputable, en grande partie, aux mesures prises depuis deux à trois décennies pour retarder l’âge d’ouverture des droits à la retraite et pour restreindre les dispositifs de cessation anticipée d’activité (les préretraites, en particulier).

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Mais la situation est très disparate, si on examine plus finement les statistiques. Ainsi, seuls 35,5 % des femmes et des hommes de 60 à 64 ans exerçaient un métier en 2021, d’après la Dares. Ce pourcentage est en hausse depuis le début du XXIe siècle, mais les données les plus récentes permettant de faire des comparaisons internationales montrent que la France se trouve en queue de peloton : en 2019, le taux d’emploi pour cette tranche d’âge (les 60-64 ans, donc) était de 32,7 %, contre 70 % en Suède, 61,8 % en Allemagne et 52,4 %, en moyenne, à l’échelon des Etats membres de l’OCDE.

Autre gros point noir : bon nombre d’individus en fin de carrière passent par des périodes plus ou moins longues de chômage ou d’inactivité avant de pouvoir réclamer le versement de leur pension. Ainsi, sur la période 2018-2020, la part des femmes et des hommes de 61 ans qui ne sont ni en emploi ni à la retraite était de 27,67 % en moyenne, contre 15,2 % sur la période 2013-2015, d’après des statistiques fournies par le Conseil d’orientation des retraites (COR).

Une sorte de pacte tacite

« Il y a une déconnexion entre l’âge auquel les personnes quittent le marché de l’emploi et l’âge auquel elles demandent le versement – ou la liquidation – de leur pension : le premier dépasse à peine 60 ans en moyenne, tandis que le second est un peu supérieur à 62 ans », décrypte Anne-Marie Guillemard, professeure émérite de sociologie à l’université Paris-Descartes de la Sorbonne. Un tel hiatus, explique-t-elle, tient au fait que de nombreux salariés arrêtent définitivement de travailler, une fois franchi le cap de la soixantaine, mais doivent attendre un certain temps avant de faire valoir leur droit à la retraite, parce qu’ils ne remplissent pas les conditions requises. « Il ne faut, en effet, pas perdre de vue que 42 % des individus qui liquident leur pension ne sont déjà plus en activité, étant sortis du marché du travail pour diverses raisons », souligne Anne-Marie Guillemard. Dans certains cas, ils sont au chômage depuis une ou plusieurs années ; dans d’autres, ils sont en situation d’invalidité ou allocataires d’un minimum social…

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Augmenter le smic : le débat refait surface chez les économistes

La feuille de paye est-elle l’ennemie de l’emploi ? Alors que de plus en plus de ménages se serrent la ceinture face à l’emballement des prix de l’énergie et des produits alimentaires, cette question récurrente vient d’être relancée par Patrick Artus. Le conseiller économique de la banque Natixis, qui fait partie des experts dont la voix est particulièrement écoutée en France, a affirmé, le 28 avril, que la réflexion sur le pouvoir d’achat « se heurte [à un] tabou » : celui de la « croyance très profonde chez la très grande majorité des économistes » selon laquelle une augmentation des « plus bas salaires » détruit des postes « peu qualifié[s] ». « Est-ce que c’est vrai ? », s’est-il interrogé, sans trancher ni par l’affirmative ni par la négative.

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Le simple fait d’exprimer des doutes suscite des réactions contrastées chez ses pairs et est susceptible de fournir des arguments à tous ceux, notamment à gauche ainsi que parmi les syndicats, qui exhortent les pouvoirs publics à accroître plus généreusement le smic.

M. Artus a tenu ces propos lors du Club de l’économie, une rencontre-débat organisée par Le Monde. Le conseiller de Natixis a rappelé que depuis une décennie, le salaire minimum ne reçoit « pas de coup de pouce », ce qui signifie que l’Etat se borne à accorder les revalorisations obligatoires prévues par les textes (celles qui interviennent chaque 1er janvier et celles qui se produisent, le cas échéant, en cours d’année lorsque l’inflation flambe, à l’image de la hausse de 2,65 % entrée en vigueur le 1er mai). Une telle modération est conforme aux recommandations que le comité d’experts sur le smic présente, chaque année, dans un rapport remis au gouvernement : pour ce groupe de personnalités qualifiées, une augmentation trop soutenue du salaire minimum risquerait de nuire aux embauches de travailleurs rétribués à ce niveau-là.

« Plein de contre-exemples »

Cette certitude, qui s’appuie sur de nombreuses recherches, mériterait, toutefois, d’être réexaminé aux yeux de Patrick Artus, car il y a « plein de contre-exemples ». Le conseiller de Natixis se prévaut d’une célèbre étude réalisée au milieu des années 1990 par David Card et Alan Krueger : les deux économistes s’étaient intéressés à des établissements du secteur de la restauration rapide aux Etats-Unis, qui avaient relevé de façon substantielle la rémunération de leurs employés les moins bien payés. Résultat : « Ça n’a pas du tout détruit d’emplois », a relaté Patrick Artus. Au contraire, même : « Ils [en] ont créé. » Dès lors, « il faut creuser cette question » en conduisant de nouvelles enquêtes, voire des « expérimentations » qui pourraient se traduire par des majorations fortes et très localisées du smic afin d’en apprécier les incidences.

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La prime de départ de Stéphane Richard soulève des critiques

Pour sa dernière assemblée générale chez Orange, le 19 mai, Stéphane Richard ne partira pas sous des vivats unanimes. La prime de 475 000 euros que l’opérateur télécoms souhaite verser à son futur ex-président suscite l’incompréhension des « proxy advisors », ces agences de conseil en vote qui soufflent à l’oreille des grands actionnaires. Les américaines Glass Lewis et ISS, ainsi que la française Proxinvest, recommandent de voter contre le plan de rémunérations pour 2022 des dirigeants d’Orange, dont le salaire de M. Richard pour ses quatre mois et demi à la présidence et sa prime.

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Comparés à des dossiers qui avaient fait polémique dans le passé, comme les 13,7 millions d’euros touchés par Michel Combes au moment de son départ d’Alcatel-Lucent en 2015, les 475 000 promis à M. Richard ne sont pas extravagants. Mais les agences de conseil en vote jugent ce geste « injustifié ».

« Le conseil d’administration a décidé que ce n’était pas normal de laisser partir Stéphane Richard sans un minimum après toute son action à la tête du groupe pendant douze ans. Il n’a rien d’autre : pas de clause de non-concurrence, pas de retraite chapeau… », rétorque Nicolas Guérin, secrétaire général d’Orange, pour qui « ces critiques sont injustes et le montant n’est pas indécent ». L’opérateur insiste notamment sur le soutien de M. Richard tout au long du processus de recrutement de sa successeure à la direction générale, Christel Heydemann. Mais selon ISS, « l’établissement d’un plan de succession est considéré comme une mission ordinaire du conseil d’administration, en l’occurrence présidé par Stéphane Richard. En tant que tel, l’accomplissement de cette tâche serait donc récompensé deux fois, une fois par sa rémunération annuelle et une seconde fois par cette rémunération exceptionnelle ».

« Récompenser un départ forcé après une condamnation pour complicité de détournement de fonds publics peut paraître surprenant », lance l’agence ISS

Surtout, les agences rappellent que la démission de M. Richard de ses fonctions de directeur général résulte de sa condamnation en appel en novembre 2021 pour complicité de détournement de fonds publics dans l’affaire Tapie. « Récompenser un départ forcé après une condamnation pour complicité de détournement de fonds publics peut paraître surprenant », lance ISS. « Sa condamnation est de l’ordre du privé et cette affaire n’a jamais eu d’impact sur l’activité de Stéphane Richard comme PDG ni sur celle d’Orange », répond M. Guérin.

Autre sujet de fâcherie potentielle : l’arrivée de Jacques Aschenbroich à la présidence d’Orange. Glass Lewis, ISS et Proxinvest recommandent de voter contre sa nomination. En cause : son cumul de mandats. En plus de son futur poste chez Orange, M. Aschenbroich conservera la présidence de Valeo, potentiellement jusqu’à la fin de 2022, et occupera deux sièges d’administrateurs chez BNP Paribas et Total. Glass Lewis craint que « cette combinaison de postes empêche » M. Aschenbroich « de consacrer le temps nécessaire pour assumer les responsabilités requises d’un membre du conseil d’administration ».

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L’argot de bureau : le « smart working », un cocktail de transformations managériales

Portier dans un beau quartier alors que l’interphone a été inventé, secrétaire d’un petit patron ne recevant que trois appels par jour… Autant de métiers labellisés « bullshit jobs » par l’anthropologue américain David Graeber (1961-2020), car contre-productifs, continuant à exister alors qu’ils n’ont plus lieu d’être. Il en va de même de tous ces manageurs qui enjoignent les salariés à rester assis à leur bureau, alors qu’il n’y a plus de travail.

Face à ces inutilités et rigidités du monde de l’entreprise s’érigerait le « smart working », le travail intelligent : c’est l’un des derniers fleurons du jargon d’entreprise. En règle générale, on le traduit plutôt par « travail flexible » ou « travail hybride ». Dotée des nouveaux outils collaboratifs et tirée par un état d’esprit plus ouvert des dirigeants, c’est une manière de travailler qui se construit littéralement « en bonne intelligence » avec les salariés, puisqu’elle s’adapte à leurs besoins.

Il est difficile de situer la genèse du terme, mais le smart working s’est fortement développé en… Italie. En effet, le terme y est inscrit – en anglais –, dans une loi de 2017 : c’est une « modalité d’exécution de la relation de travail subordonnée, établie par accord entre les parties, également avec des formes d’organisation par phases, cycles et objectifs ».

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Tout d’abord, le smart working est indissociable du digital : il s’agit d’un travail « augmenté » par le numérique, au même titre qu’une Smart TV, qui possède des fonctionnalités supplémentaires, car elle est connectée. La technologie permet d’augmenter les salariés – du calme, pas financièrement – en les rendant plus efficaces.

Le plus beau des fourre-tout managériaux

Ces mêmes salariés sont au cœur du processus, a priori fondé sur la confiance et l’adaptation aux désirs de chacun. La flexibilité de ce travail est spatio-temporelle : elle touche tant l’organisation physique du management – salles de réunion, lieux de convivialité (salles de sport ou de sieste), bureaux flexibles, espaces de coworking ou pas de bureau du tout, si l’on télétravaille – que l’agencement des temps de travail (gestion des horaires, choix des jours de télétravail).

La souplesse et l’adaptation se traduisent d’ailleurs dans le mode de décision : le smart working se coconstruit à travers des projets à 360 degrés, où chacun peut donner son avis, et où tout le monde gagne… Mais dont la genèse revient tout de même à la direction.

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L’assureur Axa est l’un des pionniers de ce travail coconstruit par le biais d’accords d’équipe : l’entreprise a même annoncé que toutes ses entités auront adopté le smart working d’ici à fin 2023, chacune ayant une stratégie de déploiement adaptée à son activité et à ses réalités locales.

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