Archive dans 2021

L’étonnante floraison des librairies en France

Lucie Eple, cogérante de la librairie Le Pied à terre, dans le 18e arrondissement de Paris, le 20 novembre 2021.

Ils sont quatorze installés dans une salle de classe à Maisons-Alfort (Val-de-Marne). Agés de la petite trentaine à la bonne cinquantaine et issus de tous les horizons professionnels, de l’industrie à la pharmacie en passant par l’hôpital ou l’édition, ces élèves suivent, en ce lundi 15 novembre, leur formation de L’Ecole de la librairie pour se préparer à ouvrir, ou reprendre, un commerce.

Si, pendant la pandémie de Covid-19, les librairies ont acquis une aura extraordinaire, c’est dans cette école, principale pourvoyeuse de nouvelles recrues, que l’on constate à quel point ce métier attire les vocations. Sa directrice, Caroline Meneghetti, observe « une forte augmentation du nombre d’inscrits ». Et des candidats de plus en plus motivés. Sur les 120 personnes qui suivent chaque année les cinq semaines de formation théorique (auxquelles s’ajouteront de un à trois mois de stage), la moitié désormais ouvre une librairie, alors qu’ils n’étaient qu’un tiers avant la crise sanitaire, explique-t-elle.

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Le Centre national du livre a ainsi soutenu à hauteur de 1,37 million d’euros (en prêts et subventions) dix créations de librairies en 2020 et trente en 2021. Sur cette période, dix aides ont été refusées et vingt dossiers jugés inéligibles. Dans l’Hexagone, on comptait déjà, en 2019, 3 500 librairies indépendantes. « Pour éviter d’en installer une dans chaque village, nous n’ajoutons pas de nouvelles sessions de formation. Elles sont déjà complètes jusqu’en juillet 2022 », souligne Caroline Meneghetti.

« Nous ne cherchons pas à embellir le métier »

Avant la pandémie, la majorité des reconversions concernait des plus de 40 ans qui « voulaient donner du sens à leur vie et retourner dans une région où ils avaient de la famille », témoigne Alexia Dumaine, formatrice à l’école et ancienne libraire. « Avec le Covid, on constate un rajeunissement des stagiaires, qui, malheureux dans leur travail, décident de se reconvertir », ajoute-t-elle.

« Beaucoup de gens souhaitent quitter Paris pour créer une librairie », confirme Jean-Guy Boin, membre de l’Association pour le développement de la librairie de création, qui aura aidé 23 créations de librairies entre 2020 et 2021. Bien plus qu’habituellement. « C’est une bonne nouvelle, mais le professionnalisme nécessaire n’est pas toujours au rendez-vous. Dans le commerce culturel, il y a commerce et culture”. Il ne faut pas l’oublier », rappelle-t-il.

Ce regain d’attraction pour la profession n’est pas exempt de déconvenues. Selon la dernière étude de l’institut Xerfi commandée par le Syndicat de la librairie française (SLF) et publiée en mai 2019, les librairies indépendantes figurent parmi les moins rentables des commerces de détail, avec seulement 1,2 % de résultat net par rapport au chiffre d’affaires. « Nous ne cherchons absolument pas à embellir le métier », assure Caroline Meneghetti.

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Après la démission de Stéphane Richard, la succession à la tête d’Orange s’organise

Stéphane Richard, président-directeur général d’Orange, lors du Mobile World Congress (MWC) à Barcelone, en Espagne, le 29 juin 2021.

Stéphane Richard rêvait de rester patron d’Orange pour un quatrième mandat à partir de mai 2022. Il n’en est désormais plus du tout question. Le président-directeur général (PDG) de l’opérateur, en place depuis 2010, a démissionné mercredi 24 novembre et devra quitter l’entreprise d’ici à la fin du mois de janvier 2022, a annoncé le groupe dans un communiqué envoyé dans la soirée, à l’issue d’un conseil d’administration réuni en urgence.

L’énarque paie la décision rendue le matin même en appel dans l’affaire Tapie, qui remonte à 2008, époque où il était directeur de cabinet de Christine Lagarde au ministère de l’économie et des finances. Si le dirigeant a été relaxé des accusations de complicité d’escroquerie, il a été condamné à une peine d’un an de prison avec sursis et à 50 000 euros d’amende pour « complicité de détournement de fonds publics ». L’arrêt de la cour d’appel lu par la présidente, Sophie Clément, a été particulièrement sévère contre M. Richard. Il y est accusé, notamment, d’avoir agi dans ce dossier en défense des intérêts de Bernard Tapie, plutôt que de ceux de l’Etat, et d’avoir eu « la parfaite conscience (…) du caractère anormal de ses actes ».

« J’ai reçu cette décision avec beaucoup d’incompréhension », assurait, jeudi, sur France Inter, M. Richard. Il dénonce des accusations « sans aucun fondement » et compte se pourvoir en cassation. Mais pouvait-il rester à la tête d’Orange, une entreprise dont l’Etat est toujours actionnaire à 23 %, après avoir a été condamné pour de tels faits ? Dès la décision de justice connue, Bercy faisait savoir, officieusement, qu’il appelait à sa démission, conformément aux propos tenus par le ministre de l’économie, Bruno Le Maire, sur BFM-TV, en 2018 : « S’il y a condamnation de Stéphane Richard à un moment donné, il remettra immédiatement son mandat. »

Vives discussions sur le calendrier

Si l’Etat actionnaire ne dispose que de trois sièges sur quinze au conseil d’administration d’Orange, sa volonté n’a pas été contestée, mercredi soir. « Stéphane est arrivé, il a dit aux administrateurs : “Je suis à votre disposition, faites ce que vous voulez.” La question de son éventuel maintien ne s’est pas posée », raconte un participant. « Il a été très digne et classe dans sa manière d’appréhender les choses », ajoute un autre. « Il sort la tête haute », estime René Ollier, membre de SUD-PTT, qui siège au conseil d’administration de l’opérateur en tant que représentant du personnel. Son syndicat avait appelé un peu plus tôt dans la journée de mercredi au départ immédiat du dirigeant.

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Brigitte Grésy : « Le sexisme est partout »

Tribune. Le Haut Conseil à l’égalité entre les femmes et les hommes (HCE) vient de publier son troisième rapport sur l’état du sexisme en France, à quelques jours du 25 novembre, Journée internationale de lutte contre les violences faites aux femmes. Cet exercice, indispensable, a encore quelques belles années devant lui. Car le sexisme est partout (« Rapport annuel 2020-2021 sur l’état du sexisme en France », par Brigitte Gresy, Sylvie Pierre-Brossolette et Juliana Bruno, voir PDF).

Agent infiltré dans les institutions et les relations interpersonnelles, se couvrant des oripeaux de l’hostilité ou de la fausse bienveillance, il agit toujours de la même façon : il disqualifie les femmes, les infériorise, voire les infantilise, actionnant cette « valence différentielle des sexes » dont nous parle l’ethnologue et anthropologue Françoise Héritier (1933-2017).

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Fondé sur une idéologie qui érige la supériorité d’un sexe par rapport à l’autre, il se manifeste sous forme de violences sexistes et sexuelles mais conduit aussi à de nombreuses formes de discriminations, redoublées par de multiples discriminations, liées notamment à l’origine, à l’âge, au handicap. Il se dérobe et se cache. Comment le démasquer ?

Regard glauque

Il est dans la blague lourde à la machine à café qui ouvre la voie aux prédateurs et autorise la parole qui harcèle et le geste qui agresse ; il est dans la remarque au commissariat ou à la gendarmerie sur la jupe trop courte en cas de viol ou sur le « vous avez pensé à votre mari ? » en cas de violences conjugales ; il est dans les crimes de propriétaire que sont les féminicides perpétrés par des hommes pour qui les femmes sont leur chose ; il est dans les multiples classements sans suite des juges ; il est dans le regard glauque et l’apostrophe glaçante dans la rue qui rétrécissent les femmes alors même qu’une œillade de désir ou un regard de bienveillance illuminent le temps qui passe ; il est dans la peur du soir qui tombe.

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Il est dans la dévalorisation des métiers de services à la personne, exercés par les premières de cordée au motif que les compétences requises leur seraient naturelles, et dans le choix de sous payer les métiers de l’humain et de survaloriser les métiers de l’argent ; il est dans le temps partiel, les bas salaires, le sous-emploi, les retraites au rabais, majoritairement subis par les femmes ; il est dans le télétravail bancal où monsieur dispose d’une « chambre à soi » et madame d’un coin de table dans la salle commune.

Il est dans l’inégal partage des charges domestiques, parentales et des charges mentales et émotionnelles ; il est dans le recours insuffisant des pères aux congés de paternité et parental ; il est dans le refus du partage du pouvoir, dans cette frilosité de la loi à venir sur l’égalité économique et professionnelle qui réserve aux seules entreprises de plus de mille salariés, dans un délai de dix ans, les quotas du sexe sous-représenté dans les instances de décision, marchandés de surcroît par un passage à la trappe de l’équité salariale, seul moyen d’appliquer le principe du salaire égal pour un travail de valeur égale.

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« L’Economie à venir » : déconstruire l’économie et le travail

Livre. Quelles fragilités de l’économie-monde la pandémie du Covid-19 a-t-elle mises à nu ? Peut-on irriguer l’économie avec une réflexion philosophique et éthique ? Peut-on diriger une économie comme on pilote un avion ? Comment le produit intérieur brut (PIB) moralise-t-il nos relations économiques ? C’est à ces questions, et à tant d’autres encore, que répondent Felwine Sarr et Gaël Giraud dans L’Economie à venir (Les Liens qui libèrent).

« L’Economie à venir », de Felwine Sarr et Gaël Giraud (Les Liens qui libèrent, 208 pages, 16 euros).

L’ouvrage est la retranscription d’une discussion à bâtons rompus entre deux économistes s’inscrivant dans la grande tradition d’économie politique qui, d’Adam Smith à Amartya Sen, considère l’économie comme indissolublement liée à des questions de politique, de morale, d’histoire, de géographie, de droit ou de religion. Gaël Giraud est jésuite, directeur de recherche au CNRS, directeur du Georgetown Environmental Justice Program à l’université de Georgetown. Felwine Sarr est un écrivain sénégalais, professeur à l’université Duke en Caroline du Nord.

Leur entretien mêle philosophie, spiritualité, politique et économie, et convie tour à tour Derrida, Kant, René Char, ou encore Giorgio Agamben. Il est question d’économie rwandaise, du mouvement de contestation pacifique dénonçant les abus du capitalisme financier Occupy Wall Street, des plans d’ajustement structurels imposés à l’Afrique subsaharienne dans les années 1990, d’hospitalité, de théologie. Parfois difficilement accessible, mais toujours inspirant et érudit, l’ouvrage invite à remettre en question les présupposés et les soubassements culturels et idéologiques des économies.

Une confrontation dynamique

L’économiste catholique et le philosophe musulman remettent au goût du jour le rôle de l’oralité, prisé dans la philosophie grecque ou africaine. Un rôle aujourd’hui méconnu, l’oralité n’étant plus tolérable que lorsqu’elle est programmée pour déboucher sur des publications. « Dans le régime déterministe et productiviste qui gouverne aujourd’hui les institutions scientifiques, des conversations de ce genre sont considérées comme du temps perdu, qui distrait fâcheusement les têtes chercheuses des programmes qui leur sont assignés », regrette Alain Supiot, juriste spécialisé en droit du travail, dans sa préface.

L’un des premiers à avoir compris l’apparent paradoxe qui fait naître les découvertes les plus utiles d’un travail animé par la seule curiosité et sans souci d’utilité fut Abraham Flexner (1866-1959), le fondateur, en 1930, de l’Institut d’études avancées de Princeton. Flexner a exposé sa philosophie de la recherche dans un essai au titre explicite : « De l’utilité des savoirs inutiles » (1939). La réussite éclatante de celui de Princeton a inspiré aux Etats-Unis et en Europe la création d’autres instituts d’études avancées, comme celui de Nantes, où Gaël Giraud et Felwine Sarr furent résidents durant l’année universitaire 2018-2019.

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« Le défi du siècle, celui du changement climatique, devrait aider la France à aller vers le plein-emploi »

Tribune. A l’exception d’une brève et récente incise présidentielle, le plein-emploi est le grand oublié de la campagne présidentielle, aucun candidat ne s’engageant sur son retour, même sur le long terme, comme si le chômage actuel était une fatalité insurmontable ! Les candidats se contentent au mieux d’évoquer la création d’emplois, verts de préférence.

C’est un étrange renoncement de la droite à la gauche, alors que le chômage, surtout de long terme, est toujours un facteur de pauvreté et de destruction de la cohésion sociale. En outre, de nombreux pays avancés, à l’image de l’Allemagne, connaissent le plein-emploi ou un taux de chômage bien inférieur.

Il est vrai que, depuis quarante ans, le taux de chômage a, presque toujours, été supérieur à 8 %, trop souvent autour de 10 %. Cependant, depuis 2017, le recul du chômage est engagé et est un facteur d’optimisme que la crise sanitaire n’a pas infirmé, avec actuellement un taux de chômage d’environ 8 %, quasiment celui de 2019.

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Nous affirmons, modélisation à l’appui, qu’atteindre le plein-emploi est possible en deux quinquennats, avec une résorption progressive et continue du chômage au cours des prochaines années. Selon nos calculs, c’est possible à condition de faire évoluer significativement six « répartitions ».

Un nouveau modèle de croissance

Ce sont environ 2 millions d’emplois qu’il faut créer, si on veut atteindre l’objectif d’un taux de chômage de 4 %, reconnu comme reflétant le plein-emploi. La vraie question est alors celle des conditions pour atteindre cet objectif.

A cette fin, nous avons repensé la croissance économique comme une interaction permanente entre offre, demande et innovation ; autrement dit, il nous faut réconcilier [les économistes] Keynes (1883-1946) et Schumpeter (1883-1950) au travers de politiques orientées en même temps sur ces trois composantes. L’aboutissement est un nouveau modèle de croissance qui nous a permis de déterminer des conditions précises pour réaliser le plein-emploi.

Il faut transférer progressivement autour de 4 points de produit intérieur brut (PIB) des profits vers les salaires. Ceci correspond à environ 100 milliards d’euros en fin de trajectoire

La trajectoire macroéconomique souhaitée se fonde sur des efforts partagés entre les différentes couches sociales et générations, et bien sûr adaptés à leurs revenus et leurs richesses. Aussi, nous considérons que six répartitions majeures doivent radicalement évoluer.

La première répartition, celle des revenus entre les salaires et les profits, est évidemment d’une grande importance, compte tenu de sa déformation excessive en faveur des profits depuis plusieurs décennies. Notre modèle de croissance montre qu’il faut transférer progressivement autour de 4 points de produit intérieur brut (PIB) des profits vers les salaires. Ceci correspond à environ 100 milliards d’euros en fin de trajectoire.

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Boom de l’apprentissage dans la fonction publique

L’apprentissage dans la fonction publique a explosé pendant le quinquennat d’Emmanuel Macron. Et la ministre de la transformation et de la fonction publiques, Amélie de Montchalin, devait présenter de nouvelles mesures en conseil des ministres, mercredi 24 novembre, pour accélérer le mouvement.

L’administration a longtemps été derrière le privé. « Il y avait un retard à rattraper, reconnaît-on dans l’entourage de Mme de Montchalin. Il a commencé à l’être. » Entre 2017 et 2021, le nombre d’apprentis recrutés dans les trois fonctions publiques (Etat, collectivités locales, hôpitaux) est passé de 13 000 à 24 800.

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Le gouvernement a analysé les freins qui empêchaient un développement encore plus marqué. Dans un rapport remis au Parlement, il en décrit trois : l’insuffisance de moyens financiers, la difficulté à mobiliser des maîtres d’apprentissage, et les difficultés pour l’administration à gérer des contrats qui relèvent du droit privé.

Incitations financières

La ministre devait donc présenter en conseil des ministres de nouvelles incitations financières. En 2022, les limitations d’emplois des ministères seront déplafonnées pour les apprentis. Cela représente 7 000 postes à temps plein de plus. De même, toujours pour la fonction publique d’Etat, les maîtres d’apprentissage toucheront une prime de 500 euros dès le 1er janvier. L’objectif fixé par le premier ministre de recruter dans l’administration d’Etat près de 15 000 jeunes alternants sera dépassé en 2022, assure-t-on chez Mme de Montchalin. Ils n’étaient que 5 600 en 2016.

Dans les hôpitaux, une aide de 3 000 euros vient d’être instaurée pour 1 000 contrats d’apprentissage, dès lors que ceux-ci ont été signés depuis le 1er juillet. « Plus de 1 000 demandes ont déjà été déposées », dit-on de même source. Cela devrait permettre de faire passer le nombre d’alternants dans le secteur médical public de 500 en 2016 à 1 800 cette année.

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Pour ce qui relève des collectivités locales, qui ont mis en place cette aide depuis 2020, escomptant 8 500 nouveaux apprentis chaque année, le processus de financement sera simplifié. C’est dorénavant le Centre national de la fonction publique territoriale qui sera l’interlocuteur unique. Pouvant mobiliser un budget de 80 millions d’euros en 2022 issu des contributions de différents acteurs, dont l’Etat pour 30 millions, il financera directement ces frais de formation.

Enfin, pour l’ensemble de l’administration, toutes les offres d’apprentissage sont dorénavant disponibles sur le site 1jeune1solution. gouv. Le contrat sera dématérialisé et, d’ici la fin de l’année prochaine, la signature électronique instituée.

La réforme du régime de garantie des salaires toujours engluée

La tension monte entre le patronat et plusieurs syndicats. A l’origine de leurs désaccords, il y a l’avenir du régime de garantie des salaires – un dispositif méconnu mais essentiel puisque c’est lui qui assure la rémunération des personnels travaillant dans des entreprises défaillantes. Mardi 23 novembre, les partenaires sociaux devaient se prononcer sur un texte qui transforme en profondeur le fonctionnement de cet organisme. Mais le vote n’a pas eu lieu, car la CFE-CGC, la CFTC, la CGT et FO, qui sont contre le projet, se sont coalisées pour qu’il n’y ait pas de quorum, bloquant ainsi toute délibération.

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Le régime de garantie des salaires constitue un objet à part dans notre système de protection sociale. Sa gouvernance est assurée par « l’association AGS », dans laquelle siègent exclusivement des représentants de mouvements d’employeurs, parmi lesquels le Medef ainsi que la Confédération des petites et moyennes entreprises (CPME). Les opérations concrètes, elles, sont confiées à une autre entité : la délégation Unédic AGS (DUA), qui est un « établissement » de l’Unédic, l’association chargée du pilotage de l’assurance-chômage. L’activité de la délégation obéit à une « convention de gestion » signée par les responsables de l’association patronale AGS et par les dirigeants de l’Unédic – qui est une structure paritaire, administrée par des organisations d’employeurs et de salariés.

Une « boîte noire » à la main du patronat

Un tel dispositif peut difficilement être cité en exemple pour sa simplicité. La Cour des comptes l’a d’ailleurs fait remarquer : dans un rapport remis en 2019, elle a préconisé « une clarification des rôles » de chaque protagoniste. Les syndicats, de leur côté, expriment depuis des années un autre grief : le régime de garantie des salaires est une « boîte noire », entièrement à la main du patronat.

En 2019, la délégation a été plongée dans la tourmente, à la suite de soupçons de malversations mettant en cause plusieurs de ses cadres. Des plaintes pour « abus de confiance » et « corruption active et passive » ont été déposées.

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C’est dans ce contexte que les organisations d’employeurs, à la tête de l’AGS, ont dénoncé, en 2019, la « convention de gestion » fixant les règles de la délégation. De longues discussions se sont ouvertes entre représentants syndicaux et patronaux. Après maintes réécritures, un projet de texte a été ficelé. Il prévoit notamment le transfert des personnels de la Délégation vers l’association AGS.

Ce document, qui aurait dû être examiné mardi lors d’un conseil d’administration de l’Unédic, n’a donc pas pu l’être, en raison de l’hostilité de quatre confédérations. Elles ont exposé leurs arguments, lors d’une prise de parole commune devant la Maison de la Mutualité, à Paris, où était programmée la réunion.

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La chaîne d’information internationale France 24 suspend sa grève

Six jours de mouvement qui s’achèvent par des avancées sociales. La grève d’une partie du personnel de la chaîne de télévision d’information internationale France 24, commencée jeudi dernier, a été suspendue mardi 24 novembre, a annoncé en début de soirée le compte Twitter du mouvement, F24 Solidaires.

« Seulement 13,9 % des salariés réunis en assemblée générale ce mardi ont souhaité poursuivre la grève. La grève est donc suspendue et nous nous félicitons des grandes avancées qu’elle a permis d’obtenir, notamment pour les plus précaires avec l’embauche de 50 pigistes ! », écrit F24 Solidaires.

Les pigistes seront titularisés en contrat à durée indéterminée (CDI) d’ici à la fin de 2023 (dont une trentaine dès 2022), avaient fait savoir précédemment les journalistes à l’initiative du mouvement.

« On garde la menace d’une nouvelle motion »

« On va rester attentif à ce que tout avance et progresse dans le bon sens dans les mois qui viennent. On garde la menace d’une nouvelle motion, d’une nouvelle grève », a précisé Antoine Mariotti, membre de la délégation de douze personnes qui a été désignée par l’assemblée générale pour négocier avec la direction et les syndicats.

Les journalistes du service Internet et de la chaîne arabophone, qui font toujours état d’un malaise au sein de leurs équipes, seront reçus par la direction mercredi lors de deux réunions différentes, a-t-il ajouté.

Cette grève s’inscrivait dans la continuité de plusieurs semaines de contestation sociale, qui s’était traduite par le vote, au début du mois, d’une motion de défiance à l’égard de la majorité des membres de la direction. Les salariés protestaient notamment contre l’organisation de la charge de travail, trop lourde et mal reconnue, les méthodes de management, considérées comme décourageantes, voire « destructrices », ainsi que le manque de moyens.

France 24 propose quatre chaînes mondiales d’information continue (en français, en anglais, en arabe et en espagnol), émettant vingt-quatre heures sur vingt-quatre et sept jours sur sept dans 444 millions de foyers sur les cinq continents. Elle propose ses programmes depuis la fin de 2006 et appartient au groupe France Médias Monde (qui chapeaute également Radio France internationale, RFI).

Le Monde avec AFP

A Londres, les nouvelles lois de l’attraction de la City

Sourire charmant, voix assurée, Anna va droit au but dès les premières minutes de la discussion : « Ce qui m’intéresse, c’est l’argent. » Gagner de l’argent, bien sûr, mais aussi comprendre comment fonctionnent l’argent et ses circuits. Anna (tous les prénoms ont été modifiés) est une Suédoise de 28 ans qui travaille depuis sept mois à la City, à Londres, après des études d’économie et de gestion. Comme son petit ami, Arthur, un Belge de 27 ans, elle a commencé par boursicoter en ligne : quelques cryptomonnaies, des ETF (des produits financiers qui suivent des indices boursiers), des actions… « J’aime voir comment l’argent crée l’argent. »

Voilà des années qu’Anna se prépare à travailler dans la finance, comme sa mère. Jean, un Français de 27 ans, est tombé dedans un peu par hasard : bon étudiant, la voie s’est ouverte à lui naturellement. Et le goût de la plus-value aussi : il a gagné 25 000 euros à partir d’une mise de 100 euros en pariant sur une cryptomonnaie peu connue. « J’aurais même pu gagner 400 000 euros si j’avais attendu plus longtemps », regrette-t-il.

« Les jeunes qui entrent en finance sont soit très bons en maths, soit veulent devenir riches. Ça ne change pas. » Un ancien de Goldman Sachs

Treize ans après la grande crise financière de 2008, la City attire toujours les jeunes générations. La clé de cet article nous a été donnée par un ancien de Goldman Sachs, vieux routier des marchés. Est-ce que les jeunes qui travaillent dans la finance sont différents d’autrefois, en quête de sens et aspirant à une vie plus équilibrée, comme on l’entend parfois ? Pas sûr, répond-il. « Les jeunes qui entrent en finance sont soit très bons en maths, soit veulent devenir riches. Et ça ne change pas », répond-il. Les générations passent, la City reste ce même obscur objet du désir… Anna et Jean en sont aux balbutiements de leur carrière et ne gagnent pas des millions, loin de là. Leurs salaires annuels tournent autour de 40 000 euros, auxquels il faudra ajouter quelques mois de bonus. Ils ne sont pas des tradeurs, ni des banquiers d’affaires, mais travaillent dans deux entreprises différentes au service de clients, s’occupant de suivre les positions prises par ces derniers sur les marchés.

A l’extrême opposé du spectre se trouve Lars, un autre Suédois. Entre son salaire et son bonus, il touche plus d’un demi-million d’euros par an à 32 ans. Son métier est le private equity, c’est-à-dire acheter des entreprises non cotées en Bourse, les restructurer et les revendre au bout de quelques années. Le travail est très intéressant : à son jeune âge, il siège à plusieurs conseils d’administration, prend des décisions stratégiques pour ces entreprises, passe parfois de très longues nuits à préparer des acquisitions… « Mais difficile surtout de ne pas parler de la bonne rémunération », précise-t-il sans fard.

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