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« En être ou ne pas en être » : la Conférence des avocats du barreau de Paris, club d’élite pour jeunes pénalistes

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Publié aujourd’hui à 07h00

Ils appartiennent à un club très ancien, prestigieux et à l’accès restreint. Y être admis, c’est l’assurance de brûler les étapes d’une carrière. Dans ce cénacle que le grand public ignore, on dîne avec des ministres ou avec des « stars » du droit. On convie lors de joutes oratoires, journalistes, hommes et femmes politiques, acteurs et humoristes. Salvatore Dali, Fabrice Luchini, Nicolas Sarkozy, Plantu, ou encore Catherine Deneuve ont, entre autres, fait partie de leurs invités d’honneur. Ce club, c’est la Conférence des avocats du barreau de Paris.

Créée en 1818, « la Conférence » rassemble douze jeunes avocats, appelés « les secrétaires », désignés pour un an et qui assurent la défense pénale d’urgence dans des affaires sensibles. Ils sont choisis par leurs pairs à l’issue d’un concours d’éloquence en trois tours. En 2021, environ 230 candidats étaient inscrits au premier tour. Tous les avocats de moins de 35 ans qui ont prêté serment peuvent participer, même si une certaine souplesse sur la limite d’âge peut être accordée et aucune présélection n’est organisée à l’entrée.

Visibilité inestimable

Durant une année entière, les douze orateurs élus bénéficient de plusieurs prérogatives. D’abord, ils jouissent d’un monopole en cas d’instruction criminelle à Paris. « S’il y a un meurtre, un assassinat ou une infraction en bande organisée à Paris, par exemple. On sera présent lors de la mise en examen, explique Chloé Redon, actuelle huitième secrétaire – chaque secrétaire possède un numéro auquel est attachée une fonction particulière –, chargée de la communication. Pour la suite de l’instruction, on sera automatiquement désigné si le client souhaite un avocat commis d’office. » Ces jeunes avocats détiennent également un monopole concernant l’instruction des affaires financières, les comparutions immédiates de renvoi et les gardes à vue en matière criminelle.

Maître Paul Nafilyan fait face aux douze secrétaires de la conférence et au bâtonnier de Paris, Olivier Cousi, le 15 novembre 2021, lors du 3e tour du concours d’éloquence organisé dans la bibliothèque de l’ordre, au Palais de justice de l’île de la Cité.

Mais être choisi dans le cercle des Douze constitue avant tout une opportunité professionnelle décisive dans la carrière de ces pénalistes. « Je n’avais aucun réseau. Personne de mon entourage ne travaillait dans le droit, témoigne Chloé Redon. C’était le seul moyen pour moi de commencer à développer une clientèle. J’ai pu m’installer à mon compte. » Dans ce milieu très concurrentiel, la Conférence offre une visibilité inestimable. « Je serai toujours attentif à un passé de secrétaire de la Conférence si je dois recruter des collaborateurs », confie le pénaliste Jean-Yves Le Borgne, lui-même élu secrétaire en 1977.

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Préparer le barreau : une année intense au coût certain

« La période de préparation de l’examen du barreau est très intense » C’est ainsi que Lucas, 23 ans et fraîchement admis à l’école d’avocats de Bordeaux, résume la rudesse de la préparation à l’examen du CRFPA (Centre régional de formation professionnelle d’avocats). Sélectif, son taux de réussite atteint en moyenne les 30 %. Chaque année, environ 4 000 étudiants intègrent une formation au sein des 11 écoles du barreau de France.

Fixé par un arrêté du 19 juillet 2017, le coût des dix-huit mois de formation pour se draper de la robe noire s’élève au maximum à 1 825 euros. Après une décision du 3 février 2017 du Conseil national des barreaux (CNB), institution qui organise la formation des élèves avocats, il avait été un temps question d’augmenter les frais d’inscription à 3 000 euros. Une hypothèse qui n’est pas aujourd’hui « le souhait politique » de Jean-François Mérienne, président de la commission formation du CNB. « La profession d’avocat doit être ouverte, elle n’est pas réservée à des fils d’archevêques », insiste l’avocat de Dijon.

« Les admis sont en grande majorité issus de prépas privées. » Lucas, 23 ans, admis à l’école de Bordeaux

Le recours à une préparation privée, dont le coût oscille entre 1 500 et 2 000 euros, l’été qui précède l’examen en septembre, est de plus en plus fréquent. « Les admis sont en grande majorité issus de prépas privées », constate Lucas. Et si l’on rate le barreau, il faut se redonner les moyens de s’élancer une deuxième fois.
« Une dernière fois », corrige Ibrahim Shalabi, 29 ans et avocat au barreau de Paris. Pour cet ancien étudiant boursier sur critères sociaux échelon 7 (le plus élevé), c’est le temps nécessaire aux révisions qui est un frein, davantage que le coût d’une nouvelle prépa à financer.

« Le CRFPA demande trois mois de focus. Tu ne te consacres qu’à ça, se remémore le jeune juriste. Cela signifie – sauf exception, je sais qu’il y en a qui le font – de ne pas travailler à côté. Pour quelqu’un qui vit à Paris, trois mois sans rentrer d’argent, si tu ne vis pas chez tes parents, c’est compliqué. » C’est d’ailleurs dans sa famille qu’il a révisé.

Même recette pour Lucas. « Etre chez ses parents aide. C’est plus confortable car mes journées s’étalaient de 8 heures à 19 h 30 pour préparer les épreuves écrites », explique l’élève avocat, avant d’ajouter qu’il n’avait peut-être bu que « deux bières dans l’été ». A contrario, les amitiés tissées entre étudiants révisant le CRFPA se trouvent renforcées. « Cet examen est une expérience éprouvante mais extrêmement enrichissante socialement », observe Ibrahim Shalabi, qui a gardé avec ses compagnons de révisions pour le barreau des liens « beaucoup plus forts » que ceux noués « en début de faculté de droit ».

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Carrière des femmes : « Défaire le patriarcapitalisme dans nos mentalités est possible »

Professeure d’économie à l’université de Nouvelle-Galles-du-Sud à Sydney (Australie) et chroniqueuse du « Monde », Pauline Grosjean conceptualise, dans un livre paru au Seuil, le « patriarcapitalisme », ou comment la structure de domination, la culture et l’identité de genre interagissent avec le système économique pour faire obstacle à l’égalité femmes-hommes.

Les années 1980 furent le témoin de progrès économiques fulgurants pour les femmes. Que s’est-il passé depuis ?

A la fin des années 1980, les femmes sont en moyenne plus éduquées que les hommes dans les pays occidentaux, n’interrompent plus ou très peu leur carrière pour s’occuper de leur famille, et accèdent à des professions, notamment la médecine ou la magistrature, qui auparavant étaient réservées aux hommes. Mais l’explosion des inégalités de revenus depuis s’est marquée par un creusement des inégalités économiques entre les femmes et les hommes.

Cet écart s’explique par les différences systématiques en termes de choix de métier et d’industrie, différences dictées par des injonctions à satisfaire des identités de genre, et par des considérations sociales de qualités naturelles supposées féminines ou masculines : c’est ce que j’appelle le patriarcapitalisme.

L’Australie, où je réside depuis 2011, est un cas particulièrement intéressant en raison d’une expérience historique particulière qui a laissé des traces indélébiles sur les normes de genre. Le pays a longtemps été caractérisé par un déséquilibre démographique très important, avec un surcroît du nombre d’hommes par rapport aux femmes, aussi bien en raison de son statut de colonie pénale que d’une immigration volontaire majoritairement masculine. Cette expérience historique permet de mieux comprendre la formation des normes sociétales de genre, leurs impacts économiques et leur persistance à long terme.

La robotisation a-t-elle rendu la conciliation entre vie professionnelle et privée plus aisée ?

Contrairement aux attentes, non : on travaille encore plus, notamment dans les postes à responsabilité. On parle alors de « opt-out revolution » : certaines femmes, mères et très diplômées, se rendent compte que leur travail est incompatible avec la maternité. Dans le milieu académique, si une femme a du succès, son statut nullipare va être mis en avant. On dira : « Elle est prof à Harvard, mais elle n’a pas d’enfants. » On n’aura jamais la même remarque pour un homme.

Comment lutter contre les inégalités de genre en entreprise ?

Les grandes entreprises doivent publier leurs comptes financiers plusieurs fois par an, mais presque rien ne les oblige à dévoiler quoi que ce soit sur les problématiques de diversité. Peu de données publiques existent sur la répartition des différents postes hiérarchiques entre les femmes et les hommes. Les entreprises ne sont même pas contraintes de rendre publics les cas de harcèlement sexuel.

La France n’a que très récemment fait des progrès dans ce sens : depuis 2020, les entreprises doivent publier un index global d’égalité femmes-hommes à partir de quatre ou cinq indicateurs selon leur taille – écart de rémunération, écart de répartition des augmentations, nombre de salariées augmentées à leur retour de congé maternité, parité parmi les dix plus hautes rémunérations. Un progrès donc, mais loin d’une mesure systématique et détaillée de la culture d’entreprise en termes d’égalité femmes-hommes.

L’arrivée de femmes aux conseils de direction sous l’effet de quotas s’est-elle répercutée sur le reste de l’entreprise ?

Les progrès des femmes en haut de la hiérarchie n’ont pas bénéficié aux autres employées : on ne constate pas d’augmentation des embauches des femmes en général, ni de mise en place de politiques plus favorables pour elles dans l’entreprise. Les femmes qui se hissent tout en haut de l’échelle n’ont pas la même expérience de vie que les autres. Elles ont fait des sacrifices importants vis-à-vis de leur famille : elles sont moins mariées et ont moins d’enfants par rapport aux autres femmes dans l’entreprise. Elles sont donc moins bien placées pour identifier les obstacles qu’on rencontre lorsqu’on essaie de concilier carrière et enfants.

Quel a été l’impact de la pandémie sur les inégalités de genre ?

Le Covid a touché des secteurs d’activité plus féminins, en contact avec le client. Il s’agit de la récession la plus inégalitaire qu’on ait jamais connue en termes de genre. Dans les pays où les écoles ont fermé, ce sont les femmes qui se sont majoritairement occupées des enfants à la maison. Même quand, dans le couple, la femme comme l’homme ont doublé le temps passé avec les enfants, comme les femmes y consacraient déjà plus d’heures auparavant, en valeur absolue l’écart s’est creusé.

Pourtant, devinez à qui profite l’argent mobilisé dans les plans de relance ? Aux emplois majoritairement masculins, dans les secteurs des infrastructures et de la rénovation énergétique.

Aujourd’hui, les scandales #metoo incarnent une demande renouvelée d’égalité. Une nouvelle ère s’ouvre-t-elle ?

Je suis assez optimiste. Mes étudiantes de 20 ans ne sont pas comme moi au même âge. Elles n’admettent plus les choses qui moi me faisaient rire nerveusement pour ensuite me sentir mal pendant des jours. On met des mots sur le harcèlement sexuel.

Mais il existe encore des comportements sur lesquels la lumière n’a pas été faite. Sur le retour de congé maternité par exemple, qui fut le vrai obstacle à mon épanouissement professionnel : on m’a piqué des données, viré des papiers.

Quand j’ai commencé ma carrière, le congé maternité, je m’en moquais, cela ne me concernait pas du tout. Si on m’avait alertée, qu’on m’avait dit que c’est précisément à ce moment qu’autant de femmes tombent de l’échelle, j’aurais été davantage vigilante. Défaire le patriarcapitalisme dans nos mentalités est possible. La législation et une politique ambitieuse d’égalité femmes-hommes peuvent changer les normes de façon durable et robuste.

« Patriarcapitalisme », de Pauline Grosjean. Seuil, 224 pages, 20 euros.

« Patriarcapitalisme. En finir avec les inégalités femmes/hommes dans l’économie », de Pauline Grosjean. Seuil, 224 pages, 20 euros.

Les transferts d’argent des migrants sont « une bouée de sauvetage essentielle » pour les pays pauvres, selon la Banque mondiale

Alors que le nombre de migrants a baissé dans le monde en 2021, les transferts de fonds vers leurs pays d’origine devraient connaître une hausse spectaculaire de 7,3 % cette année, à 589 milliards de dollars (520 milliards d’euros). Les migrants originaires des pays pauvres envoient trois fois plus d’argent que l’ensemble de l’aide publique au développement dépensée par les pays riches dans le monde. La Banque mondiale, qui publie ces chiffres mercredi 16 novembre, souligne leur « importance » comme rempart à la crise économique qui frappe actuellement les pays à bas et moyen revenu.

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L’institution sise à Washington appelle même les gouvernements à « faciliter ces transferts » pour soutenir la reprise mondiale et parce qu’ils sont « une bouée de sauvetage essentielle pour les dépenses des ménages dans l’alimentation, la santé et l’éducation pendant les périodes de difficultés économiques ». La hausse est attribuée à deux causes principales : d’abord la vigoureuse reprise économique dans les pays d’accueil, aux Etats-Unis et en Europe, aidée par d’importants plans de soutien ; et les besoins des familles dans les pays pauvres, qui ont subi de plein fouet la pandémie de Covid-19.

Les flux d’argent progressent de 21,6 % en Amérique latine et dans les Caraïbes, particulièrement dans les pays qui ont accueilli ces derniers mois des migrants en transit vers les Etats-Unis, notamment au Mexique, ce qui laisse penser qu’une partie des sommes a servi à payer des passeurs. L’autre hypothèse est l’arrivée massive de télétravailleurs américains dans ces pays pendant le confinement, ce qui aurait entraîné d’importants transferts de devises.

« Processus entravé »

Des hausses sont plus spécifiques à certaines régions, comme celles à partir des pays du Golfe et de la Russie, dont les économies tirent profit de la hausse des cours du pétrole, ou encore vers des pays en crise comme le Liban ou le Yémen. Dans le reste du monde, la hausse est comprise entre 5 % et 10 %, sauf en Asie de l’Est (hors Chine) où elle ne devrait progresser que de 1,4 %.

Les transferts devraient continuer de progresser en 2022, mais à un rythme moins soutenu du fait de l’arrêt des plans de relance budgétaires

Les migrants partent travailler à l’étranger malgré des coûts exorbitants. Un Bangladais paie en moyenne l’équivalent de vingt mois de son salaire à des agents, en Arabie saoudite, pour y trouver un travail. Il est aussi plus difficile pour eux de trouver un emploi. La Banque mondiale note que « la baisse du nombre de travailleurs étrangers dans les pays du Golfe » est une « tendance de fond inquiétante du point de vue [des] pays à bas et moyen revenu ».

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Investissements internationaux : Paris confirme son attractivité

Emmanuel Macron lors de l’ouverture du sommet « Destination France », à Paris, le 4 novembre 2021.

La crise, si elle a fait chuter drastiquement le volume de projets d’investissements internationaux dans le monde, n’a pas bousculé outre mesure la hiérarchie des villes les plus attractives pour y implanter centres de recherche, sièges sociaux ou centres de production. L’édition 2021 du Global Cities Investment Monitor, publié mercredi 17 novembre, confirme la première place de Londres aux yeux des investisseurs internationaux, mais une première place pâlissante, effet Brexit oblige.

La part de marché de la métropole britannique reflue depuis 2019, faisant, en comparaison, ressortir l’attrait de Paris et de l’Ile-de-France, qui occupent la deuxième place du classement, malgré une part de marché qui reste quasi inchangée. Singapour vient en troisième position, suivie d’un doublé entre Düsseldorf et Dubaï. New York, première ville américaine, est huitième dans ce classement réalisé sur la base d’une enquête conduite par OpinionWay, auprès de cinq cents investisseurs internationaux installés dans vingt pays, et commandée par Greater Paris Investment Agency et Choose Paris Region.

52 % de plus qu’en 2020

Le tout dans un contexte de lente reprise du nombre de projets accompagnés par les structures spécialisées. Après une chute drastique en 2020, Choose Paris Region, l’agence de promotion et d’attractivité internationale de la région Ile-de-France, a eu à traiter 736 projets sur la période comprise entre janvier et octobre 2021, soit une progression de 18 % par rapport à 2020. Ces projets représentent potentiellement 32 056 emplois nouveaux à échéance de trois ans, soit 52 % de plus que l’an passé.

Ce baromètre conforte aussi le rôle de l’Europe comme plaque tournante des investissements dans le monde. « L’Europe, dans ce domaine, a opéré une percée spectaculaire depuis 2014 », souligne Lionel Grotto, directeur général de Choose Paris Region. Le Vieux Continent était, en 2020, le premier investisseur vers le reste du monde, avec 55 % des investissements directs internationaux, et le premier bénéficiaire des investisseurs mondiaux, avec 49 % des projets. Le nombre de projets d’outre-Atlantique a fortement augmenté. Outre Londres et Paris, trois métropoles allemandes (Düsseldorf, Berlin, Munich), deux espagnoles (Barcelone et Madrid), complétées par Amsterdam et Dublin, figurent dans les villes favorites des investisseurs. Dans cette enquête, l’un des critères de choix essentiels pour les implantations était la réponse apportée à la crise sanitaire : Paris arrive en deuxième position, après Singapour et avant Shanghaï et Londres.

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Ferropem : l’un des deux sites menacés échappe à la fermeture

Des employés et syndicalistes de Ferropem manifestent contre le plan social visant leurs usines, au château de Vizille, en Isère, le 14 juillet 2021.

Le groupe américano-espagnol Ferroglobe, l’un des principaux producteurs mondiaux de silicium, a annoncé, lundi 15 novembre, la levée du plan de sauvegarde de l’emploi (PSE) engagé sur le site des Clavaux, près de Grenoble, l’une des deux usines Ferropem qu’il voulait fermer dans les Alpes. Cependant, les huit mois de négociations n’ont pas permis de sauver le site de Château-Feuillet (Savoie).

Dans le département, la nouvelle a été accueillie comme une « délivrance » par les 131 salariés du site des Clavaux, qui avaient choisi de poursuivre le travail pour prouver que leur usine, menacée depuis le mois de mars, était toujours compétitive. Vingt-cinq emplois seront par ailleurs créés sur ce site centenaire installé dans l’ancien berceau hydroélectrique de la vallée de la Romanche, grâce au transfert d’une ligne de production de disiliciure de calcium, qui fonctionnait jusque-là à Château-Feuillet. « Nous savions que le défaut de compétitivité invoqué pour les Clavaux était erroné et nous avons choisi de riposter par le travail, même si le pari était risqué. Mais la démarche a payé », se réjouit Mourad Moussaoui, délégué central du syndicat Force ouvrière à Ferropem.

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Dans un communiqué, Ferroglobe a justifié ce revirement par la signature d’un nouveau contrat commercial avec un « client historique » et un accord avec l’Etat français, qui permettra à Ferropem, selon le ministère de l’industrie, de bénéficier d’une trésorerie anticipée de 15 millions d’euros. Un nouveau contexte financier favorable qui autorise la filiale de Ferroglobe à « réduire l’impact social du projet de réorganisation présenté en mars 2021, tout en assurant sa compétitivité sur l’ensemble de ses cinq sites industriels français », a souligné sa maison mère.

« Trouver des solutions pour le territoire »

A l’issue d’un comité social et économique central extraordinaire qui s’est tenu lundi à Chambéry (Savoie), au siège social de Ferropem, Ferroglobe a en revanche confirmé le maintien du PSE amorcé en mars à Château-Feuillet, l’autre usine alpine de sa filiale. Le groupe, qui promet « un plan de redéploiement et des mesures sociales de qualité » pour ses 226 salariés, s’engage à « s’investir pour trouver des solutions pour le territoire » en suivant notamment « les manifestations d’intérêt et les projets industriels associés ».

Le ministère de l’industrie a fait savoir qu’il existait « toujours trois ou quatre marques d’intérêt industrielles intéressantes » autour du site de Château-Feuillet

« Après avoir refusé l’activité partielle de longue durée et maintenant des prêts d’Etat, Ferroglobe se livre à un homicide volontaire sur l’établissement de Château-Feuillet, en refusant un accord d’obligation d’engagement de cession à des concurrents », déplore toutefois un salarié sous le couvert de l’anonymat. Pour Yannick Bacaria, référent Rhône-Alpes de la Fédération nationale CGT des industries chimiques, la fermeture envisagée de l’usine de Château-Feuillet, qui fut « le plus gros site de la filière silicium française », constitue un « non-sens écologique » qui va obliger la France à importer du silicium de Chine, alors que cette dernière le fabrique avec de l’électricité carbonée. « C’est un manque d’ambition politique qui va accélérer le problème du climat », insiste-t-il.

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Salaires 2022 : pas de hausse réelle en première ligne et davantage d’individualisations pour les autres

La hausse de l’inflation attendue à 1,5 % en 2022 n’infléchira pas vraiment les politiques salariales des entreprises. C’est ce qui ressort des Rencontres RH, le rendez-vous mensuel de l’actualité du management créé par Le Monde en partenariat avec Manpower Group, qui a réuni mardi 9 novembre une quinzaine de DRH à Paris.

« Pendant la crise sanitaire, on a beaucoup parlé de l’indispensable revalorisation des salaires des travailleurs des première et deuxième lignes. C’était un constat mondial. Mais on observe que, ni au niveau des Etats ni au niveau des entreprises, il n’y a eu d’ajustement des salaires significatif, autrement qu’en réaction à la pénurie d’emplois sur certaines activités. Même avec l’arrivée de l’inflation des prix, aucune boucle prix-salaire ne se met à l’œuvre. Il n’y a pas de signaux forts de dynamique salariale massive », constate l’économiste Philippe Askenazy.

Aux Galeries Lafayette, qui ont plutôt souffert ces dix-huit derniers mois, « notre objectif a d’abord été le maintien de l’emploi. L’activité partielle de longue durée (APLD) est toujours en place et le sera au-delà de 2021, explique le DRH Romain Le Bolus. Avec les hausses du smic et du prix de l’énergie, il y a d’énormes attentes de la population “employés”. Des organisations syndicales nous ont demandé d’ouvrir des négociations, alors que ce n’est pas notre calendrier habituel ».

Forte attente des salariés

Les négociations annuelles ont, pour certains, commencé au printemps, tandis que, pour d’autres, elles ne font que commencer. « La hausse du smic au 1er octobre va bousculer ce calendrier. On ne sera pas en 2022 l’entreprise qui fera du gel de salaire, malgré l’année catastrophique », le DRH des Galeries Lafayette n’en dira pas davantage concernant la revalorisation salariale de cette catégorie de personnel, à part que « la préoccupation principale de la direction sera l’humain. Chez nos recrues, ce n’est plus seulement la rémunération qui compte ». Toutefois, au siège, « où le niveau de démissions est élevé, on recrute un peu plus cher sur certains métiers », reconnaît-il.

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Pour les entreprises qui n’ont pas été épargnées par la crise sanitaire, les hausses de salaires – générales et individuelles – sont rarement prévues au-delà de 2 % pour 2022. Chez BNP Paribas, où les négociations annuelles obligatoires sont terminées, « elles se sont conclues sur 0,6 % d’augmentations générales, avec un minimum de 180 euros, et 1,5 % du budget dédié aux augmentations individuelles », indique Agnès Girod, la responsable RH chargée des rémunérations. Mais, « face au désengagement des travailleurs, les entreprises vont devoir retrouver des outils incitatifs pour les salariés », remarque Philippe Askenazy.

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Télétravailler de l’étranger est aujourd’hui un luxe et à terme un risque de délocalisation d’emplois

La crise sanitaire l’a prouvé : le travail à distance fonctionne. Le télétravail est même devenu un argument de séduction pour les recruteurs. « En entretien d’embauche, un candidat sur deux demande à être en télétravail permanent », explique Jonathan Astruc, cofondateur de Digitevent, un éditeur de logiciels pour organisateurs d’événements, qui emploie vingt-cinq salariés en France.

Dans son entreprise, trois ou quatre salariés ont formulé la même demande, pour partir notamment vivre en Irlande ou au Brésil. Car les salariés y ont pris goût : ainsi, d’après une étude d’Hellowork publiée en septembre, déjà 11 % des personnes interrogées envisageraient de s’installer à l’étranger pour télétravailler.

« Dès lors qu’il devient possible de travailler sans mettre un pied dans l’entreprise, pourquoi les directions n’embaucheraient-elles pas directement en télétravail à l’étranger, notamment dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est plus faible ?  »

Dès lors qu’il devient possible de travailler sans mettre un pied dans l’entreprise, pourquoi les directions n’embaucheraient-elles pas directement en télétravail à l’étranger, notamment dans des pays où le coût de la main-d’œuvre est plus faible ? Le risque d’une nouvelle vague de délocalisations est bien là.

Au tour des cols blancs

Après avoir touché d’abord les emplois peu qualifiés, puis les centres d’appels et le secteur informatique, la délocalisation pourrait concerner davantage de cols blancs. Un phénomène que confirme Matthieu Rosy, délégué général de la Fédération Syntec, qui représente plus de 3 000 entreprises du numérique, du conseil, de l’événementiel et de la formation professionnelle : « Le phénomène n’est pas nouveau dans notre secteur, mais il touche de plus en plus des postes à haute valeur ajoutée. »

En France, l’assureur-crédit Coface estime, d’après les chiffres de l’Union européenne (UE), que 35 à 40 % des emplois seraient télétravaillables. « Les conditions sont là pour une transformation de long terme, reconnaît Marcos Carias, économiste chez Coface et coauteur de l’étude « Télétravail : les risques et les opportunités de la délocalisation virtuelle », publiée en juin. Mais, aujourd’hui, beaucoup d’entreprises sont dans l‘urgence et cherchent avant tout à rétablir un lien avec leurs salariés, avec le travail hybride. »

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Thierry Tisserand, secrétaire général de la fédération CFDT Banques et assurances, le dit clairement : « Pour le moment, le souci est de préserver les collectifs de travail. » « Une chose est sûre, à terme la délocalisation virtuelle va prendre de l’ampleur, notamment pour les métiers ayant peu d’interactions avec le client », précise Marcos Carias.

Des métiers tels que ceux de comptable, ingénieur, développeur Web, data scientist, designeur, gestionnaire de paie, ceux des fonctions support, etc. pourraient quitter l’Europe pour des pays émergents. Parmi les secteurs les plus exposés : la banque et les assurances, dont 92 % des emplois sont télétravaillables en France, l’information et la communication (79 %) et le conseil (67 %).

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La crise du Covid-19, une opportunité pour l’économie française ?

« La stratégie du “quoi qu’il en coûte”, couplée aux 100 milliards du plan de relance […] nous a permis non seulement de résister à la crise, mais de rebondir plus fort aujourd’hui », assurait Emmanuel Macron lors de son allocution télévisée du 9 novembre. Dans l’étude qu’ils publient mardi 16 novembre, les économistes de l’Institut des politiques publiques (IPP), un organisme de recherche indépendant, partagent le constat d’une « rapidité impressionnante de la sortie de crise, malgré un choc énorme » dû à la pandémie, comme le résume Antoine Bozio, le directeur de l’IPP. Ni le mur de faillites ni les vagues de licenciements un temps redoutés n’ont marqué la sortie de crise.

L’explication de ces bonnes nouvelles reste toutefois complexe. « Ce qui est sûr, c’est que sans les mesures de soutien et de relance du gouvernement, la sortie de crise aurait été repoussée de plus d’un an », indique M. Bozio. Il aurait alors fallu plus de cinq trimestres supplémentaires à la France pour retrouver le niveau de PIB d’avant-crise, que l’économie vient d’atteindre au troisième trimestre 2021. Les chercheurs ne sont toutefois pas en mesure de préciser si le gouvernement en a fait trop ou pas assez, ou ce qui se serait passé s’il avait calibré autrement ses dispositifs.

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En revanche, la dette aurait davantage augmenté en pourcentage du PIB sans ces soutiens. « On aurait eu une explosion de la dette à 126 % du PIB, contre 115 % aujourd’hui. A l’heure où l’on débat d’un assainissement des finances publiques, il ne faut pas oublier que le choix de recourir à des mesures exceptionnelles pour limiter, in fine, le ratio d’endettement, était rationnel », estime M. Bozio. De même, l’utilisation massive du chômage partiel se révèle finalement moins coûteuse qu’une stratégie où le gouvernement aurait décidé de laisser augmenter le chômage, note l’étude.

PIB en hausse

Pour la suite, les modèles des économistes se veulent également optimistes. « Une fois retirés les dispositifs d’aide, le dynamisme de l’économie fait qu’il est fort probable que les emplois créés demeurent », estime M. Bozio. Le taux d’emploi (le nombre d’actifs rapporté à la population en âge de travailler) est aujourd’hui supérieur à celui d’avant-crise, et même à celui des deux précédents quinquennats de Nicolas Sarkozy et François Hollande. Et la croissance moyenne du PIB devrait accélérer : de 1,2 % par an entre 2009 et 2017, elle devrait augmenter à 1,35 % entre 2017 et 2025. Il n’y a donc pour le moment pas de signes de croissance plus faible, contrairement à ce qui s’était passé au sortir de la crise financière de 2008, relèvent les auteurs.

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« Nous sommes tous SAM » : en Aveyron, le mince espoir de reprise de la fonderie automobile

Lors d’une grève des employés de la Société aveyronnaise de métallurgie en grève, à Viviez, le 10 mars 2021.

Le temps presse. Il ne reste qu’une poignée de jours à un repreneur pour manifester son intérêt pour la fonderie Société aveyronnaise de métallurgie (SAM), installée à Viviez, dans l’ancien bassin houiller de Decazeville (Aveyron). Le 16 septembre, le tribunal de commerce de Toulouse prononçait la liquidation judiciaire avec poursuite d’activité pour une durée de trois mois de ce fabricant de pièces automobiles (carter d’huile, support moteur, entraîneur de moteur d’essuie-glace), placé en redressement judiciaire en décembre 2019.

Il fixait une date butoir pour examiner des candidatures. « Si, le 19 novembre, il n’y a aucune lettre d’intention ou projet de reprise, c’est la liquidation directe », alerte Sébastien Lallier, délégué syndical CGT et secrétaire du comité social et économique. La cessation de l’activité conduirait à la suppression des 340 emplois.

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Les salariés ont encore des raisons d’y croire. Patrick Bellity, qui a été le patron jusqu’en juin 2016, quelques mois avant le rachat par le géant chinois de l’aluminium Jinjiang, est sur les rangs. « Je ne peux me résoudre à laisser la SAM disparaître sans l’en empêcher, se justifie ce candidat potentiel dans un communiqué. Aussi ai-je exprimé à l’Etat, à la région et à Renault, aux partenaires obligés, que j’étais de nouveau disponible afin d’étudier rapidement, avec leurs concours, la solution la plus adaptée au sauvetage de la SAM. » En juin, l’industriel proposait, avec l’aval des salariés, une première offre de reprise, jugée fragile financièrement par le cabinet d’audit Grant Thornton, mandaté par l’Etat et les administrateurs judiciaires.

Renault, clé de voûte des négociations

Selon nos informations, la seconde mouture inclurait à peine 135 emplois et nécessiterait une dizaine de millions d’euros d’aide financière. L’Etat, actionnaire de Renault, client quasi unique de l’usine, fait preuve de réserves à son égard. « Nous attendons un projet écrit de sa part, qui tient compte des faiblesses pointées », prévient Bercy. Carole Delga, la présidente (PS) de la région Occitanie, n’est pas emballée par cette proposition. « Mes services ont travaillé, lundi [8 novembre], avec M. Bellity. Il s’avère que son offre demande à être retravaillée », explique la présidente, qui promet de venir « en aide à un acteur industriel, avec des subventions et des prises de participation au capital ».

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Face à l’urgence sociale, la dirigeante de la région réclame qu’un délai supplémentaire soit accordé par le tribunal de commerce aux repreneurs potentiels pour finaliser leurs propositions et exhorte Renault, clé de voûte des négociations, « à tenir ses engagements en volume de commandes, de part la nécessaire solidarité dont il a bénéficié depuis une vingtaine d’années ». Car, à la SAM, c’est l’équipementier automobile qui dirige. « Il fait nos fins de mois, admet Sébastien Lallier, entré à l’usine en 2005. Il a injecté 10 millions à 12 millions d’euros en tout pour qu’on lui fournisse les pièces dont il a besoin. »

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