Archive dans 2021

Plan d’investissement : les partenaires sociaux veulent des précisions sur le volet formation

Pour construire « la France de 2030 », Emmanuel Macron a décidé de miser gros sur les « talents » : 2,5 milliards d’euros. Cet « investissement massif » figure parmi les principales annonces que le président de la République a faites, mardi 12 octobre, en dévoilant le plan d’investissement en faveur de l’économie tricolore. Cette somme sera consacrée à la formation sur de « nouvelles filières », a-t-il indiqué, en soulignant qu’il s’agit d’un « volet absolument clé » du projet de l’exécutif pour façonner de « très grands champions français », en particulier dans l’industrie.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Avec le plan France 2030, un Emmanuel Macron en campagne veut défendre « l’esprit de victoire et de conquête »

Si le montant de l’enveloppe est connu, de nombreuses questions subsistent sur son utilisation. Invitée de BFM-TV, Elisabeth Borne a seulement indiqué, mardi, que l’objectif est « de préparer les compétences de demain » pour des « secteurs stratégiques, dans lesquels on veut mettre le paquet », en citant « l’énergie, l’industrie, les transports décarbonés ». La ministre du travail a ajouté que le fait de vouloir « produire deux millions de véhicules électriques en France » d’ici une dizaine d’années constitue « un changement majeur » qui nécessite d’adapter les savoir-faire des salariés. Comment procéder ? « Ces formations, ce n’est pas le gouvernement qui va les inventer, a répondu Mme Borne. On va consulter, on va faire des appels à des consortiums dans lesquels on aura des organismes de formation, des branches professionnelles. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi France 2030 : près de la moitié des financements doivent servir à « décarboner » l’économie

Dans l’entourage de la ministre, on explique qu’une partie des crédits « sera allouée à la transformation et à la modernisation de nos outils de formation ». « Des projets seront sélectionnés via un appel à manifestation d’intérêts », complète-t-on. Sur les 2,5 milliards d’euros évoqués par M. Macron, environ 20 % pourrait être laissé à la main du ministère de l’enseignement supérieur, de la recherche et de l’innovation dans l’optique de développer des modules axés sur l’intelligence artificielle.

Reconversion des salariés

Plusieurs responsables syndicaux et patronaux accueillent favorablement ces arbitrages, tout en restant sur leur faim. « Nous manquons de précisions sur les intentions du gouvernement en matière de développement de compétences », confie Philippe Portier, secrétaire national de la CFDT. « Il faudra qu’on parle concrètement de formation, à un moment ou à un autre », renchérit Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière.

Le président de l’Union des industries et des métiers de l’industrie (UIMM), Eric Trappier, demande également des éclaircissements. « La reconstruction d’une industrie forte, moderne et d’excellence ne se fera pas sans les compétences », a-t-il dit dans un communiqué, mardi, en réitérant les « attentes » de son organisation sur les mesures relatives à « la reconversion des salariés, notamment pour en garantir la simplicité de mise en œuvre pour les entreprises ». Une allusion au dispositif « Transitions collectives », que le Medef a qualifié d’« usine à gaz » : lancé en début d’année, il peine à décoller, avec un peu moins de 80 bénéficiaires recensés à la mi-septembre par le ministère du travail.

Il vous reste 14.71% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Entre les salariés et leurs employeurs : un nouveau contrat de confiance

« L’entreprise reste un repère de confiance, une valeur refuge », constate Nicolas Narcisse, le vice-président de l’agence de communication Havas Paris, commentant l’étude « Salariés et entreprise : vers un nouveau contrat de confiance », menée par Havas Paris People et publiée le 1er septembre. « Cela est un peu contre-intuitif, reconnaît-il, mais alors qu’on pouvait craindre une fracture, la crise sanitaire semble au contraire avoir renforcé le lien entre les salariés et leur entreprise. Ceux-ci se sont sentis protégés et soutenus, tout en bénéficiant d’une plus grande liberté individuelle. »

« La crise a révélé plus qu’induit l’importance de cette thématique, explique Fabien Blanchot, professeur des universités et codirecteur de la chaire Confiance et management de l’université Paris-Dauphine. Le télétravail ne s’est pas accompagné d’une baisse de productivité. Il n’y a pas eu de dérives. Les entreprises ont fait le constat que les salariés étaient dignes de confiance, or plus on leur fait confiance, plus ils vont s’en montrer dignes. C’est un cercle vertueux. »

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Les entreprises confrontées à leurs salariés démotivés : « J’ai du mal à trouver du sens à mon métier tous les jours »

Le sujet est aussi à l’ordre du jour du côté des syndicats. Un Observatoire de la confiance en entreprise (OCE) a ainsi été lancé, le 10 septembre, par deux syndicats : l’UNSA Orange, qui estime la problématique « prioritaire », et la CFDT Orange.

Le déclic du confinement

Le déclic a eu lieu pendant le confinement. « Nous avons vécu une période de forte incertitude. Le télétravail a supposé l’autonomie qui, elle-même, a impliqué la confiance », raconte Pierre Vars, secrétaire général d’UNSA Orange. « Notre objectif n’est pas de mesurer la confiance, précise Jean-Michel Camin, ingénieur de recherche au sein du groupe et président de l’Observatoire, mais de savoir comment les salariés en appréhendent les différentes dimensions : le rapport à la marque, à l’organisation du travail, au management, aux représentants du personnel… La confiance est multidimensionnelle et évolutive. »

L’Observatoire se veut un outil de dialogue. « Nous voulons réaliser un travail collectif avec d’autres syndicats et d’autres entreprises, explique Pierre Vars. Ces échanges nous permettront de mieux comprendre les ressorts de la confiance et ainsi d’agir. » Un premier questionnaire de vingt-cinq questions devrait être adressé aux salariés d’Orange d’ici la fin octobre. L’approche se veut complémentaire des outils mis en place par les directions, par exemple les baromètres de climat social, les enquêtes de satisfaction, d’engagement…

Il vous reste 56.31% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le podcast « Au turbin ! » s’interroge sur la santé des télétravailleurs

Evoquer les effets du télétravail sur le management et les risques professionnels, en s’adressant à ceux qui y veillent au quotidien : c’est le choix fait par la sociologue Amandine Mathivet dans son podcast « Au turbin ! ». La série de quatre épisodes, « Attention danger télétravail ? », fait parler des acteurs qui scrutent les conditions de travail : des inspecteurs du travail, des médecins du travail et des syndicalistes reviennent sur la manière dont ils ont exercé leurs missions durant la période de télétravail massif et imposé, et comment ils ont réussi ou échoué à protéger ou rester en lien avec les salariés.

La productrice et réalisatrice de ce podcast mensuel sur la vie au travail dresse des portraits, et structure ce bilan de la période Covid en quatre étapes. Amandine Mathivet s’intéresse en premier lieu à l’inspection du travail et aux 2 000 agents de contrôle en France, qui se rendent dans les entreprises pour contrôler les employeurs, rappeler les règles et le droit. Carole et Aurore, toutes deux inspectrices du travail en Ile-de-France, déplorent le manque de considération du gouvernement durant la crise, qui a freiné leurs interventions de contrôle dans les Ehpad, en raison d’une pénurie de masques pour le personnel, et les a mobilisés par la suite, pour faire la chasse aux salariés qui se rendaient de nouveau sur leur lieu de travail.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Le monde du travail est devenu fou ! » : une plongée au chevet des salariés et de leur santé

Les inspecteurs du travail se sont surtout sentis démunis face à un télétravail total qui a subitement concerné un quart des salariés. Mais les accords d’entreprises ont manqué au bon fonctionnement des organes de contrôle. Le travail à distance a donné lieu à de nombreux facteurs de dégradation des conditions de travail – durée du travail augmentée, contrôles abusifs des manageurs, troubles musculo-squelettiques dus à un manque de matériel adapté, chocs psychologiques – que les inspecteurs n’ont pu constater.

Les nouvelles approches des médecins du travail

Les deux inspectrices interviewées pointent aussi du doigt les décisions unilatérales des directions d’entreprise, alors que les recommandations gouvernementales n’avaient pas de valeur normative : « La seule valeur normative qui prévaut c’est l’obligation d’évaluer tous les risques professionnels auquel est confronté un travailleur, et de les limiter. » Inexorablement, pourtant, l’employeur a moins affaire aux risques professionnels lorsque ses salariés ne sont pas sous ses yeux, et il est compliqué de faire reconnaître des accidents du travail sans témoins.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Salariat : « C’est maintenant le contrat psychologique qui prévaut dans la relation professionnelle »

Les inspectrices et la sociologue, qui invitent à inscrire les droits du télétravailleur dans le code du travail, pointent aussi la diversité des situations vécues : Carole et Aurore disent avoir été saisies de façon très contradictoire par des salariés qui ne télétravaillaient pas assez, car leur employeur les en a empêchés dès la sortie du premier confinement, ou d’autres au contraire télétravaillaient trop et se sentaient délaissés.

Il vous reste 52.16% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Pourquoi la France connaît-elle des pénuries de main-d’œuvre ?

Depuis fin septembre, les Britanniques peinent à s’approvisionner en carburant et en marchandises en tout genre, en raison d’une pénurie de chauffeurs routiers. La situation est tellement tendue que le gouvernement a dû faire appel à des chauffeurs étrangers, puis à l’armée, pour tenter de pallier cette pénurie de main-d’œuvre.

Le Brexit explique en partie cette situation, mais le Royaume-Uni n’est pas le seul pays à manquer sérieusement de main-d’œuvre – et le secteur des chauffeurs routiers n’est pas le seul concerné par cette pénurie.

Dans cet épisode du podcast « L’Heure du Monde », Jules Thomas, spécialiste des questions liées à l’emploi au Monde, explique comment la pandémie a aggravé le problème et pourquoi cette crise est un enjeu important à régler pour les gouvernements.

Un épisode produit par Cyrielle Bedu, réalisé par Amandine Robillard et présenté par Morgane Tual.

« L’Heure du Monde »

« L’Heure du Monde » est le podcast quotidien d’actualité du Monde. Ecoutez chaque jour, à partir de 6 heures, un nouvel épisode, sur Lemonde.fr ou sur Spotify. Retrouvez ici tous les épisodes.

En savoir plus sur le sujet :

L’espace des contributions est réservé aux abonnés.

Abonnez-vous pour accéder à cet espace d’échange et contribuer à la discussion.

S’abonner

Contribuer

Aigle rapatrie la fabrication de bottes en France

L’usine de Fonderies du Poitou installée à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne), le 17 juin 2021.

C’est un effet inattendu de la crise due à la pandémie de Covid-19. Les bottes de pluie connaissent un réel succès. Aigle observe que ses ventes de modèles en caoutchouc sont en hausse de 46 % depuis le début de 2021. « Le marché était en chute de 20 % en 2019 », rappelle Sandrine Conseiller, directrice générale de la marque de prêt-à-porter, filiale du groupe suisse Maus Frères.

Pourquoi un tel rebond ? Partout dans le monde, après des mois de confinement, « l’appel de la nature » s’est fait sentir, estime la dirigeante. L’envie de se promener dans de grands espaces a soutenu les ventes de produits de sports de plein air. Et elle a aussi incité les Français à chausser des bottes de caoutchouc. Quitte à les porter « en ville », un comportement dont les femmes raffolent, à en croire Mme Conseiller. Le parti pris d’acheter du made in France a poussé les consommateurs à choisir les modèles de la marque hexagonale. A tel point que son usine installée à Ingrandes-sur-Vienne (Vienne) peine à répondre à la demande actuelle.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi L’étoile pâlie d’Asos, ex-star de l’habillement en ligne

Le phénomène incite Aigle à rapatrier une partie de sa production de modèles pour enfants en France. Cette ligne est actuellement produite en Chine. Les premières paires de la French Lolly, un modèle vendu 65 euros, sont en train de sortir de son usine. « D’ici à 2023, 50 % de nos modèles de bottes pour enfants y seront produits », précise la dirigeante. Ce volume alimentera le marché européen de la marque, tandis que son fournisseur chinois continuera d’approvisionner les magasins asiatiques, qui représentent 50 % de son chiffre d’affaires.

280 millions d’euros de ventes

Cette relocalisation est censée diminuer l’empreinte carbone du fabricant en Europe et en Asie, en réduisant les transports de marchandises à travers le monde. Aigle – la marque aux 280 millions d’euros de ventes est en pleine relance stylistique pour devenir écoresponsable et atteindre 500 millions d’euros à moyen terme – dit répondre à sa nouvelle ligne de conduite environnementale.

En janvier, la marque est devenue une entreprise à mission. Sa raison d’être est désormais de « permettre à chacun de vivre pleinement des expériences sans laisser d’autres empreintes que celles de ses pas ». En dépit de cette formulation marketing, ce changement de statut est un « tournant radical » qui, selon Mme Conseiller, « exige du courage » à tous les échelons de l’activité. L’un des grands défis est la production locale dans l’usine d’Ingrandes.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi La production de pantoufles, nouvelle aventure du Slip français

Aigle doit embaucher 80 personnes sur ce site construit en 1967 qui emploie 200 personnes. En dépit d’une situation dans un bassin d’emploi compliqué par la fermeture de la Fonderie du Poitou, en juillet, « il est très difficile de trouver » des candidats, déclare-t-elle. La dirigeante en a fait part au premier ministre, Jean Castex, le 27 septembre, à Châtellerault (Vienne), lors de la présentation du plan de réduction des tensions de recrutement. Le problème ne serait ni dans la « formation » ni « dans les salaires » pratiqués au sein de l’usine, selon Mme Conseiller, qui précise qu’un maître caoutchoutier est payé au smic. La société se dit surtout confrontée aux difficultés de l’industrie tricolore, dont les « métiers manuels ne sont pas suffisamment valorisés ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi En dépit d’un regain de la consommation, le marché de l’habillement reste en crise

« Il »/ « elle »/ « iel » : afficher ses pronoms de genre se banalise dans les multinationales anglo-saxonnes

Le patron d’Apple, Tim Cook, le mentionne sur le profil de son compte Twitter : ses pronoms sont « he/him » (il/lui). Comme la vice-présidente des Etats-Unis. Kamala Harris fait figurer les siens, « she/her » (elle), à côté de sa situation familiale « d’épouse, de Momala et de tante ».

Aux Etats-Unis, inscrire ses pronoms de genre sur les réseaux sociaux, dans la signature en bas de ses e-mails ou sous son nom en visioconférence devient de plus en plus fréquent, notamment dans le monde du travail.

Cet usage permet aux personnes transgenres ou non binaires (ne s’identifiant ni strictement homme ni strictement femme, mais entre les deux, un mélange des deux, ou aucun des deux) d’indiquer quels pronoms reflètent leur identité de genre. Utilisé par tout un chacun, cela devient un moyen de promouvoir l’inclusion de ces communautés.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « He/she », « il/elle », « iel » : la transidentité bouscule les façons de se présenter

« Le mouvement a commencé dans les universités américaines, nombreuses aujourd’hui à proposer aux étudiants d’afficher leurs pronoms, explique Joydeep Sengupta, avocat aux barreaux de Paris et de New York, conseil chez Mayer Brown à Paris, dont l’implication pour l’égalité des droits des LGBT + au travail a été reconnue par l’association L’Autre Cercle. Et depuis trois ou quatre ans, des entreprises aux Etats-Unis proposent aux salariés qui le souhaitent d’inscrire leurs pronoms. » Lui-même a reçu il y a deux ans une note en ce sens de son employeur. « L’an dernier, avec la multiplication des visioconférences en périodes de confinement, de plus en plus de personnes se sont connectées en ajoutant leurs pronoms à leurs noms », ajoute-t-il.

Selon le « Wall Street Journal », 1,6 million d’utilisateurs de LinkedIn auraient précisé leurs pronoms de genre

Les applications Zoom et Slack permettent en effet l’affichage des pronoms des profils des membres. Le 31 mars, c’est LinkedIn, le premier réseau social professionnel au monde, qui proposait à ses 200 millions d’utilisateurs américains de « créer un profil plus expressif et inclusif ».

« Pour beaucoup d’entre nous, l’expression de notre identité authentique passe aussi par nos pronoms. Ils sont au cœur de notre identité et de la façon dont nous voulons être perçus », indique sur son blog la firme américaine, qui a introduit un champ pronom – facultatif – en haut du profil, à côté du nom. Selon le Wall Street Journal, 1,6 million d’utilisateurs auraient précisé leurs pronoms de genre. En France, cette option est disponible depuis le mois de juin.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « La notion de “genre” est amenée à se substituer à celle de “sexe” »

Goldman Sachs fait partie des premières grandes institutions à avoir lancé, en 2019, une campagne interne de sensibilisation aux pronoms. Sur son blog, la firme de Wall Street a listé des « conseils pour être un allié inclusif ». Par exemple, « les pronoms ne doivent pas être présumés en fonction du nom ou de l’apparence physique d’une personne ». Elle propose aux salariés de faire connaître leurs pronoms « de manière proactive, afin de favoriser un environnement de respect », avec cette illustration : « Bonjour, je m’appelle Karen ! Mes pronoms sont “she/her”. Bienvenue dans l’équipe ! » La banque recommande par ailleurs d’utiliser « they/them » « lorsqu’on se réfère à une personne qui n’a pas expressément indiqué ses pronoms ».

Il vous reste 47.44% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Le FMI s’inquiète des lignes de fracture dans la reprise économique mondiale

Dans un magasin Costco, à Miami, le 28 septembre 2021.

L’optimisme est légèrement retombé. Dans ses prévisions publiées mardi 12 octobre, le Fonds monétaire international (FMI) table sur une croissance mondiale de 5,9 % en 2021 (l’institution estimait la hausse à 6 % en juillet), puis de 4,9 % en 2022. En quelques mois, l’horizon s’est « assombri » dans les pays à bas revenu, en raison de la diffusion du variant Delta du Covid-19. Et les perturbations des chaînes d’approvisionnement rendent la reprise « plus difficile » dans les économies avancées. Les prévisions de croissance ne sont revues à la hausse que dans les pays exportateurs de matières premières, qui bénéficient de la progression des cours.

Le rythme de la reprise mondiale inquiète moins le FMI que les écarts qui se creusent entre les pays. En 2024, le produit intérieur brut (PIB) des économies avancées dépassera de 0,9 % le niveau d’avant-pandémie, alors qu’il sera inférieur de 5,5 % dans le groupe des pays émergents (hors Chine). La crise a mis fin, au moins pour quelques années, au rattrapage des pays émergents et enfonce les pays à bas revenu dans la stagnation. Ces derniers ont enregistré, depuis juillet, la plus forte révision à la baisse de croissance (– 0,6 %), et entre 65 millions et 75 millions de leurs habitants devraient tomber dans l’extrême pauvreté cette année.

Lire aussi Le FMI maintient sa directrice générale en poste

Cette grande divergence s’explique d’abord par des campagnes de vaccination à double vitesse : 60 % des habitants des pays riches sont vaccinés, contre seulement 5 % dans les pays pauvres, ce qui retarde leur déconfinement et leur reprise. La lenteur de la vaccination menace aussi l’économie mondiale, et le FMI appelle à l’accélérer : « Cela sauverait des vies (…), diminuerait le risque d’apparition de nouveaux variants et ajouterait des milliers de milliards de dollars à la reprise économique. »

Une capacité à mobiliser les fonds qui diverge selon les pays

Selon les calculs de l’institution, 1 milliard de doses pourraient être données par les pays riches sans compromettre leurs objectifs de vaccination, et il ne suffirait que de 50 milliards de dollars (43,3 milliards d’euros) supplémentaires pour vacciner 40 % de la population de chaque pays d’ici à la fin de 2021 et 70 % d’ici à la mi-2022. Les pays pauvres vont avoir besoin de dépenser 200 milliards de dollars pour combattre la pandémie et de 250 milliards pour relancer leurs économies.

L’autre facteur de divergence et d’inégalités, c’est justement la capacité à mobiliser les fonds pour soutenir et relancer les économies. « De nombreux pays émergents et en développement, confrontés à des conditions financières plus restrictives et à des risques d’inflation, cessent de soutenir leurs économies plus tôt, en dépit d’une activité qui n’est pas revenue à la normale », souligne Gita Gopinath, l’économiste en chef du FMI. Cette année, l’institution installée à Washington a augmenté ses réserves de 650 milliards de dollars, par le biais d’une émission de droits de tirage spéciaux (DTS) la plus importante de son histoire. Une bouffée d’oxygène qui profite à tous les pays membres du Fonds, proportionnellement à leurs quotes-parts.

Il vous reste 47.86% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En Ile-de-France, la difficile bascule de transports vers la concurrence

Dans le métro, à Paris, le 3 décembre 2019.

Cela commence à faire désordre. Ici, un gros malaise social et une grève qui fait tache d’huile, là des incidents d’exploitation parfois très gênants pour les usagers… Quelques mois après le démarrage effectif des premiers réseaux de transport issus de l’ouverture à la concurrence en Ile-de-France, les couacs se multiplient sur ce marché qui s’ouvre. Le processus va durer presque vingt ans. Il a commencé cette année par les réseaux de bus Optile de la grande couronne parisienne, il continuera par les bus de la RATP (2025), les trains de banlieue SNCF (de 2023 à 2033), les tramways (2030), et se clôturera par les métros et les RER en 2040.

Lire aussi RATP : dernier contrat avec Ile-de-France Mobilités, avant la concurrence

Le premier gros écueil est cette grève qui a commencé dans des réseaux de bus de l’opérateur Transdev (filiale de la Caisse des dépôts) en Seine-et-Marne, qui s’est étendue à une dizaine de dépôts et vient d’entrer dans sa sixième semaine. Ile-de-France Mobilités (IDFM), l’autorité organisatrice des transports dans la région capitale, présidée par Valérie Pécresse (Libres !), a jugé la situation suffisamment enkystée pour décider de nommer un médiateur, lundi 11 octobre, lors de son conseil d’administration. L’ex-président de la RATP et de La Poste Jean-Paul Bailly dirigera « une mission pour faire converger les points de vue » entre les grévistes et la direction de Transdev, afin de trouver un accord là où l’entreprise n’y sera pas parvenue.

M. Bailly devra aussi proposer « des recommandations pour la prise en compte des enjeux sociaux dans les prochains appels d’offres », explique IDFM. Car le conflit social est bien directement issu du basculement dans un système concurrentiel. Tout est parti du lot 18, un réseau de bus dans la région de Melun et Fontainebleau. Transdev y était déjà l’opérateur dans le cadre du système Optile d’avant la concurrence (les marchés étaient attribués de gré à gré). A la suite de l’appel d’offres, Transdev s’est succédé à lui-même, mais avec une nouvelle organisation du travail, issue d’un accord-socle négocié avec les syndicats centraux de Transdev mais qui a fait bondir les salariés sur le terrain.

Conditions de travail brutalement dégradées

« On y a goûté tout le mois d’août, raconte Wynnessa Merabet, déléguée syndicale SUD au dépôt de Melun. Pour les conducteurs, l’amplitude horaire est passée de 7 h 30 à 11 heures ou 12 heures, avec des temps payés différemment selon que c’est considéré comme du travail effectif ou pas. Mais, en cas de bouchon ou de retard, vous vous retrouvez à conduire un bus en étant payé à 50 % parce que vous sortez de votre plage de travail effectif. Et c’est sans compter la fin des chèques-vacances et des primes repas. »

Il vous reste 53.25% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La fusion Société générale-Crédit du Nord entraînera 3 700 suppressions de postes d’ici à 2025

En septembre 2020, la Société générale révélait son projet d’absorption, par son réseau d’agences, de celui de sa filiale Crédit du Nord, afin de réduire ses coûts de 450 millions d’euros en 2025. Un an plus tard, le groupe a précisé, mardi 12 octobre, les détails de cette fusion, prévue pour le 1er janvier 2023. Elle se traduira par une baisse importante des effectifs, la banque annonçant 3 700 suppressions nettes de postes entre 2023 et 2025, pour ne plus compter dans le réseau unifié que 25 000 collaborateurs. « Soit environ 15 % des effectifs actuels en moins », a réagi la CGT, en déplorant « un projet stratégique risqué et socialement coûteux ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Société générale-Crédit du Nord : l’anxiété avant la fusion

Le groupe s’engage à ce que la fusion soit réalisée « sans aucun départ contraint », les suppressions de postes devant s’appuyer sur les départs naturels (retraite, démissions, etc.), estimés à 1 500 par an d’ici à 2025. Il mise par ailleurs sur les reclassements et les mobilités internes. Quelque 100 millions d’euros seront consacrés à un plan pour la formation et l’accompagnement des salariés dont le métier évoluera. La direction reconnaît toutefois que « sur certains métiers et bassins d’emploi, des mesures complémentaires de départs volontaires pourraient être mises en place ».

Réduction très significative

La fusion entraînera une réduction très significative du nombre d’agences, puisque plus de 600 agences Société générale ou Crédit du Nord vont fermer. Le réseau regroupé ne comptera ainsi plus que 1 450 agences en 2025. En 2013, les deux enseignes recensaient ensemble encore 3 158 points de vente. Le maillage aura donc été divisé par plus de deux en une douzaine d’années. La direction du groupe assure cependant que « le regroupement des agences sera réalisé sans quitter de villes, puisqu’il concernera des agences Société générale et Crédit du Nord situées à proximité les unes des autres dans une même ville ».

Avec l’art d’une formule transformant le moins en plus, le groupe ajoute que « ce maillage représentera à terme plus de points de vente pour nos clients : 15 % de plus pour les clients Société générale par rapport à 2020 et près de trois fois plus pour ceux du Crédit du Nord ».

Article réservé à nos abonnés Lire aussi « Échaudée par la catastrophe de 2020, la Société générale enfile ses charentaises »

Les baisses d’effectifs proviendront aussi largement de fermetures de sites de back-office, ces centres de traitement des opérations bancaires, qui passeront de 24 à 13. La banque ne disposera par ailleurs plus que d’un seul siège, et d’un seul système informatique. Le nouvel établissement entend toutefois capitaliser sur la force du modèle régional du Crédit du Nord, en jouant la carte de la décentralisation. Il sera organisé en 11 régions qui bénéficieront de responsabilités élargies « pour renforcer la rapidité de la décision et la satisfaction client ».

La Société générale va combiner une nouvelle marque pour son réseau fusionné, qui reflétera « l’appartenance à un grand groupe et les spécificités régionales » et sera dévoilée courant 2022

S’inspirant du modèle mutualiste décentralisé, la banque proposera que, « dans l’immense majorité des cas », le choix d’accorder un crédit soit pris « la plupart du temps au niveau de l’agence et des centres d’affaires ». Pour conserver les clients très attachés aux différentes enseignes du groupe Crédit du Nord (composé de neuf institutions régionales, dont les banques Courtois, Kolb, Laydernier, Nuger ou Tarneaud), la Société générale va combiner une nouvelle marque pour son réseau fusionné, qui reflétera « l’appartenance à un grand groupe et les spécificités régionales » et sera dévoilée courant 2022.

Les 10 millions de clients du nouveau réseau constateront d’autres changements : « La joignabilité de nos conseillers sera renforcée, en augmentant de 15 % le nombre de conseillers dans nos centres de relation à distance, et avec une amplitude d’ouverture des agences plus importante », note le groupe. Quant aux clients « consommant essentiellement des services de la banque au quotidien », une nouvelle plate-forme à distance leur sera destinée.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Groupama sort de l’aventure Orange Bank

Alors que les organisations syndicales reprochent à la direction d’avoir engagé cette fusion à la seule fin de réaliser des économies, la direction entend montrer qu’elle porte là un projet « offensif », et se fixe l’objectif très ambitieux de figurer « dans le top 3 de la satisfaction client ». Selon une étude confidentielle BVA menée en 2020 par une banque concurrente, la Société générale figurerait en 2020 au huitième rang – à l’avant-dernière place – d’un classement fondé sur l’indice de recommandation client (IRC). Loin derrière le trio de tête formé par le Crédit mutuel, le CIC et le Crédit agricole.

Dans le numérique, « il faut imposer des quotas sur les recrutements »

Entretien. Membre de l’Academia Europaea et ACM Fellow, lauréate 2011 du prix Montpetit et du Prix 2017 de l’innovation de l’Académie des sciences, Anne-Marie Kermarrec était chercheuse avant de devenir chef d’entreprise. Professeure d’informatique à l’Ecole polytechnique fédérale de Lausanne, en Suisse, et fondatrice de la start-up Mediego, elle défend la présence des femmes dans le secteur.

Dans votre ouvrage « Numérique, compter avec les femmes » (Odile Jacob), vous consacrez un chapitre à Ada Lovelace. Vous avez découvert cette pionnière de l’informatique pendant vos études ?

Après avoir passé un bac scientifique, en 1988, je me suis inscrite en informatique à l’université. Ma mère était féministe avant l’heure : le choix de mes études n’a pas été biaisé par des questions de genre. Pourtant, les stéréotypes étaient bien là. Il n’y avait que 15 % d’étudiantes dans ma formation.

Nous avons entendu parler de Turing (1912-1954), de von Neumann (1903-1957) ou de Babbage (1791-1871), mais Ada Lovelace (1815-1852) n’a jamais été mentionnée, alors même qu’elle est considérée comme la première programmeuse de l’histoire. Cela en dit long sur la crédibilité qu’on accorde aux esprits féminins. Souvenons-nous que la mathématicienne Sophie Germain (1776-1831) devait se déguiser en homme pour accéder aux laboratoires !

Aujourd’hui encore, le ratio de femmes qui choisissent l’informatique à l’université oscille entre 15 % et 20 %. Comment lutter contre la puissance des biais ?

Même si pour l’instant, l’option numérique et sciences informatiques est plébiscitée à 90 % par des garçons, l’introduction de l’informatique dans le secondaire est une excellente initiative : la matière était d’autant plus victime des stéréotypes qu’on ne la connaissait pas. Il faut aussi développer le mentorat. Dans le milieu du numérique où les compétences féminines sont très souvent mises en doute, même la confiance la plus solide finit par être ébranlée. Il est très important d’être encouragée pour se frayer son chemin dans ces milieux parfois hostiles.

Article réservé à nos abonnés Lire aussi Métiers du numérique : l’exode des femmes

Les universités américaines se penchent régulièrement sur le problème. En 1995, Carnegie Mellon University a augmenté la proportion de femmes de 7 % à 42 % en prenant des mesures de sensibilisation pour changer l’image de l’informatique, en faisant des campagnes agressives de recrutement et en examinant les éléments qui rebutent les femmes à s’engager dans cette voie. L’université de Berkeley qui aborde l’informatique plus par son impact sur la société que par les concepts de base a fait remonter le ratio à près de 50 % d’étudiantes en 2014 !

Il vous reste 56.33% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.