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Nobel d’économie 2021 : le triomphe de l’expérimentation face à la théorie

Présentation des lauréats du prix Nobel d’économie à Stockholm, le 11 octobre 2021.

Le 53e Prix de la Banque de Suède en sciences économiques à la mémoire d’Alfred Nobel, décerné lundi 11 octobre à David Card, Joshua Angrist et Guido Imbens, trois chercheurs travaillant aux Etats-Unis, acte le basculement de la science économique, à partir des années 1990, dans un « esprit nouveau », pour reprendre les termes de Yannick L’Horty, professeur à l’université Gustave-Eiffel (Paris-Est) : celui d’une science dominée par la théorie à une science basée sur l’expérimentation, plus conforme au modèle des sciences dites « dures », comme la physique ou la biologie.

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Autrement dit, plutôt que de construire des modèles théoriques d’explication des phénomènes économiques (comme la « théorie de l’équilibre général », la « théorie des contrats » ou la « théorie des incitations », etc.) et de les confronter aux comportements et aux terrains réels, l’approche expérimentale essaie de trouver, soit dans la réalité, soit dans une réalité créée pour les besoins de l’expérience, des terrains sur lesquels sont expérimentées des mesures économiques comme une hausse (ou une baisse) de revenus, de qualifications, de formation, d’impôts, de main-d’œuvre, etc.

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Comme pour le test d’un médicament en médecine, l’application de cette variable sur le terrain d’expérimentation est comparée avec un terrain « témoin » où elle n’a pas été appliquée (le « placebo » dans le cas du médicament), ce qui permet d’en mesurer les effets relatifs. Cette méthode est particulièrement utile pour évaluer les politiques publiques, que ce soit pour en mesurer les effets ou pour tenter de les prévoir en menant des expérimentations préalables.

« Expériences naturelles »

L’expérience la plus connue de David Card a été de mesurer l’effet de l’afflux massif de réfugiés cubains en 1980 sur le marché de l’emploi à Miami (salaires, types d’emploi, chômage) en comparant ce dernier à des marchés de l’emploi d’autres villes ayant au départ les mêmes caractéristiques que Miami mais n’ayant pas connu un tel afflux. En l’espèce, cette immigration massive n’avait fait ni baisser les salaires ni monter le chômage.

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Il s’agissait d’une « expérience naturelle », comme l’explique Marie-Claire Villeval, professeure à l’université de Lyon-Saint-Etienne, c’est-à-dire de deux terrains ayant réellement existé. Or, comme le souligne Mme Villeval, « les expériences naturelles posent des défis méthodologiques redoutables car, par définition, et à la différence des expériences de laboratoire et de terrain, elles sont rarement reproductibles ».

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Bercy relève la prévision de croissance en France à 6,25 % pour l’année 2021

Le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à Paris, le 22 septembre 2021.

Conséquence d’une reprise économique plus dynamique qu’anticipé, le gouvernement a relevé, lundi 11 octobre, sa prévision de croissance pour 2021 à 6,25 % – elle était précédemment de 6 % –, s’alignant ainsi sur les prévisions de la plupart des grandes institutions.

« La croissance est forte, elle est solide, elle est dynamique. Nous réviserons donc la prévision de croissance pour 2021, de 6 à 6,25 %. Nous retrouverons en décembre 2021 le niveau d’activité d’avant-crise », a annoncé le ministre de l’économie et des finances, Bruno Le Maire, à l’Assemblée nationale. Les députés y entamaient, lundi après-midi, l’examen du dernier budget du quinquennat.

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Le gouvernement s’aligne ainsi sans surprise sur la prévision de l’Insee et se rapproche de celles de l’Organisation de coopération et de développement économiques et de la Banque de France (chacune à 6,3 %) publiées en septembre. Dans un point de conjoncture, publié lundi, la Banque de France estime que l’activité « se situerait en octobre presque à 100 % de son niveau d’avant-crise ».

Le taux de chômage pourrait retomber à 7,6 %

Ce rebond de l’économie française survient après une récession historique en 2020 du fait de la crise sanitaire, qui a provoqué une chute de 8 % du produit intérieur brut. Si le gouvernement affichait une volonté de « prudence » jusqu’ici, le succès de la campagne de vaccination et la mise en place du passe sanitaire cet été, qui n’a pas eu d’effets importants sur l’activité, lui permettent désormais de revoir légèrement ses ambitions.

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Après un début d’année 2021 atone, du fait du maintien des restrictions sanitaires, l’activité est fortement repartie depuis la mi-mai. Elle devrait désormais retrouver d’ici à la fin d’année son niveau de la fin de 2019, avancent les économistes comme le gouvernement. Outre un rebond mécanique avec la réouverture de nombreuses activités, Bruno Le Maire y voit aussi le succès de « la politique économique » du gouvernement, des mesures de soutien au plan de relance, en passant par les choix économiques d’avant-crise.

Signe révélateur mis largement en avant par l’exécutif ces dernières semaines : l’emploi se situe à des niveaux inédits. Le taux de chômage pourrait retomber à 7,6 % au troisième trimestre, du jamais-vu depuis la crise financière de 2008.

Nouveaux investissements avec le plan France 2030

Alors que le risque sanitaire semble s’éloigner pour l’instant, Bruno Le Maire a relevé trois nouveaux dangers pour l’économie française, dont le risque de conflit « exacerbé » entre les nations, qui doit conduire la France et l’Europe à reconstruire leur « indépendance », notamment industrielle. Emmanuel Macron présentera mardi dans cette optique un plan d’investissement, baptisé « France 2030 », qui vise à financer le développement de technologies et de secteurs porteurs (hydrogène, biotechnologies, espace, nucléaire, etc.).

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Les autres risques pointés par le ministre de l’économie sont l’inflation, dont la poussée, tirée par les prix de l’énergie, grève le pouvoir d’achat des Français, et les difficultés de recrutement croissantes dans un certain nombre de secteurs (restauration, bâtiment, etc.). « Le plein-emploi, nous pouvons y arriver sous deux ans », a affirmé Bruno Le Maire devant les députés, dans un discours aux accents de campagne électorale, à six mois de l’élection présidentielle.

Il a aussi défendu le sérieux budgétaire du gouvernement, malgré l’explosion de la dette publique et du déficit durant la crise. Ce dernier, attendu jusqu’ici à 4,8 % du PIB l’an prochain (après 8,4 % cette année), devrait finalement avoisiner 5 %. Le gouvernement doit encore prendre en compte les dépenses engendrées par le plan France 2030, le futur revenu d’engagement promis pour les jeunes, que le gouvernement peine à concrétiser, et les mesures de compensation face à la hausse des prix de l’énergie.

Le Monde avec AFP

Le Nobel d’économie attribué à un trio de spécialistes de l’économie expérimentale

Le prix Nobel d’économie a récompensé lundi 11 octobre trois spécialistes de l’économie expérimentale, le Canadien David Card, l’Américano-Israélien Joshua Angrist et l’Américano-Néerlandais Guido Imbens.

Le trio « nous a apporté de nouvelles idées sur le marché du travail et montré quelles conclusions peuvent être tirées d’expériences naturelles », a salué le jury Nobel. Les expériences naturelles, aussi appelées expériences involontaires, sont des études menées à partir de situations réelles – et non en laboratoire, dans des espaces contrôlés. Elles tirent ainsi parti des événements politiques ou économiques qui touchent une partie aléatoire de la population.

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Economie expérimentale

Le Canadien David Card, né en 1956, est ainsi récompensé « pour ses contributions empiriques à l’économie du travail ». A l’aide d’expériences naturelles, Card a analysé les effets du salaire minimal, de l’immigration et de l’éducation sur le marché du travail. « Ses études du début des années 1990 ont remis en question les idées reçues, ce qui a conduit à de nouvelles analyses et à de nouvelles perspectives », selon le jury Nobel. Les résultats de ses recherches ont notamment montré que l’augmentation du salaire minimal n’entraîne pas nécessairement une diminution des emplois.

L’économiste de Berkeley (Californie) s’était notamment penché sur l’« exode de Mariel » : en 1980, 125 000 Cubains expulsés par le régime de Fidel Castro par le port de Mariel se sont installés aux Etats-Unis, dont près de la moitié à Miami. L’économiste a étudié comment la ville de Floride a « absorbé » cet afflux, en comparant l’évolution des indicateurs économiques avec ceux de quatre autres villes témoins. Résultat ? Ce choc migratoire n’a pas fait exploser le chômage, ni fait plonger les salaires, selon lui.

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Apports méthodologiques

L’Américano-Israélien Joshua Angrist, 61 ans, et l’Américano-Néerlandais Guido Imbens, 58 ans, ont, eux, conjointement été récompensés « pour leurs contributions méthodologiques à l’analyse des relations de cause à effet ». Au milieu des années 1990, ils ont réalisé des percées méthodologiques en permettant de tirer des conclusions solides sur les causes et les effets pouvant être tirés d’expériences naturelles, par exemple en matière d’éducation.

Ils ont ainsi pu conclure qu’une année supplémentaire d’étude faisait augmenter en moyenne le salaire de 9 %, ou encore que les Américains nés en dernière partie d’année faisaient de meilleures études.

Joshua Angrist, accompagné d’Adriana Kugler, avait notamment montré en 2003 que le chômage augmentait d’autant plus fortement que les institutions du marché du travail et du marché des biens et services sont rigides, en étudiant l’immigration yougoslave des années 1990 en Europe.

Peu de lauréates

Parfois qualifié de « faux Nobel », le « prix de la Banque de Suède en sciences économiques à la mémoire d’Alfred Nobel » a été créé par la banque centrale suédoise plus de soixante ans après les cinq autres (médecine, physique, chimie, littérature et paix).

Avec seulement deux lauréates parmi les désormais 89 récipiendaires du prix (l’Américaine Elinor Ostrom en 2009 et la Française Esther Duflo dix ans plus tard), soit 97,7 % d’hommes sur le total, il est le moins féminin des six, alors même qu’il a un demi-siècle de moins que les autres prix. Il est aussi largement monopolisé par des économistes américains : il faut remonter à 1999 pour une année sans que les Etats-Unis aient eu un lauréat en économie. L’an passé, le prix avait ainsi récompensé les Américains Paul Milgrom et Robert Wilson, deux experts des enchères dont les travaux novateurs ont notamment servi aux attributions des fréquences télécom.

L’économie vient clore une saison Nobel marquée notamment par le prix de la paix à deux journalistes d’investigation, la directrice du média philippin Rappler, Maria Ressa, et le rédacteur en chef du journal russe Novaïa Gazeta Dmitri Mouratov.

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Le Monde

Les « nouveaux vulnérables », ces quatre millions de Français fragilisés par la crise

La France semble sortir de la pandémie et de ses conséquences économiques, la reprise de l’activité est vigoureuse, chômage et pauvreté reculent, le pouvoir d’achat s’améliore mais tous les Français ne sortent pas indemnes de ces deux ans de crise qui auraient fragilisé quatre millions d’entre eux.

C’est l’une des conclusions que tire le Centre de recherche pour l’étude et l’observation des conditions de vie (Crédoc) d’une enquête originale menée en ligne auprès d’un échantillon représentatif de 3 202 personnes, du 4 au 21 mai, et à paraître mardi 12 octobre.

Avec le soutien financier de la Fondation Sanofi Espoir et en partenariat avec plusieurs associations, dont Emmaüs Convergence, et des chercheurs, le Crédoc a lancé l’Institut vulnérabilités et résiliences et dressé un premier état des lieux au sortir de la crise sanitaire, s’appuyant aussi sur ses enquêtes menées trois fois par an, depuis 1978, sur les conditions de vie des Français.

Une bénévole du Secours populaire accueille une nouvelle bénéficiaire, à Châtellerault (Vienne), le 7 octobre.

Selon l’étude à paraître, 31 % des personnes interrogées se sentent, aujourd’hui, en situation de vulnérabilité, soit 10 points de plus qu’en 2018, et le quart d’entre elles attribuent cette situation à la crise du Covid-19. En extrapolant ce résultat à l’ensemble de la population, ce sont donc 8 % des personnes de plus de 15 ans, soit quatre millions de Français, qui ont, ces deux dernières années, basculé dans une situation préoccupante à plusieurs titres (emploi, finance, santé, logement) aggravée par l’isolement.

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La première manifestation est, bien sûr, professionnelle, avec 42 % de ces « nouveaux vulnérables », comme les désigne le Crédoc, pour qui l’accès à l’emploi est difficile : 34 % sont en contrat à durée déterminée, contre 16 % des non vulnérables, et 14 % sont au chômage, contre 6 % des autres. L’étude précise : « Ce sont des actifs jeunes, travaillant plutôt dans le privé (74 %) notamment les secteurs du commerce, de l’hébergement-restauration, des activités culturelles et des services aux ménages, peu diplômés puisqu’un sur deux n’a pas le baccalauréat et, le plus souvent, chargés de famille. Cette précarité concerne en majorité des Franciliens (21 %) et des habitants de villes de plus de 100 000 habitants (34 %). »

Précarité sanitaire

Parmi les autres enseignements de cette enquête : 61 % estiment que leur situation financière s’est dégradée à cause de la crise, contre 24 % en population générale, et cela en dépit des soutiens de l’Etat, par exemple au chômage partiel.

Cela se manifeste par la difficulté à payer ses factures, d’électricité (22 % contre 7 % pour les autres), d’abonnements téléphoniques et à Internet (20 % contre 5 %), d’honorer leur loyer ou de rembourser un emprunt immobilier (18 % contre 4 %), d’acquitter leurs impôts (18 %), leur assurance habitation ou véhicule (17 %), de régler les frais de scolarité (17 %).

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L’argot de bureau : la « performativité », ou le pouvoir des effets d’annonce

« Vous êtes viré, Jean-Kévin ! » « Madame, j’ai le regret de vous annoncer que, malgré l’évidente qualité de votre CV, nous ne pouvons donner suite à votre candidature. » Quelquefois, les phrases font mal dans le monde du travail : lorsqu’elles annoncent un changement ou une évolution professionnelle, elles sont souvent « performatives ».

Il faut se tourner vers la linguistique pour trouver les origines de la « performativité ».

Le terme est inventé par le linguiste anglais John Austin (1911-1960), qui développe la théorie des actes de langage performatifs (« performative ») : pour lui, certains discours créent, par le simple fait de les énoncer, une réalité. C’est, par exemple, un maire qui agit en une fraction de seconde sur la situation fiscale de deux administrés en les déclarant « mari et femme ». Le titre du livre d’Austin est d’ailleurs très clair : How to do things with words (1962), comment faire des choses avec des mots.

Des chercheurs puis des dirigeants zélés ont transposé le concept au management, en se demandant comment l’énonciation d’un mode d’organisation du travail peut effectivement changer le travail à long terme. C’est Charles-Edouard, ce « chief executive officer » d’une start-up innovante, qui propose un management révolutionnaire : désormais, chaque jour, chaque salarié découvrira un nouveau métier, les comptables deviendront responsables marketing et inversement. Lors de son discours inaugural, ce « maker », comme il aime à s’appeler, entend « impacter » de manière « durable » la « vie en entreprise » et le « bien-être au travail ». Ce qu’il dit performera le monde… Ou pas.

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Une manière de voir le monde

Les exemples de modes et de mots du travail remués dans tous les sens ne manquent pas : au-delà du jargon, ces énoncés sont parfois réellement « performatifs », et influencent le comportement des salariés dans le sens qu’ils prédisent leur engagement futur.

En déclarant que sa filiale devient une « entreprise bienveillante », la directrice « développement durable » Marie-Christine espère susciter de l’engagement dans ses équipes, qui auront en tête ce mantra et travailleront pour appliquer ces bonnes intentions. Des chercheurs en gestion ont mis en évidence que le fait de parler de nouvelles technologies ou de coaching avait contribué à les normaliser en entreprise.

Plus largement, la multiplication des usages de la performativité rappelle la capacité du discours à imposer une manière de voir le monde… C’est le cas du traditionnel plan social édulcoré en « plan de sauvegarde de l’emploi », ou de la précarité énoncée ainsi : à l’avenir, les gens « occuperont de plus en plus d’emplois différents au cours de leur carrière ». La sociologue du travail Danièle Linhart parle de « tour de passe-passe sémantique » (La Comédie humaine du travail, Erès, 2015) pour évoquer ce mouvement qui fait porter par des mots nouveaux l’injonction à l’adaptation.

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« Les établissements d’enseignement supérieur doivent être réellement autonomes et responsables »

Pour insuffler « l’ambition collective et la confiance » qui manquent à la recherche, celle-ci a besoin de façon urgente de moyens et d’une gouvernance des établissements repensée et décentralisée, préconise Thierry Coulhon, le président du Haut Conseil de l’évaluation de la recherche et de l’enseignement supérieur, dans une tribune au « Monde ».

Le cumul emploi-retraite est-il possible avant 62 ans ?

Si vous souhaitez reprendre votre activité salariée chez le même employeur, il faudra attendre six mois, sinon votre pension de retraite de base sera suspendue jusqu’au septième mois.

Question à un expert

Si je prends une retraite anticipée pour carrière longue, pourrai-je quand même ensuite retravailler pour compléter mes pensions ?

Liquider vos droits à la retraite ne vous empêchera pas, dans la quasi-totalité des cas, de maintenir ou de reprendre une activité professionnelle. La question à se poser n’est pas tant celle de la possibilité de cumuler emploi et retraite que celle des conditions dans lesquelles on peut le faire.

Ainsi, si vous liquidez vos droits à la retraite dans le cadre d’un départ anticipé pour carrière longue avant l’âge légal de la retraite, 62 ans, vous serez soumis à des contraintes.

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La première vous concernera si vous souhaitez reprendre votre activité salariée chez le même employeur : il faudra attendre six mois, sinon votre pension de retraite de base sera suspendue jusqu’au premier jour du septième mois. Il n’y a pas de délai pour une reprise chez un autre employeur.

Seconde contrainte : le montant cumulé de votre nouvelle rémunération et de votre retraite ne devra pas dépasser votre ancienne rémunération (ou 160 % du smic, si c’est plus favorable). Si c’est le cas, le dépassement sera imputé sur le montant de votre retraite de base et le versement de votre complémentaire Agirc-Arrco sera suspendu. Une fois vos 62 ans atteints, la limitation disparaîtra.

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Vous pouvez éviter de subir ces contraintes en adoptant, pour votre reprise d’activité, un statut social et un régime de retraite différents de ceux qui étaient les vôtres auparavant. Par exemple en devenant microentrepreneur si vous étiez salarié.

« Le nouveau mode de calcul des allocations chômage met en place un système juste, efficace et cohérent »

Tribune. Depuis plusieurs mois, la réforme de l’assurance-chômage est l’objet de vifs débats. Un nouveau mode de calcul des indemnités de chômage, désormais en vigueur depuis le 1er octobre, se trouve au centre de ces tensions. Le système antérieur contredisait les principes d’équité et d’efficacité : les indemnités doivent refléter les cotisations versées et les règles de l’assurance-chômage ne doivent pas privilégier les contrats précaires.

Il aboutissait à une multitude de situations où l’allocation chômage était supérieure au revenu mensuel de la personne lorsqu’elle travaillait. Ainsi, le revenu mensuel pouvait plus que doubler en s’arrêtant de travailler et en s’inscrivant au chômage. La raison de cela était que le salaire journalier de référence, utilisé pour calculer l’indemnité journalière, ne prenait en compte que les jours sous contrat de travail.

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Prenons l’exemple d’une personne qui avait travaillé une semaine par mois pendant deux ans en multipliant les contrats de travail à durée déterminée (CDD) de 35 heures par semaine. Alors que cette personne n’avait travaillé que sept jours par mois, son allocation mensuelle était égale à l’indemnité journalière multipliée par le nombre de jours du mois. Cette allocation mensuelle était ainsi près de trois fois plus élevée que son revenu mensuel passé !

Une précarité financée par la collectivité

Une personne ayant également travaillé 35 heures par mois sur la même période, mais à temps partiel en contrat de travail à durée indéterminée (CDI), avait droit à une allocation quatre fois plus faible que celle enchaînant des CDD. Ces inégalités de traitement entre des personnes qui avaient travaillé le même nombre d’heures étaient très répandues. Accepteriez-vous de toucher la même retraite au bout de quarante ans de travail que quelqu’un ayant occupé le même emploi une année sur quatre seulement ?

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Un autre ingrédient alimentant la précarité des emplois résidait dans la manière dont le dispositif dit de « l’activité réduite » permettait aux demandeurs d’emploi de cumuler allocation chômage et revenus du travail. Dans ce dispositif, une personne qui travaillait les quinze premiers jours du mois et s’inscrivait à Pôle emploi pour les quinze derniers jours obtenait un revenu presque aussi élevé que si elle avait travaillé tous les jours du mois. Et, par la vertu des « droits rechargeables » qui permettent d’acquérir de nouveaux droits, cette situation pouvait se prolonger quasi indéfiniment.

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En toute logique, ce système, combiné à l’absence de bonus-malus pour les employeurs, a poussé à la précarité financée par la collectivité, c’est-à-dire in fine par les salariés à temps plein. Il a favorisé l’explosion des contrats de travail d’une durée inférieure à un mois : leur nombre a doublé en quinze ans. Il a aussi considérablement dégradé la situation financière de l’Union nationale interprofessionnelle pour l’emploi dans l’industrie et le commerce (Unedic), dont la dette a crû de 21 milliards entre 2010 et 2015, et a continué à augmenter de 7 milliards de 2016 à 2019 alors que le chômage diminuait.

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La Californie veut faciliter la prise de parole des victimes de harcèlement au travail

Le gouverneur de la Californie, Gavin Newsom, a promulgué une loi censée permettre aux victimes de harcèlement ou de discrimination au travail de s’exprimer librement, au lieu d’être réduites au silence par des clauses de confidentialité, très répandues aux Etats-Unis.

« C’est signé ! Les employés devraient toujours pouvoir parler, s’ils le désirent, quel que soit le type de harcèlement ou de discrimination subie au travail », s’est félicitée, jeudi 7 octobre, sur Twitter Connie Leyva, sénatrice démocrate de l’Etat et autrice de la nouvelle loi, qui entrera en vigueur en janvier 2022.

Baptisée Silenced No More (« Plus jamais réduit au silence » ), elle encadre plus strictement le recours aux NDA (pour non-disclosure agreement), ces « accords de non-divulgation », que les entreprises sont accusées d’utiliser à l’envi pour éviter les scandales.

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Les géants de la technologie visés

Certains NDA seront désormais interdits : ceux qui empêchent les salariés de s’exprimer sur des actes illégaux commis sur le lieu de travail, ce qui pourrait donc encourager les lanceurs d’alerte potentiels en Californie.

Surtout, ces accords passés sous le sceau du secret ne pourront plus être imposés aux victimes de harcèlement ou de discrimination en fonction de leur couleur de peau, leur religion, un handicap physique ou mental, une pathologie, leur statut familial, leur sexe, leur genre, leur identité de genre, leur âge, leur orientation sexuelle et d’autres critères. Ces victimes resteront toutefois libres de demander un NDA.

« Les travailleurs méritent mieux que d’être forcés de signer des accords qui protègent les coupables et font du mal aux victimes et à d’autres sur le lieu de travail », avait déclaré Connie Leyva dans un communiqué fin août.

Les défenseurs de cette loi visent en particulier les géants des technologies, accusés de recourir trop facilement à cette méthode en cas de litige – notamment parce qu’ils en ont les moyens financiers.

« Une arme courante dans l’industrie »

« C’est une arme courante dans l’industrie », assure un employé de Google, interrogé par l’Agence France-Presse (AFP), sous couvert d’anonymat.

Membre du Alphabet Workers Union, le syndicat constitué en début d’année par des employés du groupe, il voit dans la nouvelle loi un « grand pas en avant ». Car « les choses qui doivent changer ne changent que quand on braque les projecteurs dessus et quand on retire aux entreprises la possibilité de se servir des NDA pour dissimuler leurs mauvaises pratiques en termes de ressources humaines ».

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Il cite le cas d’Emi Nietfeld, une ingénieure ayant travaillé chez Google de 2015 à 2019 et qui a raconté en avril dans le New York Times comment les ressources humaines ne l’ont pas soutenue lorsqu’elle a fait part d’un problème de harcèlement sexiste. Après la parution de sa tribune, une pétition exigeant des changements a recueilli plus de 2 500 signatures. « Les représentants des ressources humaines n’ont pas dit oui à tout, mais on voit des évolutions dans leur façon de gérer les accusations de harcèlement », relate le salarié.

Les scandales de harcèlement sexuel ou de discrimination contre des minorités se sont multipliés ces dernières années dans la Silicon Valley, dans la foulée du mouvement #MeToo. Au point de conduire à des manifestations en personne, un mode d’action extrêmement rare dans des secteurs où les employés sont vivement encouragés à se méfier de la presse.

Reste le dilemme

En novembre 2018, de Singapour à la Californie, des milliers d’employés de Google avaient observé un arrêt de travail pour dénoncer la gestion du harcèlement sexuel au sein de l’entreprise. A la fin de juillet, environ 200 personnes ont dénoncé une culture du harcèlement sexiste et toxique devant le siège de leur employeur, l’éditeur américain de jeux vidéo Activision Blizzard.

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La libération de la parole après #MeToo a aussi conduit certains Etats à réécrire la législation sur les NDA, « trop souvent utilisés pour acheter le silence de quelqu’un », explique Lauren Topelsohn, avocate à New York et spécialiste de la question.

La nouvelle loi californienne arrive ainsi après un texte similaire approuvé il y a trois ans, aussi rédigé par Connie Leyva, concernant les agressions et le harcèlement sexuel.

Mais les NDA ont leur utilité pour toutes les parties impliquées, tempère Lauren Topelsohn. Quand une plainte est malhonnête ou diffamante, les accords secrets permettent aux entreprises d’éviter que d’autres abus similaires ne surgissent. Ils évitent aussi à des personnes accusées sans raison de devoir se défendre publiquement, continue-t-elle.

Et « pour les victimes de harcèlement qui font un procès à leur employeur, il peut être difficile de retrouver du travail. C’est malheureusement retenu contre vous », rappelle-t-elle. Malgré la nouvelle loi, les NDA pourraient donc conserver leur pouvoir de monnaie d’échange, car les victimes resteront face à un dilemme : le secret et l’argent, ou la prise de parole et les risques liés à cette publicité.

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Le Monde avec AFP