Archive dans mai 2022

L’argot de bureau : l’« offboarding », ce n’est qu’un au revoir

« En toute chose, c’est la fin qui est essentielle », clamait Aristote dans sa Poétique. Pourtant, l’imaginaire collectif ne retient des tristes fins en entreprise qu’un adieu bâclé : salarié licencié portant son carton d’affaires la mine déconfite, pot de départ hypocrite à base de mousseux tiède et de discours gênés…

L’« offboarding » veut être une solution à ces mauvais départs : complémentaire de l’« onboarding »stratégie standardisée d’intégration des jeunes recrues de l’entreprise –, il désigne l’accompagnement d’un salarié sur le point de voguer vers d’autres horizons, qu’il s’agisse d’une fin de CDD, d’un départ en retraite ou d’un licenciement.

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Le suivi commence mal : le mot désigne littéralement le fait de « se faire débarquer ». « C’est mal choisi, on devrait plutôt parler d’atterrissage en douceur, juge Jenny Gaultier, directrice générale du Mercato de l’emploi, un réseau de consultants en recrutement. Le mot d’ordre est de donner une vision claire au collaborateur qui s’en va. »

Le pot !

La feuille de route, simple et connue de tous, se traduit donc par une série de tâches, à réaliser par exemple durant le mois qui précède la fin de contrat. La communication en interne est un bon début : celui qui part préviendra son équipe, ce qui brisera les tabous et permettra d’organiser la suite avec moins de stress (passation des missions aux successeurs, réattribution des tâches…).

L’aspect administratif est non négligeable : il ne faut rien oublier, de l’attestation Pôle emploi au badge d’accès, sans oublier ce message de rappel humiliant qui vous indique que vous perdrez vos accès à la boîte mail dans vingt, quinze, dix jours…

Un entretien de sortie, en face-à-face et standardisé, marque la fin du parcours. Attention, pas question de parachute doré pour les uns ou de planeur en plastique pour les autres, le paquetage d’atterrissage est le même pour tous : un état des lieux officiel, où le partant donne son avis sur la boîte, qui lui offre en retour un « feedback ».

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Quand le départ est contraint, à la manière d’un plan de sauvegarde de l’emploi (PSE), l’employeur pourra choisir – grand seigneur – d’offrir un bilan de compétences. Bien évidemment, le meilleur a été gardé pour la fin : le pot ! Tout, sauf organisé à la hâte, il mettra en scène tous les collègues de celui qui part, dans un timing cadré : apéritifs, discours, cadeau de départ et quelques pas de danse.

Ambassadeurs en réseau

Mais à quoi bon remercier, par exemple, un salarié licencié pour insuffisance professionnelle ou un jeune cadre brillant qui file chez le concurrent ? Les amateurs d’offboarding répondent en deux mots : marque employeur. Dans le cas d’un départ en mauvais termes, le protocole peut éviter un scandale et relever une réputation en danger. Marcel, syndicaliste hargneux, sera acheté – pardon, félicité – avec un magnifique voyage aux îles Galapagos. La fin justifie les moyens.

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« L’action sociale et les impératifs économiques sont dépendants des contraintes environnementales et doivent être envisagés de concert »

« Le quinquennat sera écologique ou ne sera pas ! » Forts de cette promesse présidentielle, ne focalisons pas notre attention sur le retard dans la mise en œuvre de la transition environnementale, mais sur les solutions qu’il convient de faire émerger pour demeurer dans le cadre des objectifs de l’accord de Paris sur le climat.

Si la réduction des émissions de gaz à effet de serre pour atteindre la neutralité carbone à l’horizon 2050 semble aujourd’hui faire consensus, les moyens de parvenir à ce but demeurent disparates. A titre d’exemple, les scénarios de l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie proposent quatre choix de société difficilement compatibles. Or, la planification, indispensable à la transition environnementale, suppose pour son acceptabilité une décision collective quant au chemin à prendre. Dans ce débat, un impératif doit guider l’action des décideurs : une transition juste pour l’ensemble des citoyens.

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Le dernier rapport du GIEC [Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat] rappelle qu’il reste à l’humanité trois ans pour changer radicalement de cap. A cette aune, les projets de transition qui accroîtraient les inégalités ont plus de chance d’être combattus que ceux qui les réduiraient. Partant, faire de la transition environnementale un prétexte pour justifier de la « casse sociale » ne peut avoir pour effet que de rendre impopulaire ce processus au moment même où il devrait recueillir l’assentiment de tous. Ainsi, des projets comme ceux de créer une cause économique autonome de licenciement pour « faciliter la transition » sont non seulement extrêmement dangereux politiquement, mais encore inutiles juridiquement.

Pour éviter que la transition se fasse contre les salariés citoyens, il est nécessaire de mettre la justice sociale au cœur de ce processus, ce qui implique une évolution de son cadre et de ses acteurs.

Vers une économie « net zéro »

« Il n’y a pas de paix durable sans justice sociale. » Ce constat, énoncé à l’issue de la Grande Guerre par l’Organisation internationale du travail, rappelle avec force qu’il est illusoire de penser qu’une société injuste puisse être une société paisible. La transition environnementale, en ce qu’elle va modifier nos habitudes de production, de consommation, etc., suppose des destructions et des créations d’emplois, ainsi que des tensions à venir dans les entreprises. Il convient bien entendu d’accompagner ces dernières et leurs salariés pour faciliter cette mue. Si le législateur doit renforcer le cadre normatif, les corps intermédiaires doivent être réellement associés aux réflexions sur le monde du travail de demain. A l’instar de ce qui a été organisé au Royaume-Uni avec le groupe de travail Green Jobs Taskforce, les syndicats pourraient participer à un « Grenelle de l’emploi vert » afin de planifier une transformation de l’emploi vers une économie « net zéro ».

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En Ardèche, les gars du coin assurent la relève agricole

Par

Publié aujourd’hui à 02h50

Antoine Turrel a rabattu la capuche de son sweat rouge sur sa tête, tignasse bouclée qui dépasse. Juste avant midi, le jeune homme de 21 ans s’est extirpé du travail de la ferme pour venir trinquer sur la butte qui surplombe le petit château de pierre noire de Berzème, village ardéchois de moins de deux cents habitants. Malgré les premiers rayons de printemps, la bise est glaciale.

Le plateau du Coiron, vaste table de roche volcanique, est connu pour son exposition aux vents, qui sont redoutables l’hiver. Il est rude à vivre – Antoine en sait quelque chose, lui dont les copains ont dû, en janvier, monter en tracteur sur les routes gelées pour se rendre à son anniversaire. Dans la bande, on ne rate pas une occasion de faire la bringue et on est débrouillards.

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« Tu bois quoi ? », lui lance d’ailleurs l’un d’eux. « Un canon de rouge, s’il te plaît. » De la clique d’amis, ils sont presque tous là, accoudés à la buvette de la foire agricole. Avec ses étals de producteurs et ses tracteurs exposés sur la pelouse, la fête du jour est organisée par les élèves du lycée agricole d’Aubenas – ville moyenne à trente minutes de route –, par lequel la quinzaine de garçons regroupés sont tous, peu ou prou, passés en bac pro, puis en BTS pour certains. Mais ils se sont rencontrés bien avant ça, à l’école maternelle en bas de la butte. La plupart, issus de lignées d’agriculteurs dispersées sur le plateau, ont aujourd’hui décidé de reprendre la ferme familiale.

Léandre Figuière (à gauche) et Antoine Turrel (à droite) avec leurs amis. Les jeunes agriculteurs se retrouvent à la foire agricole de Berzème, sur le plateau ardéchois du Coiron, le 9 avril 2022.

A l’heure où les transmissions d’exploitations agricoles ne sont plus aussi automatiques et où deux tiers des agriculteurs français risquent de ne pas être remplacés, cette génération crée une dynamique forte sur le Coiron.

Antoine Turrel a, lui, franchit officiellement le pas en octobre 2021, en rachetant une partie des parts du groupement agricole d’exploitation en commun (GAEC) de la ferme de Fay, à Sceautres, dans sa famille depuis quatre générations. Sur cet élevage de vaches et de poules, le boulot est partagé avec ses parents, Cathy et Laurent, la cinquantaine. Ils lui laisseront les clés à leur départ à la retraite, ainsi qu’à son acolyte du même âge Léandre Figuiere, dit « Fifi », qui s’est joint à l’aventure, après avoir réalisé tous ses stages de bac pro au sein de l’exploitation.

Les mains dans la terre ou le foin

Antoine comme les autres jeunes le disent : ils n’ont « jamais envisagé » de « faire autre chose » ou de « partir ailleurs ». « C’est important d’avoir son territoire accroché », souligne Robin Caddet, 25 ans, grand gaillard au béret noir – symbole de Berzème où se dispute le championnat du monde de lancer de béret. Ici, ils sont entourés de gars sur qui « on peut compter ». La bande de potes est au centre des trajectoires de cette nouvelle garde agricole, qui a écumé le territoire ensemble, les mains dans la terre ou le foin, la tête renversée dans les pneus d’engins pour jouer à faire des tonneaux. « On s’entraide, on se pousse entre nous. L’été quand on fait les ballots de foin, tout le monde vient donner un coup de main », raconte Antoine, à la réputation de tombeur du groupe, jeune homme coquet au look un brin hipster.

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Ouverture à la concurrence : les chauffeurs de bus de la RATP en grève

Des bus de la RATP, à Paris, en septembre 2020.

Comme la météo, ça tourne à l’orage pour les usagers des bus de Paris et de sa proche banlieue, en cette fin mai. Lundi 23, mardi 24 et mercredi 25 mai, une nouvelle grève des machinistes de la RATP devrait perturber le trafic du réseau de surface des transports parisiens. Selon les prévisions de la régie publique, l’offre de bus atteindra entre 50 % et 75 % du trafic habituel, en fonction des lignes. On peut s’attendre aussi à quelques perturbations dans le tramway. En revanche, dans le métro et le RER, le trafic sera normal.

Il s’agit du troisième mouvement social à la RATP en moins de quatre mois, après une grosse mobilisation pour les salaires, le 18 février (très suivie dans le métro et le RER), et la journée de grève du 25 mars, qui, à l’inverse, a surtout touché les lignes de bus, puisqu’elle était liée à l’entrée prochaine (1er janvier 2025) du réseau de surface de la RATP dans un système concurrentiel.

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Cette nouvelle triple grève vient, d’une certaine manière, mettre un point final, et symboliquement conflictuel, à l’échec des négociations qui, depuis plus d’un an, cherchent à adapter les conditions de travail des 18 000 machinistes à l’ouverture à la concurrence. Aucun accord n’a pu être trouvé avec aucune des quatre organisations représentatives de l’entreprise (CGT, FO, UNSA, CFE-CGC) avant la date de clôture des négociations fixée par la direction, à savoir le 29 avril.

« Un scandale »

La RATP, qui est pour la première fois confrontée à des appels d’offres sur son monopole historique (12 lots de lignes de bus vont être mis sur le marché), cherche à rapprocher ses règles maison, avantageuses pour ses salariés, de règles sociales minimales qui s’imposeront à tous les opérateurs à Paris et en petite couronne à partir de 2025. Cette nouvelle organisation du travail, préparatoire au big bang concurrentiel, doit être mise en place à la RATP le 1er juillet.

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« Nous avons proposé d’augmenter le temps de travail de cent vingt heures par an, explique le DRH de la RATP, Jean Agulhon. Le tout, en contrepartie d’une hausse de salaire de 2 600 euros bruts, soit l’équivalent d’un quatorzième mois. L’accord n’ayant pas été signé, nous avons déclenché notre plan B. » Et le plan B, c’est une décision unilatérale de l’employeur d’ajouter vingt heures annuelles de temps de travail des machinistes, contre une augmentation de 460 euros bruts par an. « Ce refus de signer fragilise les salariés eux-mêmes, souligne M. Agulhon. Dans le cadre concurrentiel, ils subiront la hausse du temps de travail au-delà de vingt heures, sans la contrepartie d’une substantielle augmentation salariale. »

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Dans le Lot-et-Garonne, un Center Parcs pour faire oublier des années d’échecs

Au Center Parcs Les Landes de Gascogne, à Casteljaloux (Lot-et-Garonne), le 19  mai 2022.

Une figure du communisme rural qui tape dans le dos d’un grand patron parisien, partageant le sourire satisfait de ceux qui ont fait un coup : on voit de drôles de choses dans le Lot-et-Garonne, à la frontière des Landes. Au royaume des pins et des noisetiers, à Casteljaloux, vient de pousser un Center Parcs, le premier depuis sept ans en France, inauguré jeudi 19 mai. Franck Gervais, le patron d’un groupe passé aux mains de fonds d’investissement, peut en remercier Raymond Girardi, le syndicaliste paysan et élu local qui y a consacré l’automne de sa vie politique.

C’est ce petit céréalier de 69 ans, jadis à la tête du Mouvement de défense des exploitants familiaux, qui, en 2010, a suggéré à Pierre & Vacances de construire un Center Parcs dans ce département peu touristique ; si possible dans la communauté de communes qu’il présidait déjà, là où commence la forêt des Landes. Gérard Brémond, encore PDG et propriétaire du groupe à l’époque, avait fait la fine bouche : « Trop au sud. »

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Le concept de Center Parcs, né aux Pays-Bas, était pensé pour des régions sans soleil : comment justifier, sinon, l’espace aquatique chauffé à l’année, celui qui attire les familles ?

La crise économique est passée ; le projet de Roybon, en Isère, s’est enlisé ; Gérard Brémond est revenu dans le Lot-et-Garonne. Il a trouvé le même enthousiasme politique, indispensable pour des projets nécessitant l’appui logistique et financier des pouvoirs publics. Face à lui, un communiste, M. Girardi, un socialiste, Pierre Camani, président du département, et une assurance : « On avait promis à Brémond : “Ici ça se fera. On est les patrons.” » Ce qu’il a fallu de réunions publiques, de cajoleries, de démonstrations chiffrées ! M. Girardi fait les comptes : « Depuis huit ans, pas une journée où je n’ai pas été impliqué pour défendre le Center Parcs ou régler un problème. J’y ai passé ma vie. »

Projets retoqués ou à l’arrêt

C’était la condition pour faire accepter l’aménagement à l’ère des recours en justice, de la démocratie citoyenne et du « Not in my backyard » (« Pas dans mon jardin »), qui agrègent les oppositions aux projets touristiques. Center Parcs, qui se développe dans des espaces naturels peu visités, sur des superficies atteignant plusieurs centaines d’hectares, est particulièrement victime de cette prise de conscience.

L’ex-futur Center Parcs de Roybon s’est transformé en zone à défendre (ZAD), conduisant Pierre & Vacances à concéder l’abandon du projet ; celui de Poligny (Jura) est bloqué dans l’attente d’un jugement en appel du tribunal administratif de Nancy, après que le plan local d’urbanisme (PLU) faisant place au Center Parcs a été invalidé ; celui du Rousset-Marizy (Saône-et-Loire) n’a plus les faveurs du département ni de la région ; et l’extension du Center Parcs des Bois-France (Eure) a été retoquée en janvier par la justice administrative, saisie par une association de défense de l’environnement. L’état-major du groupe, en phase de rachat, a renoncé à l’extension et remisé les deux projets de Bourgogne-Franche-Comté dans les cartons, sans avoir annoncé formellement leur abandon. « Compte tenu de la restructuration financière en cours, il va y avoir une revue de l’ensemble des projets. Sur ces deux-là, on a bien conscience de l’opposition », estime une porte-parole.

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Olivier Dussopt, le bûcheur austère aux commandes de la réforme des retraites

Olivier Dussopt arrive à l’Elysée, le 7 mai 2022.

Nommé ministre du travail, du plein-emploi et de l’insertion, Olivier Dussopt n’apparaît qu’au neuvième rang dans la hiérarchie gouvernementale. Mais il va mettre en œuvre l’une des mesures les plus importantes et les plus controversées du programme d’Emmanuel Macron : le recul à 65 ans de l’âge légal de départ à la retraite. Quelques minutes après sa désignation, il a indiqué, vendredi 20 mai, sur le réseau social Twitter, que les chantiers dont il a la charge seront menés « dans la concertation ». Les syndicats, opposés à un décalage de l’âge d’ouverture des droits à une pension, l’attendent l’arme au pied.

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Cette thématique ne lui est pas étrangère puisqu’il a eu l’occasion de se frotter au budget de l’assurance-vieillesse – la principale caisse de retraite – lorsqu’il était ministre délégué aux comptes publics. A cette fonction, qu’il a occupée durant presque deux ans jusqu’à la réélection de M. Macron le 24 avril, il a conforté sa réputation de bourreau de travail, réservé et d’une loyauté sans faille à l’égard du chef de l’Etat.

Transfuge du PS

En s’installant rue de Grenelle, où il succède à Elisabeth Borne – la nouvelle cheffe du gouvernement –, M. Dussopt peut se prévaloir de sa connaissance du dialogue social. Quand il était secrétaire d’Etat à la fonction publique (novembre 2017-juillet 2020), il a rencontré à maintes reprises les organisations d’agents afin de bâtir une loi qui a transformé le fonctionnement de l’Etat, des collectivités locales et des hôpitaux.

La nomination de ce transfuge du PS, devenu patron du micro-parti Territoires de progrès, qui se situe sur le flanc gauche de la majorité, est commentée diversement par les syndicats. « Nos représentants ont trouvé que c’était un homme d’écoute dont l’action a produit des résultats, notamment en matière de santé au travail dans la fonction publique », confie Cyril Chabanier, président de la CFTC. Yves Veyrier, le numéro un de FO, est plus circonspect car ses militants à Bercy gardent de M. Dussopt le souvenir d’une personnalité « peu enclin[e] au dialogue ». Le pedigree du ministre traduit, par ailleurs, une « approche » budgétaire du dossier des retraites qui envoie « un signal politique pas très favorable », selon M. Veyrier.

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« J’ai démissionné de mon cabinet de conseil après des mois d’interrogations sur le sens de mon travail »

Quand j’ai démissionné, en mars 2021, cela faisait déjà plusieurs mois que j’étais arrivé au bout d’une réflexion et d’une colère sur l’essence et le sens de mon travail. Je travaillais à Genève comme consultant au BCG, l’un des plus prestigieux cabinets de conseil en stratégie, qui fait partie des « Big three » (les trois plus grands cabinets : McKinsey & Company, Boston Consulting Group et Bain & Company). Lors d’une réunion mensuelle, j’ai demandé cinq minutes de prise de parole à mon supérieur : j’ai profité de cette tribune pour expliquer les raisons de ma démission.

D’une certaine façon, si les ONG n’existaient pas, les multinationales les auraient inventées

Je venais d’achever une année de travail en tant que consultant détaché pour le World Wildlife Fund (WWF). Je pensais, candidement, pouvoir compenser certaines tares liées au fonctionnement des multinationales en travaillant pour une ONG. Or c’est le contraire qui s’est produit : je venais de comprendre que rien de ce que nous faisions n’allait dans le bon sens et que si les ONG faisaient un travail considérable de médiatisation des sujets importants, comme la perte de la biodiversité, elles faisaient aussi partie d’un système de pouvoir et de relations interétatiques. D’une certaine façon, si les ONG n’existaient pas, les multinationales les auraient inventées. Leur rôle officieux contribue à l’immobilisme général et à l’impression que tout est sous contrôle, notamment dans le cadre de ces accords internationaux et ces conférences diplomatiques peu contraignantes.

Nourrir l’espoir de changer le monde

Avant de demander à être détaché au WWF, j’avais participé à des missions sur le déploiement de la 5G, j’avais vécu pour une mission en Arabie saoudite au Ritz Carlton, juste après le meurtre du journaliste Jamal Kashogghi, et contribué à un projet pour l’industrie agroalimentaire. Trois projets de suite qui m’avaient tapé sur les nerfs. A ce moment-là, être consultant dans une ONG et préparer les différentes COP me paraissait être un travail moins nuisible.

Depuis tout petit, je nourris l’espoir – qui peut sembler un peu bête – de changer le monde. J’ai grandi avec un sentiment de révolte et de revanche sociale lié à mon enfance. Je suis issu d’une famille immigrée du Portugal et d’Italie. Mes parents étaient employés du Golf Club de Lausanne, fréquenté par la grande bourgeoisie locale. Petit, je jouais au golf avec leurs enfants avec qui j’ai conservé des liens d’amitié. De cette enfance, j’ai gardé un dégoût des inégalités sociales et de ce qui est statué pour vous à votre naissance. J’étais un enfant curieux et très bon élève, surtout en maths, mais aussi, me disait-on, un peu pénible pour les adultes, à poser tout le temps des questions et à être « allergique » à l’autorité.

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Patrick Artus : « Augmenter le taux d’emploi permettrait de dégager des marges de manœuvre budgétaires et de financer la transition énergétique »

Après l’élection présidentielle, la priorité centrale de la politique économique du gouvernement devra être d’augmenter le taux d’emploi. En effet, cette augmentation serait à la fois le résultat de politiques économiques qui auront par ailleurs des effets bénéfiques, et aurait en elle-même des effets positifs sur les autres politiques publiques : finances publiques, réindustrialisation, commerce extérieur, inégalités de revenus, qualité des emplois, financement de la transition énergétique et de ses conséquences en matière d’inégalités.

Même s’il y a eu une amélioration récente, le taux d’emploi – c’est-à-dire la proportion des personnes âgées de 20 à 64 ans qui ont un emploi – est anormalement faible en France : il est au début de 2022 de 79 %, contre 91 % en Allemagne, 90 % en Suède, 84 % au Royaume-Uni, 96 % aux Pays-Bas. Une partie de cette faiblesse est due à l’organisation du système de retraite : un quart de l’écart de taux d’emploi entre l’Allemagne et la France vient de ce que le taux d’emploi des 60-64 ans est de 35 % en France, contre 62 % en Allemagne. Mais cela signifie également que les trois quarts de l’écart de taux d’emploi entre les deux pays viennent d’autres causes que l’âge du départ en retraite.

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Comment expliquer la faiblesse du taux d’emploi en France ? Quand on compare les pays de l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), il apparaît qu’une fraction très importante des écarts de taux d’emploi s’explique par deux facteurs, outre l’organisation du système de retraite : premièrement, les compétences de la population active ; deuxièmement, le poids des impôts sur les entreprises, qui les contraignent à des arbitrages aux dépens de l’emploi et de l’investissement. Les compétences de la population active expliquent 53 % des écarts à la moyenne entre les taux d’emploi des pays de l’OCDE ; le poids des cotisations des entreprises et des impôts de production en explique 35 %.

Compétences et fiscalité

Or la France se situe dans le dernier quart du classement des pays de l’OCDE en ce qui concerne les compétences des adultes, et se trouve en dernière position en ce qui concerne les compétences des jeunes en sciences. La France a aussi, après la Suède, le poids des impôts de production et des cotisations sociales des entreprises le plus élevé de l’OCDE (13,5 % du produit intérieur brut, contre 8,3 % pour le reste de la zone euro). Cette faiblesse globale des compétences et cette lourdeur de la fiscalité expliquent très largement la faiblesse du taux d’emploi en France.

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« La planification écologique doit se mettre au service d’une dynamique transgénérationnelle et de la jeunesse »

Entre les deux tours de l’élection présidentielle, la planification écologique s’est imposée comme la réponse de l’action publique aux risques économiques et écologiques. Tant mieux. Nous pensons que l’orientation, au sens d’information sur les métiers et les activités et de définition de trajectoire, s’en trouvera révolutionnée.

L’orientation agrège trois processus et tend à les confondre : l’élaboration personnelle d’un projet de vie ; la cohérence entre formations, diplômes, compétences et réalité de l’emploi ; et le récit collectif d’une société qui décrit ses évolutions par la nature et le sens des activités de travail.

La planification écologique ne saurait se limiter à un exercice technocratique. Elle doit se mettre au service d’une dynamique transgénérationnelle au centre de laquelle se trouve la jeunesse, d’autant plus porteuse d’exigence, ingrédient indispensable pour une vraie politique transformatrice, qu’elle est bénéficiaire à long terme de cette planification.

Un beau symbole d’une planification écologique qui, en matière de formation, ne se limite pas à un verdissement serait une orientation réenchantée grâce aux engagements écologiques des générations les plus concernées. La planification écologique a des retentissements sur l’orientation scolaire et universitaire. Réciproquement, la planification écologique est dépendante de la réinvention de l’orientation.

Engagements personnels et vie active

Chaque projet de vie est une rencontre toujours renouvelée d’une sensibilité toute personnelle avec un état du monde, et ce projet se dessine désormais en fonction de la réalité écologique. Certains des lycéens qui ont connu les grèves pour le climat de 2019 achèvent leurs études.

Tout récemment, des milliers de personnes ont regardé, saisis, des diplômés d’AgroParisTech affirmant leur refus de travailler dans l’industrie agroalimentaire et de contribuer à des technologies et modèles d’entreprise qui impliquent des atteintes écologiques et des manquements éthiques. Il n’y a plus moyen de faire semblant et de séparer engagements personnels et vie active. L’orientation elle-même doit se redéfinir en fonction de ces nouveaux impératifs. La planification écologique peut donner l’impulsion.

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Les attentions à la valeur des métiers, à la sincérité de la convivialité du travail et à l’impact sociétal de l’activité deviennent des critères dominants pour les choix professionnels. Les mois de confinement ont donné à chacun un espace de réflexion inédit. Ainsi, 30 % des jeunes disent avoir changé leur projet professionnel en raison de la crise sanitaire (Institut national de la jeunesse et de l’éducation populaire, mai 2022).

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