Archive dans 2021

La réindustrialisation par le vélo, rêve ou projet ?

Un employé assemble un vélo électrique à l’usine Moustache Bikes, à Thaon-les-Vosges (Vosges), en août 2020.

Des pédaliers, des rayons, des fourches, en enfilade et à perte de vue. Dans les travées, des jeunes femmes et hommes, en short ou pantalon d’été, peignent, vissent, soudent, sans précipitation, mais sans faiblir. Ce jour-là, dans l’usine d’Arcade Cycles, à La Roche-sur-Yon, les ouvriers assemblent des bicyclettes couleur bordeaux siglées du logo Daunat, une marque de sandwichs qui organise un « jeu concours » pour faire « gagner des vélos ». Arcade, dont l’usine est idéalement située, à quelques centaines de mètres d’une sortie d’autoroute, s’est spécialisée dans la conception et l’assemblage de « vélos robustes, nécessitant peu d’entretien », destinés aux opérations publicitaires ou aux gestionnaires de flottes, telles les boutiques de location dans les stations balnéaires.

Un créneau manifestement porteur : « Notre chiffre d’affaires est passé de 22 millions à 33 millions d’euros entre 2019 et 2021 », sourit François Lucas, PDG d’Arcade Cycles. Une cinquantaine de kilomètres plus au nord, à Machecoul-Saint-Même (Loire-Atlantique), la Manufacture française du cycle (MFC), qui compose les bicyclettes vendues par la marque Intersport, connaît elle aussi une forte croissance. Son chiffre d’affaires a été multiplié par six depuis 2013, et atteint aujourd’hui 120 millions d’euros.

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La même fièvre frappe la société Moustache Bikes, qui produit des vélos à assistance électrique haut de gamme à Thaon-les-Vosges, dans l’agglomération d’Epinal, et dont le chiffre d’affaires a bondi de 50 millions d’euros en 2018 à 100 millions en 2020, ou encore Cycleurope France, à Romilly-sur-Seine (Aube), qui affiche une progression de 20 % en un an. En cette fin d’été, les usines de vélos, quel que soit le segment de marché auquel elles s’adressent, tournent à plein régime, quitte à jongler avec les fournisseurs pour pallier la pénurie de composants. Car ces entreprises ne sont pas à proprement parler des fabricants, mais des assembleurs, qui importent les pièces du monde entier.

Les lieux de production se ressemblent tous un peu : un vaste bâtiment en tôle ondulée posé au milieu d’un parking d’une zone industrielle sur lequel la plupart des employés garent leur voiture. De plus en plus vaste, le parking : Arcade employait 110 personnes il y a deux ans, et en salarie 165 aujourd’hui. En Loire-Atlantique, MFC est passée de 500 employés en 2019 à 700 en 2021. Moustache emploie 160 personnes, contre seulement 20 en 2016.

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Deliveroo France et trois de ses anciens dirigeants renvoyés en correctionnelle pour travail dissimulé

L’entreprise est accusée d’avoir « dissimulé un grand nombre d’emplois ». La plate-forme de livraison de repas Deliveroo et trois de ses anciens dirigeants sont cités à comparaître devant le tribunal correctionnel de Paris pour « travail dissimulé », selon des sources proches du dossier, lundi 20 septembre. Les trois anciens dirigeants de Deliveroo France, dont son ex-directeur général, sont convoqués devant le tribunal du 8 au 16 mars 2022 pour des faits remontant à la période 2015-2017.

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Le parquet soupçonne Deliveroo et certains de ses anciens dirigeants d’avoir « recouru à des milliers de travailleurs sous un prétendu statut indépendant via des contrats commerciaux, alors que ceux-ci étaient placés dans un lien de subordination juridique permanente à son égard, comme l’avait constaté l’inspection du travail dans un procès-verbal de décembre 2017 ».

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Depuis mai 2018, la plate-forme faisait l’objet d’une enquête préliminaire confiée à l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI).

« Depuis ses débuts en France, la société Deliveroo France opère en tant que plate-forme digitale de mise en relation avec des partenaires livreurs prestataires indépendants, de manière totalement transparente, revendiquée et dans le strict respect des dispositions légales », a réagi l’entreprise dans un communiqué. « Toutes les décisions de justice rendues définitivement en France ont été favorables à Deliveroo France », assure l’entreprise.

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« Un bond géant contre l’ubérisation »

Et d’ajouter qu’elle abordait « donc avec confiance cette audience qui lui permettra de démontrer le caractère infondé [des faits reprochés] et continuera de plaider pour ce modèle qui correspond aux aspirations d’une immense majorité des livreurs partenaires ».

Kevin Mention, avocat de plusieurs livreurs plaignants dans ce dossier, a salué sur Facebook « un petit pas » dans ce genre de dossiers « mais un bond de géant contre l’ubérisation ».

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Dans le cadre de cette enquête, la justice a procédé à la saisie à titre conservatoire de trois millions d’euros sur le compte bancaire français de la société, une somme correspondant à une partie des cotisations sociales que l’entreprise est soupçonnée de ne pas avoir acquittée durant la période 2015-2016.

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Le Monde avec AFP

Les agents publics perdent le sens de leur travail, alerte un collectif

Les bureaux d’une Caisse primaire d’assurance-maladie dans le Val-de-Marne.

Les agents publics souffrent d’une perte de sens dans leur activité professionnelle, prévient un collectif de fonctionnaires, Nos services publics. Le groupe de réflexion a publié une enquête, lundi 20 septembre, qui révèle que 80 % des agents publics interrogés se déclarent « confrontés “régulièrement” ou “très fréquemment” à un sentiment d’absurdité dans l’exercice de leur travail ».

L’enquête a été menée entre mai et août sur Internet et sur la base du volontariat. En tout, 4 555 agents ont répondu. Ceux qui relèvent de la catégorie « A » (correspondant à des fonctions d’encadrement) sont plus nombreux que les deux autres, « B » et « C ». Le panel n’est donc pas représentatif. Mais toutes les catégories d’âge sont représentées, comme les statuts ou les secteurs d’activité. Il y a des « biais », reconnaît Arnaud Bontemps, du collectif, qui n’ont pas été redressés. Pour autant, « les résultats sont très significatifs par l’unanimité » qui s’y exprime, insiste-t-il.

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De fait, l’étude révèle « un mal-être profond ». Le collectif Nos services publics a demandé aux agents s’ils s’étaient déjà dit dans leur travail : « C’est absurde. Ou si cela a un sens, ce n’est pas celui pour lequel je me suis engagé. » Seuls 3 % disent n’avoir jamais été confrontés à un tel sentiment d’absurdité. En revanche, 48 % se sont régulièrement fait cette réflexion et 32 % très fréquemment. Soit huit agents sur dix.

Ce sentiment est plus marqué quand on progresse en âge. Les moins de 29 ans sont 22 % seulement à expérimenter une perte de sens très fréquente, contre 30 % entre 30 et 39 ans, 34 % entre 40 et 49 ans et 33 % au-delà. Il est également plus marqué dans l’éducation nationale : « 43 % déclarent être confrontés “très fréquemment” à un sentiment d’absurdité, contre 27 % parmi le total des personnes interrogées hors éducation nationale », assure Nos services publics.

L’intérêt général, un moteur

Le collectif a recueilli plus de trois mille témoignages écrits. Cela lui a permis d’identifier cinq motifs récurrents expliquant la perte de sens. Parmi ceux-ci, il y a le manque de moyens, qu’il s’agisse des outils défaillants, d’une absence de ressources ou de l’obligation de devoir baisser les « coûts ». Un fonctionnaire territorial a déploré qu’on lui demande de « faire des propositions de nouveaux projets à l’automne et d’avoir à proposer de nouvelles sources d’économies six mois plus tard ». Une professeure d’anglais en lycée note : « On m’impose de faire cours à 35 élèves par classe en donnant la priorité à l’interaction orale. »

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Salaire des fonctionnaires : « On entre dans une logique de contractualisation et de liberté »

Alors que la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, ouvre, mardi 21 septembre, une conférence sur les perspectives salariales des fonctionnaires, le spécialiste de la réforme de l’Etat Luc Rouban, directeur de recherches au CNRS, chercheur au Centre d’études de la vie politique française de Sciences Po (Cevipof), montre que cela sous-tend une transformation profonde de la fonction publique.

A six mois de la présidentielle, ouvrir une conférence de six mois sur la rémunération des fonctionnaires, est-ce un gadget politique ou le début d’un vrai travail de fond ?

C’est le début d’un vrai travail de fond. S’il s’agissait d’un gadget politique, le calendrier serait particulièrement mal choisi. Des promesses faites aujourd’hui n’engagent à rien… Ce serait même plutôt un mauvais calcul politique.

Là, il s’agit de régler un problème de fond. La disparition d’un certain nombre de corps (celui des préfets, des inspections, etc.) amorce une réforme plus large de la fonction publique française. Celle-ci sort d’un modèle corporatif et se dirige vers un modèle d’emploi, comme dans la plupart des pays européens.

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C’est-à-dire ?

L’existence de corps fait que le parcours des fonctionnaires est prévu à l’avance. Là, on fait sauter le verrou corporatif, et une nouvelle architecture de la fonction publique se met en place, avec une relation plus individualisée entre l’agent et l’employeur. Cela permet une plus grande mobilité pour les fonctionnaires. Mais cela remet aussi en cause tout le système de rémunération et de progression. Il faut donc d’autres règles générales pour encadrer cette nouvelle situation, situation dans laquelle le jeu stratégique entre les syndicats et le gouvernement est brouillé.

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Car on sort également de l’habitude du grand rendez-vous salarial annuel tournant autour de la question de l’augmentation générale du point d’indice, avec une application corps par corps. On entre dans une logique de contractualisation et de liberté. Le poids de l’avancement pèse sur le fonctionnaire à titre individuel beaucoup plus qu’avant : ce sera à lui de se préparer, de chercher des formations, de rédiger un bon CV, de solliciter un autre ministère ou un autre établissement public, d’accepter d’être mis en concurrence avec d’autres agents ou des candidats venant du privé.

On se rapproche de la logique du privé. C’est plus compliqué pour le fonctionnaire, mais les corps conduisent aussi à ce qu’après quelques années, on se retrouve bloqué dans son avancement. Vous arrivez à 45, 50 ans et vous n’avez plus beaucoup d’avenir. Il est souvent impossible d’accéder à l’indice salarial le plus élevé, et cela nourrit de la frustration et du mécontentement.

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Les syndicats de l’énergie veulent s’inviter dans la campagne présidentielle

Des employés d’EDF fixent une banderole devant la centrale à charbon de Cordemais, dans l’ouest de la France, le 16 septembre 2021.

La banderole est déployée comme un mot d’accueil, blanc sur bleu : « L’énergie est un bien commun. » En arrière-plan, derrière des chapiteaux de circonstance, deux hautes cheminées de centrale à charbon. Organisation syndicale majoritaire dans la branche de l’électricité et du gaz, la CGT a choisi Cordemais (Loire-Atlantique) pour faire entendre son « programme progressiste de l’énergie », jeudi 16 septembre au matin. Avec l’intention de l’inscrire au débat de l’élection présidentielle de 2022, puis des législatives.

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« L’industrie peut évoluer en maintenant, voire en développant les emplois, tout en préservant l’environnement », affirme le secrétaire général de la confédération, Philippe Martinez. Ce n’est pas la première fois qu’il se rend devant la centrale thermique des bords de la Loire. Ni la dernière, pressent-il. Le lieu « fait partie de ces sites, de ces combats qui montrent que l’industrie a de l’avenir dans notre pays, à condition que les salariés s’en mêlent ». Autour de lui, quelque 200 à 300 militants, selon les estimations.

Encore en activité pour assurer l’équilibre du réseau électrique en Bretagne, le site de Cordemais doit fermer au plus tôt en 2024, au plus tard en 2026. Pour Gardanne (Bouches-du-Rhône) et Saint-Avold (Moselle), ce sera dès 2022, d’après la feuille de route initiale du gouvernement. Dans les trois dernières centrales à charbon du pays, la fin de ce combustible très polluant se précise. Mais la suite, pour les salariés et pour le foncier, beaucoup moins…

Certains militent pour la reconversion de la centrale de Cordemais. Leur projet, Ecocombust, propose de remplacer du charbon par de la biomasse

Depuis au moins cinq ans, certains d’entre eux militent pour la reconversion de la centrale de Cordemais (plus de 300 salariés d’EDF, outre une centaine de prestataires). Leur projet, Ecocombust, propose de remplacer du charbon par de la biomasse. La production d’électricité par des déchets de bois permettrait de réduire l’émission de dioxyde de carbone. Projet breveté mais finalement écarté par la direction de l’entreprise, en juillet. Arguments invoqués : le retrait d’un investisseur, Suez, et la crainte d’un manque de rentabilité.

Les représentants cégétistes y croient encore. Sans le citer, ils disent avoir noué contact avec un industriel pour pallier la défection de Suez. Pour Sébastien Menesplier, secrétaire général de la Fédération nationale des mines et de l’énergie CGT, « le projet Ecocombust s’inscrit dans l’avenir du service public de l’énergie, il prend tout son sens dans le mix électrique que nous portons ». Un mix composé de nucléaire et d’énergies renouvelables. Jeudi, deux députés du Nord ont fait le déplacement pour exprimer le soutien de leurs formations politiques. Alain Bruneel, pour le Parti communiste français, et Adrien Quatennens, ancien conseiller clientèle d’EDF, désormais avec son écharpe bleu-blanc-rouge d’élu, pour la France insoumise.

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Ces fonds d’investissement qui misent sur le bien-être en entreprise

Les entreprises « prennent conscience qu’il existe une convergence entre le soin apporté au capital humain et l’amélioration de la productivité et de la performance », constate Aurélie Baudhuin.

Les fonds investissant selon les critères dits « ESG » – environnementaux, ­sociaux et de gouvernance – ont longtemps mis les projecteurs sur la première lettre du sigle, et donner du sens à son épargne se limite encore souvent à choisir des fonds axés sur le climat, la transition énergétique, les ressources naturelles.

« Mais privilégier une croissance vertueuse, c’est, aussi, désormais mettre l’accent sur le S, qui était jusqu’à il y a peu le parent pauvre des fonds ESG », estime Béryl di Nota, gérante chez OFI Asset Management. « En accentuant ce filtre, on investit dans des sociétés s’engageant à améliorer le bien-être de leurs salariés », détaille-t-elle.

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« La prise en compte du bien-être des salariés participe à une identité et à une culture d’entreprise plus forte. Ces éléments donnent plus de cohésion et favorisent la capacité d’innovation », juge Delphine Riou, analyste ESG chez BNP Paribas AM.

Récents et encore peu connus, les fonds axés sur la qualité de vie au travail sont aujourd’hui moins d’une dizaine, plus ou moins spécialisés sur ce vaste sujet. « Grâce à un indicateur maison lancé en 2017, notre objectif est de mesurer l’empreinte sociale de chaque entreprise tout comme on détermine une empreinte carbone et énergétique », explique Aurélie Baudhuin, directrice de la recherche ISR chez Meeschaert AM, qui gère notamment le fonds MAM Human Value.

Absentéisme, congés, salaires…

Pour se constituer un panier de valeurs en ligne avec le soin apporté « au capital humain », difficile à appréhender, toutes les sociétés de gestion engagées sur ce terrain ont d’ailleurs mis sur pied leur propre méthodologie, croisant des critères quantitatifs et qualitatifs.

Plusieurs données reflétant l’ambiance au sein de la société sont analysées, par exemple le turnover des salariés, le taux d’absentéisme, le nombre d’accidents du travail. Les politiques sociales (durée des congés, jours accordés pour les naissances, etc.) et salariales (niveau, écart et évolution des salaires) sont décryptées, tout comme la politique de formation et la mise en place, ou non, d’un actionnariat salarié. L’évolution dans le temps de ces indicateurs est aussi examinée.

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« Mais le bien-être au travail ne s’aborde pas qu’avec des chiffres. Il n’est pas uniforme et varie selon les activités. C’est pour cela que nous mesurons le score de l’entreprise par rapport à son secteur », précise Mme Baudhuin.

L’analyse passe par ailleurs par la consultation « de données et de classements internationaux tels que Greatplacetowork ou Glassdoor. Ce dernier est le Tripadvisor de l’entreprise, avec des avis laissés par des collaborateurs de plus de 6 000 sociétés », explique Cyril Charlot, associé gérant fondateur de Sycomore AM, qui propose Happy@work. Ce fonds pionnier, créé en 2015, intègre 85 critères de sélection.

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Ascoval, à Saint-Saulve : « Vous entendez le bruit ? Ça tourne dans l’usine »

Yeux écarquillés, les enfants sont là. Comme des fourmis face à l’immensité de la forge, du four à arc électrique, du four d’affinage, ou du refroidissoir qui s’étendent sur les 245 000 m2 de l’usine. Ce samedi, c’est jour de fête dans les locaux d’Ascoval, à Saint-Saulve. Les salariés reçoivent leurs familles respectives à l’occasion de portes ouvertes qui signent le nouveau départ de l’aciérie. « Vous entendez le bruit ? Ça tourne, dans l’usine », lance, émue, la déléguée syndicale Nathalie Delabre à la ministre Agnès Pannier-Runacher, venue saluer « les Asco ». Après cinq années chaotiques, l’heure est à la reconquête industrielle.

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Le tribunal de commerce de Paris a validé, le 2 août, l’offre de reprise du groupe sidérurgique allemand Saarstahl, portant sur les sites français en difficulté d’Ascoval dans le Nord et d’Hayange, dans l’Est. « On a affaire à des gens costauds, d’expérience, et qui sont dans l’acier depuis Louis XIV, salue Nacim Bardi, représentant CGT. Ce ne sont pas des financiers mais des vrais industriels. A nous de faire nos preuves et de montrer qu’on est attractifs. »

Une technologie nouvelle

Fondé en 1685 sur concession du roi Louis XIV, le groupe sidérurgiste allemand Saarstahl s’est engagé à investir plus de 40 millions d’euros sur les deux sites avec l’objectif de produire un acier vert européen de haute qualité. « Soyez les bienvenus au sein de la famille Saarstahl, lance Klaus Richter, membre du directoire du groupe allemand, à quelques dizaines de salariés nordistes réunis ce samedi matin sous un grand soleil. Nous croyons beaucoup en ce projet industriel et humain. Et la qualité, c’est la clé. »

Les « Asco » sont sortis rincés par cinq années d’un interminable feuilleton industriel démarré en 2017, quand l’aciérie a quitté le giron de Vallourec

Le site nordiste vient apporter à Saarstahl une technologie nouvelle : la production d’acier par la filière électrique, particulièrement propre en termes d’émissions de CO2, et fondée sur l’économie circulaire. Les sidérurgistes utilisent, en effet, de la ferraille récupérée auprès d’industriels pour produire leur acier. De son côté, le groupe allemand aux 13 000 salariés dans le monde vient offrir à Ascoval de nouveaux débouchés, grâce à ses laminoirs en Allemagne, permettant de servir des segments tels que l’automobile et la construction à hauteur de 20 000 tonnes par mois. Une nouveauté pour les ouvriers d’Ascoval.

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Sous-marins australiens : à Cherbourg, l’amertume face à « des années de boulot rayées d’un trait de plume »

Sur le site de Naval Group à Cherbourg (Manche), le 13 avril 2021.

Venues à Cherbourg-en-Cotentin dans le cadre du « contrat du siècle », une commande de douze sous-marins conventionnels par le gouvernement de Canberra, les quelques familles australiennes présentes dans la cité portuaire, quatre-vingts personnes au total, ont pris un terrible coup sur la tête, mercredi 15 septembre.

« Quand les infos sur une possible remise en cause ont commencé à circuler, ce fut la stupéfaction générale », rapporte l’ami de l’une d’elles. Tous les élus de la presqu’île du Cotentin, sans exception, assurent avoir été « très surpris » par la décision australienne de dénoncer l’accord avec la France au profit d’une nouvelle donne avec les Etats-Unis et la Grande-Bretagne. « Une décision incompréhensible après cinq années d’engagement. Ce n’est pas une manière de faire pour des alliés de la France », témoigne Stéphane Travert, député La République en marche (LRM) de la Manche.

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Au sein de Naval Group, ville dans la ville où travaillent 3 400 personnes, 500 salariés sont concernés. « On ne les laissera pas au bord du chemin. Le carnet de commandes de Naval Group me rassure », indique Benoît Arrivé, maire Parti socialiste (PS) de Cherbourg-en-Cotentin. Outre le programme Barracuda de six sous-marins nucléaires d’attaque pour la marine nationale, le plan de charge à l’export est fourni. La ville normande est un concentré de matière grise où la densité d’ingénieurs au mètre carré compte parmi les plus importantes de France.

Recrutements gelés

Dès jeudi après-midi, Pierre-Eric Pommellet, PDG de Naval Group, s’est rendu sur le site cherbourgeois dédié à la construction de sous-marins. Plus de 100 engins y ont été construits depuis 1899, dont le Redoutable, devenu un musée à deux pas de là où il fut construit. « Le boss était sous le choc du revirement australien. Naval Group va geler le recrutement d’ingénieurs », a confié un syndicaliste à l’issue de la discrète visite.

Les élus cherbourgeois et du Cotentin ont réagi d’autant plus rapidement qu’ils ont, à l’unisson, mis en avant la bonne santé économique de leur territoire et « l’exceptionnel savoir-faire » des équipes de Naval Group. « Ce n’est pas un choix industriel. Non, il est géopolitique, tempête le maire de Cherbourg. Le coup de poignard australien doit questionner la diplomatie française. »

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Le maire socialiste de Cherbourg, comme David Margueritte, le président LR de la communauté d’agglomération du Cotentin, insiste sur la dynamique territoriale que connaît la presqu’île normande. « Nous sommes en pleine campagne d’attractivité dans les gares et les stations de métro parisiennes. Plus de 5 000 offres d’emplois sont à pourvoir dans le Cotentin. » David Margueritte renchérit : « Même s’il est vrai qu’en termes d’image, le choc australien n’est pas une bonne nouvelle, l’agglomération du Cotentin est la première de France pour les créations d’emplois. Le taux de chômage est de 6 %. » Parmi les recruteurs, LM Wind, où sont fabriquées de gigantesques pales d’éoliennes, peine à embaucher 300 personnes, faute de candidats.

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