Archive dans 2021

Quand l’assurance-vie devient solidaire

les fonds solidaires consacrent environ 800 millions d’euros au financement de l’économie sociale et solidaire.

Le monde de la finance solidaire est en ébullition. A partir du 1er janvier 2022, tous les contrats d’assurance-vie auront l’obligation de proposer au minimum un fonds solidaire, c’est-à-dire un produit consacrant de 5 à 10 % de son actif au financement de structures de l’économie sociale et solidaire (ESS). Ces fonds sont surnommés « 90-10 ». Cela devrait donner un coup d’accélérateur à ces produits jusqu’ici majoritairement distribués dans le cadre de l’épargne salariale : leur encours a atteint 13,78 milliards d’euros à la fin de l’année 2020, dont 85 % avec l’épargne salariale, d’après l’association FAIR.

Au total, les fonds solidaires consacrent environ 800 millions d’euros au financement de l’ESS. « L’impact de ces produits est tangible : les structures soutenues par nos fonds solidaires ont permis de mettre à disposition 6 400 logements et d’accompagner 25 000 personnes vers l’emploi en 2020 », indique Béatrice Verger, responsable du développement investissement socialement responsable (ISR) de BNP Paribas Asset Management.

Lire aussi Le plan d’épargne-retraite fait-il de l’ombre à l’assurance-vie ?

Concrètement, comment ces acteurs sont-ils sélectionnés par les gérants des fonds solidaires ? Chaque société de gestion développe une approche spécifique, même si certains poids lourds du secteur, comme la foncière Habitat et Humanisme, France Active Investissement ou encore l’ADIE, sont présents dans la plupart des fonds.

« Mutualiser les investissements »

Depuis une dizaine d’années, la tendance est à la création d’un produit spécifique qui sert de « poche solidaire » à l’ensemble des fonds « 90-10 » d’une même maison et peut même être distribué auprès d’autres sociétés de gestion n’ayant pas cette expertise. « Réunir nos investissements solidaires dans un seul fonds nous permet de mutualiser nos investissements, donc d’être capables de financer jusqu’à plusieurs millions d’euros pour une même structure de l’ESS dans certains cas », explique Laurence Laplane-Rigal, directrice de l’investissement à impact social chez Amundi, dont le fonds « pur solidaire », Amundi Finance et Solidarité, pèse à lui seul environ 410 millions d’euros.

« Nous accompagnons ces entreprises, coopératives ou associations, dans leur changement de taille, lorsqu’elles passent de l’échelle locale à l’échelle régionale, ou de la région au territoire national », précise Mme Laplane-Rigal, citant Vivre en béguinage (logement accompagné pour seniors), Homnia (logement pour personnes en situation de handicap), La Varappe (insertion par l’emploi) ou encore My Retail Box (distribution en vrac). Amundi finance au total 43 structures de l’ESS, pour des tickets compris entre 800 000 euros et 5 millions d’euros, voire plus, sous forme de dette ou d’apport de fonds propres.

Il vous reste 39.93% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Les modes de management asiatiques, trop différents pour être source d’inspiration ?

Depuis les années 1960, les usines du monde entier se sont inspirées de la méthode japonaise Kanban mise au point chez Toyota, qu’elles ont progressivement adoptée. Cette méthode de travail dite en « juste à temps » a révolutionné les modes de production occidentaux, et elle est aujourd’hui à la base des méthodes agiles, très en vogue dans la gestion de projets et dans le développement d’applications numériques. Depuis, l’économie mondiale s’est globalisée, et la croissance s’est accélérée en Asie, où la population a fortement augmenté.

Mais les pratiques managériales ne s’exportent pas toujours : alors que la transformation numérique, l’avènement de l’Internet mobile, le télétravail banalisé et l’arrivée dans le monde professionnel de nouvelles générations ont profondément transformé les entreprises, tant en Occident que dans les pays asiatiques, les manières de faire restent fortement ancrées dans les cultures locales.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « En matière de gouvernance, les entreprises chinoises ont choisi l’absence de droit »

Si le modèle entrepreneurial paternaliste reste dominant en Asie, notamment en Chine, les modes de management ont bien évolué sous l’impulsion de la mondialisation. Quant aux entreprises occidentales implantées en Asie, elles ont pour la plupart arrêté d’imposer leurs méthodes dans leurs filiales ou chez leurs sous-traitants asiatiques. De là à s’inspirer des modes de management pratiqués en Asie, il y a un grand pas.

Innovation « de rupture »

« Plutôt que de s’inspirer, il faut voir ce qui marche et pourquoi, suggère Catou Faust, professeure de management interculturel à l’école de commerce EM Lyon. Les entreprises françaises se sont beaucoup inspirées des Etats-Unis, qui ont une culture du “comment” plutôt que du “pourquoi”, et qui fournissent des outils de reporting très quantitatifs. » Cette différence culturelle se retrouve aussi dans l’innovation. Pour les Japonais, cette dernière est partout et chacun peut innover, c’est-à-dire améliorer, en permanence. « Alors qu’en France, l’innovation doit être “de rupture”, contrairement aux Chinois qui, eux, adaptent », souligne-t-elle.

C’est surtout sous l’impulsion des nouvelles générations que le management des entreprises asiatiques évolue. Asmita Dubey, directrice générale digital de L’Oréal, l’a constaté au cours de ses expériences en Inde et en Chine : « Le fort développement économique, surtout en Chine, s’est accompagné d’une rapide acculturation technologique, ce qui fait que les jeunes sont vraiment “mobile native” et ont une forte culture des méthodes agiles et de la programmation. »

Lire aussi Article réservé à nos abonnés L’argot de bureau : le « kaizen » ou l’éloge de la régularité

Cela se traduit dans la gestion de projets, qui sont résolus collectivement par une équipe aux compétences variées, dans laquelle chacun occupe une place clairement définie et où tous partagent le même objectif. « Cette approche collaborative d’équipes multifonctions est très différente des méthodes occidentales beaucoup plus individualistes. Cette façon de travailler va se répandre car elle est porteuse d’importants bénéfices. » On retrouve déjà une pratique relativement semblable en Europe et aux Etats-Unis dans les start-up, mais elle ne perdure pas toujours quand la jeune pousse grandit.

Il vous reste 43.01% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

La lutte contre le harcèlement au travail s’amplifie

Carnet de bureau. Des marches contre les violences sexistes et sexuelles ont eu lieu samedi 20 novembre dans plusieurs villes de France, organisées par le collectif féministe #NousToutes dans le cadre de la Journée internationale pour l’élimination des violences faites aux femmes. En Europe, 60 % des femmes (55 % en France) déclarent avoir été victimes au cours de leur carrière, d’au moins une forme de violence sexiste ou sexuelle, au dernier bilan réalisé en 2019 par la Fondation européenne d’études progressistes.

Lors d’une manifestation organisée par le collectif féministe #NousToutes, contre les violences sexistes et sexuelles, à Toulouse le 21 novembre 2021.

Depuis l’affaire Weinstein et la campagne #metoo de 2017, la parole s’est certes libérée, mais harcèlement et violence sexistes font encore parfois partie du quotidien du travail. « Blague lourde, présentation de photo érotique ou pornographique, dès qu’il y a répétition, il y a harcèlement. Un beau jour, vous ne verrez pas la ou le salarié(e) harcelé(e), parce qu’elle, ou il, sera en arrêt-maladie, décrit Me Eric Manca, avocat associé du cabinet Auguste Debouzy. La Cour de cassation s’est emparée du thème harcèlement moral et sexuel et a rendu une centaine d’arrêts par an pendant dix ans sur ces sujets. »

La France vient, en cette fin d’année, de marquer un tournant symbolique dans la lutte contre ces violences, en devenant après la Grèce et l’Italie, le troisième pays d’Europe à décider d’adopter la Convention n° 190 de l’Organisation internationale du travail (OIT) relative à l’élimination de la violence et du harcèlement dans le monde du travail. La loi du 8 novembre autorisant sa ratification permet de doter la France du premier instrument juridique international relatif au monde du travail.

Des référents

La convention n° 190 – qui définit le harcèlement et la violence au travail et exige que les Etats développent des politiques pour les éliminer du monde du travail – ne révolutionnera pas le quotidien des manageurs pour gérer ces situations délicates. Le droit français oblige déjà les entreprises à ouvrir une enquête dès qu’un signalement de harcèlement est déclaré. La loi du 5 septembre 2018 a aussi créé les « référents harcèlement », auxquels il manque encore un cadre juridique.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Le délicat exercice de l’enquête interne en cas de harcèlement

La convention ne donne pas non plus de moyens supplémentaires aux syndicats ou aux responsables des ressources humaines pour protéger les victimes. La sénatrice Nicole Duranton (Eure) a regretté, dans un communiqué du 21 octobre, que la ratification ne s’accompagne pas de dispositions législatives nouvelles qui changeraient la donne pour les victimes.

Dans un rapport, elle propose, entre autres, de faire du harcèlement un thème obligatoire des négociations annuelles sur la qualité de vie au travail et de créer de nouveaux droits pour les victimes pour leur permettre de se mettre en sécurité et de se reconstruire. Les syndicats (CGT, FO, CFDT, CFE-CGC) ont demandé à la ministre du travail « la création d’un comité de suivi tripartite pour suivre la mise en œuvre de la convention et de la recommandation [206] ». Sur ce point, rien n’avance. La France n’a pas pris en compte la recommandation 206, censée accompagner la convention de l’OIT pour « préciser son application ».

Il vous reste 9.48% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

En Aveyron, Renault lâche la fonderie automobile SAM

Des salariés en grève de la Société aveyronnaise de métallurgie protestent contre les suppressions d’emplois, à Viviez (Aveyron), le 10 mars 2021.

« Je suis estomaquée », réagit Sandrine. Cette infirmière, employée de la Société aveyronnaise de métallurgie (SAM) de Viviez, dans l’ancien bassin houiller de Decazeville (Aveyron), n’en croit pas ses yeux. Mardi 23 novembre en début de soirée, depuis sa maison située à Querbes, un hameau distant d’une vingtaine de kilomètres de cette usine qui fabrique des pièces automobiles, elle lit sur Internet tous les articles de presse qui mentionnent le refus de Renault de soutenir l’unique offre de reprise, portée par Patrick Bellity, dirigeant de cette fonderie jusqu’en juin 2016, et actuellement patron du groupe Alty et de sa filiale SIFA Technologies.

Reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, la SAM, installée sur les hauteurs de Decazeville, avait été placée en redressement judiciaire le 10 décembre 2019, puis, le 16 septembre, en liquidation judiciaire avec poursuite d’activité jusqu’au 10 décembre. Mardi, en fin de journée, c’est par la voie d’un communiqué de presse que Renault, l’unique client de la SAM, clarifie sa position à l’égard de cette offre de reprise et douche, dans le même temps, le mince espoir des salariés.

Lire aussi En Aveyron, nouveau sursis pour la fonderie SAM

Si le constructeur automobile a décidé de soutenir le plan de reprise d’un autre sous-traitant en difficulté (Alvance Aluminium Wheels, avec ses 280 salariés, basé à Diors, dans l’Indre, repris par le groupe Saint Jean Industries), ce n’est pas le cas pour la SAM. « Renault Group ne peut s’engager sur le projet de reprise d’Alty-SIFA », indique le constructeur, qui motive sa décision par la fragilité financière de cette candidature : « Cette offre ne présente pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaires pour l’entreprise et ses salariés. Il existe de forts doutes sur la solidité financière, malgré les supports financiers externes envisagés, et les réelles capacités d’investissement et de redressement de Jinjiang SAM par Alty-SIFA. »

« Il fallait une décision en haut lieu »

Une source proche du dossier va plus loin, affirmant que « ce projet, pas viable, est porté par un repreneur qui a démontré qu’il n’est pas crédible. Pour une fois, Renault est droit dans ses bottes et assume ce que le gouvernement et les élus n’osent pas reconnaître en période électorale ». « Ce n’est que du blabla. C’est impossible d’écrire des trucs pareils pour supprimer des emplois. Ça sonne creux et c’est scandaleux », tonne Sandrine, emportée par la colère.

Julien, lui, se dit « dégoûté » si la SAM ferme ses portes définitivement, laissant sur le carreau 340 emplois. « Pour le moral, je ne me projette pas et je ne cherche pas de travail », espère encore le jeune chef d’équipe. Didier, manutentionnaire depuis trente-sept ans et proche de la retraite, ne se berce plus d’illusions. « A mon âge, je n’attends plus rien. Cela fait deux ans qu’on laisse traîner cette situation. Toutes les fonderies ferment. Il fallait une décision en haut lieu », regrette-t-il.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les fonderies françaises dans la tourmente

Patrick Bellity, lui, s’offusque. « Je n’arrive pas y croire. On marche sur la tête. Vous croyez que les salariés, dont la moyenne d’âge est de 54 ans, vont laisser leur famille pour aller travailler à l’usine de Flins [Yvelines], en Roumanie ou en Turquie ? Cette décision, c’est de la foutaise. On se fout de la gueule du monde », enrage-t-il, déplorant les « milliards offerts par l’Etat au groupe sans contrepartie ».

« J’ai fait mon job pendant dix-huit ans, je reviens pour sauver la SAM. On ne demande pas 1 centime d’investissement à Renault et, en plus, j’ai des garanties financières », argumente M. Bellity. Il y a quelques mois, il proposait une première offre de reprise, refusée par Renault pour le même motif.

Soutien de l’Etat et de la région

Or, la deuxième mouture obtenait le soutien financier de l’Etat, actionnaire minoritaire de Renault : une aide de 1 million d’euros et un prêt de 4,7 millions d’euros. « L’Etat regrette qu’aucun projet industriel n’ait été présenté à ce stade, commente Bercy. Mais on ne prend pas directement de décision de gestion pour Renault. » La région Occitanie apportait également son appui à M. Bellity : 900 000 euros de subventions et un prêt de 2,4 millions sur six ans.

« La réponse apportée par Renault est irresponsable et destructrice : elle condamne l’usine et ses activités », se désole Carole Delga, sa présidente (Parti socialiste), qui annonce déployer des dispositifs de formation pour accompagner les salariés. « Nous poursuivrons le travail mené pour que des projets industriels d’avenir voient le jour sur le territoire. La région ne vous laissera pas tomber ! », promet-elle.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « Nous sommes tous SAM » : en Aveyron, le mince espoir de reprise de la fonderie automobile

Ni le tour de table de 9 millions d’euros ni la mobilisation sans relâche des salariés pour sauver leur usine n’ont infléchi la décision de Renault. Aussi, faute de repreneur, le tribunal de commerce de Toulouse fixera, vendredi 26 novembre, une nouvelle date d’audience pour prolonger la poursuite de l’activité de la SAM pour une durée maximale de trois mois… ou prononcer sa liquidation. « On va réagir, promet Sandrine. On va faire ce qu’il faut. On n’a plus rien à perdre, on ira jusqu’au bout. »

Le quotidien précaire des petites mains de la fibre optique

Un installateur de la fibre optique travaillant pour Scopelec, à Nandy (Seine-et-Marne), le 16 novembre 2021.

Lorsqu’un soir du mois d’octobre, Philippe Mary s’aperçoit que son Wi-Fi ne fonctionne plus, l’informaticien de 63 ans croit à une banale interruption et part se coucher sereinement. Il est à mille lieues d’imaginer qu’un mois et demi plus tard il sera encore privé de connexion. Quand, le lendemain, sa box demeure hors service, son opérateur, Orange, dépêche un technicien sur place. Celui-ci identifie rapidement l’origine de la panne : le brin de fibre optique reliant au réseau le domicile de la famille Mary, à Chevreuse (Yvelines), a été sectionné.

Un technicien est justement intervenu la veille jusqu’à une heure tardive pour ouvrir une ligne fibre à un voisin, abonné de Bouygues Telecom. A-t-il volontairement débranché la ligne des époux Mary pour connecter son client ? Est-ce l’installation initiale qui n’était pas correcte ? Toujours est-il que, six semaines plus tard, rien n’est réparé et aucun rendez-vous n’a été fixé. Orange met bien à disposition des Mary une clé 4G, mais affirme ne pas pouvoir faire davantage : c’est un autre acteur, TDF, qui gère le déploiement du réseau à Chevreuse et doit intervenir.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Le déploiement de la fibre optique tire la France vers le très haut débit

Les mésaventures de la famille Mary ne constituent pas un cas isolé. L’Association des villes et collectivités pour les communications électroniques et l’audiovisuel (Avicca) a bien tenté de dénombrer les pannes, en demandant à ses membres de recenser les incidents. « Les premiers retours sont désastreux », confie Patrick Chaize, sénateur Les Républicains de l’Ain et président de l’Avicca. A tel point que l’association n’a rien publié pour ne pas « mettre le feu ». « Il y a des dégradations d’installations, des problèmes liés aux mauvaises interventions de techniciens. Mais aussi des soucis d’hygiène dans les immeubles, par exemple en présence de rats », détaille Valérie Alvarez, la médiatrice des communications électroniques.

« Les consommateurs peuvent comprendre quand il faut attendre un ou deux jours, mais pas quand ce sont des pannes répétées », estime Laure de La Raudière, présidente de l’Autorité de régulation des communications électroniques et des postes (Arcep), qui doit publier, jeudi 25 novembre, un rapport sur la qualité de la fibre en France. Or, les abonnés sont perdus au milieu d’une myriade d’interlocuteurs qui se renvoient la balle.

Des emplois qui devraient disparaître

Cela tient en partie à l’organisation du déploiement de la fibre dans l’Hexagone et à sa cascade de sociétés intervenantes. Tout le monde connaît les opérateurs dits « commerciaux » que sont Orange, SFR, Free ou Bouygues Telecom, auprès de qui l’on s’abonne et qui gèrent l’ouverture des lignes. Chacun possède son propre réseau, mais, en dehors des grandes villes, une partie des infrastructures est commune. Dans ce cas, un autre acteur intervient : l’opérateur d’infrastructure. Le rôle des Orange, XpFibre (filiale d’Altice France, maison mère de SFR), Axione (détenu par le groupe Bouygues et le fonds d’investissement Mirova), TDF ou encore Altitude Infrastructure : relier les points de mutualisation – ces grandes armoires métalliques qui ont envahi les rues et les sous-sols des bâtiments et qui sont remplies de centaines de brins de fibre – à des boîtiers situés dans la rue ou sur le palier d’un immeuble, sur lesquels il n’y a plus qu’à brancher les lignes des abonnés.

Il vous reste 65.22% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Un rapport sénatorial pointe la dégradation des conditions de travail des enseignants

Des élèves d’une classe de primaire à Labouheyre (Landes), le 4 octobre 2021.

Les enseignants français passent, en moyenne, plus de temps devant leurs élèves que leurs homologues européens pour des salaires plus faibles. Leurs classes sont plus chargées dans l’enseignement primaire et ils sont plus nombreux à se sentir socialement peu valorisés.

Un constat sévère dressé par Gérard Longuet, sénateur Les Républicains de la Meuse, dans un rapport sur le budget 2022 de l’éducation nationale. Le Sénat, majoritairement de droite, a d’ailleurs rejeté le projet de loi de finances présenté par le gouvernement, le 23 novembre. Sur l’éducation, premier budget de l’Etat, avec 56,5 milliards d’euros, M. Longuet fustige le manque chronique d’attractivité du métier d’enseignant, en fort décrochage par rapport au reste de l’Union européenne (UE) – mais aussi par rapport aux salariés du privé.

Pour comprendre : Article réservé à nos abonnés Combien sont vraiment payés les enseignants français ?

Le texte, qui constate une hausse du budget de l’éducation nationale de 2,6 % dans le projet de loi de finances 2022, salue néanmoins les avancées du Grenelle de l’éducation, qui a permis, sur deux ans, d’améliorer la rémunération des enseignants les plus jeunes. Mais les observations, déjà établies par d’autres instances, dont l’Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), demeurent : en fin de carrière, le salaire des enseignants de collège, en France, est inférieur de 10 000 euros à la moyenne de l’Union européenne. A l’école élémentaire, le décrochage des salaires est particulièrement frappant – surtout par rapport à l’Allemagne, pays économiquement comparable, où le salaire brut en début de carrière dépasse 65 000 euros, pour 31 000 euros en France.

Baisse du pouvoir d’achat

La progression des salaires français, qui commencent bas et augmentent en milieu et fin de carrière, est « très désincitative pour les nouveaux entrants », peut-on lire dans le rapport du Sénat. Sans compter que le pouvoir d’achat des enseignants s’est fortement dégradé en vingt ans, puisqu’il a diminué de 15 % à 25 % entre 2000 et 2019 en euros constants – la baisse variant selon les échelons et le corps de rattachement des enseignants. Cette chute est en train de se stabiliser grâce aux mesures de rééquilibrage des salaires adoptées ces dernières années, précise toutefois le Sénat. Mais elle « pèsera longtemps sur le salaire des enseignants ».

Pour comparer les conditions de travail, le Sénat s’est également intéressé à d’autres critères mesurés notamment par l’OCDE, dont le nombre d’heures passées devant les élèves. « Les enseignants en France passent davantage de temps à enseigner que leurs collègues dans les pays européens en moyenne, et en Allemagne en particulier », conclut le rapport, qui donne le chiffre de 900 heures « réglementaires » devant les élèves par an pour un enseignant de l’école primaire, alors qu’un homologue allemand n’en fait que 691.

Il vous reste 40.56% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Renault refuse de soutenir la reprise de la fonderie automobile SAM

Des employés en grève de la Société aveyronnaise de métallurgie  manifestent devant le tribunal de commerce de Toulouse, le 19 novembre 2021.

La décision était attendue depuis quatre jours par les salariés. Renault a annoncé, mardi 23 novembre, qu’il refusait de soutenir le projet de reprise de son sous-traitant aveyronnais SAM et de ses 350 salariés par l’un de ses ex-patrons, estimant qu’il « ne présente pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaires ».

Le groupe automobile, auquel le tribunal de commerce de Toulouse avait donné jusqu’à mercredi 24 novembre pour se prononcer, « regrette cette situation, mesure les conséquences de sa décision et poursuivra le dialogue avec les salariés de SAM afin de leur proposer des solutions alternatives d’emploi au sein du Renault Group ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « Nous sommes tous SAM » : en Aveyron, le mince espoir de reprise de la fonderie automobile

Reprise en 2017 par le groupe chinois Jinjiang, la Société aveyronnaise de métallurgie, installée à Viviez sur les hauteurs de Decazeville, avait été placée en redressement judiciaire le 10 décembre 2019, puis, le 16 septembre 2021, en liquidation judiciaire avec prolongation d’activité jusqu’au 10 décembre.

« Liquidation sèche »

Après avoir déposé une première offre en juillet, le chef d’entreprise Patrick Bellity avait adressé jeudi une lettre d’intention en vue de la reprise de cette fonderie, un courrier accompagné de lettres de soutien de l’Etat et de la région Occitanie.

Mais il fallait également que Renault, dernier client, s’engage sur « un plan de charge défini » avant mercredi, selon la région, faute de quoi le tribunal pourrait déclarer dès vendredi une « liquidation sèche » de l’entreprise, avait prévenu la CGT.

Or, « Renault Group ne peut s’engager sur le projet de reprise d’Alty-Sifa », la société de M. Bellity. « Une analyse approfondie du dossier ne confirme pas les hypothèses de chiffre d’affaires présentées dans cette offre. Une nouvelle fois, comme cela avait été constaté en juillet 2021, cette offre ne présente pas les conditions de pérennité et de sécurité nécessaires pour l’entreprise et ses salariés », a jugé le groupe au losange.

En outre, « il existe de forts doutes sur la solidité financière, malgré les supports financiers externes envisagés, et les réelles capacités d’investissement et de redressement de Jinjiang SAM par Alty-Sifa », selon la même source.

« Absence structurelle de compétitivité »

Renault a remarqué qu’il avait été « le seul acteur industriel à apporter depuis de nombreuses années un soutien financier direct important à l’entreprise avec 42 millions d’euros (…) pour pallier une situation rendue difficile par l’absence structurelle de compétitivité ».

Dans un dossier séparé d’un autre sous-traitant en difficulté, Renault a en revanche dit mardi soutenir le plan de reprise de la société : Alvance Aluminium Wheels, basée à Diors (Indre), qui a quelque 280 employés, serait repris par le groupe Saint-Jean Industries.

Lire aussi L’Etat octroie un prêt de 10 millions à trois fonderies automobiles afin de leur éviter la liquidation

« Cet accompagnement se traduira par l’intégration de la nouvelle société dans son panel fournisseurs de roues aluminium destinées aux usines d’assemblage européennes de Renault Group », selon l’entreprise.

Prévenant que « ce projet de reprise est, certainement, la dernière chance de redressement de la société », Renault a dit s’engager « à consulter la nouvelle société pour le développement et la production de roues aluminium relevant de son savoir-faire technique, lui permettant ainsi d’accéder à un volume de production pouvant atteindre 500 000 roues annuelles au bénéfice de Renault ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Grèves de la faim, blocages, menaces : la situation se tend dans les fonderies automobiles, mobilisées pour leur survie

Le Monde avec AFP

Près de 90 % des VTC sous-déclarent leur chiffre d’affaires

Le travail au noir atteint des proportions spectaculaires sur les plates-formes numériques. C’est l’un des enseignements d’une note rendue publique, mardi 23 novembre, par le Haut Conseil du financement de la protection sociale. Le phénomène serait quasi généralisé dans le champ des véhicules de transport avec chauffeurs (VTC), tout en portant sur des sommes relativement limitées.

Les données rendues publiques mardi tentent de cerner le préjudice financier subi par l’Etat-providence du fait de cotisations « éludées », c’est-à-dire qui n’ont pas été payées à la suite de fraudes. De telles pratiques recouvrent des réalités diverses : dans les entreprises, il s’agit, par exemple, d’heures de travail non déclarées, voire d’heures supplémentaires n’ayant donné lieu à aucune rémunération ou de recours à de la main-d’œuvre sans le moindre signalement aux Urssaf.

Dans le « secteur privé non agricole », le manque à gagner à cause des agissements de cette nature représenterait entre 2,2 % et 2,7 % du montant total des cotisations en 2020. Des pourcentages stables par rapport aux deux années précédentes : exprimés en valeur absolue, ils correspondent à une fourchette oscillant entre 5,2 milliards et 6,6 milliards d’euros, si l’on prend en considération les contributions soustraites au régime général de la Sécurité sociale et à l’assurance-chômage.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Travail au noir dans le privé : jusqu’à 7 milliards d’euros de perte pour la Sécurité sociale

82,2 millions d’euros de préjudice

Le Haut Conseil s’est également intéressé aux tromperies commises par des non-salariés, en apportant de nouveaux ordres de grandeur pour les microentrepreneurs. L’« évasion sociale » serait comprise entre 600 millions et 900 millions d’euros en 2020, « soit un peu moins d’un quart des cotisations dues ». Cette estimation s’avère moins élevée que les « premiers chiffrages “à grosse maille” présentés » en fin d’année dernière, qui évoquaient une évaporation de l’ordre d’un milliard d’euros : la différence tient à la méthodologie employée, qui s’est affinée sur la période récente.

Le problème n’en demeure pas moins significatif, en particulier chez les microentrepreneurs qui proposent leurs services par le biais d’une application numérique – les « travailleurs ubérisés ». Ainsi, s’agissant des VTC, près de 90 % d’entre eux ont déclaré en 2020 à l’Urssaf un chiffre d’affaires inférieur à celui que la plate-forme a enregistré. La part de « sous-déclarants » était de 72,6 % dans le secteur de la livraison et de 50,5 % dans celui du commerce. Les cotisations escamotées par les « ubérisés » se monteraient à un peu plus de 82,2 millions d’euros : le préjudice est peu important au regard des prélèvements effectués en faveur de notre système de protection sociale, mais il requiert, aux yeux du Haut Conseil, toute l’attention des pouvoirs publics pour pouvoir être circonscrit.

Dans les établissements scolaires, recherche remplaçants désespérément

Il fut un temps où recruter un enseignant par « petite annonce » relevait presque de la blague – de la « mauvaise blague », rapportent les proviseurs. L’idée était d’alerter l’opinion sur les défauts de remplacement, de dénoncer les « trous dans la raquette ».

Rentrée après rentrée, face aux difficultés récurrentes à trouver des candidats, les chefs d’établissement sont nombreux à confier s’être résolus au « système D » : poster une offre sur Leboncoin ou dans la presse locale, faire appel à Pôle emploi, demander ici à un assistant d’éducation, là à un accompagnant d’élève handicapé de s’improviser professeur. Faire jouer la « solidarité entre profs », racontent-ils aussi, en demandant aux « présents » de prendre la classe du ou des « absents » (par un échange de cours ou des heures supplémentaires).

L’école primaire n’est pas en reste : il lui faut, quand les remplaçants manquent à l’appel, répartir les élèves entre les classes (« quand bien même le protocole sanitaire demande d’éviter les brassages », tempête une directrice dans le Nord), voire laisser les portes ouvertes et faire travailler un professeur à cheval entre deux salles.

Lire aussi Article réservé à nos abonnés Les démissions d’enseignants augmentent et l’éducation nationale n’arrive pas à répondre à ce malaise

Deux mois sans français

Cette « crise aiguë » du remplacement, comme disent les enseignants, les parents d’élèves la dénoncent aussi. C’est en cette rentrée, dans un collège de l’académie de Versailles, une classe de 4e qui additionne deux mois de cours de mathématiques et de français perdus. Ou encore ces deux classes de 5e, dans un collège de la Seine-Saint-Denis, qui n’ont pas cours de français, et quatre classes qui n’ont plus histoire-géographie.

Dans une école élémentaire de la Seine-Saint-Denis, toujours, une classe de CE2 a vu la remplaçante d’une enseignante qui ne s’était pas présentée, en septembre, se faire à son tour porter pâle. « Certains jours, on a laissé les enfants dans le couloir, à jouer ou à faire des dessins, raconte une maman. Ensuite, ça a été la remplaçante de la remplaçante qui ne s’est pas présentée… On a très peu de visibilité sur la suite de l’année. » Même type de témoignage dans une maternelle où, en quinze jours, quatre remplaçants se sont succédé devant des élèves de petite section. « C’est simple, aucun enfant ne sait plus qui est la maîtresse », regrette un parent.

« Le vivier des remplaçants est à sec », martèle-t-on dans les rangs syndicaux, en dépit de l’engagement pris par le ministère de l’éducation en 2020, en pleine épidémie de Covid-19, d’injecter jusqu’à 6 000 contractuels pour le premier degré, et 8 000 assistants d’éducation dans les collèges et lycées, au titre de « moyens exceptionnels » (pas tous consommés) qui ont pris fin avec les congés d’été. Les « manques » sont antérieurs à la crise sanitaire, relève-t-on du côté de la FSU, en rappelant que, année après année, les concours de l’enseignement ne font pas « le plein », et obligent à affecter sur un poste à temps complet une bonne partie des remplaçants. La hausse des démissions n’arrange rien.

Il vous reste 49.5% de cet article à lire. La suite est réservée aux abonnés.

Sages-femmes : un accord signé entre syndicats et gouvernement pour de nouvelles hausses de salaires

La négociation arrive enfin à son terme. Le gouvernement a annoncé, lundi 22 novembre, la signature d’un protocole d’accord avec une majorité de syndicats du secteur hospitalier sur les sages-femmes.

Après « un long travail de concertation », les ministres de la santé, Olivier Véran, et de la fonction publique, Amélie de Montchalin, ainsi que le secrétaire d’Etat chargé de l’enfance et des familles, Adrien Taquet, ont salué dans un communiqué les « avancées importantes » de ce document paraphé par Force ouvrière (FO), la Confédération française démocratique du travail (CFDT) et l’Union nationale des syndicats autonomes (UNSA), côté employés, et la Fédération hospitalière de France (FHF), côté employeurs.

Lire les témoignages : Article réservé à nos abonnés Malaise, maltraitances et burn-out : chez les jeunes sages-femmes, l’appel de la reconversion

« Revalorisation nette de 500 euros par mois »

Le protocole d’accord inclut notamment une « prime d’exercice médical » de 240 euros net par mois à partir de février, puis une augmentation salariale de 78 euros net en moyenne à partir du mois de mars pour les sages-femmes des hôpitaux publics, qu’elles soient titulaires ou contractuelles.

En additionnant ces mesures aux 183 euros décidés lors du Ségur de la santé et versés mensuellement depuis la fin de 2020, le gouvernement met en avant une « revalorisation nette de 500 euros par mois ». Un montant plus élevé que les 360 euros mensuels promis à la mi-septembre par M. Véran.

Les sages-femmes des collectivités territoriales auront également une augmentation de salaire de 78 euros net à partir de mars. Pour celles du secteur privé, la Sécurité sociale financera des revalorisations à hauteur du public et un accord avec l’Assurance-maladie est visé « avant la fin de l’année » pour celles qui exercent en libéral. L’accord prévoit aussi des mesures pour les avancements de carrière à l’hôpital, comme le doublement des taux de promotion jusqu’en 2024.

L’exécutif fait valoir « un engagement de 100 millions d’euros en 2022 » et accepte en outre d’allonger les études des futures sages-femmes, de cinq à six ans, à partir de la promotion 2022.

« Il ne faut pas que le gouvernement pense qu’il est débarrassé du problème »

Depuis deux mois, la profession s’est mobilisée à l’occasion d’une journée de manifestations au début d’octobre – la sixième cette année – et de deux week-ends de grève, portés par la plupart des organisations syndicales.

Cependant, le protocole ne satisfait pas tous les syndicats de la profession. Un nouveau « week-end noir » est prévu du 26 au 29 novembre, à l’appel de l’Organisation nationale syndicale des sages-femmes (ONSSF) et avec l’appui de la Confédération générale du travail (CGT) qui a déposé un préavis pour couvrir le mouvement. Chez les signataires, « on ne dit pas que c’est suffisant, mais c’est un accord d’étape qui reste positif », souligne Gilles Gadier (FO-Santé), qui entend « continuer à travailler » sur le statut et les effectifs.

« On va signer parce qu’il y a quand même des avancées, même si on reste sur notre faim », dit également Jean-Claude Stutz (UNSA-Santé et sociaux), estimant qu’« il ne faut pas que le gouvernement pense qu’il est débarrassé du problème ».

Lire aussi Article réservé à nos abonnés « Un métier passionnant, des conditions déplorables » : une nuit avec les sages-femmes d’une maternité de Nancy

Le Monde avec AFP