Archive dans 2021

Julia de Funès : « Avoir un chef, c’est une source d’émulation »

La philosophe Julia de Funès, coautrice de La Comédie (in)humaine (L’Observatoire, 2018), analyse comment concilier l’autonomie et l’autorité en entreprise, tout en alertant sur les « impostures » que représentent selon elle les modes managériales.

Croyez-vous en l’efficacité d’une entreprise sans chef ?

Je ne suis pas binaire sur le sujet, il y a du bon à prendre dans l’entreprise libérée : je suis d’accord pour supprimer le management intermédiaire qui déresponsabilise les salariés, et pour leur donner plus d’autonomie. En revanche, je ne crois pas en l’entreprise sans chef à grande échelle, même s’il y a des exceptions aux Etats-Unis. Je pense que ce sont les patrons qui ont un complexe d’autorité qui se réfugient dans ce type de modèle. En fait, je ne crois pas en l’absence d’autorité : on le voit dans la famille, à l’école… Avoir un chef, c’est une source d’émulation. La mode de l’entreprise libérée s’explique structurellement, car on vit une crise de l’autorité dans tous les domaines sociaux.

Pourquoi l’autorité paraît-elle primordiale à vos yeux ?

Sans autorité, il est d’abord difficile de prendre une décision : il faut bien qu’une personne tranche, choisisse entre le moins pire et le plus souhaitable. Deuxièmement, ce n’est que comme cela que l’on obtient la responsabilité des salariés. Enfin, vient l’émulation : ce leadership facilite aussi le courage en entreprise, l’initiation d’un projet commun. Quand il n’y a pas de chef ni de charisme véritable, c’est difficile d’emmener les salariés dans la même direction.

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La figure d’un « leader libérateur » convient-elle ?

C’est une usurpation qu’il y ait quand même un chef dans ces entreprises. Le flou et l’hypocrisie de ne pas désigner les choses me semblent nocifs, et le management libéré a rajouté des couches pour édulcorer le rapport au « chef suprême ». Ça fait bien en apparence, mais est-ce que les choses changent vraiment ?

Ce sont donc les mots de ce nouveau management qui vous dérangent ?

Je critique ces impostures de sens. Ce sont des modes langagières assez proches des modes sectaires, par ces mots-là on a l’impression de faire bien et dans la réalité, ce n’est pas forcément ce qui correspond. Il y a une dérive nominaliste sur l’injonction au bonheur des salariés : or, la plupart des gens sont heureux parce qu’ils accomplissent quelque chose, pas parce qu’ils travaillent de manière fun et cool. Ce qui compte, c’est d’obtenir un résultat.

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Travailler pour le bien d’un collectif et non d’un chef peut donc mener à des dérives ?

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Entreprise sans chef : l’avenir d’une utopie

Des employés de l'entreprise Chronoflex, à Saint Herblain (Loire-Atlantique), le 23 septembre 2021.

L’entreprise sans chef existe, nous l’avons rencontrée. « J’ai monté ma propre boîte car je voulais développer des valeurs d’écoute, de respect et de confiance. Mais j’ai fini par piger au bout de six mois que le problème venait du système : le fait d’avoir un chef au sens classique, qui sanctionne et dit ce qu’il faut faire et comment, c’était extrêmement infantilisant. Il fallait tout changer. » Il y a six ans, Franck Vu Hong, directeur général d’Aepsilon, société de conseil en innovation digitale, choisit d’organiser ses équipes en trinômes. Dans cette entreprise de trente salariés, chaque unité de trois personnes réunies par affinités prend seule toutes ses décisions, de ses missions à ses horaires en passant par ses formations.

Des organisations comme celle-ci, nombre de PME en ont tenté depuis plus d’un demi-siècle, au nom de ce qu’elles revendiquent comme une véritable révolution. Ici, en lieu et place de la hiérarchie traditionnelle, des travailleurs « libérés », responsables et motivés, alors que 94 % des salariés français s’estiment « désengagés » dans leur emploi (rapport mondial de Gallup, 2017). Pour autant, supprimer la hiérarchie et rendre les travailleurs autonomes améliore-t-il vraiment le bien-être des équipes et la performance des entreprises ? Marronnier du management, cet idéal navigue encore aujourd’hui entre enthousiasme et désillusion.

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L’idée ambitieuse d’un monde du travail où tous œuvreraient sur un pied d’égalité est loin d’être nouvelle. Face aux méthodes de management structurées et avilissantes d’Henri Fayol ou de Frederick Taylor, les premières entreprises « autonomes » sont nées aux Etats-Unis au milieu du XXsiècle : le fabricant de tissu Gore a ouvert le bal en 1958. Plus d’horaires ni de chefs intermédiaires, mais une multitude de petites équipes de travail autodirigées.

Le professeur de management Douglas McGregor oppose en 1960 la théorie X, vision pessimiste des employés par les manageurs, à la théorie Y, qui avance que travailler est une activité naturelle et gratifiante, et que notre besoin vital d’accomplissement peut être comblé par le travail.

Management participatif ou holacratie

Jean-François Zobrist, pionnier haut en couleur de l’entreprise sans chef en France, adhère très vite à ces idées dans les années 1980, et les applique pendant trente ans à la fonderie Favi, PME picarde de 400 salariés. « Quand je commence à travailler, les mots RH [ressources humaines] considèrent l’homme comme une ressource. Plutôt que de m’adresser à leurs mains, je me suis adressé au cœur et au cerveau des ouvriers », explique-t-il.

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SOS Médecins annonce un « arrêt total » d’activité de vingt-quatre heures à partir de lundi 8 heures

La fédération d’associations de médecins libéraux SOS Médecins a annoncé, dimanche 26 septembre, un « arrêt total » de l’activité (visite à domicile, consultation, centre de régulation téléconsultation) pendant vingt-quatre heures à partir de lundi 8 heures pour « alerter les Français sur la disparition programmée de la visite à domicile ».

La fédération avait décidé début septembre d’appeler ses adhérents à une telle journée d’action afin d’obtenir une augmentation du tarif des visites à domicile, prévoyant d’en révéler la date au dernier moment pour éviter que « le mouvement soit tué dans l’œuf » par des réquisitions précoces.

« Depuis plus de quinze ans, les moyens alloués à la visite à domicile sont insuffisants au regard des besoins des Français et du vieillissement de la population », estime SOS Médecins dans son communiqué, notant à titre d’exemple que « l’indemnité de déplacement de dix euros pour les visites de jour n’a pas évolué depuis quinze ans ».

Trois millions de visites à domicile par an

« La conséquence principale de cette dévalorisation de la visite est un désengagement croissant des médecins généralistes de cette pratique », déplore la fédération, pour qui « la visite à domicile est en danger ».

L’organisation est très remontée contre le dernier accord signé fin juillet par les syndicats de médecins libéraux et l’Assurance maladie, qui étend la « visite longue » (70 euros) mais seulement au profit des médecins traitants qui se déplacent chez leurs propres patients.

Créé en 1966, SOS Médecins regroupe mille trois cents médecins généralistes, qui effectuent environ trois millions de visites à domicile chaque année.

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Le Monde avec AFP

Aux Pays-Bas, l’économie bat des records mais souffre d’une pénurie de main-d’œuvre

Performance à La Hague (Pays-Bas), avant le traditionnel discours annuel du roi Willem-Alexander, le 21 septembre 2021.

C’est évidemment le genre d’entreprise que VNO-NCW, l’organisation patronale néerlandaise aime citer en exemple : ASML est l’un des leaders mondiaux dans un secteur clé, celui de la fourniture de matériaux pour semi-conducteurs. Sur le deuxième trimestre de 2020, la société a réalisé des ventes à hauteur de 4 milliards d’euros et enregistré un bénéfice net de 1 milliard. Elle espère faire mieux encore dans les mois à venir. Fondée en 1984 par Philips et le fabricant de puces électroniques ASML, la société partie de presque rien compte, aujourd’hui, 60 implantations dans 16 pays et 28 000 employés. Ici « les possibilités d’emploi sont infinies », commente-t-on au gigantesque siège central de Veldhoven, près d’Eindhoven.

Toutes les entreprises néerlandaises n’atteignent sans doute pas les performances de la société présidée par Peter Wennink. Mais la plupart d’entre elles connaissent un redémarrage foudroyant. Au deuxième trimestre, l’économie du royaume a progressé de 9,7 % par rapport à la même période de 2020, évidemment marquée par la pandémie de Covid-19. Mais c’est bel et bien le chiffre le plus élevé depuis la fin de la seconde guerre mondiale et « c’est clairement plus que dans les autres pays de l’Union », confirme Peter Hein van Mulligen, économiste en chef du Bureau central de statistiques.

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Le taux de croissance sur l’année pourrait avoisiner 4 %. La consommation des ménages a, elle, grimpé de 5,7 % depuis le début de l’année, de plus de 12 % par rapport à 2020. Quant au chômage, il est retombé à quelque 3 %. Et la bourse d’Amsterdam nageait, jeudi 23 septembre en pleine euphorie : son index a franchi, pour la première fois, les 800 points et a connu une progression de 28 % depuis janvier.

Constats étonnants

Même le prévisionniste le plus optimiste n’avait pas tablé sur une telle situation, indique Cees Oudshoorn, le directeur général de VNO-NCW, qui regroupe quelque 3 000 entreprises. Le vrai souci des patrons c’est, à nouveau, de trouver de la main-d’œuvre. Il en manque dans le bâtiment, les hôpitaux, les chemins de fer, les commerces, le secteur technologique, l’industrie en général et la santé (où un mouvement de grève se prépare), explique M. Oudshoorn. Sans parler des cafés et des restaurants, dont beaucoup adaptent leurs horaires d’ouverture en raison du manque de personnel, alors que beaucoup connaissent des problèmes de liquidités et protestent contre la fin, toute proche, des aides publiques. Dans ce pays où, après des hésitations, l’usage du passe sanitaire a été récemment étendu, le secteur de l’événementiel tire, lui aussi, encore la langue.

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Les subtilités de l’assurance des salariés en télétravail

Avec près de 2 000 accords télétravail signés au sein des entreprises en France en 2020, les employeurs sont de plus en plus nombreux à s’interroger sur la couverture des salariés qui travaillent à leur domicile. Quelle assurance intervient si le salarié casse l’ordinateur prêté par son employeur ? Que se passe-t-il si le collaborateur a un accident chez lui pendant ses heures de télétravail, ou si des données sensibles fuitent de l’ordinateur personnel du salarié ?

Ce nouveau créneau commence à intéresser les « assurtech ». Dénonçant un « cadre réglementaire et assurantiel encore quasi inexistant », Assurup a lancé en septembre « la toute première assurance télétravail » à destination des employeurs, pour couvrir les entreprises contre les pertes financières pouvant leur être reprochées dans le cadre du télétravail. Mais les assureurs traditionnels se sont aussi adaptés à la généralisation de ce mode de travail.

En vérité, les modalités de couverture des salariés à distance diffèrent peu de celles des salariés en présentiel ou en déplacement. « Le télétravail est seulement une modalité de l’organisation du travail », souligne André Choquet, directeur clientèle privée au sein de la société de courtage en assurances Vespieren. Contrairement aux travailleurs indépendants exerçant leur activité à domicile, les salariés en télétravail demeurent sous la responsabilité de leur entreprise. C’est globalement à l’employeur de couvrir les risques liés au télétravail et de faire une déclaration à son assurance afin de négocier d’éventuelles extensions de garanties.

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Si le salarié cause un accident à un tiers pendant les heures de télétravail, la situation est comparable à celles des salariés en déplacement. A partir du moment où cet accident est causé pendant ses heures de travail, sauf dans certains cas exceptionnels, « c’est l’assurance responsabilité civile professionnelle de l’employeur qui indemnise les dommages causés par les salariés pendant leurs heures de télétravail », indique Ismaël Taifouri, expert en droit des sociétés chez SVP, un groupe de conseil des dirigeants et des fonctions RH. L’entreprise se doit toutefois de signaler à son assureur le télétravail de ses salariés.

En matière d’accident du travail, un salarié en télétravail demeure couvert au même titre qu’un salarié exerçant en entreprise. « L’accident survenu sur le lieu où est exercé le télétravail pendant l’exercice de l’activité professionnelle du télétravailleur est présumé être un accident de travail au sens de l’article L. 411-1 du code de la sécurité sociale », précise bien le code du travail.

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« Laisser mariner le DRH a été une revanche sur tous les refus que je me suis pris » : ces candidats à l’embauche qui se sont volatilisés

Dans la dernière ligne droite, à quelques heures de la signature du contrat, ils se volatilisent. D’autres ne font que quelques tours de piste sur moquette avant de prendre la poudre d’escampette. Sans tambour ni trompette, d’un coup, sans prévenir ni se retourner. Candidats en cours de recrutement comme salariés récemment embauchés, ils sont de plus en plus nombreux à se transformer en fantômes, abandonnant leur futur employeur ou leur emploi sans même un message ou un coup de fil.

On connaissait le phénomène du ghosting (de l’anglais ghost, fantôme) sur les applications de rencontres, voilà qu’il touche le monde du travail. Pendant longtemps, se faire planter du jour au lendemain a fait partie des risques du métier dans les secteurs dits difficiles de la restauration, du bâtiment, ou des services à la personne. « Quelques jours et puis s’en vont », résume Georges, artisan plombier près de Nancy. « C’est rare d’avoir une explication mais quand c’est le cas, les mêmes raisons reviennent : ils ont trouvé mieux, plus près, mieux payé, moins fatigant. »

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Aujourd’hui, la pratique s’étend à une population de cadres, qui jusqu’à récemment respectaient le pas de deux avec les entreprises. Pas de données chiffrées sur la tendance mais, sur le terrain, les professionnels confirment (sous le couvert de l’anonymat le plus souvent) une diffusion de la disparition soudaine, en particulier chez les moins de 35 ans. « Nous nous sommes habitués à ne pas avoir de retour quand nous sollicitons des candidats, concède Hymane Ben Aoun, fondatrice d’Aravati, un cabinet de chasseurs de têtes spécialisé dans les profils high-tech. C’est plus surprenant quand on a commencé une vraie discussion, voire signé un contrat comme cela arrive parfois. » Il y a peu, après quinze jours de silence radio, un consultant avec une dizaine d’années d’expérience ne s’est pas présenté le jour de son embauche. « Il a semble-t-il été retenu par son entreprise, mais n’a pas songé à nous avertir. »

Inversion du rapport de force

Certains se défilent après avoir mis un pied dans leur boîte. Patrick Barrabé, conférencier et consultant en stratégie d’entreprise, se rappelle ainsi cette recrue, embauchée après deux longs mois de recherches au service marketing d’une société de distribution. Présentée à l’ensemble des équipes, elle n’est pas réapparue le lendemain. « On l’a retrouvée quelque temps après sur LinkedIn, en poste ailleurs. »

« C’est une problématique qui monte, particulièrement dans la tech où le turnover avoisine les 20 %, confirme Aude Barral, cofondatrice de CodinGame, un site de programmation informatique, qui a aussi une activité de recrutement. Les rapports de force sont alors bien souvent inversés. Ce sont les candidats qui décident ou non de donner suite aux messages. » Dans ce secteur où, selon l’enquête semestrielle de juillet 2021 de Numeum, le syndicat professionnel des entreprises du numérique, « 95 % des recrutements ont déjà été relancés dès début 2021, pour répondre à la forte croissance attendue », l’ère post-Covid ressemble furieusement au monde d’avant. Avec les mêmes difficultés, voire davantage, pour trouver la perle rare. « En 2020, nombre d’entreprises ont gelé leurs recrutements. Parallèlement, pendant la crise, le seul levier de croissance a été le digital, décrypte Mme Ben Aoun, d’Aravati. Résultat, aujourd’hui tout le monde veut accélérer sur les projets de transformation Internet et recherche les mêmes compétences », poursuit la dirigeante, qui observe une hausse de 25 % des offres d’emploi par rapport à 2019.

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Recyclage : « Nous appelons les pouvoirs publics à conserver le pilotage de la gestion des déchets »

Tribune. La France et ses voisins européens se sont engagés à atteindre la neutralité carbone en 2050. Tenir cet objectif ambitieux aura un coût. Une question se pose : qui va payer ? Personne n’a encore trouvé la réponse mais chacun s’accorde sur une évidence : la transition écologique sera sociale et solidaire ou ne sera pas.

Ce constat, les structures Emmaüs, Ressourceries et recycleries le partagent et le font vivre depuis déjà plus de soixante-dix ans. Ces structures donnent une seconde vie aux objets dont nos concitoyens ne veulent plus, en les réparant, en les nettoyant et en les revendant à prix solidaires, accessibles à tous, grâce aux dons qu’elles reçoivent.

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Ainsi 300 000 tonnes de déchets évités et d’objets sont réutilisés chaque année ! Ces organismes non lucratifs, reposant sur une « économie du don », représentent, selon l’Ademe, plus de la moitié des acteurs du réemploi en France et 63 % des emplois de ce secteur. En zone urbaine, rurale ou périphérique, ils offrent des lieux d’insertion par le travail, d’accueil et de dialogue avec les plus fragiles. Ils ont ainsi créé plus de 40 000 emplois non délocalisables.

Une contribution à une politique du réemploi

Depuis, la seconde main est devenue l’une des tendances fortes de la consommation à tel point que les grands magasins lancent aujourd’hui des espaces dédiés aux produits vintage. Les plates-formes de revente entre particuliers et autres sites de vente en ligne proposant des produits reconditionnés sont aussi en plein boom ces dernières années.

Si ces initiatives contribuent pleinement à une économie du réemploi, elles ne revendiquent pas être solidaires : leurs activités sont à but lucratif, les objets ne sont pas donnés mais bien vendus par leurs propriétaires, les tarifs ne sont pas accessibles à tous, et leur siège social n’étant pas forcément en France, leurs emplois ne le sont pas non plus.

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Face à cette évolution, la loi relative à la lutte contre le gaspillage et à l’économie circulaire s’est emparée du sujet. Votée en 2020, elle prévoyait un mécanisme de financement dédié aux acteurs du réemploi solidaire, afin de leur garantir les moyens de poursuivre et de développer leurs missions de solidarité et d’inclusion, nécessairement non lucratives.

Une loi détournée de ses objectifs solidaires

Elle prévoyait en particulier d’augmenter la part du financement que les industriels, fabricants et distributeurs de produits neufs doivent engager dans la gestion de la fin de vie de leurs produits en faveur du réemploi. A la clé : des milliers d’emplois locaux non délocalisables et un accès à tous à une consommation responsable à bas prix. La loi Climat et résilience entérinait d’ailleurs en juillet que ces financements dédiés au réemploi seraient fléchés vers les seules structures de l’économie sociale et solidaire.

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Louis Maurin : « Pour lutter contre les inégalités, il faut cibler les 20 % les plus aisés »

« Toujours plus ! », s’exclamait, au début des années 1980, le journaliste François de Closets dans un livre à succès documentant l’accumulation des inégalités. Pourquoi reprendre sa formule aujourd’hui pour votre nouvel essai, « Encore plus ! » ?

Louis Maurin : A l’époque, la crise ne faisait que ses premiers pas : les classes aisées s’enrichissaient plus que les autres, mais la distribution des revenus augmentait globalement. Quatre décennies plus tard, le chômage et la précarité se sont installés dans la société, avec un tournant à partir des années 2000. Alors que les plus aisés continuent de s’enrichir, une partie des classes populaires est mise au régime.

Depuis la crise de 2008, cette stagnation concerne aussi les classes moyennes. Le choc est redoutable, c’est un peu comme lorsqu’on s’arrête net en voiture sans avoir la ceinture : on prend la vitre. La stagnation des revenus pour les classes basses et moyennes nourrit de fortes tensions, ravivées par le contexte d’incertitude croissante sur les revenus et la précarité galopante, pour les jeunes notamment.

Ces derniers se retrouvent dans une situation paradoxale : alors qu’on affirme valoriser, dans le monde professionnel, l’autonomie et la responsabilité, ils sont dans une position de forte soumission par rapport à l’autorité, avec des travailleurs des applications qui sont désactivés par l’algorithme s’ils mettent trop de temps à livrer leur colis.

Pourquoi est-il important de rappeler que les privilégiés en France ne se limitent pas à la frange des super-riches ?

La constitution de fortunes colossales est indécente. La voracité des 1 % des plus riches est sans fin. Mais se focaliser sur une frange très étroite de la population, c’est se défiler de la solidarité. Pour lutter contre les inégalités, il faut cibler les 20 % les plus aisés, ceux qui touchent plus de 2 600 euros net par mois pour une personne seule après impôts. C’est la France des cadres supérieurs et des diplômés des bonnes écoles, la bourgeoisie économique et culturelle qui refuse de voir ses privilèges.

De l’autre côté du spectre, il ne faut pas tomber dans le misérabilisme. La France populaire est constituée d’ouvriers, d’employés dans les services, de personnes qui n’ont pas eu accès aux études, il s’agit d’une France majoritairement féminine qui écope des emplois les plus difficiles. Ces personnes ne sont pas en détresse, mais leur mode de vie est très éloigné de celui de la bourgeoisie économique et culturelle.

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LVMH prévoit d’embaucher 25 000 jeunes en un an dans le monde

Le patron de LVMH, Bernard Arnault, à Paris, le 28 janvier 2020.

Les annonces de recrutement pleuvent chez les « épargnés » de la crise liée au Covid-19. Amazon a indiqué, mardi 14 septembre, vouloir embaucher 125 000 personnes dans ses entrepôts ou dans le transport aux Etats-Unis. Et, mercredi 22 septembre, le numéro un mondial de la vente en ligne a révélé son intention d’engager 12 000 saisonniers en France pour la période de fin d’année. Fedex, le spécialiste de l’acheminement de colis, autre secteur en plein essor depuis le début de la pandémie, table, lui, sur 90 000 recrutements à l’approche des fêtes de fin d’année outre-Atlantique.

A son tour, LVMH entre dans la danse. Le numéro un mondial du luxe, dont les ventes ont crû de 56 % au premier semestre 2021 par rapport à 2020, a levé le voile, mercredi, sur son plan de recrutement de jeunes de moins de 30 ans – « ceux qui ont le plus souffert financièrement de la crise du Covid-19 », fait valoir Chantal Gaemperle, directrice des ressources humaines et synergies du groupe qui emploie 160 000 personnes dans le monde.

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La firme qui détient 75 marques, dont Louis Vuitton, Moët Hennessy et Sephora, « prévoit de recruter 25 000 jeunes de moins de 30 ans dans le monde d’ici à fin 2022 ». Environ 20 % de ces embauches concerneront l’Europe. En France, le groupe de luxe promet, toujours aux moins de 30 ans, près de 5 000 contrats de stage et d’apprentissage et 2 500 contrats à durée indéterminée. Pour 2021, il avait déjà annoncé envisager de créer 9 500 postes en contrats à durée déterminée ou indéterminée « quel que soit l’âge du recruté ».

« Une question de survie »

LVMH ambitionne ainsi d’augmenter de 20 % le nombre de recrutements de jeunes dans le monde par rapport à 2019. Il s’agira de les former aux métiers de la création, de la fabrication et de la vente. « C’est une question de survie », affirme la directrice des ressources humaines. Bien qu’elle soit la coqueluche des étudiants en université et en école de commerce – depuis seize ans, LVMH se classe en tête du palmarès Universum des sociétés les plus plébiscitées par ce public –, l’entreprise dirigée par Bernard Arnault est confrontée à « une pénurie générale de talents », notamment dans les métiers du cuir et de la maroquinerie ou de la vente en magasin. Le phénomène concerne l’ensemble du secteur français du luxe, rappelle Mme Gaemperle.

Afin d’y remédier, le groupe continue de promouvoir ses métiers lors de manifestations, dont le 19 octobre lors d’un show au théâtre des Champs-Elysées, et en ligne, notamment sur sa plate-forme éducative, insidelvmh.com. Parallèlement, au sein de son Institut des métiers d’excellence, il forme des apprentis, en partenariat avec 24 écoles dans le monde, dont l’Institut français de la mode, à Paris, et les Compagnons du devoir. La promotion 2021 concerne 330 apprentis.

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Après le suicide d’un cardiologue, l’AP-HP et quatre responsables de l’hôpital Georges-Pompidou mis en examen pour « harcèlement moral »

L’hôpital européen Georges-Pompidou.

Le 17 décembre 2015, le professeur Jean-Louis Mégnien, cardiologue à l’hôpital européen Georges-Pompidou, se jetait par la fenêtre du septième étage de son lieu de travail. Ce suicide par défenestration avait déclenché une vive émotion dans la communauté hospitalière et mis en lumière la souffrance au travail des médecins.

Au cours des cinq ans d’une instruction menée dans la plus grande discrétion, l’Assistance publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), l’ancienne directrice de l’hôpital, Anne Costa, et trois professeurs – alors responsables hiérarchiques du cardiologue – ont été mis en examen pour « harcèlement moral ». Deux juges d’instruction ont ordonné le 30 juillet leur renvoi devant le tribunal correctionnel, a-t-on appris mercredi 22 septembre de sources proches du dossier, information confirmée par une source judiciaire.

L’épouse du cardiologue avait déposé plainte auprès du parquet de Paris, qui avait ouvert une enquête préliminaire puis une information judiciaire le 19 février 2016. Plusieurs des collègues de ce père de cinq enfants qui venait de reprendre le travail après neuf mois d’arrêt maladie avaient rapporté qu’il était victime de harcèlement de la part de sa hiérarchie et qu’un avertissement quant à la souffrance de ce médecin n’aurait pas été pris en compte.

Lutte de clans et « dysfonctionnements »

A l’occasion de leur enquête, les policiers de la Brigade de répression de la délinquance contre la personne (BRDP) ont mis au jour des accusations de lutte de clans au sein du prestigieux établissement hospitalier situé dans le 15e arrondissement de la capitale.

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Une enquête interne menée par la direction de l’AP-HP, puis une synthèse de l’Inspection générale des affaires sociales (IGAS), saisie par la ministre de la santé de l’époque, Marisol Touraine, avaient relevé des « dysfonctionnements » et des « manquements » dans la gestion du conflit entre le Pr Mégnien et certains de ses collègues.

La mission de l’IGAS listait « cinq manquements de portée inégale » dans le traitement du conflit qui avait débuté en 2012, l’année où M. Mégnien avait vu lui échapper le poste de chef de service du centre de médecine préventive cardio-vasculaire, qu’il estimait lui avoir été promis. Au fil des mois, le praticien hospitalier avait progressivement fait l’objet d’une « mise à l’écart médicale », relevait l’IGAS. Un médecin senior de l’hôpital décrivait ainsi au Monde en janvier 2016 la « descente aux enfers » vécue par son confrère, les infirmières et secrétaires du service ayant par exemple reçu pour consigne de ne pas lui adresser la parole.

Dans son rapport, l’IGAS constatait l’absence ou le retard dans le signalement et l’évaluation de cette situation à risque, l’absence d’alerte de la médecine du travail, l’absence de réunion avec l’ensemble des protagonistes ou encore la « non-structuration de la gestion du conflit » au sein de l’AP-HP et de l’université.

« Au-delà d’un drame humain, cette affaire est une triste illustration de l’instrumentalisation de la justice et d’une volonté acharnée et déraisonnable de vouloir tout pénaliser », a regretté Me Marie Burguburu, avocate d’un des professeurs. « C’est incompréhensible, les magistrats ont assimilé un chef de pôle d’un établissement hospitalier à un chef du personnel », a réagi Me Bernard Vatier, qui défend un autre médecin.

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Le Monde avec AFP