Archive dans 2021

« Je vais reprendre le travail la tête haute, j’ai eu mes droits » : Rachel Kéké et Sylvie Kimissa, salariées du nettoyage

Sylvie Kimissa, 50 ans, et Rachel Kéké, 47 ans, à Chevilly-Larue (Val-de-Marne), le 28 mai 2021.

Elles n’en reviennent toujours pas de cette nuée de journalistes, de micros et de caméras venue les accueillir à leur sortie de l’Hôtel Ibis Batignolles, à Paris, mardi 25 mai. Le genre de cohue qu’on réserve habituellement aux vedettes ou aux ministres, mais pas aux femmes de chambre… Voilà pourtant ces invisibles dans la lumière, célébrant, poing levé, leur victoire contre le groupe Accor et son sous-traitant du nettoyage STN, au terme de vingt-deux mois de conflit.

Quelques jours plus tard, Rachel Kéké, 47 ans, nous accueille dans son appartement d’un quartier populaire de Chevilly-Larue (Val-de-Marne) avec Sylvie Kimissa, 50 ans, sa collègue. C’est ensemble qu’elles ont mené cette lutte. « On est épuisées, mais c’est pour la bonne cause ! » Le compte WhatsApp de Rachel Kéké déborde de « Bravo ! » « Tu te dis : c’est vraiment nous qui avons fait ça ? En Afrique, si tu revendiques tes droits, on te licencie ou tu te fais chicoter [embêter] par la police ! La France m’a beaucoup appris. »

Des enfants au pays, des déménagements

Les deux femmes ont choisi de nous recevoir « en tenue traditionnelle ». Rachel Kéké, aujourd’hui Française, est née en Côte d’Ivoire. Elle est arrivée en France à 26 ans, en 2000, après le coup d’Etat militaire qui a renversé Henri Konan Bédié. « On était traumatisés. Et puis, là-bas, tu attends l’Europe, tu veux découvrir un pays développé» Coiffeuse, elle vient travailler dans le salon de son oncle qui l’héberge un temps à Paris.

Sylvie Kimissa, 50 ans, a une carte de résident de dix ans. Elle a quitté le Congo-Brazzaville, où elle était employée dans un taxiphone, en 2009. Son mari la fait venir en Italie. Mais le couple se sépare rapidement. Elle rejoint alors sa sœur à Beauvais, dans l’Oise.

« A la fin de ma première journée, j’ai failli abandonner… Et puis tu penses à l’avenir de tes enfants et tu reprends courage. » Rachel Kéké

Rachel Kéké et Sylvie Kimissa ne se connaissent pas encore, mais elles partagent le même cheminement erratique de vie. Elles ont laissé des enfants au pays, un fils pour Rachel, deux filles pour Sylvie. Leurs premières années en France sont précaires, rythmées par les déménagements chez des proches d’un bout à l’autre de l’Ile-de-France.

Elles sont nounous, caissières… « Mais, pour une maman, les horaires sont compliqués. Et tu n’as pas de quoi payer quelqu’un pour s’occuper de tes enfants », confie Rachel Kéké, qui en a eu quatre d’un deuxième mari, dont elle s’est séparée. Elle s’est remariée depuis. Sylvie Kimissa a aussi refait sa vie et s’est installée avec son compagnon et leur fils, 10 ans aujourd’hui, à Bondy (Seine-Saint-Denis).

Il vous reste 68.96% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

A Wall Street, la « génération pandémie » est à bout de souffle

C’est sur Twitter que l’alerte a été lancée au mois de mars. Treize jeunes banquiers de Goldman Sachs étaient au bord de la crise de nerfs. Depuis le début de l’année, ils travaillaient en moyenne 98 heures par semaine, dormaient 5 heures et ne se couchaient pas avant 3 heures du matin.

Les juniors ont imité une présentation à la Goldman Sachs, pleine de statistiques. Sur une échelle de 1 à 10, ils ont auto-évalué leur santé mentale à 2,8 ; leur bien-être physique à 2,3 ; et ont finalement estimé leur degré de satisfaction au travail à 2. « A un certain moment, je ne mangeais plus, je ne me douchais plus, je ne faisais rien d’autre que travailler », témoigne l’un d’eux sous le couvert de l’anonymat. « J’ai connu l’orphelinat, dit un autre, c’est pire. » « C’est inhumain », ajoute un collègue, tandis que son camarade de souffrance avoue avoir des « idées sombres ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’argot de bureau : le « blurring » ou la journée qui ne s’arrête jamais

La complainte des débutants de Wall Street n’est pas nouvelle. Pour de nombreux observateurs des prestigieuses institutions financières de la place, elle rappelle le drame de 2013, lorsqu’un jeune stagiaire de Merrill Lynch à Londres, âgé de 21 ans, est mort d’épuisement.

« Finie la camaraderie »

Huit ans plus tard, rien n’aurait changé ? « Le Covid leur a donné encore plus de travail », affirme Daniel Beunza Ibanez, professeur de l’école de commerce de la City University of London. Cet expert en finances suit l’évolution du métier depuis plusieurs années. En pleine crise, les banques n’ont pas embauché et en demandent toujours plus aux débutants, censés préparer les dossiers de fusions-acquisitions ou d’introductions en Bourse… de leurs supérieurs.

Cette part du travail préliminaire n’a cessé d’augmenter. « Le banquier expérimenté s’est retrouvé à la maison. Plus de voyage, plus de bureau, raconte Karen Ho, anthropologue de l’université du Minnesota. Que faire de son temps libre ? Utiliser son [fichier rotatif] Rolodex, enchaîner les réunions sur Zoom et proposer de nouvelles affaires à ses clients. » Les petites mains qui interviennent en amont ont dû assurer depuis chez elles et réagir vite quand leur chef ou le client a réclamé des éclaircissements. D’où le supplément de travail, sans les à-côtés d’autrefois, qui rendaient la besogne plus acceptable. « Finies les soirées avec le patron quand un dossier se referme, les taxis gratuits, les sorties golf, la camaraderie entre jeunes banquiers », détaille M. Beunza Ibanez.

Il vous reste 57.47% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Depuis cinq ans, l’usine sidérurgique Ascoval survit au sort funeste qui lui est promis »

Dans l’usine de Saint-Saulve (Nord), en mai 2019.

Pertes et profits. Evêque d’Amiens à la fin du VIe siècle, saint Saulve a parcouru son diocèse en promettant la vie éternelle à des ouailles encore séduites par le paganisme. Le saint sauveur (Salve), saura-t-il arracher à la mort, la principale industrie de la ville du Nord qui porte désormais son nom ? Depuis cinq ans, et l’annonce de sa disparition, l’usine sidérurgique Ascoval survit au sort funeste qui lui est promis. Depuis la fin avril 2021, la banque Rothschild s’active pour lui trouver un nouveau repreneur après la déconfiture de son propriétaire actuel, le groupe britannique Liberty Steel. Le Financial Times cite ArcelorMittal, l’allemand Saarstahl et l’italien Bertrame comme candidats.

Lire aussi Ascoval et Hayange : le groupe Liberty Steel cherche des repreneurs éventuels

En 2019, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, avait pourtant cru pouvoir refermer pour longtemps ce dossier qui le poursuivait depuis son arrivée au ministère. « C’est une jolie fin », avait-il lâché, soulagé, à l’occasion de la vente de l’usine. Trop heureux d’en finir avec ce casse-tête symbole, avec ses 280 ouvriers, de la désindustrialisation inéluctable de la France, il n’avait pas porté trop d’attention aux cassandres qui soulevaient la fragilité financière de ce nouvel acquéreur.

Insuffisamment compétitive

Pourtant les précédents ne plaidaient pas pour une issue sereine. Créé en 1975 par le fabricant de tubes Vallourec, celui-ci annonce sa fermeture dès 2016, car lui aussi cherche à sauver sa peau et se déleste des actifs les plus coûteux et les moins compétitifs. Il lâche une activité sidérurgique insuffisamment compétitive face aux géants comme ArcelorMittal ou ThyssenKrupp. Face au tollé et à la mobilisation de ses salariés, des repreneurs sont trouvés. Ils s’appelleront Ascometal (qui donnera le nom Ascoval), puis Altifort, et enfin British Steel. Tous feront faillite quelques mois après la reprise de l’usine. Finalement, Liberty Steel n’échappera pas à la malédiction. Pas encore en faillite, mais ruiné par l’effondrement de son financier Greensill, il met en vente ses nombreux actifs français, dont Ascoval et l’usine sidérurgique d’Hayange.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Ascoval, Hayange… Pourquoi la faillite de l’établissement financier Greensill menace les aciéries françaises

Ces deux-là ont destin lié depuis que, pour sauver Ascoval, on a demandé à Hayange, fabricant de rails pour le ferroviaire, de passer commande de ses barres d’acier à l’entreprise de Saint-Saulve. Déjà en 2019, à l’occasion du choix de British Steel, l’Etat avait repoussé des candidats sérieux, dont Arcelor, car ils voulaient bien d’Hayange, mais pas d’Ascoval. De même, Liberty Steel a décroché le morceau un an plus tard en acceptant de reprendre les deux entreprises.

Il vous reste 16.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Salarié(e) de l’hôtellerie-restauration, vous avez quitté le métier. Racontez-nous pourquoi

Les hôtels désertés et restaurants fermés n’attendaient que le déconfinement pour retrouver leur clientèle. Mais bien que celle-ci soit aujourd’hui de retour, ce sont leurs employés qu’ils ont perdus de vue. Quelque 100 000 postes sont à pourvoir dans l’hôtellerie-restauration en France, s’alarment les employeurs, sans compter les 300 000 saisonniers d’été qu’il faut aussi recruter.

L’arrêt prolongé de l’activité, avec le recours au chômage partiel ou les licenciements massifs, a, semble-t-il, convaincu plus de 10 % des employés du secteur de se reconvertir. Lassitude des horaires décalés, du rythme de travail ou des exigences des employeurs ? Manque de considération de la part de la profession, ou de perspectives d’évolution ? Crainte de l’évolution des métiers de l’hôtellerie dans un monde post-Covid ? Dites-nous les raisons de votre reconversion, qu’elle soit provisoire ou définitive.

Votre témoignage, que nous lirons avec attention, pourra nous amener à vous recontacter dans le cadre d’un article à paraître dans Le Monde sur ce sujet. N’oubliez pas de mentionner un numéro de téléphone, ainsi qu’une adresse électronique que vous consultez souvent, nous pourrions être amenés à vous contacter pour obtenir des précisions.

VOTRE TÉMOIGNAGE

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée et ne sera utilisée que dans le cadre exclusif de cet appel à témoignage.

Voir les conditions de dépôt

1 – Le Monde.fr, site édité par Le Monde interactif, présente une sélection de témoignages, sous forme d’écrits, de photographies et de vidéos qui lui sont soumis librement par ses internautes. 2 – Les textes, photographies et vidéos sont toujours présentés avec mention du nom de l’auteur. 3 – Les participants autorisent l’utilisation de leurs témoignages pour une publication sur le site Le Monde.fr, dans le groupe Dailymotion du Monde.fr (http://www.dailymotion.com/lemondefr) ou dans le quotidien « Le Monde ». 4 – L’utilisation de ces écrits, photographies et vidéos ne peut donner lieu à un versement de droit d’auteur ou à une rétribution sous quelque forme que ce soit. 5 – Le Monde interactif s’engage à prendre le plus grand soin des œuvres confiées dans le cadre de ce service, mais ne peut en aucun cas être tenu pour responsable des pertes ou dommages occasionnés aux œuvres. 6 – L’équipe du Monde.fr se réserve le droit de refuser des témoignages, notamment : – les témoignages contraires à la loi (racisme, appel à la violence ou à la haine, diffamation, pornographie, pédophilie, sexisme, homophobie, …) ; – les témoignages contraires aux règles de conduite du Monde.fr (mauvaise orthographe, propos non conforme au sujet demandé, forme peu soignée, …) ; – les témoignages dont le sujet ou la forme présente peu d’intérêt pour les lecteurs ; – les témoignages déjà été proposés et publiés ou similaires à un témoignage récemment publié ; – la représentation d’une personne physique pouvant être identifiée, en particulier les personnes mineures ; – la représentation d’une œuvre pouvant relever du droit d’auteur ; – les photographies et vidéos dont la qualité technique est insuffisante (photos floues, vidéos illisibles ou de mauvaise définition, bande son inaudible, …). 7 – Les internautes qui déposent leur témoignage recevront un e-mail confirmant ou infirmant leur acceptation et publication. Les témoignages qui n’auront pas été validés ne seront pas conservés par Le Monde interactif et ne pourront faire l’objet d’une restitution à leur auteur.

RÈGLEMENT

En participant à cet appel à témoignages, vous autorisez la publication totale ou partielle de votre contibution sur le site Le Monde.fr, dans le quotidien Le Monde, dans « M, le Magazine du Monde » ou sur tout autre site où la Société éditrice du Monde publie du contenu éditorial (Facebook, Twitter, Digiteka, Instagram, etc.). Tout témoignage contenant des propos contraires à la loi est proscrit et ne sera évidemment pas publié. Une orthographe et une mise en forme soignées sont exigées (pas de textes en lettres capitales, pas d’abréviations ou d’écrits de type « SMS »). Vous devez impérativement préciser la date et le lieu où ont été pris vos documents photographiques ou vidéo et rédiger une légende descriptive. Votre témoignage doit être signé de vos prénom et nom. Les demandes d’anonymat en cas de publication seront examinées par la rédaction au cas par cas. L’intégralité des conditions de dépôt de témoignage est accessible sous le formulaire ci-contre.

Management toxique : sortir du déni

Carnet de bureau. « Rien n’est opposable à la dignité dans le travail. Il y a des limites à ne pas franchir », explique Caroline Pailloux, directrice générale d’Ignition Program, une entreprise de recrutement et de formation au management de hauts potentiels spécialisée dans les start-up. Le management toxique peut s’installer insidieusement et durablement dans une entreprise, quelle que soit sa taille.

Le récent coming out de Michelin sur le harcèlement est, à ce titre, révélateur. Florent Menegaux, le président du groupe de pneumatiques, reconnaissant que « des comportements contestables ont persisté sans être signalés ni par les victimes ni par les collègues qui en étaient informés », s’est adressé, mi-avril, à tous les salariés pour lancer un appel à la « tolérance zéro contre le harcèlement » : 157 cas de management toxique avaient été signalés en 2020.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Michelin veut se débarrasser de ses manageurs « toxiques »

Sur le sujet, les start-up se laissent facilement entraîner par la dynamique de croissance exponentielle qui leur fait confondre management toxique et engagement total. Malgré de bonnes intentions, le burn-out n’est jamais loin du surinvestissement. Et l’absence d’intelligence émotionnelle peut rendre aveugle aux risques encourus par les salariés. A tel point que les dirigeants de start-up, bien souvent également fondateurs, sont nombreux à être surpris ou à feindre de l’être par les propos des victimes. Et, malgré l’avalanche de témoignages de maltraitance ou de burn-out, ils restent longtemps dans le déni et peinent à en sortir.

L’origine du mal masquée

Dans les start-up, le plus souvent, les DG ne veulent pas parler de management toxique. « Le sujet n’est pas facile à aborder, car ce n’est jamais pour cela qu’on crée une entreprise. La plupart pensent que leurs salariés sont très heureux comme ça, car eux-mêmes sont entrepreneurs. Ils ont envie d’avoir un impact positif sur la société, sans se rendre compte de la pression exercée sur les salariés », note Caroline Pailloux. Ils constatent rapidement l’importance d’un turn-over excessif sans vraiment réagir. Car l’esprit d’équipe masque l’origine du mal : des pratiques dignes du bizutage, avec cette même acceptation bien connue des étudiants des grandes écoles, qui fait prendre un délit de maltraitance pour un effort sacrificiel.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’argot de bureau : le « blurring » ou la journée qui ne s’arrête jamais

« Les dirigeants sont persuadés que les gens qui les rejoignent souhaitent d’abord assouvir leur ambition, répondre à un challenge. On doit leur expliquer que le sentiment d’appartenance ne passe pas obligatoirement par la violence opérationnelle, poursuit Caroline Pailloux. Et ce n’est pas parce que des collaborateurs acceptent de se faire mal qu’on doit tolérer tous les comportements. » L’employeur met en danger la santé du salarié et son entreprise dans la mesure où l’humiliation conduit à l’erreur professionnelle.

Il vous reste 11.05% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

De délégué à « influenceur » syndical

Droit social. L’attaque inédite et trop vite oubliée de syndicalistes qui exerçaient leur droit fondamental de manifestation pacifique le 1er-Mai, Journée internationale de lutte pour les droits des travailleurs, interroge également sur les moyens d’expression et de communication dont disposent les organisations syndicales dans l’entreprise malgré le contexte sanitaire.

Ceux-ci ne sont pas négligeables. Les publications et tracts peuvent ainsi être librement diffusés aux salariés dans l’enceinte de l’entreprise, aux heures d’entrée et de sortie du travail, autrement dit, lorsque les salariés arrivent à leur poste et quand ils le quittent. Le délégué syndical peut aussi, du fait de sa mission, circuler librement dans l’entreprise, que ce soit pendant ou en dehors de ses heures de travail. Il est en droit, à cette occasion, d’entrer en contact avec toutes personnes ou tous salariés de l’entreprise dans la mesure où il ne les gêne pas dans leur travail.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Uber cherche à faire émerger un droit du travail qui soit compatible avec son modèle économique fragile »

D’autres droits supposent une concrétisation par accord d’entreprise. Tel est le cas des modalités de mise à la disposition de chaque section syndicale de panneaux réservés à leurs seules informations ou de l’affichage et de la diffusion des communications syndicales à l’intérieur de l’entreprise, voire de la possibilité pour les sections syndicales d’organiser des réunions en dehors des horaires de travail.

Mais ces règles du code du travail fleurent bon l’usine, le bureau, le magasin, autrement dit le lieu unique où se rassemblent des personnes selon des horaires collectifs, qui permettent des revendications communes sur des conditions de travail exprimées par des représentants de salariés.

Bon fonctionnement et sécurité

Le contexte du Covid-19 a quelque peu changé les modes de communication, auxquels les syndicats ont dû s’adapter, en s’appuyant notamment sur une loi du 4 mai 2004 qui, complétée par la « loi travail » de 2016, autorise par accord d’entreprise la diffusion de ces publications et tracts sur la messagerie électronique de l’entreprise.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Pleins feux sur des dysfonctionnements majeurs de l’entreprise

Plus encore, à défaut d’accord, l’article L. 2142-6 du code du travail précise que les organisations syndicales présentes dans l’entreprise et satisfaisant aux critères de respect des valeurs républicaines et d’indépendance, légalement constituées depuis au moins deux ans, peuvent mettre à disposition des publications et tracts sur un site syndical accessible à partir de l’intranet de l’entreprise, lorsqu’il existe.

L’utilisation par les syndicats des outils numériques doit évidemment être compatible avec les exigences de bon fonctionnement et de sécurité du réseau informatique de l’entreprise, ne pas avoir de conséquences préjudiciables sur la bonne marche de l’entreprise et préserver la liberté de choix des salariés de refuser ou d’accepter un message. Ces impératifs donnent lieu à de nombreux litiges, liés en particulier à des informations confidentielles sur l’entreprise « poussées » vers un grand public.

Il vous reste 18.77% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Aux Etats-Unis, Amazon assouplit les conditions de travail après un rapport accablant sur les accidents

L’entrepôt de distribution d’Amazon au centre d’une campagne de syndicalisation, en mars 2021 à Bessemer, en Alabama.

Amazon a annoncé, mardi 1er juin, un assouplissement des contrôles de ses salariés après la publication d’un nouveau rapport accablant sur les accidents au travail dans ses entrepôts américains, réputés pour leurs cadences infernales.

Le système baptisé « Time off Task » (« temps non travaillé »), qui mesure la productivité de chacun des ouvriers chargés de trier, d’emballer et de déplacer les colis, « peut facilement être mal interprété », note Dave Clark, un directeur du géant du commerce en ligne, dans une lettre aux salariés.

De nombreux ouvriers et associations accusent cette méthode de causer du stress inutile, en ne laissant pas suffisamment de temps pour se rendre aux toilettes, par exemple. « A partir d’aujourd’hui, le “Time off Task” durera plus longtemps en moyenne », a promis Dave Clark.

Lire aussi Coronavirus : Amazon suscite les critiques de salariés aux Etats-Unis comme en France

Près de 6 % des ouvriers des centres de tri victimes d’un accident

Le groupe de Seattle est de nouveau accusé par des syndicats américains de ne pas suffisamment se soucier de la santé de ses employés, à l’approche du « Prime Day », une gigantesque opération de soldes annuelles qui nécessite chaque année un renforcement de ses équipes.

« Les travailleurs des sites Amazon se blessent plus souvent, et plus gravement, que dans les entrepôts d’autres entreprises », affirme une coalition de syndicats, le Strategic Organizing Center, dans un rapport publié mardi.

Selon cette étude, l’année dernière, près de 6 % des ouvriers des centres d’Amazon ont été victimes d’un accident qui les a forcés à s’arrêter temporairement ou à prendre un poste différent, moins contraignant physiquement. « Ce taux est quasiment 80 % plus élevé que pour tous les autres employeurs ayant des entrepôts sur l’année 2020 », continue le rapport.

Assouplir le système de contrôle des horaires dans les entrepôts doit permettre de revenir « à son objectif premier », qui est de « comprendre s’il y a des problèmes avec les outils que les personnes utilisent pour être productives, et seulement en second lieu d’identifier les employés moins performants », a assuré M. Clark.

« Nous avons étendu notre équipe chargée de la santé et de la sécurité au travail à plus de 6 200 employés et investi plus de 1 milliard de dollars dans de nouvelles mesures de sécurité en 2020 », a réagi Kelly Nantel, une porte-parole du groupe, sollicitée par l’Agence France-Presse au sujet du rapport des syndicats.

Abus de position dominante et pratiques anticoncurrentielles

Amazon a saisi l’opportunité de la pandémie en embauchant 500 000 personnes dans le monde l’année dernière pour répondre à l’explosion de la demande. L’entreprisee a transformé l’essai avec des résultats spectaculaires, et continue d’investir dans tous ses secteurs, de sa plate-forme d’e-commerce au cloud (informatique à distance) et au divertissement (elle vient de racheter les studios MGM).

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Le studio hollywoodien MGM racheté par Amazon pour 8,45 milliards de dollars

Mais son succès auprès des consommateurs ne masque pas ses déboires avec les autorités et la société civile, qui lui reprochent des abus de position dominante, des pratiques anticoncurrentielles et des conditions de travail extrêmes. « Ces données devraient servir d’avertissement, elles montrent à quel point la situation est devenue désespérée », a commenté Debbie Berkowitz, de National Employment Law Project, une association qui défend les droits des travailleurs à bas salaires.

En avril, après l’échec d’une tentative de syndicalisation d’un entrepôt dans l’Alabama – qui aurait été une première pour Amazon aux Etats-Unis –, le fondateur et patron de l’entreprise, Jeff Bezos, avait écrit : « Nous devons faire mieux pour nos employés », dans sa lettre annuelle aux actionnaires. « Nous allons être le meilleur employeur et l’endroit le plus sûr où travailler sur Terre », avait-il promis, évoquant notamment des mesures déjà prises ou en cours de mise en œuvre pour réduire les risques de troubles musculo-squelettiques liés aux tâches répétitives.

Lire le reportage : Chez Amazon, un combat syndical qui peut changer les Etats-Unis

Le Monde avec AFP

Dans le bassin roannais, le renouveau du textile made in France

Par

Publié aujourd’hui à 01h31, mis à jour à 09h06

Liliane Simon est venue « voir si on recrute ». Sans avoir rendez-vous, cette femme de 55 ans s’est présentée, mercredi 19 mai, dans les locaux de la manufacture de tricots Marcoux Lafay pour déposer son CV. Elle connaît déjà tous les méandres de ce bâtiment de béton construit à Sainte-Agathe-la-Bouteresse (Loire), dans la plaine du Forez. Elle y a travaillé « près de dix ans », jusqu’en 2004, en tant que coupeuse et tricoteuse.

Colette Chazelle, responsable d’atelier depuis 2014 au sein de l’établissement Marcoux Lafay, à Sainte-Agathe-la-Bouteresse (Loire), recrute des couturières et des tricoteuses. Elle fait appel à Pôle Emploi pour trouver des candidats et leur proposer une semaine d’immersion au sein de cet atelier qui emploie treize personnes.

Depuis août 2020, celle qui s’était reconvertie dans la préparation de commandes, avant d’être licenciée, est inscrite à Pôle emploi. Elle a toutes ses chances de retrouver ses anciens collègues et de pointer à nouveau tous les jours, dès 7 h 30, pour un contrat de 39 heures par semaine, derrière une machine à coudre ou un ciseau électrique, sous la lumière des néons, dans le boucan des métiers à tricoter et du « meilleur des tubes de la radio Scoop » que crachote un radio-cassette.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’industrie textile française renaît de ses cendres

Karine, cogérante de la société avec son associé Arnaud de Belabre, en sourit. Ceux qui se présentent spontanément dans les locaux des ateliers pour être embauchés « sont souvent de très bons candidats, très motivés », juge-t-elle. Or, depuis décembre 2020, sous l’impulsion de ces deux nouveaux propriétaires, le fabricant de pulls et de genouillères médicales recrute à nouveau. L’atelier Marcoux, qui emploie une douzaine de salariés, pourrait porter ses effectifs à « vingt-cinq personnes », estime Mme Renouil-Tiberghien.

« Rien ne sera plus pareil »

A Roanne (Loire), l’usine Jean Ruiz, autre établissement que les deux entrepreneurs détiennent, recrute aussi une douzaine de personnes, pour porter à moyen terme ses effectifs à vingt-cinq. Depuis des mois, Florence Lassagne, la chef de l’atelier de confection, cherche des couturières et des « remailleuses » pour assurer la finition des pulls, fabriqués en trente à quarante minutes sur des métiers automatiques, pour Aigle, Système U ou Leclerc.

Elle n’est pas la seule dans la région roannaise. A Charlieu, Eric Boël, PDG des Tissages de Charlieu (LTC), spécialiste du jacquard et de la confection de sacs en toile, embauche aussi. L’établissement emploie 80 personnes, contre trente-cinq en 1997, lors de son rachat par l’entrepreneur. « Dans trois ans, on sera 150 », prédit celui-ci.

Karine Renouil-Tiberghien a repris la Manufacture de Layette et Tricots en 2016, à Pau, avec son associé Arnaud de Belabre, puis l’atelier Jean Ruiz à Roanne (Loire) en 2018, et les établissements Marcoux Lafay à Sainte-Agathe-la-Bouteresse (Loire) en 2020. « On tricote en France au même prix qu’en Chine. Ce qui coûte c’est l’assemblage », estime la dirigeante, persuadée qu’il « est rentable » de produire dans l’Hexagone. Ici le 19 mai 2021, à Sainte-Agathe-la-Bouteresse.

Tous ces fabricants du bassin roannais disent bénéficier du regain d’intérêt des consommateurs pour les articles made in France, et de la volonté des distributeurs de vendre davantage de produits tricolores.

Il vous reste 75.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

StaffMe, Side : des plates-formes d’emploi très critiquée pour leur recours aux auto-entrepreneurs

Devant ine agence d’interim, à Nantes, en 2017.

Face au développement fulgurant des plates-formes d’emploi, qui mettent en relation des entreprises proposant des missions et des travailleurs qui en recherchent, ce qui frappe, c’est l’extension du domaine du travail sous statut d’indépendant. On y trouve des missions de plongeur dans la restauration, de serveur, d’auxiliaire de vie en maison de retraite, de manutentionnaire ou de caissier dans un supermarché, etc. Autant de métiers exercés jusqu’à présent sous le régime du salariat.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Malgré la crise, certaines entreprises ont toujours des difficultés à recruter

Cette transformation rencontre cependant des résistances. Christophe (prénom modifié), ex-glacier recruté comme autoentrepreneur (AE), était mardi 1er juin, devant le conseil de prud’hommes de Paris, auquel il demande de requalifier sa mission en contrat de travail. De 2017 à 2019, en passant par la plate-forme StaffMe, Christophe a travaillé chez le glacier Ice Roll-Our Food, à Paris. « Il était totalement indépendant dans sa façon de travailler », assure Aurélie Smadja, avocate d’Our Food. Le jeune homme indique qu’il devait porter une tenue de travail fournie par Ice Roll, utiliser le matériel de l’entreprise, suivre un planning et des consignes. Prism’emploi, le syndicat patronal des agences d’intérim, se porte intervenant volontaire à ses côtés pour « défendre les intérêts de la profession qu’[il] représente », indique l’organisme. Celui-ci rappelle que la mise à disposition de personnels, quand elle « intervient en dehors du cadre du travail temporaire, relève du prêt de main-d’œuvre illicite ».

Concurrence déloyale

Certaines sociétés de travail temporaire ont tenté de faire condamner par des tribunaux de commerce différentes plates-formes pour concurrence déloyale ou fraude à la loi. Mais jusqu’à présent, « aucune juridiction n’a estimé que le recours par ces plates-formes à des autoentrepreneurs était fautif », souligne l’avocate de StaffMe, Emmanuelle Barbara. Sur le plan pénal, la plainte déposée par une société d’intérim contre une plate-forme pour travail dissimulé et prêt illicite de main-d’œuvre a été classée sans suite le 2 février 2021 par la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Selon Me Barbara, ces plates-formes n’ont pas été créées « pour contourner le droit du travail mais pour permettre à des étudiants de profiter de ce que la technologie offre pour avoir un revenu. Personne n’est perdant ».

« J’ai travaillé sept à neuf heures par jour, sept jours sur sept, y compris les jours fériés (…) Du jour au lendemain, on m’a viré » Léo, autoentrepreneur dans un service juridique

Il vous reste 57.95% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Toutes les doses ont trouvé preneur en moins d’une semaine » : à La Poste, les salariés se laissent convaincre par Moderna

La première phase de vaccination contre le Covid-19 à La Poste avait fait un flop. Comme nombre de grandes entreprises, le groupe a d’abord proposé le vaccin d’AstraZeneca pour les plus de 55 ans. « Nous avons eu peu de demandes. Moi, je n’ai fait aucune injection avec AstraZeneca, reconnaît le docteur Virginie Pecaut, l’une des 110 médecins du travail de l’opérateur postal. Pour ne pas gâcher de doses, nous avons préféré laisser les flacons aux pharmaciens qui avaient de la demande pour ce vaccin. »

Lire l’analyse : Vaccination contre le Covid-19 : comment éviter que l’enthousiasme ne s’essouffle

Il en va tout autrement avec Moderna, le produit conçu par le laboratoire américain éponyme et fondé sur la technologie de l’ARN messager, que La Poste propose désormais à ses salariés. Le groupe public fait en effet partie des entreprises sélectionnées par le gouvernement pour expérimenter auprès de leurs salariés Moderna, d’abord cantonné aux centres de vaccination.

« AstraZeneca, je ne l’aurais pas fait »

Au quatrième étage du centre postal de la rue des Renaudes, dans le 17e arrondissement de Paris, cette campagne-test a débuté lundi 31 mai. Il est 14 heures, et deux postiers, tout juste vaccinés, patientent dans un petit couloir, placés sous observation pendant une quinzaine de minutes. « AstraZeneca, je ne l’aurais pas fait, assure aussitôt Marc Gagneur, facteur au centre de tri situé quelques étages plus bas. Après ce qu’ils ont dit à la télé, les gens se méfient. Mais avec Moderna, je n’avais pas d’appréhension. Et là, je me sens soulagé. » Le postier de 47 ans, qui s’était inscrit sur Covidliste, attendait une dose disponible. « Je me vaccine pour pouvoir rendre visite à mes parents sans prendre de risque, explique-t-il, et il faut en passer par là si on veut retourner au restaurant et au cinéma. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Vaccin d’AstraZeneca : comment évaluer le rapport bénéfices-risques

« Les gens ont la banane », lâche le Dr Pecaut en parcourant les locaux exigus. A intervalles réguliers, on lui donne à valider les feuilles de renseignements des candidats à la vaccination. « Une hypothyroïdie ? Oui, pas de problème pour vacciner, dit-elle. Là, en revanche, un trouble de la coagulation, ça m’ennuie un peu. » La jeune femme en question, son gilet de factrice sur le dos, ne recevra pas sa dose. Elle est invitée à se rendre dans un centre de vaccination. « Nous n’avons pas les équipements de secours en cas de problème, donc nous ne prenons aucun risque », justifie-t-elle.

Lorsque le ministère de la santé s’est mis à la recherche d’entreprises pour tester le vaccin Moderna, La Poste a aussitôt répondu à l’appel. « Nous avons 190 000 salariés dans le groupe, dont près de la moitié travaille au contact du public. Les facteurs et le personnel en bureau de poste, il est important de les protéger », explique Florence Wiener, responsable de la qualité de vie au travail à la direction des ressources humaines. Or, comme le déplore Marc Gagneur, « beaucoup de [leur]s clients ne mettent pas le masque pour réceptionner les colis ou les recommandés ».

Il vous reste 41.43% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.