Archive dans avril 2022

Face à la flambée des prix de l’énergie et à l’inflation, des augmentations de salaires jugées trop faibles

Comme les mobilisations inédites chez Decathlon ou Leroy-Merlin avaient servi d’étendard médiatique aux mouvements de revendication salariale de l’automne 2021, celles chez Amazon, ces derniers jours, illustrent l’insatisfaction grandissante des salariés, qui voient leur budget grevé par la flambée des prix de l’énergie et l’inflation, à son plus haut niveau depuis 1985 (+ 4,5 % sur un an).

En témoignent les récents mouvements de grève et débrayages chez Thales, Dassault Aviation, dans des magasins Conforama ou des restaurants Flunch, l’absence d’accord lors des négociations annuelles obligatoires chez Renault, Stellantis et Michelin, ou la suspension du dialogue social par les syndicats du secteur bancaire mi-mars devant le refus d’une augmentation générale, malgré des résultats historiques.

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« On s’attendait à des négociations sensibles cette année, avec un risque de déception. C’est ce qui s’est passé », constate Coralie Rachet, directrice générale du cabinet de recrutement Walters People, qui a publié, le 31 mars, une enquête dans le cadre de laquelle les professionnels non cadres ont été interrogés sur leur salaire. La moitié d’entre eux jugent avoir été insuffisamment augmentés. « Globalement, il y a eu des hausses, mais en majorité inférieures à 5 %. Or, au regard du taux actuel de l’inflation, ces 5 % sont devenus le nouveau seuil psychologique qui indique au salarié s’il gagne ou perd en termes de pouvoir d’achat », précise Mme Rachet.

Il y a un autre indicateur-clé : le niveau du smic, indexé sur l’inflation. Le ministère du travail vient d’annoncer qu’il devrait augmenter mécaniquement de 2,4 à 2,6 % au 1er mai. Ce sera la troisième hausse en six mois, après celles du 1er octobre 2021 (+ 2,2 %) et du 1er janvier 2022 (+ 0,9 %). En cumulé, une augmentation de 5,5 % à 5,7 % depuis l’automne 2021, pour atteindre en mai 10,82 à 10,85 euros brut de l’heure, de 1 641 à 1 646 euros brut mensuels.

« Un sentiment d’injustice »

Le reste des salaires n’augmentant pas automatiquement, « davantage de gens vont se retrouver au smic. C’est tout le problème de l’écrasement des salaires dans les échelons les plus bas des grilles de rémunération », souligne Christine Erhel, directrice du Centre d’études de l’emploi et du travail au sein du Conservatoire national des arts et métiers.

« Au 1er mai, 147 des 171 branches professionnelles de plus de 5 000 salariés vont avoir des échelons qui vont démarrer en dessous du smic ! On n’en a jamais eu autant ! », a alerté le secrétaire général de la CFDT, Laurent Berger, sur Public Sénat, lundi 4 avril, appelant à de nouvelles négociations. De fait, dans de nombreuses branches (la sécurité, la coiffure, la volaille…), les accords de revalorisation signés ces derniers mois pour remettre les grilles de salaire en conformité sont déjà ou seront bientôt de nouveau caducs.

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Pierre Lascoumes : « Les allers-retours entre haute fonction publique et cabinets de conseil ont installé un cadre intellectuel commun au sein de ces élites »

Pierre Lascoumes est directeur de recherche émérite au CNRS et au Centre d’études européennes et de politiques comparées de Sciences Po. Après avoir mené des travaux de sociologie du droit, il s’est tourné vers l’analyse des politiques publiques. Il s’est également intéressé aux politiques environnementales. Plus récemment, Pierre Lascoumes a consacré ses recherches à la lutte contre la délinquance financière. Dans son plus récent ouvrage, L’Economie morale des élites dirigeantes (Presses de Sciences Po, 240 pages, 17 euros), il revient sur la façon dont les dirigeants politiques et économiques s’affranchissent de certains principes moraux en s’appuyant sur la position d’autorité qu’ils occupent. Pierre Lascoumes fait ainsi l’étude des procédés rhétoriques employés par différentes personnalités mises en cause dans de récents scandales politico-financiers, telles Jérôme Cahuzac, Nicolas Sarkozy ou Carlos Ghosn. Il montre notamment comment l’attachement à l’autorégulation du monde politique reste fort, en dépit des promesses répétées par divers candidats à l’élection présidentielle de s’engager à renforcer les mesures de contrôle et de transparence.

Pourquoi nos dirigeants politiques s’appuient-ils de plus en plus sur ces cabinets de conseil ?

Ces cabinets ont l’avantage de répondre à diverses attentes. La première, qui est toujours mise en avant, est celle de leur compétence dans la gestion d’opérations délicates. En dépit des phrases creuses que l’on retrouve dans certains de leurs rapports, ces firmes continuent de disposer d’un label de sérieux. Les analyses qu’elles fournissent permettent d’accréditer que les actions mises en œuvre reposent sur des réflexions solides. Roger Fauroux, ancien patron de Saint-Gobain et ex-ministre de l’industrie, le disait dans un entretien au Monde (19 janvier 1999) : « Un président de société est plus crédible si ses projets sont étayés par une étude réalisée par l’un ou l’autre des grands du conseil. A plus forte raison un ministre, dont les services administratifs sont parfois lacunaires ou très hexagonaux. Avec un rapport de McKinsey ou du Boston Consulting Group, on se retrouve un peu dans la position de Moïse redescendant de la montagne avec les Tables de la Loi. »

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Ce sérieux prêté aux grands cabinets de conseil vient notamment du fait qu’ils sont présents dans la plupart des pays industrialisés, ce qui leur permet de pratiquer le « benchmarking », c’est-à-dire des études comparatives plus ou moins étayées. Les responsables politiques s’appuient donc sur leurs analyses pour expliquer que les réformes introduites ont produit ailleurs de bons résultats, preuve supposée de leur efficacité. Les élus jouent aussi un peu les ventriloques, ils laissent à ces experts le soin de dire ce qu’ils pensent tout bas. Ainsi, d’autres qu’eux ont la charge d’annoncer les mauvaises nouvelles : la modernisation des services publics sera difficile, particulièrement pour ceux qu’elle touche directement, mais elle est nécessaire, les « spécialistes » le disent. On peut y voir aussi une dépendance des cabinets de conseil à leurs commanditaires. Enfin, les vendeurs de réformes que sont ces firmes abreuvent le gouvernement et les ministères de notes, de travaux d’études et de modèles censés améliorer les performances. En somme, ils ont toujours quelque chose à proposer aux dirigeants politiques, soucieux, comme on le sait, de se montrer engagés et dynamiques.

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Emploi : des besoins de main-d’œuvre en nette hausse

Un employé sur le chantier de construction de la future station de métro Saint-Denis Pleyel (Seine-Saint-Denis), le 5 février 2022.

Est-ce que 2022 sera synonyme de record en matière d’embauches ? Pôle emploi fait miroiter cette perspective réjouissante dans une étude publiée mardi 5 avril. D’après l’opérateur public, les projets des entreprises pour l’année en cours représentent près de 3,05 millions de recrutements potentiels – un niveau inégalé depuis la création de ce baromètre, en 2002. Seul bémol, mais qui est de taille : ces prévisions reflètent des souhaits exprimés au dernier trimestre 2021, avant l’invasion de l’Ukraine par la Russie. La guerre plonge l’économie mondiale dans une incertitude et dans des difficultés qui n’avaient donc pas été prises en compte par les personnes ayant participé à l’enquête.

Cependant, de tels « aléas » ne semblent pas, pour le moment, avoir eu d’incidence sur le marché du travail, à en croire les résultats présentés mardi. A la fin mars, les offres de postes déposées chez Pôle emploi restent très importantes, avec des chiffres légèrement supérieurs aux pics enregistrés l’an passé.

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S’appuyant sur les réponses de quelque 420 000 « établissements », le sondage montre que les intentions d’embauche progressent de 11,9 % par rapport à 2021. L’augmentation s’avère plus faible (+ 2,45 %) si l’on se réfère aux données pour 2020, qui avaient été recueillies avant la crise sanitaire. C’est en Bretagne et dans la région Grand-Est que l’accélération est la plus nette. Dans un peu plus de 54 % des cas, la volonté affichée par les patrons est de signer un contrat à durée indéterminée.

Difficultés de recrutement

L’évolution mise en évidence dans l’étude est imputable à « une hausse sensible » de la part des employeurs, qui manifestent le désir d’enrôler de la main-d’œuvre (32,8 % pour 2022, soit 6,3 points de plus que pour 2021 et 4,7 points de plus que pour 2020). En revanche, « le nombre moyen de projets » de recrutements par entreprise régresse légèrement.

D’après Pôle emploi, la dynamique s’avère très soutenue dans le transport et l’entreposage (+ 30,7 % entre 2021 et 2022), l’industrie (+ 23,8 %), l’hébergement-restauration (+ 23,4 %) et la construction (+ 21,8 %). Sur la première marche du podium des métiers les plus recherchés, il y a les viticulteurs, les arboriculteurs salariés et les cueilleurs, ce qui correspond, presque systématiquement, à des activités saisonnières. Viennent ensuite les serveurs de cafés-restaurants et les « agents d’entretien de locaux ».

Sans surprise, les dirigeants de sociétés se préparent à des difficultés pour trouver les travailleurs dont ils ont besoin : ce type de situation est anticipé dans près de 58 % des projets (13 points de plus qu’en 2021 et 6,7 points de plus qu’en 2020). Ces tensions se révèlent particulièrement fortes dans la construction et la métallurgie. Elles ont, par ailleurs, tendance à s’amplifier dans l’hébergement-restauration et le commerce de détail. Plusieurs professions sont très touchées : couvreurs, aides à domicile, aides ménagères, etc.

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Le contexte préélectoral impacte peu les décisions d’entreprise

« Pour les entreprises, il y a deux enjeux immédiats : comment répercuter la hausse des matières premières sur leurs prix, et comment faire face aux taux d’intérêt qui vont monter. »

La campagne présidentielle passe-t-elle la porte des entreprises ? Est-elle source d’attentisme concernant leurs décisions stratégiques ? Jean-Marc Daniel, professeur émérite à l’ESCP Business School et auteur d’Histoire de l’économie mondiale (Tallandier, 2021), et Eric Heyer, directeur du département analyse et prévision de l’Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE), partagent leurs expertises sur les précédentes élections, ainsi que les paramètres spécifiques à celle de 2022.

Les périodes préélectorales ont-elles un impact sur l’activité, les décisions et les investissements des entreprises ?

Jean-Marc Daniel : Cela dépend toujours du contexte et des programmes. Certaines élections sont plus marquées, notamment celle de 1981 : François Mitterrand allait à l’encontre du capitalisme, avec un programme assez traditionnel de keynésianisme. Les élections suivantes ont toutes été construites autour du même discours « ma priorité, c’est l’emploi », mais il n’y avait pas d’enjeu idéologique ! Personne ne remettait plus en cause le capitalisme. En 2022, on est de nouveau dans une élection où l’un des deux candidats susceptibles d’être élu est sur une logique de rupture, non pas avec le capitalisme mais avec la construction européenne.

Eric Heyer : On ne sait pas toujours ce qui est lié à la présidentielle et ce qui est lié à la conjoncture économique du moment. En 1981, le climat des affaires était plutôt en baisse, était-ce pour autant lié à une peur des chars russes ? Globalement, on ne voit jamais de rupture de l’activité juste avant les élections.

Quels indicateurs permettent de confirmer ce faible impact ?

E. H. : Si on regarde les marchés financiers, c’est même plutôt l’inverse. Ils baissent pendant les six mois après les élections, alors qu’ils ont progressé les six mois les précédant ! L’incertitude n’est jamais bonne pour les affaires, mais l’incertitude juste avant les élections n’a pas trop d’incidence sur le taux d’emploi ou d’investissement. C’est étonnant, car, en ce moment, on a une incertitude mondiale, sur l’élection présidentielle, sur les législatives et, quand on essaie de mesurer cette incertitude économiquement, c’est un niveau très bas. Le rôle des banques centrales est bien plus important, le fait de savoir si elles feront plutôt de l’austérité ou de la relance…

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J.-M. D. : Oui, notre banque centrale est très internationale. En 1981, quand François Mitterrand est devenu favori, il y avait des attaques sur le franc, qui se sont amplifiées une fois le président élu. Les entreprises en ont subi les conséquences, car il y a eu une hausse des taux d’intérêt après la victoire, mais cela s’est tassé après quelques semaines. Aujourd’hui, l’euro est dans un bloc suffisamment large pour qu’on amortisse le choc.

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Une entreprise peut-elle soutenir un candidat à l’élection présidentielle ?

Avec « effet immédiat », le cabinet de conseil Roland Berger a annoncé, le 25 janvier, la suspension de son patron français, Olivier de Panafieu. Ce départ, que l’entreprise, contactée, n’a pas souhaité expliquer, intervenait cinq jours après que Mediapart eut révélé que le dirigeant aurait organisé, avec sa femme, un dîner à son domicile en soutien à la candidature d’Eric Zemmour à l’élection présidentielle de 2022.

Les entreprises ne veulent pas être entraînées malgré elles dans la campagne politique et la plupart des dirigeants ne prennent pas ouvertement position pour un candidat, de peur de s’attirer les foudres du grand public ou de diviser au sein de l’entreprise. « Ce n’est pas leur place », juge Estelle Sommer, qui conseille des dirigeants.

Portraits des douze candidats à l’élection présidentielle de 2022.

Cinq ans plus tôt, Emmanuel Macron était pourtant perçu positivement par le monde des affaires. Le candidat des start-up était conseillé par un cercle alimenté d’entrepreneurs, comme Axelle Tessandier, Mounir Mahjoubi ou encore Stanislas Guerini.

En 2022, les entreprises de la technologie ont préféré mettre en sourdine leur soutien. « En 2017, Emmanuel Macron avait réveillé une envie de la part de la société civile, désireuse de prendre des risques pour le défendre et incarner un souffle de modernité. Aujourd’hui, son projet ne renverse plus la table », souffle une cheffe d’entreprise francilienne souhaitant rester anonyme et qui votera pour lui sans grande conviction.

Dans le monde de l’entreprise, le plaidoyer pour un candidat est perçu comme un risque important pour un gain limité. « Quel serait l’intérêt d’un dirigeant de prendre un engagement à partir du moment où l’élection semble pliée ? », demande le sociologue spécialiste des relations sociales au travail Jean-François Amadieu, avançant que l’élection semble acquise au président sortant. A l’entendre, les dirigeants ont déjà remporté l’adhésion du prochain président sans avoir à faire campagne pour lui. « Ce serait même contre-productif : si Emmanuel Macron veut marcher sur deux jambes, il a besoin de montrer qu’il n’est pas le patron du CAC 40 », analyse le sociologue.

Parler au nom des employés

Par ailleurs, les dirigeants ont beaucoup à perdre d’une séquence de soutien mal maîtrisée. En 2017, l’appel de Francis Holder, fondateur des boulangeries Paul, à voter François Fillon, est un cas d’espèce. Dans une vidéo filmée depuis la terrasse de son immeuble, le milliardaire s’exprime « en tant qu’ambassadeur des 14 000 personnes que forme l’entreprise » : « Quand M. Fillon nous parle de la libération du travail, c’est la demande que fait l’ensemble du personnel de pouvoir travailler quand on a envie de travailler plus. Simplifier le code du travail, c’est évident. »

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« “Code du travail numérique” : peut-on connaître ses droits, juste en un clic ? »

Carnet de bureau. Dix millions de consultations ! C’est le succès d’estime du « code du travail numérique » affiché par la direction générale du travail (DGT) à la mi-mars, à l’occasion du bilan de ce nouvel outil créé par les ordonnances Macron, et entré en vigueur le 1er janvier 2020, dans le but de faciliter l’accès au droit en entreprise « de manière gratuite ».

Lancé après l’application numérique du compte personnel de formation (2018) attribué à chaque actif et avant le Bulletin officiel de la Sécurité sociale, dit le « Boss » qui, depuis 2021, donne le la aux employeurs et aux salariés sur l’interprétation des nouvelles réglementations (indemnités de rupture, frais professionnels), le code du travail numérique est l’un des projets de la palette numérique déployée ces dernières années au service du monde du travail.

Simplification, personnalisation : l’enjeu est de remplacer un système d’accès à l’information compliqué et opaque par quelques « simples clics ». « L’objectif était de rendre le droit accessible au plus grand nombre, en particulier aux salariés et dirigeants de TPE », explique Catherine Lissarrague, la cheffe de mission coordination des projets numériques de la DGT.

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« Quelle est la durée maximum de la période d’essai d’un CDD ? » « Combien toucherai-je en net par rapport à mon salaire brut ? » « Comment formuler une lettre de démission ? » : le code du travail numérique regroupe des questions-réponses, des simulateurs de calcul, de simples définitions et des fiches d’actualité sur le Covid, par exemple.

Des réponses simples

Des avocats de droit social ont, dès le lancement du code du travail numérique, crié au « gadget ». Comment, en effet, vulgariser la complexité des textes censée refléter la réalité des relations interprofessionnelles dans toutes ses nuances sans créer des ambiguïtés, sources de litiges ? « L’employeur ou le salarié qui se prévaut des informations obtenues au moyen du code du travail numérique est, en cas de litige, présumé de bonne foi », rassure l’ordonnance de 2017.

Le Conseil d’Etat a dès 2020 rendu plusieurs décisions sur le « droit souple », c’est ainsi qu’on appelle les « documents de portée générale », pour dire à quelles conditions ces textes pourraient être contestés, notamment dans le cas d’interprétation non validée par l’administration.

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Contrairement au « Boss », le code du travail numérique n’a pas pour objet de fournir des interprétations des textes. Il vise juste à les rendre « le plus lisible possible, notamment dans leurs articulations avec les branches professionnelles et les accords d’entreprise, souligne Catherine Lissarrague. 80 % des usagers arrivent sur le site par les moteurs de recherche. Il vaut mieux leur donner une réponse validée par la DGT. Le code leur apporte des réponses simples et l’accompagnement le plus clair possible. »

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Face au vieillissement de sa population, la Finlande tente d’attirer les étrangers

Andro Lindsay, dans l’espace de coworking Epicenter, à Helsinki, le 4 avril 2022.

« A Santiago, nous avions deux voitures. Ici, tout est à moins d’un quart d’heure à pied et nos filles vont à l’école du quartier. » Barbe grisonnante, en tee-shirt malgré le vent glacial dehors, Andro Lindsay ne tarit plus d’éloges sur son pays d’accueil. Ce « serial entrepreneur » chilien a débarqué à Helsinki, en août 2021, avec femme et enfants. Sept mois plus tard, il a créé sa société, spécialisée dans l’urbanisme durable, qu’il dirige depuis Epicenter, un espace de coworking, en plein cœur de la capitale finlandaise.

« On nous a vraiment déroulé le tapis rouge à l’arrivée », dit-il, encore impressionné. Andro Lindsay a fait partie de la première promotion du programme 90 Day Finn (« Finlandais pour 90 jours »), lancé par la municipalité d’Helsinki. Le principe : proposer à des entrepreneurs, des créateurs de start-up ou des chercheurs de venir tester la vie en Finlande pendant trois mois. Cinq mille candidats, originaires du monde entier, ont répondu à l’invitation en 2021. Helsinki en a retenu quinze. La moitié a décidé de rester.

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Pendant trois mois, ils ont découvert le pays, rencontré des investisseurs et des chefs d’entreprise, reçu de l’aide pour monter un projet. Les week-ends étaient consacrés aux sorties en familles : sauna, balade dans l’archipel, collecte de baies et de champignons… « L’idée était d’en faire des ambassadeurs, qu’ils parlent d’Helsinki et de la Finlande chez eux, mais aussi d’utiliser leur retour d’expérience pour voir ce que nous pouvions faire différemment pour être attractifs », explique Johanna Huurre, à l’origine du programme.

Attirer tous les profils

Car, sur la scène internationale, la compétition est féroce pour recruter les meilleurs talents. Or, le petit pays de 5,5 millions d’habitants, aux confins de l’Europe du Nord, a beau avoir des atouts, il reste encore peu connu à l’étranger. « Quand on parle de la Finlande, la première chose qui vient à l’esprit, c’est le froid ou les taxes élevées, raille Heini Kaihu, directrice des ressources humaines de la société de jeux vidéo Rovio. Pourtant, une fois sur place, beaucoup apprécient l’équilibre entre vie privée et travail, l’accès aux services publics, la nature… »

Autant d’aspects que la Finlande compte bien mettre en valeur afin d’attirer tous les profils dont elle va avoir besoin pour faire face au vieillissement de sa population, un des plus rapides du monde, et qui affecte déjà de nombreux secteurs de la société. Entre 2010 et 2020, le nombre de personnes en âge de travailler a chuté de 136 000 et, d’ici à 2060, il va continuer de diminuer de près de 10 000 par an.

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Dans la « tech », les effets très limités des politiques d’ouverture aux femmes

« A l’époque, coder, c’était un truc de geek », se souvient Camille Jandot, 28 ans, datascientist chez Criteo, une grande entreprise française de reciblage publicitaire sur Internet. Quand elle intègre l’école d’ingénieurs Télécom Paris en 2013, elle ne se voit pas continuer vers un métier technique. « J’envisageais des parcours plus “féminins”, comme un double diplôme avec Sciences Po ou une école de commerce, peut-être pour me libérer de l’aspect très scientifique de la formation », ajoute-t-elle. Un réflexe courant : selon une étude du Boston Consulting Group publiée en 2020, seuls 15 % des datascientists dans le monde sont des femmes, alors qu’elles représentent près de 35 % des étudiants en sciences, technologie, ingénierie et mathématiques. Et en France, les femmes ne représentent que 17 % des diplômés du numérique exerçant dans le secteur, indique l’enquête Gender Scan du cabinet Global Contact, publiée en février.

Du lycée à l’entreprise, en passant par les études supérieures, quand il s’agit d’informatique, les femmes restent en marge, et sont souvent victimes de sexisme. En 2017, une enquête l’association Social Builder, qui œuvre pour l’inclusion des femmes dans la tech, faisait l’effet d’une bombe en révélant que sept étudiantes en tech sur dix affirmaient avoir été « l’objet d’agissements sexistes pendant leur formation, allant des blagues et des remarques sexistes sur leurs compétences jusqu’au harcèlement sexuel ». En plein #metoo, l’enquête de Social Builder est reprise partout et met les écoles face à leurs responsabilités. « Certains établissements ne considéraient pas le sexisme comme un vrai sujet, explique Emmanuelle Larroque, déléguée générale de Social Builder. Il y avait, à cette époque, un vrai décalage entre leur volonté d’attirer plus de femmes et leur difficulté à regarder la réalité en face. »

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A partir de 2018, certaines écoles et entreprises lancent de grands plans de sensibilisation, en interne et en externe, afin de faire entrer plus de femmes dans leurs rangs. Mais, quatre ans plus tard, l’informatique souffre encore de stéréotypes, et ses employés sont toujours vus comme des geeks. Ce manque de diversité préoccupe de nombreux professionnels du secteur qui, face à la pénurie de développeurs et développeuses, tentent depuis des années de mener des politiques incitatives pour recruter plus de femmes. Sans grand succès : en déclin au début des années 2010, leur proportion dans la tech vient à peine de retrouver son niveau de 2012, soit 17 % des effectifs. Un pas en avant, deux en arrière.

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« C’est pas beaucoup mieux que chez Deliveroo » : dans les « dark stores », les petites mains de la livraison à domicile

Interieur du magasin Flink, à Paris, en 2021. Un panier se remplit dès qu’une commande est enregistrée. Un opérateur de commandes réunit les produits en rayon en suivant la commande sur son terminal Zebra et en scannant les produits un à un. L’opérateur va très vite pour mettre les produits dans son panier et les amener au livreur, le tout doit se dérouler en moins de 10 minutes. Herve Lequeux / Hans Lucas pour « Le Monde »

Après avoir terminé son travail à minuit et quart, Hichem (à la demande du salarié, le prénom a été modifié) s’est couché à 2 heures du matin. Ce qui n’a pas empêché ce coursier à vélo chez Flink, une entreprise de livraison à domicile, d’accepter notre demande d’interview à 10 heures le même jour. Il faut dire que les horaires décalés, Hichem connaît : c’est un ancien coursier à vélo de chez Deliveroo et Uber Eats, dont le modèle a inspiré celui des acteurs du « quick commerce ».

Comme Cajoo, Getir ou Gorillas, Flink est une de ces jeunes pousses à la croissance fulgurante qui promettent aux particuliers de faire livrer leurs courses en une poignée de minutes par des livreurs à deux-roues, partant de magasins n’accueillant pas de public, les « dark stores ». Avec une différence de taille par rapport à Deliveroo et consorts : chez l’allemand Flink, comme chez ses concurrents, tous les livreurs sont employés en tant que salariés.

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Ce n’est pas tellement le statut protecteur du CDI qui a incité Hichem à intégrer la start-up, mais plutôt la rémunération : « Quand je travaillais pour Deliveroo et Uber Eats, une fois les charges payées en tant qu’autoentrepreneur, il ne me restait presque plus rien. » Pourtant, les salaires ne sont pas bien lourds chez Flink et les autres entreprises de livraison à domicile : autour du smic, avec des majorations pour le travail en soirée et le dimanche.

Livraison en dix minutes

Chez Cajoo, la rémunération tourne autour de 10 euros brut de l’heure, auxquels s’ajoutent une prime conventionnelle et une majoration de 20 % pour le travail en horaires décalés. Pour 35 heures, Hichem gagne 1 200 et quelques euros. Autre différence majeure avec Deliveroo et cie : les livreurs attendent au chaud dans les entrepôts, pas sur un bout de trottoir. Et ils sont payés à l’heure, quel que soit le nombre de clients qui passent commande.

Mais les conditions de travail restent difficiles, est d’avis Ludovic Rioux, secrétaire général du syndicat CGT de la livraison de Lyon : « Même si les employés signent en CDI, c’est pas beaucoup mieux que chez Deliveroo. Il y a beaucoup de travail en soirée et sur le week-end, car c’est là où il y a le plus de commandes. »

Surtout, la promesse de livraison en dix minutes, premier argument de vente de la plupart de ces plates-formes, soumet les livreurs et préparateurs de commandes à un haut niveau de stress. « Comme il n’y a pas encore assez d’entrepôts, on peut se retrouver à faire des trajets de 5 ou 6 kilomètres », soupire Hichem. Le tout avec des sacs dont le poids varie entre sept et douze kilos.

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« Le Starbucks Workers United s’implante progressivement aux Etats-Unis »

Manifestation pro-syndicatde salariés de Starbucks à Seattle (Etats-Unis), le 25 janvier 2022.

Imaginerait-on un salarié qui, spontanément, rendrait une partie de son argent à son employeur dans l’espoir qu’il soit content de lui et ne le mette pas dehors ? C’est un peu le principe du rachat d’actions en Bourse. Une entreprise achète ses propres actions pour les détruire ensuite, faisant grimper automatiquement le bénéfice par action. En théorie, cette pratique est équivalente au dividende pour rémunérer l’actionnaire. En théorie, cela devrait être réservé aux entreprises qui gagnent tellement d’argent qu’elles trouvent plus judicieux de le rendre aux actionnaires que de l’investir elles-mêmes, pas juste pour soutenir le cours de Bourse.

« Patron intérimaire »

Ce lundi 4 avril, Howard Schultz, le patron de Starbucks, a décidé de suspendre l’énorme programme de rachat d’actions de 20 milliards de dollars (environ 18,2 millliards d’euros) lancé par son prédécesseur en décembre 2021. « Je ne suis pas dans les affaires comme actionnaire de Starbucks pour que chacune de mes décisions soit basée sur le cours de Bourse du trimestre », a-t-il affirmé, en précisant qu’il allait désormais investir cet argent « dans [ses] magasins et [ses] employés ». En voilà une bonne idée ! Elle a ravit les baristas et autres serveurs des cafés de la chaîne, même s’ils ont appris à se méfier de ce diable d’Howard, qui navigue si bien entre le paternalisme social et l’antisyndicalisme primaire.

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A 68 ans, le fondateur de la première chaîne de cafés au monde, avec ses 388 000 employés dans plus de 33 000 bars à travers le monde, est un homme actif qui pratique la retraite à durée déterminée. Après avoir développé son entreprise dans les proportions géantes que l’on sait, il s’est retiré une première fois en 2000, avant de revenir en 2008 pour redresser la société, puis repartir en 2016, avant de revenir comme « patron intérimaire » cette semaine. Catalogué patron social, il aime échanger avec le personnel, paye mieux que la moyenne du secteur, 17 dollars aux Etats-Unis avec la couverture santé, et a même envisagé à plusieurs reprises de se présenter à l’investiture démocrate pour les élections présidentielles.

Mobilisation progressive

Mais ce progressiste considère que la réussite de son entreprise, démarrée avec un bistro de quartier, n’aurait pas été possible avec des syndicats rigides et revendicatifs dans des structures souvent de moins de dix employés. Ce même lundi, une syndicaliste de Phoenix était mise à la porte. Mais les temps ont changé et la pénurie de personnel, associée à la mobilisation progressive du personnel des cafés, a fini par payer. Le Starbucks Workers United s’implante progressivement aux Etats-Unis.

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