Archive dans 2021

« On a été frappées par la tristesse, la peur aussi » : les femmes en première ligne face au Covid-19

Aude Pambou, aide-soignante en Ehpad à Sotteville-lès-Rouen (Seine-Maritime), le 16 avril 2020.

Elles ont été applaudies, célébrées à grands coups de casseroles frappées avec enthousiasme aux balcons des grands ensembles ou aux portes des maisons. Pour leur dire merci d’affronter la pandémie la plus grave qu’ait connue le pays depuis des décennies. D’abord, les personnels soignants, les infirmières et les aides-soignantes, au féminin, car il est des professions où ce genre s’impose. Ceux et celles que le président de la République Emmanuel Macron, dès son allocution du 12 mars 2020, appelait, dans un langage relevant plus de la guerre de tranchée, « la première ligne ». Ensuite, dans la deuxième ligne, les enseignants, les caissiers et caissières, les agriculteurs, les travailleurs sociaux, les éboueurs, les personnels de sécurité et de nettoyage, etc.

Les statistiques sont indiscutables : les femmes représentent 86 % des postes d’infirmiers/sages-femmes, 92 % des aides-soignants, 77 % des professions paramédicales, 82 % des caissiers/employés de libre-service, 97 % des assistantes maternelles ou encore 72 % des agents de nettoyage, selon les chiffres publiés en mai 2021 par la Dares, la Direction de l’animation de la recherche, des études et des statistiques du ministère du travail.

La fermeture des crèches et des écoles a évidemment eu une incidence sur celles à qui échoient souvent les tâches familiales

Et c’est parmi ces emplois que se trouve la plus grande part des salariés contaminés par le virus SARS-CoV-2. « Les femmes travaillent plus souvent dans des professions où les conditions de travail se sont davantage dégradées, ce qui allait aussi de pair avec une dégradation de leur santé, physique et psychique : la coopération sur le lieu de travail, le soutien des collègues, les horaires décalés, la charge de travail, l’intensité émotionnelle… Alors que ces conditions de travail sont restées à peu près stables dans l’industrie, la construction ou l’agriculture, secteurs qui sont moins féminisés », analyse Mikael Beatriz, adjoint au chef du département conditions de travail et santé à la Dares.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Covid-19 : les femmes paient le plus lourd tribut à la crise
Isabelle Privé, institutrice d’une classe de CE1 à Bihorel (Seine-Maritime). Pendant le premier confinement, alors que l'école n'accueillait que les enfants des soignants, elle s'est portée volontaire avec la directrice pour donner les cours, en plus de la gestion de sa classe habituelle en distanciel. Ici le 9 avril 2020.

Dans une enquête intitulée Tracov (menée auprès de 50 000 salariés), 6 % des femmes – contre 4 % des hommes – déclarent avoir été contaminées sur leur lieu de travail.

Les statistiques, encore, confirment cette vulnérabilité des femmes face à la pandémie. Selon le ministère du travail, le recours à l’activité partielle a, en avril 2021, enregistré une forte augmentation dans le secteur du commerce : + 38 %, avec la fermeture des commerces dits « non essentiels ». Dans l’éducation, la santé et l’action sociale aussi, il a connu une hausse sensible (+ 183 % en un mois). La fermeture des crèches et des écoles a évidemment eu une incidence sur celles à qui échoient souvent les tâches familiales.

Il vous reste 62.99% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

L’emploi reprend aux Etats-Unis, mais sans surchauffe

Un restaurant de Mayfield Heights, dans l’Ohio, est à la recherche d’employés, le 4 juin 2021.

La reprise du marché du travail se poursuit, mais moins rapidement qu’espéré. Les Etats-Unis ont ainsi créé 560 000 emplois au mois de mai, ce qui a permis au taux de chômage de reculer de 6,1 % à 5,8 % de la population active.

Ce chiffre s’explique notamment par les 292 000 postes retrouvés dans le tourisme, l’hôtellerie et la restauration : les entreprises appartenant à ces secteurs renouent avec l’activité en raison du net reflux de l’épidémie de Covid-19, plus de la moitié de la population adulte étant désormais vaccinée. S’y ajoutent plus de 100 000 emplois dans le domaine de l’éducation, alors que les écoles rouvrent leurs portes.

L’économie nationale a recréé 14,7 millions des 22 millions d’emplois détruits au début de la crise sanitaire, mais elle accuse toujours un retard de 7,2 millions en la matière par rapport au mois de janvier 2020.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’économie américaine chauffée à blanc par sa sortie de la crise du Covid-19

Le chiffre de mai était attendu avec impatience par l’ensemble des observateurs – qu’ils soient économiques ou politiques –, après la performance calamiteuse enregistrée en avril. Ce mois-là, le pays n’avait créé que 266 000 emplois, beaucoup moins que le million escompté. La publication de cette statistique décevante avait mis le président démocrate Joe Biden en difficulté, les républicains accusant son plan de relance massif d’être à la fois coûteux et inefficace.

Le chemin sera long

Le chiffre d’aujourd’hui représente un soulagement, même s’il est inférieur aux 670 000 créations d’emplois sur lesquelles tablaient les économistes. « C’est un progrès historique », s’est félicité M. Biden, vendredi 4 juin. « Aucune autre grande économie au monde ne connaît une croissance aussi rapide que la nôtre. Aucune autre grande économie ne crée des emplois aussi rapidement que la nôtre », a ajouté le locataire de la Maison Blanche, alors que s’ouvrait la réunion des ministres des finances du G7, à Londres.

Naturellement, les républicains n’ont pas partagé cette analyse. Ils reprochent à Joe Biden d’inciter les Américains à refuser des emplois, avec l’allocation-chômage hebdomadaire de 300 dollars (247 euros). « Encore un mauvais rapport sur l’emploi – 100 000 emplois de moins que les estimations des experts, a lancé le leader des républicains à la Chambre des représentants, Steve Scalise (Louisiane), sur le réseau social Twitter. C’est ce qui arrive lorsque vous payez des gens à ne pas travailler. A quoi les démocrates s’attendaient-ils ? »

Il vous reste 59.09% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le site historique de sanitaires en céramique Jacob Delafon repris par la PME française Kramer

« Qui sème la misère, récole la Kohler », lit-on sur les tee-shirts accrochés par les salariés de l'usine Jacob Delafon de Damparis, dans le Jura, qui protestent contre la vente du site par le groupe américain Kohler, le 26 novembre 2020.

Un repreneur français pour l’usine emblématique de sanitaires en céramique Jacob Delafon installée depuis 1889 à Damparis, dans le Jura. Personne n’aurait parié sur cette issue il y a neuf mois, lorsque, en septembre 2020, le groupe américain Kohler, propriétaire du site depuis 1986, a annoncé son intention de s’en séparer. Pour justifier sa décision, il mettait en avant une « surcapacité chronique » du site, et des coûts de production nettement supérieurs à ceux de son usine de Tanger, au Maroc.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Chez Jacob Delafon, l’amertume des salariés face au risque de disparition d’un savoir-faire

Au terme de plusieurs rebondissements ces derniers mois, le groupe Kramer, 112 salariés (30 millions d’euros de chiffre d’affaires en 2019), fondé dans la Meuse en 1981, a annoncé, vendredi 4 juin dans un communiqué, qu’il était « le nouvel acquéreur » du site et y lancerait son activité à partir du 1er juillet. L’entreprise est spécialisée dans la robinetterie sanitaire de gamme moyenne, et notamment de marques distributeurs en vente dans les chaînes de bricolage, et très haut de gamme (Horus). « A travers l’entreprise Horus, qui propose déjà dans sa collection Classique une gamme de céramique (vasques, baignoires, toilettes…), le groupe développera une douzaine de nouveaux modèles qui viendront enrichir son catalogue d’ici à 2022 » indique Kramer dans son communiqué, mettant en avant le « Made in France ».

Le président du groupe, Manuel Rodriguez, avait expliqué ses motivations au Monde lorsqu’il s’était une première fois porté candidat au rachat, en février. « C’est le dernier site capable de produire de la céramique sanitaire en grès et en porcelaine en France, et sa fermeture signerait la disparition définitive de ce savoir-faire dans notre pays, déclarait-il alors. J’ai eu un réflexe d’entrepreneur et d’industriel. A l’heure où l’on parle de “Made in France” et de réindustrialiser la France, les planètes m’ont semblé bien alignées. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Une PME française candidate à la reprise de l’usine historique de sanitaires en céramique Jacob Delafon

Il avait ensuite retiré son offre à la suite de désaccords avec le groupe Kohler. Finalement, « avec l’aide de l’Etat et de la région », il en a formulé une nouvelle en mars. Elle a ceci d’original que c’est la communauté d’agglomération du Grand Dole qui se porte acquéreur du terrain et des bâtiments dont Kramer, grâce à un leasing, sorte de location-vente, pourra devenir propriétaire d’ici quinze ans.

Congé de reclassement

« C’est un procédé intelligent, souligne Jean-Yves Hinterlang, commissaire aux restructurations et à la prévention des difficultés des entreprises en région Bourgogne-Franche-Comté. Cela atténue les charges pour l’acquéreur et lui permet au départ de consacrer son argent à d’autres priorités, comme le rachat de nouveaux équipements, le développement de nouveaux modèles ou la constitution d’une trésorerie. » Kramer estime son investissement total à près de 5 millions d’euros. La PME espère aussi bénéficier de l’aide du plan de relance.

Toutefois, le tableau n’est pas tout rose. Les désaccords initiaux entre Kramer, l’acquéreur, et Kohler, le vendeur, n’ont pas permis de boucler la vente avant la fin du plan de sauvegarde de l’emploi, signé le 3 mars, actant le licenciement économique des 151 salariés. Les premiers affectés viennent de recevoir leur notification. Ils disposent d’un congé de reclassement qui leur permettra de toucher « quasiment leur salaire pendant un an », indique Rodolphe Gomis, délégué CFE-CGC du site.

Kramer prévoit soixante-cinq embauches au cours de la première année, le temps du développement des modèles, du dessin à la fabrication des moules

Le projet du groupe Kramer prévoit cependant « un programme d’embauches échelonnées dans lequel les anciens salariés du site seront prioritaires ». Une vingtaine de salariés licenciés, et notamment ceux aux savoir-faire les plus spécifiques, indispensables pour relancer la fabrication de nouveaux modèles de sanitaires en céramique, pourraient être réembauchés rapidement sur le site. Kramer s’engage à informer la cellule de reclassement des offres à pourvoir. Il prévoit soixante-cinq embauches au cours de la première année. Le temps du développement des modèles, du dessin à la fabrication des moules. Et ambitionne de retrouver un total de 150 salariés d’ici à 2026, « renouant avec l’effectif de départ du site ».

Les salariés, qui se sont déchirés ces derniers mois sur les stratégies à suivre, ont été informés du rachat, jeudi 3 juin. « Il y a eu un peu tous les ressentis. Certains étaient enchantés de voir qu’ils allaient pouvoir continuer ce métier qui les passionne, d’autres ne reviendront pas », note Isabelle Baudin, déléguée CGT, qui y voit, elle, « une bonne nouvelle ». « On aurait préféré ne pas être licencié ! lance Rodolphe Gomis. Se retrouver plusieurs mois inactif ne va pas être facile. » Mais il y a dans sa voix de l’optimisme et du soulagement : « Enfin, on tient notre chance de recommencer ! »

Fuite massive des données de salariés chez Decathlon

« Mis au courant du problème le 12 avril, Decathlon a fait fermer la plate-forme de stockage le 14 avril et a entrepris une analyse d’impact. »

Après Facebook, LinkedIn et consorts, c’est au tour de l’enseigne de sport française Decathlon de rejoindre la longue liste des entreprises accusées d’avoir laissé fuiter des données. Sur son blog, la société de cybersécurité VpnMentor révèle que des informations personnelles d’employés de Decathlon insuffisamment protégées se sont retrouvées exposées sur le web.

Recueillies dans le cadre d’un projet d’intelligence collaborative impliquant 92 000 collaborateurs, clients et partenaires, ces données étaient conservées dans un espace de stockage géré par Bluenove, un prestataire de l’enseigne de sport. Dans le cadre d’un « piratage éthique » visant à détecter des données laissées en libre accès par leur propriétaire, ces informations ont pu être consultées sans difficulté par les équipes de VpnMentor. Selon leurs constatations, Bluenove n’avait pas suffisamment sécurisé l’accès au serveur contenant ces informations.

Lire aussi Sur Facebook, LinkedIn, Clubhouse… des fuites de données personnelles très problématiques

Les fichiers récupérés par VpnMentor contenaient les réponses de 193 salariés au sondage. Mais aussi des informations personnelles de collaborateurs et de clients, sans lien apparent, tels que des noms, des numéros de téléphone et des mails. Autant d’informations dont des pirates auraient pu s’emparer à des fins de fraude ou d’attaque par le biais d’un virus, note VpnMentor. Au total, ce sont les données de pas moins de 7 883 personnes qui se sont retrouvées exposées. La société de cybersécurité estime que près de 10 % de l’effectif de Decathlon est concerné par cette faille.

Déjà en 2020

« En combinant les données personnelles, les informations tirées du sondage et d’autres détails exposés, des pirates auraient pu monter des campagnes d’hameçonnage par mail et par téléphone très efficaces, en se faisant passer pour Bluenove ou Decathlon », note l’équipe de VpnMentor dans son compte rendu. Des campagnes qui leur auraient permis de soutirer à leurs victimes d’autres données sensibles, telles que leurs informations bancaires.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi De délégué à « influenceur » syndical

Ce n’est pas la première fois que Decathlon se voit pointé du doigt dans une histoire de ce genre : VpnMentor, qui s’est fait une spécialité de débusquer les potentielles fuites de données, avait déjà mis en lumière une affaire similaire, impliquant majoritairement des salariés espagnols de l’enseigne de sport, en février 2020. Numéro de Sécurité sociale, de téléphone portable, informations sur les contrats de travail des salariés… Suite à la faille d’un serveur, ces informations hautement sensibles s’étaient retrouvées à la portée de n’importe quel pirate.

Il vous reste 24.89% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

A la ferme XXL de la Motte de Talcy, « sans les saisonniers Bulgares, pas de bio »

La ferme de la Motte produit 30 000 tonnes par an de pommes de terre et de condiments pour la grande distribution. Ici, en juin 2013.

Salopette bleue et pommettes roses, Vasil s’avance, sa sarcleuse en main. Il observe l’horizon, puis sourit : « Il y a beaucoup de travail ! Nous sommes là trente jours. Après, nous allons à Sancerre [dans le Cher]. Puis en Grèce, en Italie ou au Portugal, on verra. » Avec une cinquantaine de camarades, hommes et femmes, oncles et cousines, il a fait le voyage de Bulgarie pour redonner de l’allure à un vaste champ d’oignons bio recouvert d’herbes folles après deux semaines de pluie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Notre modèle est déshabillé, alors que l’agriculture bio touche tout le monde » : les exploitants en colère contre les arbitrages du gouvernement

Ce champ fait partie des 1 300 hectares exploités par la ferme de la Motte, installée à Talcy (Loir-et-Cher), devenue une institution en Beauce ligérienne, aussi célèbre que ce château du XVIe siècle à deux pas. La raison de sa notoriété : la ferme et ses 30 000 tonnes de production annuelle alimentent toutes les grandes surfaces françaises de ses pommes de terre bio ou de ses condiments (oignon, ail, échalote) en culture conventionnelle ou biologique, sous les marques des différentes enseignes.

« Le bio, c’est à présent 60 % de notre chiffre d’affaires pour seulement 35 % de nos volumes, se félicite Bertrand Lemaire qui gère la ferme avec ses deux frères et deux de ses cousins. Il y a encore quatre ans, on ne faisait pas d’oignon rouge car il n’y avait pas de variété résistante à nos aléas météo. On achetait notre bio en Hollande, en Espagne, en Italie et on le revendait. Cette année, toutes nos gammes de produits poussent à 75 % en France, c’est quand même énorme ! »

Pas de main-d’œuvre locale

Plantation, désherbage, récolte, épluchage, nettoyage, séchage, conditionnement, vente, stockage ou chargement des camions rythment les journées de cette ferme-usine, aux 300 salariés, sans compter les saisonniers, des Bulgares donc, « hébergés ici, payés au smic, en salaire français », insiste M. Lemaire qui se désole de ne plus trouver de main-d’œuvre agricole locale. « Je suis aussi allé dans les ZUP d’Orléans et Châteaudun pour recruter. Mais personne ne veut travailler un samedi pour ramasser des échalotes, quelle que soit la paie. Dans le bio, il faut beaucoup plus de monde que dans le conventionnel et à des jours précis, sinon tu ne ramasses rien. Sans Bulgares, pas de bio. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les arbitrages de la France pour la future PAC suscitent de vives crispations

Impressionné par une récente visite, François Bonneau, le président PS de la région Centre-Val de Loire et candidat à sa réélection, reconnaît une ferme « complémentaire des petites exploitations en circuit court et à l’effet levier : elle accélère la transition écologique, en incitant les agriculteurs beaucerons tout autour à s’y mettre ». Lesquels se voient offrir des contrats de trois ans, à volumes et prix fixes, pour alimenter les commandes en bio de la Ferme de la Motte. Soixante-dix ont déjà signé.

Il vous reste 37.34% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les salariés d’Office Depot redoutent la reprise par Alkor, décidée par le tribunal de commerce

La décision du tribunal de Lille, jeudi 3 juin, de choisir le groupe Alkor pour reprendre la marque et le réseau de magasins d’Office Depot, n’a pas apaisé les inquiétudes des salariés du spécialiste de matériel et de fournitures de bureau, placé sous sa protection depuis le mois de février. Pour Sébastien Fournier, secrétaire général UNSA, c’est même « un carnage social, 1 000 salariés licenciés malgré deux années de combats pour éviter cette catastrophe, provoquée par notre actionnaire allemand Aurelius. Et tout cela sous les yeux du gouvernement, malgré nos alertes répétées ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « C’est un carnage ces offres de reprise » : le sort des 1 500 salariés d’Office Depot France repoussé au 25 mai

L’enseigne de distribution, qui emploie près de 1 500 salariés, avait initialement suscité quelque treize offres de reprise, dont celles de Monoprix-Franprix, Top Office, Lidl ou le discounter Maxxilot. La plupart ne souhaitant reprendre que quelques magasins. Si bien que, sur la ligne d’arrivée, il restait peu de véritables prétendants pour reprendre cette entreprise, qui exploite 60 magasins, des sites de commerce en ligne ainsi que trois entrepôts et 22 plates-formes de distribution.

Le projet soutenu par les syndicats était mené par l’actuel président d’Office Depot France, nommé en mars 2019 et spécialiste du redressement d’entreprise, Guillaume de Feydeau. Mais il péchait par la fragilité de son financement. L’affaire a donc été remportée par un spécialiste de la papeterie et des fournitures de bureau en France qui se décrit comme réalisant « 440 millions d’euros de chiffre d’affaires » et employant « 1 850 salariés qualifiés avec un réseau de distribution sur toute la France porté par les marques commerciales Majuscule, Burolike et Ioburo ».

Inquiétude depuis plusieurs années

L’entreprise, créée en 1958 et organisée sous forme de coopérative comprenant 157 associés, s’est engagée à reprendre 460 salariés d’Office Depot de la branche distribution, et à proposer « également des emplois à 370 collaborateurs » dans les fonctions commerciales, informatique et support « avec une priorité à l’embauche maintenue pendant deux ans. Au total, cela permet de sauver 830 emplois », a annoncé Alkor, jeudi, dans un communiqué. Précisant également qu’il financerait « à hauteur de 23,2 millions d’euros l’apurement du passif d’Office Depot ».

Lire aussi Le président d’Office Depot Europe révoqué de son mandat par l’actionnaire allemand

Depuis plusieurs années, l’inquiétude grandissait au sein de l’entreprise. Depuis qu’en 2016, les activités européennes d’Office Depot (environ 6 500 personnes dans 14 pays) avaient été vendues par l’enseigne américaine, après l’échec de sa tentative de fusion avec son concurrent Staples. Leur nouvel actionnaire, Aurelius Group, avait déjà fait plusieurs victimes en France : la société de vente par correspondance La Source (ex-Quelle), le groupe de chimie pharmaceutique Isochem, la société Prisme, l’imprimeur du Loto…

Et lorsque des difficultés de trésorerie ont commencé à apparaître au sein de l’entité française d’Office Depot, les syndicats sont montés au créneau, soupçonnant le nouvel actionnaire de vouloir siphonner l’entreprise. Le dossier était même remonté jusqu’au Comité interministériel de restructuration industrielle pour tenter, fin 2020, d’aboutir à une solution avec Aurelius et la direction française.

Deux salariés d’un sous-traitant d’un hôtel Ibis des Hauts-de-Seine obtiennent leur intégration

Deux salariés d’un sous-traitant dans le nettoyage vont être internalisés au 1er août au sein de l’hôtel Ibis du centre de Clichy-la-Garenne (Hauts-de-Seine), s’est félicité jeudi 3 juin le syndicat CGT-HPE (hôtels de prestige et économiques).

La signature de l’accord prévoit notamment l’augmentation du temps de travail des deux employés, une femme de chambre et un valet de chambre. Celui-ci a même obtenu l’assurance de se voir proposer « un temps complet dès que le taux d’activité le permettra », précise le communiqué de la CGT-HPE.

Selon le syndicat, cette annonce survient au bout d’une seule journée de grève et met ainsi fin à la sous-traitance dans cet établissement de 53 chambres, rénové en 2017. Contactés par l’Agence France-Presse, ni le groupe ni la direction de l’hôtel n’ont donné suite.

A l’Ibis Batignolles, des améliorations mais pas d’internalisation

Le 25 mai, dans l’hôtel voisin Ibis Batignolles, 20 salariés en grève depuis juillet 2019 et également défendus par la CGT-HPE ont signé des accords visant à améliorer leurs salaires et leurs conditions de travail. Ils concernent pour l’essentiel des femmes de chambres travaillant pour un autre sous-traitant. Mais celles-ci n’ont en revanche pas obtenu comme elles le demandaient d’être internalisées au sein du groupe Accor, propriétaire de l’hôtel.

Ces dernières années, cet établissement parisien de plus de 700 chambres, le deuxième plus grand Ibis de France, est devenu par cette lutte l’emblème des conditions de travail dégradées des femmes de chambre du fait du recours massif à la sous-traitance.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Rachel Kéké et Sylvie Kimissa, femmes de chambre de l’Hôtel Ibis Batignolles : « Je vais reprendre le travail la tête haute, j’ai eu mes droits »

Le Monde avec AFP

Le Medef condamné aux prud’hommes pour « licenciement vexatoire »

Le président du Medef, Geoffroy Roux de Bézieux, le 18 mai, à Paris.

On ne badine pas avec le droit du travail. Si le Medef semble l’avoir oublié à l’occasion d’un litige, le conseil de prud’hommes de Paris vient de le rappeler à ses obligations. Le 13 avril, l’organisation patronale a été condamnée à verser un peu plus de 65 000 euros à un ancien salarié, dont 10 000 euros pour « licenciement brutal et vexatoire », comme l’indique le jugement, révélé par Le Canard enchaîné du mercredi 2 juin et que Le Monde s’est procuré.

Pierre-Yves Lavallade est embauché en septembre 2016 par le Medef comme directeur du pôle des fédérations professionnelles. Un an après, il devient chef de cabinet « au sein de la présidence » du mouvement d’employeurs, alors dirigé par Pierre Gattaz. En juillet 2018, ce dernier cède son fauteuil à Geoffroy Roux de Bézieux.

Commence alors « la “descente aux enfers” pour [M.] Lavallade » : « Il se trouve isolé, exclu des prises de décisions importantes, à tel point qu’il n’est plus en mesure d’assurer ses fonctions », à en croire la plaidoirie de son avocate, résumée dans le jugement. Le 31 août 2018, il est convoqué à un entretien préalable à un licenciement, prévu pour le 12 septembre. Mais il prévient qu’il ne pourra pas s’y rendre, étant à cette date en arrêt-maladie « pour état anxieux important ». S’ensuit, peu après, une lettre recommandée de l’organisation patronale dans laquelle elle lui notifie la rupture de son contrat de travail pour « faute grave ». Une procédure justifiée par le fait que le chef de cabinet a « volontairement et brusquement cessé d’exercer ses missions », d’après l’argumentaire de l’avocat du Medef, développé à l’audience.

« Aucun élément probant » pour les juges

Les juges ont considéré que ces « reproches » n’étaient étayés par « aucun élément probant » : dès lors, il n’y a ni « faute grave » ni « cause réelle et sérieuse » à cette séparation. Ils ont également estimé qu’il fallait dédommager le préjudice spécifique, lié aux « circonstances » de la rupture : M. Lavallade a été flanqué à la porte alors qu’il se trouvait en arrêt-maladie et bien que son travail ait reçu les « félicitations » de M. Gattaz. En outre, le nom de son successeur avait été annoncé « publiquement et très largement le jour même du prononcé de son licenciement » alors que « lui-même n’en était pas informé », rapporte le conseil de prud’hommes, dans son jugement.

Il vous reste 34.92% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

« Le Nouveau contrat social » : l’entreprise, moteur d’un néocapitalisme

Livre. Avec la pandémie, les entreprises se sont retrouvées au premier rang dans la lutte contre le coronavirus. Les filières agroalimentaire et pharmaceutique, la distribution et les transports nous ont rappelé leur place stratégique. « Il y a là une novation historique de grande portée. C’est la première fois que le pouvoir de l’Etat est relayé, en temps de paix, par le pouvoir des entreprises », notent Christian Pierret et Philippe Latorre dans Le Nouveau Contrat social (Le Bord de l’eau).

« Le Nouveau contrat social. L’entreprise après la crise », de Christian Pierret et Philippe Latorre. Editions Le Bord de l’eau, 210 pages, 18 euros.

D’après les auteurs, cet ébranlement est fondateur d’un nouveau capitalisme, « tout aussi financier mais plus soutenable, tout aussi concurrentiel mais plus régulé, tout aussi tourné vers la croissance mais à moindre peine des hommes. » L’entreprise peut être le moteur de la transformation du capitalisme. L’ouvrage défriche cette voie originale.

Lorsqu’il a fallu rattraper en urgence le retard de l’Etat à trouver des masques de protection personnelle, ce sont les petites mains anonymes et volontaires de couturières et des PME de l’habillement qui ont fabriqué les dispositifs nécessaires.

Défauts et raideurs idéologiques

L’agilité remarquable de groupes d’hommes et femmes a réussi à combler en quelques semaines le vide industriel de la sixième puissance industrielle du monde, devenue un pays de pénurie d’appareils médicaux tels que les respirateurs. La PME française MakAir a ainsi réussi, en un mois, à regrouper partenaires publics et privés, de grands groupes industriels, des universités, deux régions pour concevoir, développer et produire en urgence les appareils pour sauver des vies.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Responsabilité sociale des entreprises : « Le phénomène d’autocontrôle explique le durcissement progressif de la loi »

Il faut bien s’entendre sur l’interprétation de ces deux exemples, soulignent l’avocat et administrateur de jeunes entreprises innovantes et le cofondateur d’un fonds destiné aux PME françaises : il serait stupide de vouloir ignorer l’histoire républicaine et se passer de l’Etat, des entités publiques, des services publics qui, dans tout lendemain de crise, se révèlent indispensables au fonctionnement normal de notre pays.

Il ne s’agit pas non plus de porter aux nues l’entrepreneuriat privé qui n’est pas sans défauts ni raideurs idéologiques. « Pour nous, il est indispensable de considérer Etat et entreprises comme deux pôles complémentaires et non, comme la tradition française l’a établi, comme deux adversaires ou concurrents. Chaque entité doit bénéficier des fonctions opérationnelles de l’autre et leur coopération devrait être la règle. »

Partage du pouvoir et de capital

Il vous reste 37.08% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.