Archive dans 2021

Les start-up tâtonnent pour fidéliser leurs précieux salariés

« L’argent ne suffit pas toujours, en particulier dans un milieu où les salaires des métiers techniques sont très élevés. Il convient alors de s’adapter aux nouvelles aspirations des collaborateurs, à commencer par la souplesse dans l’organisation du travail. »

Avec 10 000 emplois créés en 2020 en France dans les 120 entreprises des indices Next 40 et FT120 et 4,8 milliards d’euros levés au premier semestre 2021, les start-up n’en finissent plus d’attirer de jeunes candidats. Pourtant, ce marché de l’emploi est instable : le taux de rotation annuel (part de renouvellement des personnels) ou turnover des start-up est parfois bien plus élevé que la moyenne nationale de 15 %. Maya Noël, directrice de l’association France Digitale, estime qu’un salarié reste en moyenne deux ou trois ans dans la même organisation.

Ce fort turnover freine le développement des jeunes entreprises. Florian Grandvallet, cofondateur d’Easy Partner, une agence de recrutement spécialisée dans le numérique, estime à 45 000 euros le coût de la perte d’une recrue : ayant intégré les procédures et le savoir-faire de la start-up, son départ affecte l’efficacité du travail, d’autant qu’il faudra former le remplaçant.

Les turbulences de l’hypercroissance expliquent évidemment le turnover : déménagements, créations de métiers plus précis, d’un service de ressources humaines… Les salariés « fondateurs » peinent parfois à trouver leur place dans une ancienne bande d’amis devenue « scale-up » (une start-up en forte croissance), et leur promotion à des postes de management ne leur convient pas toujours. « En moyenne, on commence à voir des procédures et du management à partir de 30-35 salariés. C’est là que certains fondateurs ne se reconnaissent plus », juge Aurélien Herquel, fondateur du label « d’humanisation du travail » Hu-Man, qui travaille avec des start-up.

Fidéliser les salariés

La rareté des profils est un autre facteur d’explication : « Dès lors qu’il y a une tension sur les talents, ça dynamite leur mobilité », explique Florian Grandvallet. Très demandés, les profils techniques reçoivent de nombreuses offres. Selon une étude de France Stratégie, qui reprend les chiffres de l’enquête Besoins de main-d’œuvre 2019, 64 % des start-up anticipent des tensions à l’embauche, et parmi celles-ci, 65 % des difficultés portent sur les profils techniques : toujours dans l’urgence, les start-up recrutent souvent par vagues, en se concentrant essentiellement sur les compétences pratiques. Il y a beaucoup d’erreurs de casting, lorsque l’embauché ne se fait pas à l’ambiance start-up par exemple : l’absence de candidats ou l’inadéquation des profils sont les principales difficultés annoncées pour la moitié des entreprises consultées dans l’étude. En découlent parfois des départs pendant la période d’essai.

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« Prix France » : Les Ateliers de la bruyère œuvrent à la réinsertion professionnelle

Cette association a été créée en 1992 pour permettre aux personnes les plus exclues d’accéder à l’emploi en mettant en œuvre plusieurs ateliers et chantiers d’insertion. Il s’agit d’une entreprise qui fonctionne comme une PME avec un encadrement professionnel, des équipements et ateliers modernes, des activités de qualité, mais qui se veut sociale en embauchant des personnes en difficulté et en recherche d’emploi (quatre personnes sur cinq n’ont pas travaillé depuis plus de deux ans).

La structure, basée à Saugues (Haute-Loire), développe trois activités : la transformation de la laine, le maraîchage et la transformation de légumes, et un service espace vert et démolition. Elle intervient sur la partie sud-ouest de la Haute-Loire, le sud de la communauté des communes des Rives du Haut-Allier. Un territoire vaste, mais très peu peuplé, très rural et enclavé.

70 % de retour à l’emploi

L’association recrute chaque année une quinzaine de nouveaux salariés, elle fait travailler une cinquantaine de personnes dont 35 en insertion et 15 salariés permanents. Près de 80 % de ses salariés étaient demandeurs d’emploi de longue durée à l’embauche. L’association les emploie 18 mois en moyenne. A leur sortie, 70 % trouvent un emploi ou une formation qualifiante ; 25 %, un CDD de plus de 6 mois ou CDI.

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L’association a créé deux activités : la société Lavage de laines du Gévaudan qui lave 150 tonnes du matériau par an et transforme les laines de 40 exploitations. Son autre filière produit environ 40 tonnes de 40 différents types de légumes auxquelles s’ajoutent 50 tonnes de légumes de plein champ en coopération économique avec trois éleveurs locaux.

Le modèle économique des Ateliers de la bruyère est basé sur une prestation d’insertion financée par l’Etat, le département et la région (environ 60 %) et par ses autres activités (laine, maraîchage et transformation de légumes, etc.). Pour se procurer des revenus réguliers, l’association veut développer des activités dans les filières laine et légumes afin de gagner en indépendance, et pour permettre une stratégie de professionnalisation, avec la création d’un Groupe économique solidaire (GES) en 2022.

Les Ateliers de la bruyère

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Le Conseil d’analyse économique plaide pour relancer l’immigration qualifiée

Alors que l’immigration est devenue un des thèmes majeurs de la précampagne présidentielle, le Conseil d’analyse économique (CAE), un service rattaché à Matignon mais réunissant des universitaires indépendants, publie, ce mardi 9 novembre, une note appelant à « repenser la politique migratoire » de la France, de manière à augmenter l’immigration qualifiée.

Cette note, insiste en préambule Philippe Martin, président du CAE, ne répond pas à une commande de l’exécutif, mais résulte des travaux des deux auteurs, Emmanuelle Auriol, membre du CAE et professeure à l’Ecole d’économie de Toulouse, et Hillel Rapoport, de l’université Paris-I et de l’Ecole d’économie de Paris. Elle « n’engage qu’eux et pas les autres membres du CAE ». Ce débat autour de l’immigration « qualifiée », que le CAE présente comme « source de prospérité », n’est pas nouveau. Nicolas Sarkozy avait, lors de son accession à la présidence de la République, en 2007, prôné une immigration « choisie » en opposition à une immigration « subie ».

En 2019, sous la présidence d’Emmanuel Macron, le gouvernement d’Edouard Philippe avait à son tour présenté un ensemble de mesures visant à « reprendre le contrôle de notre politique migratoire », selon les termes employés par le premier ministre, avec entre autres l’intention de renforcer l’immigration de travail, en mettant en place des objectifs chiffrés pour répondre aux besoins non couverts, tels que définis par une liste des « métiers en tension » fixée en 2008 par arrêté et réactualisée en 2019.

« Perception négative »

Sans le formuler explicitement, le CAE dresse en filigrane un constat d’échec de ces politiques. « Malgré des initiatives en faveur de l’immigration de travail, et notamment du travail qualifié, l’immigration familiale demeure le principal motif des visas accordés en France », écrivent les deux auteurs de la note. En 2019, le motif économique représentait 39 000 titres de séjour, contre 91 000 pour le motif familial et 90 000 titres étudiants, selon les chiffres du ministère de l’intérieur.

Sachant que le flux annuel des immigrés entrant en France, tel que mesuré par l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), était de 292 000 personnes en 2019, soit 0,41 % de la population, contre 0,85 % pour la moyenne des pays membres de l’OCDE. Résultat, pour la période 2000-2010, les immigrés ont permis d’augmenter le nombre de travailleurs hautement qualifiés de seulement 3,5 % en France, contre 10 % au Royaume-Uni, en Australie ou au Canada, et de près de 7 % aux Etats-Unis ou en Suède, selon les données de l’OCDE.

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La France se voit en « pionnière » de la lutte contre le travail des enfants

« Face à la persistance et même l’augmentation du travail des enfants dans le monde – en 2020, il concerne 160 millions d’enfants de moins de quinze ans, soit 8,4 millions de plus qu’il y a quatre ans, selon l’Unicef –, le gouvernement souhaite accélérer son action, en concertation avec les entreprises et les partenaires sociaux » (Photo: jeune au Togo).

« Ces formes de travail nient la liberté de tout individu, elles font du travail une aliénation, fragilisent la notion même d’égalité », a solennellement déclaré mardi 9 novembre la ministre du travail Elisabeth Borne : face à la persistance et même à l’augmentation du travail des enfants dans le monde – en 2020, il concerne 160 millions d’enfants de moins de 15 ans, soit 8,4 millions de plus qu’il y a quatre ans, selon l’Unicef –, le gouvernement souhaite accélérer son action, en concertation avec les entreprises et les partenaires sociaux.

Elisabeth Borne, Franck Riester, ministre délégué au commerce extérieur, et Adrien Taquet, secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, réunis au ministère du travail, ont présenté leur « stratégie nationale d’accélération pour éliminer le travail des enfants, le travail forcé, la traite des êtres humains et l’esclavage contemporain à l’horizon 2030 », et signé une lettre à destination de Guy Ryder, directeur général de l’Organisation internationale du travail (OIT).

A son échelle, la France souhaite notamment impliquer les multinationales basées sur son sol, en les invitant à surveiller les modes de travail de leurs sous-traitants à tous les niveaux de leur chaîne de valeur. Cette politique s’inscrit dans le prolongement de la loi instaurant un devoir de vigilance, en vigueur depuis 2017, qui oblige les grandes sociétés à prévenir les atteintes graves envers les libertés fondamentales.

« Pionnier » de l’Alliance 8.7

Si l’engagement est majoritairement tourné vers les pays moins avancés, les ministres ont également indiqué le travail restant à faire sur le territoire national. « Cela peut étonner que la France s’engage dans une telle démarche, car on pourrait penser que cela ne nous concerne pas, a indiqué Adrien Taquet. Malheureusement il n’en est rien, on dénombre plus de mille interventions de l’inspection du travail pour des cas de travail de mineurs ces deux dernières années. » Le ministre délégué au commerce Franck Riester estime que « les fermetures d’école liées à la crise du Covid ont aggravé ces phénomènes. Il y a eu des pertes d’emploi et de revenus dans les familles. »

La déléguée du gouvernement à l’OIT Anousheh Karvar, qui a coordonné cette stratégie nationale, pointe de son côté l’explosion de la sous-location par des jeunes de moins de 18 ans de comptes sur les plates-formes de livraison comme Uber Eats ou Deliveroo, le travail saisonnier forcé de jeunes migrants dans le secteur agricole, ou l’exploitation sexuelle qui concerne « de plus en plus de jeunes filles de nationalité française, notamment dans les cités ». « Ces phénomènes existent, on ne peut pas donner de leçon aux pays pionniers si on n’est pas à zéro », affirme la déléguée du gouvernement à l’OIT.

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Des syndicats minoritaires de FedEx dénoncent des « départs volontaires contraints »

Un avion FedEx, à l’aéroport de Paris-Charles-de-Gaulle, le 6 août 2018.

L’administration du travail d’Auvergne-Rhône-Alpes a-t-elle validé à tort, le 30 juillet, l’accord sur le plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) de FedEX, le spécialiste de la livraison de colis, qui vise à supprimer 276 postes sur 5 990 dans l’entité FedEx Express France (transport routier) ? En tout cas, des syndicats minoritaires demanderont, le 16 novembre, au tribunal administratif de Lyon d’annuler cette validation. Selon eux, le contrôle effectué par la direction régionale de l’économie, de l’emploi, du travail et des solidarités (Dreets) n’a pas été suffisant, notamment en ce qui concerne la définition des catégories professionnelles affectées, qu’ils jugent incohérente.

L’application de ce PSE a commencé par une période de dépôt des demandes de départs volontaires, du 3 au 21 août. Certains salariés dont le poste était supprimé ont opté pour un départ volontaire, car ils ont été guidés « par la peur », dénonce Stéphanie Lavalette, déléguée syndicale de la Confédération autonome du travail. Leur crainte : être reclassés dans un poste ne correspondant pas à leurs compétences et être finalement licenciés pour insuffisance professionnelle, sans pouvoir bénéficier du PSE. « Cela les a poussées à demander un départ volontaire en catastrophe », relève Mme Lavalette, pour qui ces « départs volontaires contraints » concerneraient « une centaine de personnes ».

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Parmi elles, des employés ayant vingt-cinq ou trente ans d’ancienneté, actuellement « gestionnaires des services financiers clients », à qui l’entreprise demanderait de devenir des « gestionnaires de service clients », des postes pour lesquels il faut maîtriser l’anglais.

En effet, au sein d’une même catégorie professionnelle, les personnes dont l’emploi est supprimé ont « l’obligation » de prendre les postes laissés vacants par des salariés en départ volontaire dont le poste n’était pas supprimé, explique Mme Lavalette.

Regroupement des intitulés de postes

Cette situation trouve son origine dans la révision du PSE, après la signature de l’accord majoritaire, le 3 juin, par la CFDT et par le syndicat maison SNSG. En effet, les réductions d’effectifs y figuraient non pas par catégories d’emplois, mais par intitulés de postes, ce qui est illégal.

Pour avoir le feu vert de la Dreets, FedEx Express a regroupé des intitulés de postes pour former des catégories au sein desquelles les critères d’ordre de licenciement seraient appliqués. Mais sans tenir compte des zones géographiques des emplois concernés.

« Dès lors, un gestionnaire administratif à Tours, par exemple, dont le poste est supprimé, peut être contraint de prendre un poste à Rennes », selon Mme Lavalette, pour qui l’accord est inapplicable en l’état.

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« La direction a corrigé l’accord unilatéralement, déplore une représentante de la CFE-CGC. La Dreets aurait dû exiger de FedEx de faire un avenant à l’accord », ce qui aurait abouti à une négociation et, peut-être, aurait évité ces anomalies.

Sollicitée, la CFDT, premier syndicat dans l’entreprise, ne nous a pas répondu. La direction de FedEx non plus. De son côté, la Dreets a indiqué ne pas vouloir commenter une affaire en cours.

Peut-on accuser son patron d’être « un bandit un escroc et un voleur » ?

Droit social Un DRH considérant que son directeur général abuse des notes de frais en fait part au bureau de l’association qui l’emploie. Le lendemain matin, le directeur général (DG), toujours en poste, notifie au DRH sa « mise en congé pour huit jours ». Persuadé que le bureau de l’association ne comptait rien faire et que cette mise en congé augurait mal de son avenir professionnel, le DRH traite alors le DG de « bandit, d’escroc et de voleur » devant ses collègues.

Quelques jours plus tard, il est licencié pour faute grave pour avoir tenu ces propos. Il saisit alors le conseil de prud’hommes pour faire annuler son licenciement, au motif qu’il était un « lanceur d’alerte » et donc protégé par la loi contre toute sanction liée à sa dénonciation de faits délictueux. La Cour de cassation lui donnera finalement raison le 29 septembre 2021.

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L’association faisait valoir que le DRH n’était pas de bonne foi : qu’il ne pouvait pas se prévaloir du statut de lanceur d’alerte, car il avait connaissance des faits depuis de nombreuses années, qu’il avait d’ailleurs validé certaines notes de frais. Selon l’employeur, il avait alerté le bureau uniquement pour obtenir une protection légale, car il savait que son poste serait bientôt supprimé.

Pas une protection totale

La Cour de cassation n’entrera pas dans ce débat. Cela semble confirmer la tendance à une extension de la notion de bonne foi. Cela démontre aussi la réticence des tribunaux à examiner les motivations plus ou moins avouables du lanceur d’alerte. Il serait donc suffisant d’avoir, à l’époque du signalement, des motifs raisonnables de croire à la véracité des faits dénoncés, à la lumière des circonstances et des informations dont dispose alors le lanceur d’alerte.

Un précédent arrêt de la Cour de cassation du 8 juillet 2020 avait d’ailleurs précisé que le lanceur d’alerte pouvait être de bonne foi même si une enquête révélait ultérieurement qu’il s’était trompé. Il n’est pas exclu que la Cour de cassation ait anticipé la transposition en droit français de la directive UE 2019/1937 du 25 septembre 2019 sur la protection des lanceurs d’alerte, qui contient cette définition de la bonne foi. Il est également probable que le projet de loi actuellement à l’étude inclut cette même définition.

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Il serait judicieux qu’à l’occasion de cette transposition, le législateur prévoie que la personne ayant participé aux faits reprochés ne puisse pas invoquer la protection de lanceur d’alerte. En résumé, même si vous lancez une alerte pour nuire à votre employeur ou pour vous protéger contre un licenciement, vous aurez le statut de lanceur d’alerte. Statut qui ne protège toutefois pas de tout licenciement, car l’employeur peut se séparer d’un salarié pour des faits distincts du signalement.

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Sur fond d’accélération de la croissance, les industriels augmentent leurs prix de vente

Dans un hypermarché de Givors, près de Lyon, en mars 2020.

Plus d’une entreprise industrielle sur deux a commencé à répercuter, dans ses prix de vente, la hausse des matières premières, y compris l’énergie, indique l’enquête mensuelle de conjoncture de la Banque de France, publiée lundi 8 novembre. Et ce, alors que la croissance s’annonce plus forte que prévu. L’institution financière estime que l’augmentation du produit intérieur brut (PIB) dépassera, cette année, la prévision de 6,3 % et pourrait atteindre 6,75 %, selon un calcul « arithmétique ». Le quatrième trimestre, en effet, s’annonce meilleur qu’anticipé, en hausse de 0,75 point par rapport au troisième trimestre, malgré les difficultés d’approvisionnement et de recrutement que rencontrent encore bon nombre d’industriels, tout particulièrement dans l’automobile et, dans une moindre mesure, l’aéronautique.

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« Le retour de l’activité au niveau précrise est plus précoce que ce que nous avions anticipé, souligne Olivier Garnier, économiste en chef à la Banque de France. On estimait qu’il se produirait fin 2021, il se produit un trimestre plus tôt ». C’est l’activité dans le secteur des services, particulièrement la restauration, qui tire la croissance, alors que l’industrie souffre toujours des pénuries de matières premières et de difficultés d’approvisionnement. Si ces dernières s’atténuent un peu dans le bâtiment en octobre (58 % des entreprises se disent concernées, contre 62 % en septembre), elles restent très fortes dans l’industrie, où elles touchent, comme en septembre, 56 % des entreprises.

De plus, les chefs d’entreprises commencent à répercuter dans leurs prix de vente la hausse des prix des matières premières ou des tarifs de l’énergie qu’ils subissent. Dans l’industrie et le bâtiment, près de 35 % des chefs d’entreprise ont déclaré, lors de l’enquête menée entre le 27 octobre et le 4 novembre, avoir augmenté leurs prix de vente pour faire face à la hausse du cours des produits et matériaux intrants. Par ailleurs, la part des chefs d’entreprises déclarant une augmentation des tarifs est « presque systématiquement » supérieure à ce qu’elle était un mois plus tôt, ce qui signale « des surprises à la hausse ».

Difficultés de recrutement en recul

Toutefois, cette tendance ne semble pas devoir alimenter, à court terme, la hausse des prix à la consommation, indique M. Garnier. Pour plusieurs raisons. D’une part, parce que les industriels ne répercutent pas complètement les hausses, mais absorbent encore une part des surcoûts dans leurs marges. D’autre part, parce que « les prix de l’industrie ne pèsent que pour une petite partie dans le panier de consommation des ménages, qui est surtout composé de services », rappelle M. Garnier.

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Un salarié de l’hôpital Saint-Louis a tenté de se suicider devant ses collègues

L’hôpital Saint-Louis, à Paris, le 16 mars 2020.

Un cadre de santé de 47 ans de l’Assistance Publique-Hôpitaux de Paris (AP-HP), occupant une fonction administrative, a tenté de mettre fin à ses jours, lundi 8 novembre, dans l’enceinte de l’hôpital Saint-Louis. Plusieurs sources ont confirmé que l’homme s’était immolé par le feu dans un bureau de l’hôpital, et qu’un agent de sécurité était rapidement intervenu.

Dans un communiqué, l’AP-HP précise que « son geste, immédiatement maîtrisé par un personnel de la sécurité, lui a néanmoins causé de graves blessures prises en charge au sein de l’hôpital ». L’homme de 47 ans, grièvement brûlé et atteint par les fumées, était toujours entre la vie et la mort, lundi soir.

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L’agent de sécurité qui lui a porté secours a, de son côté, été admis immédiatement au service des urgences. Le parquet de Paris faisait savoir que son état « ne nécessit[ait] plus hospitalisation », dès lundi soir. « Un accompagnement et un soutien psychologique ont été très rapidement mis en place pour les professionnels qui le souhaitent », a ajouté l’AP-HP dans un communiqué.

« Un choc pour tout le monde »

Les causes du geste du cadre administratif de 47 ans restent pour le moment inconnues. Le parquet de Paris a déclaré qu’une enquête était ouverte « en recherche des causes des blessures ».

L’AP-HP affirme que le directeur du groupe hospitalier universitaire AP-HP Nord-Université de Paris et la directrice de l’hôpital se sont immédiatement rendus sur place, et qu’une réunion sur le sujet aurait lieu dès mardi 9 novembre, avec le comité d’hygiène, de sécurité et des conditions de travail (CHSCT) de l’hôpital Saint-Louis.

La maire du 10e arrondissement, Alexandra Cordebard (Parti socialiste), a tenu à témoigner tout son soutien aux personnels de l’hôpital. « Evidemment, cela reste un choc épouvantable pour tout le monde, tout le monde est bouleversé. D’autant plus que les équipes sont déjà mises à l’épreuve, et les voilà confrontées à un drame de plus. » Elle appelle néanmoins à la prudence, affirmant que, selon ses informations, il s’agirait d’un « drame personnel ».

L’argot de bureau : l’« efficience » ou l’efficacité économe

Le lexique de la performance en entreprise est toujours foisonnant. Entre deux REX (retours d’expérience) et une bonne dizaine de KPI (key performance indicators, indicateurs clés de performance), parfois, le dirigeant s’emmêle même les pinceaux. « L’équipe marketing a été très efficiente au Q3 [third quarter, troisième trimestre] », s’écrie avec fierté Françoise, PDG d’une PME en vogue. Mais ce que Françoise ne sait pas, c’est que ses responsables marketeurs ont pioché dans la trésorerie pour atteindre leurs objectifs : ils ont même recruté des sous-traitants pour finir le boulot. Alors, l’équipe est efficace, oui, mais la méthode n’est en rien efficiente.

L’Académie française rappelle à l’ordre les fauteurs de trouble : est efficient « ce qui produit un effet par soi-même : il peut servir par exemple à qualifier une machine ou des moyens mis en œuvre ». En management, on qualifie souvent à tort une équipe d’efficiente, alors qu’elle est juste efficace. Les deux mots longtemps synonymes se sont séparés dans les années 1950, à la faveur d’un nouveau sens de l’efficiency d’Outre-Manche, générant deux nuances de performance.

L’efficacité, pour commencer par elle, c’est la performance à l’état brut : une entreprise efficace remplit les fonctions et les objectifs fixés au préalable, en se concentrant sur des tâches essentielles exécutées avec perfectionnisme. Cette force est mise en œuvre quel qu’en soit le prix : « la fin justifie les moyens ».

L’efficience peut nuire à l’efficacité

Parfois, l’efficacité est obtenue de manière disproportionnée : par exemple, massacrer une mouche avec une raquette électrique dernier cri, quand il aurait suffi d’ouvrir la fenêtre. C’est la fameuse « victoire à la Pyrrhus », que ce général grec remporta au prix de nombreuses pertes face aux Romains. Travailler plus d’heures augmente l’efficacité à court terme mais réduit la productivité à long terme : les équipes exténuées ne pourront pas gagner le prochain combat ni suivre les prochains business plans.

L’efficience est la solution à cette gestion un brin bancale : c’est l’art de faire au mieux, mais avec un minimum de moyens. C’est le rapport entre les objectifs atteints et les ressources (financières, matérielles, humaines) utilisées. Parfois, les outils manquent, et l’efficience permet de limiter la casse : vider une piscine avec une cuillère peut être efficient, si c’est la seule solution, « on fait ce qu’on peut avec ce qu’on a ».

Une méthode de travail efficiente est une méthode optimisée, qui offre des gains de productivité : par exemple, un plan de gestion avec des bilans d’étape, une définition claire des processus et de la division des tâches… Soit l’équivalent adulte d’une jolie fiche bristol avec huit couleurs de stabilo pour refléter les nuances du savoir. Ici, les moyens sont au moins aussi importants que la fin.

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« Si rien n’était fait pour rendre l’analyse de données sur Internet plus accessible, le désenchantement du numérique pourrait se généraliser »

Tribune. Mesurer pour mieux manager : c’est le paradigme qui domine les sciences de gestion aujourd’hui. Depuis l’explosion d’Internet, l’espoir le plus partagé est que les informations accumulées grâce aux outils numériques aident les Etats, les entreprises, les organisations à être plus efficaces, à mieux se structurer, à moins gaspiller.

On en veut pour preuve le succès des géants de la technologie. Le triomphe d’Amazon fait figure d’exemple : si l’entreprise américaine domine son marché, c’est qu’elle collecterait plus de données que les autres. Elle connaîtrait mieux ses clients, leurs comportements, leurs préférences. Il lui serait donc facile de mieux leur parler, de leur proposer les produits les plus adéquats, de calibrer ses campagnes promotionnelles.

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Pour répliquer le cas Amazon, les entreprises se sont mises en ordre de marche. Le but ? Devenir data-driven, c’est-à-dire prendre de meilleures décisions grâce à la donnée. Y arrivent-elles ? Rien n’est moins sûr : malgré des investissements faramineux dans l’analyse de données (274 milliards de dollars en 2020), seules 24 % des entreprises interrogées par la Harvard Business Review disent utiliser la data efficacement (« Embracing Data Analytics for More Strategic Value », 2021). Que s’est-il passé ?

Ne pas considérer les algorithmes comme des oracles

Loin des grands discours sur le pouvoir révolutionnaire de la data, les manageurs et chefs d’entreprise ont encore du mal à accéder aux données. Vous en avez peut-être déjà fait l’expérience. Vous devez vous plier à un processus plus ou moins long afin d’obtenir l’information dont vous avez besoin : chiffres de ventes, taux d’incidents sur une chaîne logistique ou impact carbone d’un produit. Quand vous les recevez, les données sont incompréhensibles : elles ne sont ni mises en forme ni expliquées. Tous ces obstacles sont autant de frictions qui vous dissuadent d’utiliser la donnée au quotidien.

Vous vous accommodez de cet état de fait en vous disant que la data sert d’abord aux experts. Seuls eux savent faire parler les chiffres et utiliser leurs algorithmes pour faire des études et des prédictions. Les autres n’ont pas besoin d’accès direct à la data. Mais on aurait tort de considérer les algorithmes comme des oracles. Les données ne servent vraiment que lorsqu’elles sont comprises par tous et qu’elles permettent à chacun de prendre des décisions plus éclairées.

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C’est cela, la fameuse « culture de la donnée » que les départements des ressources humaines des grandes entreprises s’efforcent de construire. Mais comment y arriver sans accès simple à la donnée ? « Si les gens ne trouvent pas les mathématiques simples, c’est uniquement parce qu’ils ne réalisent pas à quel point la vie est compliquée. » John Von Neumann, considéré comme l’un des pères de l’informatique moderne, avait raison de penser qu’il faut des systèmes complexes pour comprendre un monde complexe.

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