Archive dans 2021

Danone : la suppression de plus de 500 postes en France confirmée

Emmanuel Faber n’est plus PDG de Danone depuis le 14 mars, mais son plan de réorganisation est lancé. Baptisé « Local First », il devrait se traduire par 1 850 suppressions de postes, dont 458 en France. Ces chiffres ont été présentés mercredi 31 mars aux organisations syndicales.

En passant d’une organisation par métiers à une organisation par pays, la direction de Danone estime être en mesure de réduire ses coûts de 700 millions d’euros. Un montant porté à 1 milliard d’euros en tenant compte d’une numérisation accrue des fonctions. La majorité des emplois supprimés concerne des fonctions de direction ou des rôles administratifs.

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Typiquement, au lieu d’avoir, dans chaque pays, trois patrons pour l’eau minérale, les produits laitiers et la nutrition spécialisée, épaulés pour chacune de ces catégories par un comité de direction d’une dizaine de personnes, il n’en restera qu’un. Voire deux en Europe, car dans cette région, selon plusieurs sources, la nutrition spécialisée, fruit d’une récente fusion entre les activités médicales et les activités de nutrition infantile, sera préservée.

Marges contre croissance

En France, le siège du groupe agroalimentaire, situé boulevard Haussmann, dans le 9e arrondissement de Paris, avant un transfert des équipes à Rueil-Malmaison (Hauts-de-Seine) en novembre 2020, est concerné au premier chef. S’y greffe un second projet, baptisé « Olympic », visant une mutualisation des forces commerciales dans l’Hexagone. « Il devrait se traduire par une centaine de suppressions de postes supplémentaires », affirme une source syndicale. Les discussions vont s’enclencher avec les représentants syndicaux pour la mise en place d’un plan de sauvegarde de l’emploi.

La genèse du plan Local First remonte à la fin 2019, bien avant la pandémie de Covid-19. Danone vient alors de lancer un avertissement sur ses résultats et M. Faber souhaite réduire les coûts. Il élabore un schéma, avec l’aide du cabinet McKinsey, qu’il présente aux administrateurs après l’été 2020. L’accueil est réservé. Certains s’inquiètent d’un nouveau bouleversement, en pleine pandémie, alors que l’entreprise a déjà subi plusieurs réorganisations.

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Très vite, ce projet cristallise les critiques à l’encontre de M. Faber, jugé insuffisamment à l’écoute de son conseil d’administration et de ses actionnaires. Ancien directeur financier, M. Faber se concentre sur les marges, quand ses contradicteurs voudraient privilégier la croissance des ventes. C’est ce message que passeront, entre décembre et mars, le fonds britannique activiste Bluebell, puis l’investisseur américain Artisan.

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Usine Ikea Industry France : l’ex-directeur de l’usine relaxé après la mort d’un salarié

Poursuivi pour homicide involontaire après le décès d’un salarié écrasé par un engin en 2018, l’ancien directeur de la société Ikea Industry France, basée à Lure (Haute-Saône), a été relaxé jeudi 1er avril par le tribunal correctionnel de Vesoul. Le parquet avait requis lors de l’audience, le 4 mars, une peine de huit mois de prison avec sursis à l’encontre de Nikolaus Schug et de 50 000 euros d’amende avec sursis à l’encontre de l’entreprise, également poursuivie.

L’entreprise et son ancien directeur étaient jugés pour « homicide involontaire dans le cadre du travail », par négligence ou manquement à une obligation de sécurité. Mais le tribunal correctionnel de Vesoul a estimé que l’entreprise, qui comptait à l’époque 163 salariés, et son ancien directeur n’avaient commis « ni faute ni imprudence ». Il a prononcé la relaxe pour les deux.

Le 21 août 2018, le responsable du parc à bois de l’usine Ikea Industry de Lure, Mickäel Minella, père de famille de 42 ans, a été écrasé par une chargeuse de 34 tonnes alors qu’il travaillait sur le site. Le conducteur de l’engin, dont la visibilité était réduite, n’a pas vu son responsable quand il l’a renversé. Il ne s’est rendu compte que son corps gisait au sol qu’en revenant sur place pour chercher un autre chargement. Il a immédiatement prévenu les secours.

« Un cumul de manquements »

L’entreprise était représentée en tant que personne morale par le directeur de la société CF2P, qui a racheté Ikea Industry France en 2019. La nouvelle entité n’entretient plus de liens commerciaux avec le géant suédois.

« Si la sécurité est l’affaire de tous, c’est d’abord celle de l’employeur », avait estimé la procureure Julie Bressand, dénonçant « un cumul de manquements » et des « négligences imputables à l’entreprise Ikea et au directeur du site ». Le père de famille n’aurait jamais dû se retrouver sur la route de l’engin de chantier, selon elle. « On ne saura jamais pourquoi il était là, mais son intervention n’aurait jamais dû avoir lieu », avait-elle conclu.

Les avocats de la défense avaient plaidé la relaxe, car « aucune faute caractérisée » n’était selon eux imputable à leurs clients : « Il y avait un protocole de sécurité, le parc à bois est une zone dangereuse, c’était écrit partout, mais ça n’empêchera jamais qu’il y ait des accidents », avaient-ils souligné.

Le Monde avec AFP

L’Etat donne son feu vert à une augmentation salariale des aides à domicile

Diane Braccagni, infirmière libérale, pose avec sa patiente Gisèle Collet, 88 ans, après l’avoir soignée chez elle, à Happonvilliers (Eure-et-Loir), le 27 avril 2020.

Brigitte Bourguigon, ministre déléguée chargée de l’autonomie, s’apprête à donner son feu vert à une augmentation « historique », dit-elle, des salaires des aides à domicile du secteur non lucratif « au 1er octobre ». Ce rattrapage salarial est une reconnaissance par le gouvernement de l’effort de ces personnels pendant la crise sanitaire et le fruit d’une longue négociation.

Cette hausse programmée a pour point de départ la refonte de la grille salariale de la branche du secteur non lucratif, engagée avant la survenue de l’épidémie de Covid-19 par les fédérations d’employeurs et les syndicats. La convention collective, qui date de 2010, était obsolète. Aujourd’hui, seulement 43 % des effectifs des aides à domicile accèdent à une rémunération conventionnelle supérieure au SMIC après dix-sept ans d’ancienneté. Les travaux des partenaires sociaux ont débouché sur la signature d’un « avenant 43 » à cette convention collective.

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Cet avenant prévoit une hausse de salaire de 13 % à 15 % pour les 209 000 personnels qui travaillent dans les services de soins infirmiers à domicile (SSIAD) et dans les services d’aide et d’accompagnement à domicile (SAAD). Ainsi l’augmentation, pour une aide à domicile sans diplôme et sans ancienneté avec un salaire de 1 539 euros brut, serait de 33,50 euros. Elle irait jusqu’à 300 euros brut pour une aide à domicile sans ancienneté mais diplômée.

Pour que cet avenant s’impose aux employeurs, encore faut-il qu’il soit validé par la commission d’agrément du ministère de la santé. Mme Bourguignon s’engage à ce que ce soit fait « d’ici la fin mai ». Toutefois les SAAD sont financés à 60 % par les départements. En théorie la hausse salariale aurait donc dû reposer en majeure partie sur les épaules des exécutifs départementaux. Mais l’obstacle financier aurait été infranchissable pour ces collectivités sans l’aide de l’Etat.

Application de l’avenant décalée

Cet automne, le gouvernement a donc fait voter un amendement au projet de loi de finances de la Sécurité sociale pour 2021, qui prévoit une dotation de 200 millions d’euros par an pour revaloriser les salaires de ces professionnelles. « Jamais depuis la création de l’allocation personnalisée d’autonomie il y a plus de vingt ans (…) un gouvernement n’avait été aussi loin dans la revalorisation de ces services », assure Mme Bourguignon.

« Dominique Bussereau a dit à Brigitte Bourguignon qu’il ne pouvait pas, à deux mois des élections départementales, valider un accord qui engage les futurs exécutifs départementaux », explique Pierre Monzani, directeur général de l’ADF

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En Allemagne, syndicat et patronat concluent un accord « équilibré » pour les salariés de l’industrie

Des travailleurs manifestent lors d’une grève organisée par le syndicat IG Metall pour réclamer de meilleurs salaires, à Dortmund (ouest de l’Allemagne), le 2 mars 2021.

La question était cruciale pour l’évolution de l’inflation, souvent redoutée outre-Rhin. La pression des salaires dans l’industrie allemande, branche clé de l’économie du pays, restera finalement modérée. C’est le résultat d’un accord conclu, mardi 30 mars, entre le syndicat IG Metall et l’organisation patronale Gesamtmetall pour la région Rhénanie-du-Nord-Westphalie (ouest), qui devrait servir de pilote pour les pourparlers dans d’autres régions. L’accord prévoit une augmentation progressive des salaires de 2,3 %, assortie de garanties pour les employeurs en difficulté. Il scelle surtout la paix sociale pendant presque deux ans.

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Le résultat des négociations était très attendu. La première économie de la zone euro traverse certes l’une des plus importantes crises économiques de son histoire, mais son industrie métallurgique et électronique, qui comprend le secteur central de l’automobile, a globalement bien résisté. Grâce à la vigueur des exportations, notamment vers l’Asie, la branche a affiché un fort rebond dès la mi-2020 et poursuit sur sa lancée. Peu de secteurs peuvent se prévaloir d’avoir déjà rattrapé leur niveau d’avant la crise, malgré les pertes enregistrées au printemps 2020.

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Le syndicat IG Metall n’entendait donc pas laisser au patronat tout le bénéfice de cette situation. Depuis décembre, il réclamait 4 % d’augmentation, à renégocier dans douze mois. Les patrons, eux, avaient fermé la porte à toute hausse, évoquant la persistance des incertitudes liées à la pandémie de Covid-19 et aux approvisionnements, ainsi que les risques de faillite dans certaines entreprises. Certains petits sous-traitants automobiles très spécialisés subissent de plein fouet deux chocs majeurs : la crise liée au nouveau coronavirus et le déclin du moteur à explosion, dont le diesel. Selon le patronat, un tiers des sociétés du secteur pourrait être concerné. Ces facteurs concomitants, aux effets contrastés, ont rendu les tractations très complexes.

« Un signe de confiance aux entreprises »

Après une série de grèves d’avertissement menées ces dernières semaines, un compromis a été trouvé. Le syndicat a obtenu une prime de 500 euros pour chaque salarié et une progression graduelle des salaires de 2,3 % sur vingt-et-un mois, mais en deux tranches. Les contreparties comportent d’importantes mesures de flexibilité sur les versements et le temps de travail, en fonction de l’état du carnet de commandes. Ainsi, les hausses de salaire peuvent être transformées en temps libre pour le salarié, sans qu’il perde son poste. Ces aménagements doivent permettre aux entreprises en crise de se moderniser, tout en ne mettant pas l’emploi en péril.

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« La Team » : Deux ans d’idylle avec les Rastignac en Adidas

Le livre. Après vingt-sept ans passés tout en haut de la pyramide d’un grand groupe public à la culture très verticale, Bénédicte Tilloy a ressenti le besoin de changer. Pendant les trop longues réunions de travail, la membre du « comex » (comité exécutif) rêve d’aventures entrepreneuriales. « A force de lire et d’entendre raconter la légende des start-upeurs et eu la chance de rencontrer ceux d’entre eux qui avaient particulièrement bien réussi, je m’étais fait un petit film dans ma tête. Certes, cela tenait beaucoup du fantasme, mais cela me permettait de calmer ma frustration de ne pas voir certains projets avancer au rythme où je l’aurais voulu. »

« La Team. Le jour où j’ai quitté mon comex pour une start-up », de Bénédicte Tilloy, Dunod, 160 pages, 19,90 euros.

Ses élucubrations sont autant plus hardies que la DRH est loin de penser que l’occasion lui sera enfin donnée de se réaliser le jour où un remaniement d’état-major l’écarte provisoirement de ses fonctions : « Malgré les serments et les engagements que des opportunités nouvelles se présentent rapidement en interne, j’ai senti que me collerait bientôt à la peau l’étiquette de “vieille sage”, que l’on consulte pour des “missions de confiance” ». L’ancienne dirigeante de la SNCF troque alors ses escarpins contre des sneakers, et rejoint une start-up en pleine croissance, comme simple collaboratrice. Son ouvrage, La Team (Dunod) livre un récit drôle et nuancé de cette expérience.

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Une fois tirée sa révérence, l’autrice se met à arpenter tous les hauts lieux de la « start-up nation ». « Comme une adolescente désœuvrée, j’ai traîné les “events” comme certains traînent les soirées ou les bars, sans intention précise que celle d’y faire des rencontres. »

Elle y croise un des cofondateurs de La Team, une jeune pousse en pleine expansion, qui lui propose de les rejoindre. « Le projet était tout sauf clair, mais la perche intéressante à saisir. Il s’agissait de partager le quotidien des premiers collaborateurs, de s’inspirer de l’esprit des lieux et de contribuer au développement business. »

« Pas douée pour faire renter la “caillasse” »

La quinquagénaire accepte, épouse les rythmes, les causes, les émerveillements et les galères de La Team. Elle observe parmi les clients de cette start-up des dirigeants « confrontés aux transformations de leur univers, et leurs collaborateurs, de toutes les fonctions de l’entreprise, grande ou petite, aux prises avec des silos parfois défendus bec et ongles par les mêmes qui s’en plaignent au quotidien. »

Si les prénoms et les domaines dans lesquels elle est intervenue ont été modifiés, les situations décrites dans son ouvrage restent très fidèles à la réalité. Les débuts de l’histoire sont à la hauteur de l’idylle imaginée. « J’ai adoré. Ni les sacrifices de rémunération ni la dégringolade de statut que j’ai consenti pour rejoindre l’équipe n’ont affecté mon enthousiasme. »

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Evénementiel : les professionnels du mariage redoutent une année blanche

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Publié aujourd’hui à 02h40, mis à jour à 09h28

Dans son atelier de couture installé à Monceaux, dans l’Oise, Virginie Robreau n’a plus le moral. La grande table conçue pour accueillir les étoffes en cours de confection ne croule pas sous les satins ou les taffetas, et la machine à coudre est bien silencieuse. La jeune créatrice de robes de mariée a fondé Jeux de Fils, en 2017, pour vivre de sa passion pour la couture. Grâce à sa présence sur les salons et au bouche-à-oreille, sa petite entreprise a prospéré, et 2020 s’annonçait comme un excellent cru.

Mais la machine s’est grippée avec les contraintes sanitaires. Virginie Robreau n’a pas enregistré une seule commande de robe de mariée depuis janvier. Sa crainte : que 2021 soit une année blanche.

« Il y a eu tant de mariages reportés en 2020, et maintenant c’est le tour de ceux de 2021, que désormais les couples préfèrent attendre avant de prévoir quoi que ce soit, se désole-t-elle. Mais si je n’engrange pas très très vite de nouvelles commandes, pour moi, 2021, c’est déjà fini. » Alors que quatre mariages sur cinq se tiennent entre avril et octobre, il lui faudra attendre l’automne pour voir arriver de nouvelles clientes et créer la robe de leurs rêves.

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Au temps des confinements et de la distanciation physique, les noces se font rares. Si les cérémonies civiles en tout petit comité ont pu avoir lieu, les festivités qui suivent ont dû être annulées en raison des contraintes sanitaires. Sur les 230 000 mariages qui sont célébrés chaque année, environ 180 000 donnent lieu à une réception de 115 convives en moyenne, selon l’Association des consultants en mariage (Assocem) et l’Union des professionnels solidaires de l’événementiel (UPSE).

Dans l’atelier de la maison de couture Galatée, créatrice de robes de mariées, à Paris, le 23 mars.

En 2020, selon ces deux organisations, moins de 30 % des festivités prévues ont pu être maintenues, principalement en juillet, août ou septembre. Une catastrophe pour les 55 000 professionnels de la filière, qui, depuis les propriétaires de châteaux ou lieux de réception jusqu’aux disc-jockeys (DJ) ou aux photographes, se sont retrouvés sans activité ou presque, alors qu’ils se partagent une jolie pièce montée de 3,2 milliards d’euros.

« Il faut garder nos prestataires qui se démotivent… »

Au Domaine des 3 voyages, dans l’Eure, en Normandie, la grande salle de réception n’a vu personne danser depuis l’été 2020. Jessyca et Bruno Cardinale, les gérants de ce domaine dévolu aux noces et banquets, proposent un service clé en main : les lieux pour la réception, la partie traiteur et toute une équipe de prestataires – fleuristes, animateurs pour enfants, DJ… Le couple, qui emploie un salarié et trois apprentis, a fait les comptes. En 2020, le chiffre d’affaires a été divisé par deux et les pertes s’élèvent à 80 000 euros. Ce n’est pas tant cela qui les inquiète que de voir se déliter sous leurs yeux un édifice patiemment construit. « Il faut maintenir tout le monde à flot, rassurer nos clients et aussi garder nos prestataires qui se démotivent… », raconte le couple.

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Enseignants-chercheurs : « Moins il y a de moyens, plus le climat se dégrade, plus la sélection sociale est poussée »

Un collectif de professeurs et chercheurs, titulaires ou vacataires, parmi lesquels Philippe Corcuff, Eva Debray, Caroline Déjoie, Ivan Sainsaulieu, tire, dans une tribune au « Monde », le signal d’alarme sur le niveau de précarité atteint actuellement dans l’université. Ils s’interrogent pour savoir si l’amour de la recherche serait-il payant ?

Le Sénat appelle l’Etat à sauver La Poste et étendre les missions des facteurs

Le sort de La Poste, mise en difficulté par la chute accélérée du courrier depuis le début de la crise sanitaire, inquiète désormais le Sénat. La commission des affaires économiques de la Chambre haute a publié, mercredi 31 mars, un rapport sur « L’avenir des services publics de La Poste », pour demander à l’Etat de soutenir financièrement l’opérateur public et proposer des réformes.

Un document aligné avec les demandes adressées au gouvernement par le PDG de La Poste, Philippe Wahl. « Notre volonté est d’aller vite compte tenu de l’urgence, explique Patrick Chaize, rapporteur et sénateur (Les Républicains) de l’Ain. L’Etat devra apporter une réponse dans le cadre du vote du budget 2021 pour ne pas laisser La Poste en situation de banqueroute ».

Première préoccupation : le service universel postal, principale mission de service public confiée au groupe, qui consiste à collecter et à distribuer du courrier et des colis, tous les jours ouvrables, sur tout le territoire, à des prix abordables. Un service sans modèle économique dans un monde où la lettre se fait rare. Son déficit devrait atteindre plus de 1,3 milliard d’euros en 2020.

Abattement fiscal

Le rapport du Sénat révèle l’étendue des pertes à venir, qui devraient varier entre 700 millions d’euros et 2,4 milliards d’euros par an d’ici à 2025. L’hypothèse basse ne valant que si le groupe « joue sur tous les paramètres, en prenant des mesures de fermetures de sites et de réductions d’effectifs », explique M. Chaize.

Aussi le sénateur et ses deux corapporteurs, Pierre Louault (Union centriste) et Rémi Cardon (Socialiste, écologiste et républicain) préviennent : « Aujourd’hui, sans compensation de l’Etat à compter de l’année 2021, une “réduction” du service public s’imposera dans les faits avec une diminution des services rendus aux usagers. »

Le rapport recommande donc une compensation, dès cette année, par le biais d’un abattement fiscal jusqu’à 270 millions d’euros (au titre de la taxe sur les salaires) complété par une dotation budgétaire annuelle, jusqu’à 730 millions d’euros. Soit un coût de 1 milliard d’euros pour l’Etat.

Lire le portrait : Philippe Wahl, l’homme qui veut sauver La Poste

Pour faire des économies, les sénateurs proposent par ailleurs de retirer la lettre au timbre rouge, distribuée à J + 1, du périmètre du service universel postal. « C’est un service qui coûte cher, mais qui ne correspond plus vraiment à l’attente des clients. Ils utilisent l’e-mail s’ils veulent de l’instantanéité, affirme M. Chaize. Cela permettrait d’optimiser les tournées, les facteurs pourraient couvrir un territoire plus étendu. » Subsisterait donc la distribution des lettres à timbres verts, en J + 2 ou J + 3, à prix abordable ; tandis que le J + 1 deviendrait un produit concurrentiel, avec un timbre vendu au « coût réel ».

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Travail forcé : « malaise en Malaisie »

A l’usine Top Glove de Shah Alam, en Malaisie, le 26 août 2020.

Jeudi 25 mars, dans un grand hôtel de la banlieue de Kuala Lumpur, la société Top Glove se voit remettre, pour la cinquième année d’affilée, le prix de la meilleure entreprise asiatique où il fait bon travailler. « C’est la validation de nos efforts dans le domaine du capital humain », se réjouit son directeur général, Dato Lee Kim Meow. Ce n’est manifestement pas l’avis de tout le monde. Lundi 29 mars, le service américain des douanes annonçait le blocage officiel de toute importation aux Etats-Unis des produits de l’entreprise, après une enquête sur des accusations de travail forcé et de conditions de travail indignes. Malaise en Malaisie.

La société malaisienne est le numéro un mondial des gants médicaux de protection. Elle est, à ce titre, l’un des grands gagnants de la crise liée au Covid, qui a provoqué une telle demande mondiale qu’en 2020 son chiffre d’affaires a soudain été multiplié par quatre et son cours de Bourse par six. Fondée, en 1991, par Lim Wee-Chai, Malaisien d’origine chinoise, l’entreprise a conquis le quart du marché mondial et a fait de la Malaisie l’expert international de cette spécialité, grosse consommatrice du caoutchouc des plantations d’hévéas.

Dortoirs insalubres, horaires extensifs, violences…

Ce n’est pas la première fois que les douanes américaines s’intéressent à Top Glove, qui emploie 21 000 personnes dans le monde, dans 50 usines. En juillet 2020, elles avaient déjà interdit, pour les mêmes raisons, deux filiales de la société. Les organisateurs du prix de la meilleure entreprise pour travailler n’ont pas dû lire le quotidien britannique The Guardian, qui, dès 2018, a publié une longue enquête décrivant les conditions de travail des migrants népalais ou bangladais, entassés dans d’immenses dortoirs insalubres, contraints à des horaires extensifs, privés de passeport et violentés. En décembre 2020, l’épidémie de Covid-19 a contaminé 5 000 employés, dont l’un est décédé. Le ministère des ressources humaines malaisien avait lancé 19 enquêtes mettant en lumière le fait que l’entreprise ne respectait pas les règles sociales.

L’histoire de Top Glove, star de la Bourse de Kuala Lumpur, n’est pas isolée. Les mêmes douanes américaines avaient interdit, en décembre 2020, deux autres entreprises de Malaisie, FGV Holdings et Sime Darby Plantation, le numéro un mondial des palmiers à huile, également sur des accusations de travail forcé.

L’essor formidable de l’Asie du Sud en ce moment est largement construit sur le coût très faible de sa main-d’œuvre, par rapport à la Chine voisine, et sur l’appétit occidental. Mais une croissance qui repose en partie sur de l’esclavage moderne n’est pas acceptable. On espère que les douanes européennes en sont aussi convaincues que les américaines.