Archive dans 2021

Financement des start-up : le gouvernement relève ses ambitions

Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, à Paris, le 1er juin 2021.

En septembre 2019, Emmanuel Macron en personne levait le voile sur son projet destiné à faire de la France un acteur qui compte sur la scène technologique mondiale. La « start-up nation » a besoin d’accoucher de nombreuses licornes – ces start-up valorisées à plus d’un milliard de dollars (environ 820 millions d’euros) – afin d’asseoir sa crédibilité.

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Pour y parvenir, le président de la République estime que « la bataille des capitaux est essentielle », en vue de favoriser les plus gros tours de table nécessaires à l’émergence de champions. S’appuyant sur un rapport rendu en juillet 2019 par Philippe Tibi, un scientifique (Atos) passé à la finance (UBS), il annonce avoir obtenu l’engagement d’un apport de 5 milliards d’euros de la part des investisseurs institutionnels pour financer les jeunes pousses ou abonder des fonds spécialisés dans la technologie. Ces acteurs avaient été jusque-là rétifs à parier sur ces sociétés à risque. En misant sur un effet de levier, l’Elysée espère 20 milliards d’argent frais injectés dans l’écosystème français d’ici à la fin de l’année 2022.

A mi-parcours, les objectifs sont plus qu’en bonne voie d’être remplis. Du côté des institutionnels, près de trois quarts des engagements (3,5 milliards d’euros) ont déjà été honorés. En faisant également appel à des investisseurs tiers, près d’une cinquantaine de fonds labellisés « Tibi » ont déjà collecté 18 milliards d’euros. Dès lors, le gouvernement a décidé de relever ses objectifs. Lundi 7 juin, c’est l’ambition de réunir 30 milliards d’euros pour la French Tech d’ici à la fin de l’année 2022 que devait mettre en avant le ministre de l’économie, Bruno Le Maire. Une annonce qui réjouit Philippe Tibi, lequel avait vu poindre « un certain scepticisme » au moment de la publication de son rapport.

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L’idée n’est pas d’en demander davantage aux institutionnels. Beaucoup sont désormais convaincus de l’intérêt de s’aventurer sur ces terres qui offrent des retours sur investissement avantageux. Avant eux, les fonds de pension américains se sont fait une spécialité d’investir dans les géants de la tech états-uniens, avec, à la clé, de gros bénéfices. La mission Tibi prévoit tout de même de continuer à alimenter les assurances françaises en informations sur des filières telles que les biotech, les medtech, les semi-conducteurs, le stockage d’énergie, la mobilité, l’environnement… dans lesquelles les start-up françaises pourraient avoir leur carte à jouer.

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Pour les salariés, l’heure de la prérentrée sonne le 9 juin

L’assouplissement du télétravail amorce, le mercredi 9 juin, un retour à la normale pour les salariés. Le télétravail participe toujours de « la démarche de prévention » contre le Covid-19, mais n’est plus la règle. Un jour, deux jours, trois jours sur site : les scénarios de rentrée sont aussi nombreux que les réponses des entreprises aux questions d’autonomie de travail, de mobilité territoriale et de santé des salariés. La fonction publique s’est déjà décidée pour trois jours de télétravail par semaine. Dans le privé, la tendance de fond dessine un retour très progressif et négocié, avec l’objectif de remobiliser tout le monde d’ici à la vraie rentrée de septembre.

Le nouveau protocole sanitaire, qui entre en vigueur le 9 juin, précise que chaque entreprise doit déterminer, par le biais du dialogue social, un nombre minimal de jours de télétravail par semaine pour les activités qui le permettent. La balle est donc dans le camp des entreprises. Elles ont carte blanche pour aller au-delà d’un jour de présence par semaine. Mais quels que soient leur taille ou leur secteur d’activité, les premiers pas du retour sont feutrés et prudents. « Elles ont mesuré qu’elles auraient du mal à faire revenir les salariés. Certains ont peur, d’autres ont pris de bonnes habitudes à distance et sont installés dans une sorte de confort de télétravail. Elles n’envisagent un tour de vis important pour les faire revenir qu’à l’échéance de septembre », explique Aymeric Hamon, avocat associé de Fidal, un cabinet d’avocats d’affaires.

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Les négociations qui s’ouvrent avec les partenaires sociaux consistent à déterminer la présence des salariés sur site plutôt qu’un nombre minimal de jours télétravaillés, et pas forcément à partir du 9 juin. « On s’est positionné sur le 14 juin, car on planifie l’organisation en début de semaine. On vise à faire revenir les salariés au moins deux jours en présentiel, contre un actuellement, sur la base du volontariat. C’est une première étape, intermédiaire. Notre ambition est de passer à trois jours minimum au cours de l’été, mais tout dépendra de l’issue des négociations. Il faut rassurer les salariés sur le respect de la sécurité sanitaire. On va faire beaucoup de communication », témoigne Frédéric Gautier, le DRH Europe de Dassault Systèmes.

« L’été sera une période de transition »

Jusqu’alors, la présence des 4 000 salariés sur site était plafonnée à 20 % de l’effectif chez le spécialiste du logiciel, comme chez Alcatel-Lucent Enterprise, une organisation de taille intermédiaire (1 000 salariés) qui a décidé de ne rien changer jusqu’à la fin du mois de juin. « Le nouvel accord télétravail, qu’il soit régulier ou occasionnel, vient d’être négocié en décembre 2020 [plus de 1 000 accords de télétravail ont été négociés ou renégociés dans les entreprises depuis la crise liée au Covid-19], explique le DRH, Eric Lechelard. On ne va pas sauter à pieds joints sur la date du 9 juin. On a déjà annoncé aux partenaires sociaux qu’on maintiendrait le statu quo jusqu’à la fin du mois. L’été sera une période de transition avec une jauge proposée à 50 % de l’effectif. »

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L’argot de bureau : le management au garde à vous !

« Les théoriciens de la guerre et du management se rencontrent parfois : des chercheurs réinterprètent Napoléon et Machiavel, adorent le stratège prussien Carl von Clausewitz et s’inspirent du Chinois Sun Tzu. »

« Battez-vous ! Soyez des stratèges ! Identifiez vos armes concurrentielles ! Partez à la conquête des marchés ! » Ces mots de Laurence Parisot à l’université d’été du Medef de 2008 résonnent dans les têtes des manageurs. Nous sommes au comité de direction (codir) de La Financière de Pétaouchnok, il est 8 heures tapantes. Aujourd’hui, la « taskforce » (force opérationnelle) spéciale stratégie lance une campagne depuis son quartier général : elle attaque un nouveau marché car l’ennemi, la Compagnie générale de Trifouillis-les-Oies, gagne du terrain. Avant l’assaut, c’est l’heure du « briefing », de la planification de l’ordre du jour.

La métaphore martiale inonde le vocabulaire entrepreneurial, en particulier lorsque l’on parle stratégie (« l’art de conduire la guerre », en grec ancien). Les théoriciens de la guerre et du management se rencontrent parfois : des chercheurs réinterprètent Napoléon et Machiavel, adorent le stratège prussien Carl von Clausewitz et son œuvre De la guerre (1832), et s’inspirent évidemment du Chinois Sun Tzu, et de ses honorables 2 500 ans.

L’inspiration guerrière se diffuse dès la formation : des anciens militaires se reconvertissent en coachs, et les écoles de Saint-Cyr forment depuis 2011 des manageurs au leadership. Le colonel Michel Goya transpose à l’entreprise des doctrines nées dans le contexte militaire : pour prendre une décision en manquant d’informations, il conseille de prendre exemple sur Rommel à la bataille de Gazala en 1942, mais aussi sur Jeff Bezos chez Amazon.

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L’entreprise est certes rigoureusement structurée par sa hiérarchie, comme une armée. Les stagiaires sont des fantassins, les manageurs de proximité des caporaux, les directeurs de branche des lieutenants et la PDG la chef d’état-major de Pétaouchnok. C’est elle qui décide, gère l’urgence et fédère ses troupes.

Cohésion et responsabilisation

L’engagement est un autre point commun : en entreprise, on est volontaire, et on s’engage. Sur le front, l’adjudant-commercial Charles-Kévin ira « checker » et sécuriser son client au péril de sa vie, malgré les aspérités du marché, pour lui annoncer que sa boîte a fait un effort dans la guerre des prix. N’oublions pas le directeur des ressources humaines, médecin de guerre : ce cher Carlo, qui tout de rouge et de blanc vêtu ira secourir ses collègues atteints par les affres de la bataille du boulot.

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Les défenseurs du lexique belliqueux vanteront son poids sur la cohésion des troupes : il responsabilise, ramène une dose de sérieux dans des tâches parfois moroses. Le petit point en visio devient un checkpoint, on n’envoie plus de courriels à ses collègues mais on « shoote des e-mails » – l’Académie française préférerait que l’on arrose de courriels –, et passer des heures à surveiller la Compagnie de Trifouillis-les-oies devient de la « veille stratégique ».

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Malgré la crise liée au Covid-19, la France reste le pays le plus attractif d’Europe

Le ministre français de l’économie, Bruno Le Maire, à Paris, le 1er juin 2021.

Est-ce la fin du French Bashing (dénigrement de la France) ? L’Hexagone apparaît en tout cas, pour la deuxième année de suite, comme le pays d’Europe où il fait le meilleur s’installer et investir, devant le Royaume-Uni et l’Allemagne. Le baromètre de l’attractivité, établi par le cabinet EY et publié lundi 7 juin, indique en effet que la crise liée au Covid-19 n’a pas eu raison de la première place décrochée en 2019 et ce, malgré un nombre de projets d’implantation globalement en baisse.

Sur le Vieux Continent, ils ont reculé de 13 % en 2020, à peu près dans les mêmes proportions que lors de la crise financière de 2008, lorsque la baisse avait été de 11 %. Avec 985 projets recensés, la France, elle, voit la part d’implantations diminuer de 18 %, mais demeure en pole position, à la fois en nombre de projets – le Royaume-Uni en a enregistré 975 et l’Allemagne 930 –, et d’emplois créés (environ 30 000).

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« Depuis trois ans, la France a redressé énormément sa capacité à attirer les investissements étrangers », analyse Marc Lhermitte, associé chez EY. « Et en 2020, il n’y a pas eu d’abandon du site France, malgré notre exposition aux secteurs les plus impactés par la crise, tels que l’aéronautique ou le tourisme, et on ne relève pas de corrélation entre la stratégie sanitaire, qui a pu être critiquée, et les grands projets. » Au contraire, les investisseurs saluent la vigueur de la réponse économique à la crise : 44 % des dirigeants interrogés par EY estiment qu’elle est plus performante que dans d’autres pays.

Un « excellent résultat » dont s’est félicité, dimanche 6 juin, le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, jugeant qu’il « témoigne de la vivacité et de la solidité de [l’]économie », et qu’il résulte de la politique menée depuis 2017 : la loi Pacte d’abord, les baisses d’impôts sur les sociétés (passés de 33 % à 25 % des bénéfices) et celle des impôts de production intervenue en janvier 2021, dans le cadre de la mise en œuvre du plan de relance. L’ensemble, souligne Bercy, « crée une nouvelle fiscalité stable et attractive pour les entreprises ».

Enjeu de réindustrialisation

La fiscalité n’est pas tout, tempère Pascal Cagni, ancien patron d’Apple Europe, aujourd’hui ambassadeur pour les investissements internationaux et président de Business France. « Quand vous êtes un investisseur, la France, c’est un marché domestique de 66 millions de personnes, un taux d’épargne très élevé, une révolution numérique qui a pris un effet turbo ces dernières années, une qualité de haut débit très bonne, un coût de l’énergie faible », rappelle-t-il.

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« Les Européens ont raté l’occasion de promouvoir une Union plus sociale »

Le président du Conseil européen, Charles Michel, et la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, le 8 mai, au sommet de Porto (Portugal).

Le sommet des dirigeants européens à Porto, les 7 et 8 mai, avait pour objectif de relancer l’Europe sociale. L’a-t-il rempli ?

Je suis resté sur ma faim. A Porto, on a plus traité des symptômes que des causes. A aucun moment, la déclaration de Porto n’identifie les obstacles structurels à la lutte contre la pauvreté en Europe. A mon sens, il y en a trois : l’absence d’harmonisation fiscale, l’existence d’une concurrence sociale entre les Vingt-Sept et, enfin, le pacte de stabilité et de croissance et les contraintes macroéconomiques qu’il impose aux Européens.

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Justement, le pacte de stabilité et de croissance, qui a été suspendu en ces temps de crise du Covid-19, va être réformé…

Il y a un débat pour la suite au sein de la Commission. Faut-il, grosso modo, revenir aussi vite que possible, quand la crise sera terminée, au pacte tel qu’il existe ? Ou aller vers autre chose et ainsi mieux inciter les Etats à lutter contre l’exclusion sociale ? J’ai rencontré [les vice-présidents de la Commission] Valdis Dombrovskis et Frans Timmermans, ainsi que les commissaires Paolo Gentiloni [à l’économie], et Nicolas Schmit [aux affaires sociales] : clairement, à la Commission, les avis sont partagés. Le fait que Nicolas Schmit ne soit pas associé à la task force chargée de réfléchir au sujet n’est pas bon signe.

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Le plan de relance européen de 750 milliards d’euros conditionne les aides aux Vingt-Sept à des critères stricts en matière de lutte contre le changement climatique ou de digitalisation de l’économie. En matière sociale, il est moins contraignant. Qu’en pensez-vous ?

C’est une carte que la Commission aurait dû jouer. Les Européens ont raté l’occasion de promouvoir une Europe plus sociale, même si le plan de relance prévoit des financements, par exemple, pour des projets portés par les ONG qui luttent contre l’exclusion. Avec mon équipe, nous avons étudié les plans de relance nationaux [que les Européens ont remis à la Commission afin d’accéder aux aides du plan de relance]. Malheureusement, à l’exception de l’Espagne, les ONG et les partenaires sociaux y ont été très peu associés.

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L’UE fait encore semblant de croire que la croissance va répondre aux attentes des personnes durablement exclues. On sait que ce n’est pas le cas. La matière sociale n’est certes pas une compétence de l’UE, mais elle a les moyens de créer un cadre qui facilite les efforts contre la pauvreté. La réforme du pacte de stabilité et de croissance pourrait permettre de changer la donne.

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Les Scandinaves refusent de se voir imposer le smic européen

Le gouvernement du Suédois Stefan Lofven, ici le 1er juin à Bruxelles, avec la présidente de la Commission européenne Ursula von der Leyen, s’est dit opposé à la directive sur le SMIC européen.

S’il ne parle pas encore d’un « Swexit », Torbjörn Johansson, responsable des accords collectifs auprès de la centrale syndicale suédoise LO, a jeté un sérieux pavé dans la mare le 19 mai. Dans une interview au journal Arbetet, il affirme que les syndicats suédois doivent « commencer à se demander si rejoindre l’Union européenne était une bonne décision ». En cause : le projet de directive européenne sur les salaires minimums.

En Suède, comme au Danemark, ni les syndicats ni le patronat n’en veulent. Ils ont le soutien de l’ensemble de la classe politique, unanime dans son rejet d’un smic réglé par la loi. « Nous sommes, bien sûr, favorables à une Europe sociale et nous sommes convaincus que l’agenda a en ce sens de bonnes intentions. Mais la seule façon pour nous d’accepter cette directive est que nous en soyons complètement exclus », résume Therese Guovelin, vice-présidente de LO.

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Depuis des mois, les partenaires sociaux danois et suédois font campagne contre ce qu’ils considèrent comme une menace à l’égard du modèle économique et social scandinave. Dans les deux pays, il n’y a pas de revenu minimum inscrit dans la loi : le niveau des salaires est régulé dans le cadre des accords collectifs, négociés par les partenaires sociaux, sans intervention politique. En Suède et au Danemark, respectivement 90 % et 80 % des emplois sont couverts par ces accords.

Un douloureux souvenir

Un salaire minimum, imposé par la loi, aurait de graves conséquences, selon Therese Guovelin : « Cela affaiblira forcément notre modèle de négociation paritaire. On risque de voir une intervention croissante de l’Etat qui, selon la directive, doit surveiller son application et faire des rapports à Bruxelles. » Et même si la spécificité du modèle scandinave est reconnue par la Commission européenne, « rien ne garantit une action devant la Cour de justice européenne qui pourra imposer sa décision ».

« L’Union européenne n’a pas à se mêler du niveau des rémunérations dans les Etats membres », Therese Guovelin, vice-présidente du syndicat suédois LO

En Suède, les partenaires sociaux gardent un souvenir douloureux de l’affaire Laval. Le 18 novembre 2007, la Cour de justice européenne avait estimé que le blocus d’un chantier de construction par les syndicats suédois, pour contraindre un entrepreneur letton de signer les négociations collectives, était illégal dans le cadre des règles européennes sur la libre prestation des services. « Nous ne pouvons pas risquer de nous retrouver dans la même situation », constate Gabriella Sebardt, directrice des affaires sociales à la Confédération des industries suédoises.

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Clément Beaune : « Sur l’austérité, l’Europe a changé de logiciel »

Clément Beaune, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes, en 2017, à Paris.

Le modèle social européen a mieux protégé les citoyens contre la crise que celui des Etats-Unis, affirme Clément Beaune, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes. L’Union européenne a désormais pour priorité d’avancer sur les sujets sociaux, comme la formation et l’emploi, explique-t-il. Mais certains Etats se montrent toujours réticents à l’établissement de standards minimums communs.

Lors du sommet social de Porto, début mai, les Européens ont adopté une déclaration commune pour renforcer l’Europe sociale, mais ce texte n’a rien de contraignant. Est-ce un échec ?

Je ne pense pas. Pendant la crise, le modèle social européen a été bien plus protecteur que celui des Etats-Unis, avec les amortisseurs automatiques, le haut niveau de dépenses sociales, mais aussi les différents mécanismes mis en place, comme le chômage partiel ou les aides publiques aux ménages et aux entreprises. Les Européens s’en sont rendu compte et doivent en être fiers.

Le sommet de Porto a eu lieu à ce moment charnière où l’on commence à se projeter dans l’après-crise, à étudier comment renforcer le modèle européen pour répondre aux angoisses des citoyens, notamment des jeunes. Ce n’est pas technocratique ou lointain. La déclaration renforce le socle des droits sociaux adoptés à Göteborg, en 2017, et déclinés partout en Europe, comme le congé parental et, bientôt, des salaires minimums européens. Elle a été soutenue par l’implication importante des partenaires sociaux. L’objet est de démontrer que l’Europe n’est pas une jungle concurrentielle qui tire vers le bas au détriment des citoyens : au contraire, elle peut et elle doit protéger.

Les Etats membres sont néanmoins très divisés sur le sujet. Comment dépasser ces lignes de fracture ?

Il faut être lucide. Les compétences de l’UE en matière sociale restent limitées et, même si l’on a progressé depuis 2017, il faut encore convaincre un certain nombre d’Etats de monter à bord. On observe deux types de réticences. Celles des pays nordiques, d’abord, qui se manifestent notamment autour de la directive sur les salaires minimums. Ils redoutent que la qualité de leur modèle social soit érodée par l’Europe, ou que celle-ci interfère avec leurs négociations collectives nationales – une crainte infondée.

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Les pays de l’Est, eux, craignent plutôt que l’Europe casse leurs avantages compétitifs. Evidemment, la Bulgarie, la Roumanie ou la Hongrie ne pourront pas atteindre du jour au lendemain les standards de l’Ouest en matière de salaires. Ces pays doivent néanmoins comprendre que ce mouvement n’est pas contre eux, mais contre le dumping social. Monter en puissance socialement est dans leur intérêt.

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Le pari de la baisse de l’emploi public dans les collectivités en passe d’être perdu

La crise des « gilets jaunes », en 2018-2019, puis l’épidémie de Covid-19 auront probablement raison de la promesse d’Emmanuel Macron de supprimer 120 000 postes dans la fonction publique. Côté Etat, cela devait concerner 50 000 emplois. Mais, dès 2019, le gouvernement a abandonné l’essentiel de cet objectif, considérant que la demande d’Etat et de service public s’avérait incompatible avec ce choix budgétaire.

Quant aux collectivités locales, elles étaient invitées à se passer de 70 000 unités avant 2022. Officiellement, cet objectif n’a jamais été abandonné. Il a pourtant peu de chance d’être tenu. Les statistiques du ministère de la transformation et de la fonction publiques montrent en effet que les mairies, intercommunalités ou régions sont redevenues très gourmandes en emplois.

De 1997 à 2019, rappelle François Ecalle, président de Finances publiques et économie (Fipeco), un site documentaire spécialisé, les effectifs d’agents publics ont augmenté 965 000 en tout : 124 000 dans la fonction publique d’Etat, 290 000 dans les hôpitaux et 551 000 dans les collectivités territoriales – données hors transferts liés à la décentralisation et hors contrats aidés. Pour ces dernières, précise M. Ecalle, qui assure également des cours de politique économique à l’université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, cela correspond à une croissance moyenne annuelle de 1,7 %, « nettement plus élevée que celle de l’ensemble des trois fonctions publiques, qui a été de 0,9 % par an », et que l’emploi en France, public et privé (0,7 %).

Et le mouvement s’accélère, poursuit le président de Fipeco. « Un net ralentissement » s’était produit sous le mandat de Nicolas Sarkozy (2007-2012) et, en baissant les dotations budgétaires de l’Etat aux collectivités locales, François Hollande (2012-2017) avait même réussi à inverser la tendance : les effectifs ont diminué en 2015 (– 6 000 postes) et en 2016 (– 4 000), « ce qui ne s’était jamais vu auparavant », rappelle M. Ecalle.

L’essai de la contractualisation

Avec Emmanuel Macron, le mouvement est reparti à la hausse : + 13 000 emplois en 2018 et + 16 500 en 2019. Alors ministre de l’action et des comptes publics, Gérald Darmanin déclarait, en juillet 2019 : « Nous avons limité les dépenses de fonctionnements dans les collectivités les plus importantes, et favorisé l’investissement. Nous devrions tenir l’objectif de 70 000 suppressions de postes dans les collectivités territoriales, et ainsi réduire au total d’environ 85 000 le nombre de postes de fonctionnaires sur le quinquennat. » Pour tenir l’objectif d’une baisse de 70 000 postes en 2022, il faudrait donc que 99 500 soient supprimés sur les trois dernières années du quinquennat.

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Une « Europe sociale forte » est-elle possible ?

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Publié aujourd’hui à 17h00, mis à jour à 18h05

« L’Europe, elle te dépouille ou elle te sauve, ça dépend des années », juge Filipe Costa, du haut de ses 19 ans. L’histoire de ce jeune Portugais et de sa famille résume à elle seule les errements des politiques européennes depuis quinze ans. Au début de la crise des dettes souveraines de 2010, sa mère, chef de cuisine, a perdu son emploi. Le Portugal s’enfonçait alors dans une douloureuse récession, aggravée par les mesures d’austérité imposées au pays par la troïka (Fonds monétaire international, Commission et Banque centrale européenne). « Il n’y avait plus de boulot, plus d’espoir, tout le monde partait. Alors, comme beaucoup d’autres, on a émigré au Brésil », raconte Filipe, qui avait 9 ans à l’époque.

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En 2016, sa mère et lui sont revenus à Lisbonne, au moment où l’économie portugaise redécollait, grâce au tourisme. En 2019, le jeune homme a quitté le lycée pour travailler dans l’un des restaurants de la capitale. « C’était l’euphorie, mais tout s’est effondré avec le Covid : je me suis retrouvé sur le carreau. » Jusqu’à ce qu’il intègre une formation de mécanicien fin 2020 grâce à « Garantia Jovem », la « garantie jeunes » : un dispositif qui aide les jeunes sans formation à se réinsérer, avec des financements européens. « Voilà : l’Europe nous a chassés et, maintenant, elle m’aide à relever la tête, conclut-il. Mais qui sait si ça va durer ? »

Soutenir les jeunes, aider ceux qui ont perdu leur emploi durant la pandémie, ne pas commettre les mêmes erreurs qu’en 2010 : telles sont les promesses que les dirigeants européens mettent aujourd’hui sur la table pour le monde d’après. « Pendant la crise, le modèle social européen a été bien plus protecteur que celui des Etats-Unis », souligne Clément Beaune, le secrétaire d’Etat chargé des affaires européennes. Cela, avec le chômage partiel financé en partie par des emprunts européens (le programme SURE), les aides déployées pour les ménages et les entreprises ou, encore, le plan de relance de 750 milliards d’euros, égrène-t-il.

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Parce qu’il en faudra bien plus pour effacer les séquelles que la pandémie laissera sur nos économies, les pays membres ont pris trois engagements supplémentaires lors du sommet social de Porto, les 7 et 8 mai : réduire de 15 millions le nombre de personnes menacées par la précarité en Europe, porter à 78 % la part des 20-64 ans en emploi et assurer qu’au moins 60 % des adultes suivent une formation tous les ans – le tout, d’ici à 2030. Une sacrée gageure lorsque l’on sait que le taux d’emploi ne dépasse guère les 60 % en Italie ou en Grèce et que le taux de pauvreté culmine à plus de 20 % en Bulgarie, en Lettonie ou en Estonie. « Nous allons construire une Europe sociale forte », assure régulièrement la présidente de la Commission, Ursula von der Leyen.

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Carrefour porte plainte après des injures racistes contre une caissière

La chaîne de supermarchés Carrefour a annoncé, samedi 5 juin, qu’elle portait plainte, après qu’une caissière du groupe a été la cible d’injures racistes proférées par une cliente, selon une vidéo diffusée sur les réseaux sociaux.

« Solidarité avec notre collègue injuriée. Ces propos racistes sont inacceptables. Nous les condamnons très fermement et portons plainte », a tweeté l’enseigne. Rami Baitiéh, le directeur exécutif de Carrefour France, s’est également exprimé samedi sur Twitter : « Je viens d’appeler notre collègue pour lui témoigner mon soutien (…). Je ne tolérerai jamais que de tels propos soient tenus dans nos magasins. »

Une enquête ouverte

L’altercation entre la cliente et la caissière a eu lieu dans un magasin de la chaîne situé dans la Haute-Savoie.

« Sale négresse va, sale Noire ! Y a que les Noirs pour faire ça. Tu vois, les Africains comme toi, ça donne envie de les tuer », entend-on sur la vidéo publiée sur Twitter.

Une enquête a été ouverte, selon le parquet de Thonon-les-Bains, cité par le quotidien Le Figaro.

Le Monde avec AFP