Archive dans 2021

Le PDG, une espèce de plus en plus contestée au sein des entreprises du CAC 40

Le PDG de L’Oréal, Jean-Paul Agon, cédera, le 1er mai, à Nicolas Hieronimus son fauteuil de directeur général, tout en conservant la présidence. A Paris, en janvier 2020.

Loin de l’image des patrons omnipotents, et avant même le changement annoncé lundi 1er mars chez Danone, une majorité d’entreprises du CAC 40 ont, à leur sommet, des directeurs généraux, sans casquette de président. En 2020, si l’on tient compte des évolutions annoncées à la tête de Saint-Gobain et L’Oréal, on dénombre seize PDG aux manettes parmi les quarante entreprises vedettes de la cote (dont certaines ont une structure avec conseil de surveillance ou gérance). En 2010, ils étaient dix-sept, selon les pointages de l’Hebdo des AG. Sachant qu’entre-temps, la composition de l’indice a fortement évolué.

Cette stabilité apparente cache en fait un mouvement de balancier observé depuis quinze ans chez de nombreux grands groupes, où la séparation des fonctions sert à faciliter une transition managériale. Chez Capgemini, Total ou L’Oréal, la gouvernance s’adapte ainsi à l’âge du capitaine. Et, à cet égard, l’année 2021 marque une fin de cycle historique. Le 21 février, le conseil d’administration du Groupe Bouygues a dissocié les fonctions de président et de directeur général, poste désormais confié à Olivier Roussat. Après trente et un ans comme PDG du groupe fondé par son père, Martin Bouygues est resté président.

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Le 1er mai, le PDG Jean-Paul Agon cédera à Nicolas Hieronimus son fauteuil de directeur général, tout en conservant la présidence. Exactement comme Lindsay Owen-Jones l’avait fait en 2006. M. Agon avait, en 2013, réuni de nouveau les deux fonctions. Pierre-André de Chalendar avait été encore plus rapide : nommé directeur général de Saint-Gobain auprès de Jean-Louis Beffa en 2007, il en devient PDG en 2010. Le 1er juillet, M. de Chalendar confiera à son tour les commandes à son dauphin, Benoît Bazin. Et il restera président.

Tradition française

De son côté, Denis Kessler, le patron du réassureur Scor, a prévu de transmettre, en 2022, la moitié du témoin à Benoît Ribadeau-Dumas, l’ancien directeur de cabinet d’Edouard Philippe à Matignon. Cette tradition française – considérée comme hérétique outre-Manche – a l’avantage de favoriser une transition douce. Elle nécessite, toutefois, que le nouveau patron « tue le père ». Pas toujours simple : les membres du conseil d’administration de Renault se souviennent encore de la brutalité avec laquelle Carlos Ghosn, intronisé, en 2005, directeur général et président exécutif du constructeur automobile, pouvait critiquer la gestion précédente, sous l’œil impassible de Louis Schweitzer, son prédécesseur, resté président du « board ». M. Ghosn avait rassemblé toutes ces fonctions en 2009.

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Fantasme ou risque réel, les Etats-Unis se divisent sur l’inflation

Jerome Powell, président de la Reserve fédérale, à Washington, le 1er décembre 2020.

La hausse du salaire minimum horaire fédéral attendra. Les démocrates ont, fin février, renoncé à adopter la hausse de 7,25 dollars (6 euros) à 15 dollars voulue par le président Joe Biden, faute de majorité suffisante au Sénat. Les experts du Congrès ont jugé qu’il fallait non pas une majorité simple, mais une majorité qualifiée de 60 sénateurs sur 100.

De longues négociations vont s’engager en faveur d’une hausse moindre – peut-être 11 dollars –, mais l’affaire n’aura pas l’ampleur prônée depuis des années par la gauche démocrate. Si moins de 2 % des salariés sont au salaire minimum fédéral, inchangé depuis 2009, son relèvement à 15 dollars aurait concerné finalement 15 % de la population active et, surtout, aurait changé radicalement la donne dans les Etats ruraux des plus pauvres, de l’Alabama au Montana, en touchant plus du quart des travailleurs.

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C’était trop pour les républicains, qui ne veulent pas d’une telle mesure en période de chômage, et pour ceux qui craignent une résurgence de l’inflation. Les démocrates se concentrent désormais sur le seul aspect budgétaire du plan Biden ; approuvé par la Chambre des représentants, il doit être adopté au Sénat, où les démocrates ne disposent de la majorité que grâce à la voix de la vice-présidente des Etats-Unis, Kamala Harris.

Des marchés financiers inquiets

Ce plan, de 1 900 milliards de dollars, soit près de 10 % du produit intérieur brut (PIB) est vivement contesté, notamment parmi les économistes keynésiens de renom, Larry Summers, ancien secrétaire au Trésor de Bill Clinton, et Olivier Blanchard, ex-économiste en chef du Fonds monétaire international (FMI). Ce plan comporte deux volets : l’un destiné à aider les plus pauvres et les collectivités territoriales – il est peu contesté ; le second vise à envoyer un chèque de 1 400 dollars à chaque Américain gagnant moins de 75 000 dollars par an. Cette mesure est jugée inutile – elle n’aide pas les pauvres – et va gonfler le revenu des classes moyennes, qui a pourtant fortement augmenté en 2020, en raison des aides massives décidées par l’administration Trump et de l’épargne forcée en période de pandémie.

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Mais Joe Biden est pris dans un récit politique, qui laisse entendre qu’il n’y a eu aucune solidarité sous Trump – ce qui est faux – et décrit l’Amérique comme si 2021 était l’année de la pandémie, alors qu’elle est celle du rebond, économique et sanitaire – le nombre de nouveaux cas de Covid-19 s’est plus que divisé par trois depuis début janvier.

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La réforme partielle de l’assurance-chômage entrera en vigueur le 1er juillet

La réforme de l’assurance-chômage entrera en vigueur le 1er juillet pour le nouveau mode de calcul de l’indemnisation des demandeurs d’emploi, ont annoncé les syndicats à l’issue d’une ultime séance de concertation avec le ministère du travail, mardi 2 mars.

Le durcissement de l’ouverture des droits (de quatre à six mois de travail sur les vingt-quatre derniers) entrera en vigueur au plus tôt au 1er octobre. Il dépendra d’une amélioration du marché de l’emploi appréciée sur six mois à partir du 1er avril. Le bonus-malus sur les cotisations des entreprises sera effectif à l’été 2022 après un an d’observation.

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« Injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée »

Cette réforme est « injuste, anachronique, incohérente et déséquilibrée », a tweeté Laurent Berger, le secrétaire général de la Confédération française démocratique du travail (CFDT), qui demande comment « parler d’une réforme “équilibrée” quand le bonus-malus limité à quelques secteurs ne touchera les entreprises que dans plus d’un an, alors que plus de 830 000 demandeurs d’emploi verront la baisse de leurs allocations dès juillet 2021 ».

A un peu plus d’un an de l’élection présidentielle, et alors que le premier ministre, Jean Castex, doit présider à la mi-mars une nouvelle conférence de dialogue social, Elisabeth Borne a, de son côté, répété que la réforme est « nécessaire ». Décidée en juillet 2019 après l’échec d’une négociation sociale très encadrée par l’exécutif, la réforme visait à réaliser entre 1 milliard et 1,3 milliard d’économies par an en durcissant les règles d’indemnisation des demandeurs d’emploi et en luttant contre les recours excessifs aux contrats courts, le tout dans un marché de l’emploi alors dynamique.

Du fait de la crise, le gouvernement a reporté à plusieurs reprises son application, se disant prêt à discuter des « paramètres » de la réforme, mais sans en abandonner l’esprit. L’exécutif veut boucler le sujet avant la prochaine conférence de dialogue social, à la mi-mars, à Matignon, alors que l’autre grande réforme sociale suspendue – celle des retraites – sera difficile à reprendre d’ici à la présidentielle.

Pour s’adapter au contexte, la ministre du travail a mis sur la table plusieurs aménagements sur les quatre grands paramètres : durée de travail pour ouvrir et recharger des droits, calcul de l’indemnisation, dégressivité de l’allocation et bonus-malus.

Le durcissement de certaines règles sera ainsi lié à un « retour à bonne fortune », autrement dit à l’amélioration du marché de l’emploi. Cela devrait concerner l’éligibilité (six mois de travail pour ouvrir des droits au lieu de quatre actuellement) et la dégressivité qui surviendrait in fine dès le septième mois pour les revenus supérieurs à 4 500 euros brut.

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38 % des allocataires verront leur indemnisation baisser

En revanche, la disposition la plus controversée, la modification du calcul du salaire journalier de référence (base de l’allocation), entrera en vigueur dès cet été. Mme Borne défend « un enjeu d’équité », car l’indemnisation est actuellement plus favorable aux personnes alternant contrats courts et inactivité qu’à celles travaillant en continu.

Selon l’Unédic, environ 840 000 personnes (38 % des allocataires) auront une indemnisation inférieure de plus de 20 % en moyenne à ce qu’elles touchaient avec les règles actuelles, même si elles auront des droits plus longs. Pour en limiter l’impact, le gouvernement introduira un plancher qui limitera la baisse maximale.

Dans un communiqué commun – fait rare – les cinq syndicats (CFDT, CFE-CGC, CFTC, CGT et FO) ont réaffirmé leur « profond désaccord avec le principe fondateur de cette réforme selon laquelle la baisse des allocations-chômage inciterait à un retour plus rapide à l’emploi ».

Et ils jugent le gouvernement optimiste sur l’emploi. « On est à un moment où il y a énormément d’incertitudes, et le gouvernement fait un pari extrêmement risqué en voulant coûte que coûte faire entrer en vigueur cette réforme », déplore Marylise Léon (CFDT). « Ils font le pari qu’il va y avoir un rebond, mais ce pari va être payé par les demandeurs d’emploi », renchérit Michel Beaugas (FO).

Au grand dam du Mouvement des entreprises de France (Medef) qui dénonce « une ineptie », la seule disposition qui pourrait trouver grâce aux yeux des syndicats est la création d’un bonus-malus sur la cotisation chômage payée par les entreprises dans certains secteurs grands consommateurs de contrats précaires, une promesse de campagne d’Emmanuel Macron.

Mais son périmètre pourrait être restreint (pour exclure l’hôtellerie-restauration) et il ne s’appliquerait effectivement qu’à l’été 2022, après la prise en compte d’une année de référence. « Un bonus-malus en août 2022, après la présidentielle et avant la renégociation » de la prochaine convention d’assurance-chômage en novembre 2022, « personne ne croit que ce soit autre chose que de la com », juge Denis Gravouil (CGT).

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Le Monde avec AFP

BNP Paribas condamnée pour discrimination liée à l’origine « arabe ou maghrébine » d’un cadre

Dix années au même poste chez BNP Paribas, à Evian (Haute-Savoie), et au final, l’employeur qui déclare aux syndicalistes venus plaider la cause de ce salarié que « mieux vaudrait qu’il aille voir ailleurs que BNP Paribas s’il veut évoluer », selon le témoignage d’une déléguée du personnel… Le parcours de M. B. depuis son embauche en 2006 comme conseiller en banque privée − poste dénommé à l’époque « conseiller en gestion de patrimoine » − jusqu’à son départ en 2016, lui a laissé un goût amer. Le cadre a nommé cette stagnation : discrimination.

La cour d’appel de Paris vient de lui donner raison, en condamnant, le 16 février, « la banque d’un monde qui change » à lui verser 50 000 euros de dommages et intérêts « en réparation de l’entier préjudice subi du fait de la discrimination à raison de son origine arabe ou maghrébine ». Le juge requalifie aussi en licenciement nul sa prise d’acte de rupture du contrat de travail. Ce qui entraîne une condamnation de 130 000 euros au total.

Un « profil d’excellence »

Un coup dur pour l’image de cette banque, qui communique beaucoup sur ses valeurs de « diversité et inclusion ». « BNP Paribas dément tout acte de discrimination, indique une porte-parole. La diversité s’applique de manière concrète à tous les niveaux du groupe et représente d’ailleurs une de ses forces ». Elle estime que « la Cour d’appel ne relève pas de mesures discriminatoires qui auraient été prises par la banque à l’encontre de cet ancien collaborateur. Sa décision est pour cette raison particulièrement inattendue. »

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M. B. a, selon son avocate, Clara Gandin, associée du cabinet Boussard-Verrecchia, « un profil d’excellence » : détenteur d’un master en ingénierie financière de l’école de commerce de Marseille, d’une maîtrise en sciences économiques et de différents titres internationaux, ce cadre trilingue (français, anglais et arabe) avait passé six années à la National Bank of Canada avant d’entrer chez BNP Paribas sur un poste arabophone où il se crée une clientèle haut de gamme moyen-orientale, notamment. « Mon chef ne voulait clairement pas me garder à la fin de ma période d’essai, il était raciste », indique M. B. La BNP dément cette affirmation.

A partir de 2010, M. B. se porte candidat à une quinzaine de postes. Et essuiera chaque fois un refus, « sans même avoir eu un entretien »

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Emmanuel Faber, un statut à moitié déboulonné chez Danone

Emmanuel Faber, au siège de Danone, le 26 janvier.

En deux heures, le couperet est tombé chez Danone. Lors d’un conseil d’administration sous haute tension, organisé lundi 1er mars à 18 heures, les seize membres ont voté pour la dissociation des fonctions de présidence et de direction générale du fleuron de l’agroalimentaire. Emmanuel Faber, qui occupait le poste de PDG depuis 2017, est pressenti pour devenir président, lorsqu’un nouveau directeur général sera nommé. Le processus de recrutement de ce patron opérationnel est lancé. Dans l’intervalle, Danone indique dans un communiqué que l’actuel PDG continuera d’exercer ses fonctions « avec la confiance et le soutien unanime du conseil ».

Selon ce communiqué, M. Faber, sous pression depuis plusieurs mois, a lui-même proposé cette dissociation des rôles. Il avait d’ailleurs déclaré récemment ne pas être dogmatique sur la question. Pour autant, il a résisté le plus longtemps possible face aux assauts de deux actionnaires. D’une part, le fonds activiste britannique Bluebell Capital Partners, d’autre part l’investisseur américain Artisan Partners, qui détient 3 % du capital.

Bataille terrible

Tous deux dénonçaient les performances financières et opérationnelles du propriétaire d’Evian et Actimel – dont le cours de Bourse a chuté d’un quart en 2020 –, jugées décevantes en comparaison des grands concurrents Nestlé ou Unilever. Pour y remédier, ils prônaient avant tout une dissociation des fonctions de président et de directeur général. Ils ont eu gain de cause, mais pas complètement : ils ne voulaient de M. Faber à aucun de ces deux postes.

La bataille a été terrible. Ces dernières semaines, les deux actionnaires contestataires ont tour à tour rencontré les administrateurs référents de Danone pour développer leur point de vue. Le week-end, en particulier, a été propice à de nombreuses tractations afin de trouver un compromis face à cette crise inédite marquée par l’affrontement de deux camps.

Si les syndicats de salariés avaient affiché leur soutien à M. Faber, les administrateurs avaient encore reçu vendredi un courrier de Flemming Morgan, l’ancien responsable de la division nutrition médicale de Danone, jusqu’en 2017, date de son départ du groupe. En tant qu’ex-membre du conseil exécutif du groupe, il regrettait que « la culture de Danone, caractérisée par l’esprit d’entreprise, l’innovation… ait été lentement et systématiquement détruite », et demandait, lui aussi, un changement à la tête de l’entreprise.

Ces prises de position entraient en résonance avec des dissensions apparues en 2020 au sein du conseil. Certains administrateurs arguaient depuis plus d’un an de la nécessité de renforcer la gestion opérationnelle du groupe, en nommant un directeur général délégué, et s’inquiétaient d’un exercice du pouvoir autoritaire et solitaire de la part de M. Faber. La démission de Francisco Camacho, responsable des produits laitiers et d’origine végétale, en septembre 2020, et celle de Cécile Cabanis, directrice financière et numéro deux du groupe, avaient accru les tensions au sein du conseil.

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Emmanuel Faber va perdre la direction générale de Danone mais conserve la présidence

Emmanuel Faber, directeur général de Danone, à Paris, le 16 février 2018.

La réunion du géant de l’agroalimentaire s’annonçait sous haute tension, soulevant l’épineuse question de la gouvernance de l’entreprise avec, en filigrane, l’avenir de son PDG, Emmanuel Faber. Le conseil d’administration de Danone a voté, lundi 1er mars au soir, pour dissocier les postes de président et de directeur général du groupe. Une défaite pour M. Faber, qui en gardera la présidence et ne restera PDG que jusqu’à ce qu’un nouveau directeur général soit trouvé.

Emmanuel Faber était directeur général depuis 2014 et PDG depuis 2017. Il faisait face à une fronde d’actionnaires depuis plusieurs semaines, qui avaient notamment exigé la dissociation des deux fonctions afin de redonner une nouvelle vigueur au groupe, malmené par la pandémie de Covid-19.

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Une réunion du conseil d’administration a tranché, lundi, et l’information a été annoncée par communiqué de presse, plus de trois heures et demie après le début de ce conclave.

Deux fonds d’investissement à la manœuvre

La direction exécutive du groupe échappera donc à M. Faber, qui, en tant que président du conseil d’administration, sera chargé des orientations stratégiques. « Le processus de sélection d’un directeur général commence à partir de maintenant ; ça va prendre plusieurs mois », a indiqué une source proche de la direction.

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Deux fonds d’investissement avaient fait du départ de M. Faber un préalable au redressement des performances du groupe, dont les volumes de ventes s’érodent depuis plusieurs années, un mouvement aggravé par la crise sanitaire. Ces fonds – entrés récemment au capital à la faveur de la baisse de l’action – ont récemment enfoncé le clou. Artisan Partners, troisième actionnaire avec 3 % du capital, a répété qu’il trouvait « urgent de s’occuper de la structure du conseil et de la direction de la société » et réclamait un changement de direction pour la « réinvention » de Danone.

L’entreprise travaille sur un plan de réorganisation mondiale – Local First –, lancé par Emmanuel Faber et prévoyant jusqu’à 2 000 suppressions de postes parmi ses manageurs.

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Artisan Partners disait vouloir la désignation d’un nouveau président et d’un nouveau directeur général, dotés d’une « expertise extérieure pertinente ». Il n’a pas eu entièrement gain de cause. Les administrateurs ont rejeté – à l’unanimité, a pris soin de préciser la direction – une proposition qui consistait à interrompre Local First.

Le fonds activiste Bluebell Capital Partners, basé à Londres et d’envergure plus modeste, demandait aussi qu’un directeur général soit cherché en dehors de Danone. Selon lui, les actionnaires étaient « massivement » en faveur de la séparation des fonctions de président et directeur général. Il menaçait de mettre le sujet à l’ordre du jour de la prochaine assemblée générale, fin avril, si le conseil d’administration ne s’en saisissait pas.

Patron connu pour défendre un capitalisme libéré du court-termisme, plus vert et plus social, Emmanuel Faber était le premier dirigeant de Danone non issu de la famille Riboud. Il s’était jusqu’ici contenté de dire qu’il n’était « pas dogmatique » sur la dissociation des fonctions.

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« Je suis vraiment très heureux que nous ayons pris les dispositions de gouvernance permettant déjà d’anticiper la phase suivante du développement de cette entreprise unique qu’est Danone », a assuré M. Faber, cité dans le communiqué.

Gages aux actionnaires

Le groupe paraît en tout cas soucieux de montrer qu’il n’oubliait pas de rétribuer ses actionnaires. Le 19 février, lors de la présentation des résultats, Emmanuel Faber a annoncé que la rémunération des principaux dirigeants de Danone, dont la sienne, serait désormais en partie subordonnée à l’évolution des dividendes et du cours de Bourse.

Et, dimanche, à la veille de la réunion du conseil, le groupe a annoncé qu’il allait se désengager du géant chinois des produits laitiers Mengniu et que les fruits de l’opération seraient reversés « dans leur majorité » aux actionnaires. Selon Danone, sa participation dans Mengniu est actuellement valorisée à hauteur de 850 millions d’euros.

Inquiets de voir les fonds d’investissement dicter la stratégie, plusieurs syndicats du groupe (CFDT, FO et CGC) avaient apporté leur soutien à la gouvernance actuelle. « Moi, que ça soit machin, tartempion ou bidule qui gère l’entreprise, à partir du moment où ils appliquent la même politique qu’on a aujourd’hui, ça nous va bien. Ce n’est pas l’homme qu’on défend, c’est la gouvernance », a déclaré Bruno Largillière, coordonnateur CFDT chez Danone, tout en précisant préférer que M. Faber reste en place. « On ne comprendrait pas du tout qu’il soit remis en cause pour apporter plus de bénéfices aux actionnaires qui aujourd’hui arrivent, ne pèsent que 3 % et viennent révolutionner l’entreprise », a-t-il ajouté.

Le Monde avec AFP

Emploi des jeunes : 30 millions d’euros pour développer le mentorat

L’Elysée ne cesse de le marteler : l’égalité des chances est « une priorité » du quinquennat d’Emmanuel Macron. Le message a du mal à se faire un chemin, mais il a encore une fois été répété à l’occasion du déplacement du chef de l’Etat à Stains, en Seine-Saint-Denis, lundi 1er mars, sur le thème du mentorat dans le cadre du plan « 1 jeune, 1 solution », lancé en juillet 2020. Le président de la République, entouré d’Elisabeth Borne, la ministre du travail, et de Sarah El Hairy, la secrétaire d’Etat à la jeunesse, a annoncé une nouvelle déclinaison de cette politique baptisée « 1 jeune, 1 mentor ». L’objectif ? Atteindre le nombre de 100 000 jeunes mentorés en 2021 puis 200 000 en 2022, contre 25 000 aujourd’hui.

Pour accompagner ce changement d’échelle, l’exécutif s’engage à soutenir à hauteur de 30 millions d’euros cette année les associations spécialisées. Parmi lesquelles l’association de la fondation étudiante pour la ville (AFEV), Article 1, Nos quartiers ont du talent, Télémaque, Chemins d’avenir, Entraide scolaire amicale, Proxité ou encore Socrate. Toutes font partie depuis 2019 du Collectif Mentorat, qui soutient 30 000 jeunes en moyenne par an et se félicite de ce nouveau « plan ». « Nous sommes très satisfaits, déclare Christophe Paris, le président du collectif et directeur général de l’AFEV. C’est l’aboutissement d’une démarche initiée il y a plus d’un an et demi qui va nous permettre pour la première fois de faire véritablement levier et multiplier nos actions. » L’Afev espère, grâce à ces fonds, doubler le nombre de ses mentors et mentorés, pour passer d’ici un an de 18 000 à 40 000.

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Le principe du mentorat : que l’on soit salarié, cadre, patron, retraité ou inactif, chacun peut devenir mentor, parrain ou marraine et partager bénévolement son temps, son expérience, son savoir-faire et son carnet d’adresses au profit d’un jeune issu d’un milieu modeste – urbain ou rural, qu’il soit collégien ou à la recherche d’un emploi – pendant une période d’au moins six mois. Le coût oscille entre 500 et 1 200 euros par mentoré (identifier les jeunes, les recruter, les convaincre, former les mentors, les mettre en relation…).

Trois ans d’attente

Cette annonce est la troisième « brique » de « l’agenda égalité des chances » du chef de l’Etat, après une première série de mesures consacrées à la politique de la ville le 29 janvier, puis la promotion de la diversité dans la haute fonction publique et la lutte contre les discriminations, le 12 février. Cela faisait plus de trois ans que les associations attendaient un geste du président Macron, qui avait promis de miser sur le mentorat et le parrainage dès le mois de novembre 2017 lors de son discours de Tourcoing (Nord) sur la politique de la ville. Il avait alors annoncé un objectif de 100 000 jeunes parrainés sur le quinquennat.

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Adecco renvoyé en correctionnelle pour discrimination à l’embauche après vingt ans de procédure

En 2001, SOS Racisme avait été alerté par un ancien salarié d’une agence Adecco de Montparnasse faisant état d’un système de discrimination qui, selon lui, écartait les candidats noirs de certaines missions.

La cour d’appel de Paris a décidé, jeudi 25 février, de renvoyer le groupe d’intérim Adecco et deux anciens directeurs de l’agence de Paris-Montparnasse devant le tribunal correctionnel, où ils devront répondre dans un jugement public du délit de discrimination à l’embauche et de fichage « en raison de l’origine, de la nationalité ou de l’ethnie » de 500 intérimaires entre 1997 et 2001.

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La Maison des potes et SOS Racisme se sont félicités de cette « victoire » obtenue après vingt ans de bataille judiciaire acharnée. « L’enjeu désormais est de permettre aux 500 victimes de pouvoir se constituer partie civile, explique Samuel Thomas, à l’origine de la plainte déposée en 2001 contre le géant suisse du travail temporaire. Il est essentiel pour nous d’avoir obtenu un procès public pour que toutes les victimes de discrimination soient encouragées à engager des poursuites judiciaires contre les discriminations dont elles sont victimes », a souligné le président de la Maison des potes et ancien vice-président de SOS Racisme.

Un système organisé

L’affaire remonte, en effet. A la suite d’une plainte déposée en février 2001 par Samuel Thomas au nom de SOS Racisme, une information judiciaire est ouverte en mars. L’association de lutte contre le racisme avait été alertée par un ancien salarié d’une agence Adecco de Montparnasse faisant état d’un système de discrimination qui, selon lui, écartait les candidats noirs de certaines missions de chef de rang ou commis de salle dans les restaurants.

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SOS Racisme dénonce alors la mise en place d’un système organisé avec fichage « racial » (article 226-19 du Code pénal) fondé sur les codes « BBR » (bleu blanc rouge) et « PR4 » (pour les personnes de couleur), refusant à ces travailleurs l’accès à certains postes, en réponse à la demande d’entreprises clientes. L’agence de Montparnasse concernée travaillait notamment avec le ministère des affaires étrangères, Eurodisney et la Société des wagons-lits. 500 candidats auraient ainsi été victimes de discrimination dans le secteur de l’hôtellerie-restauration en Île-de-France entre 1997 et 2001.

« Malheureusement, comme pour le procès que j’avais obtenu contre Adecco Bruxelles pour usage du code discriminatoire « BBB » [Blanc bleu belge], aucune des entreprises donneuses d’ordre ne sera jugée » Samuel Thomas, SOS Racisme

Les accusations sont étayées par les témoignages des anciens salariés d’Adecco, le fichier des intérimaires PR4 saisi par huissier de justice, le rapport de l’inspection du travail et « les aveux enregistrés en caméra cachée de la direction d’Adecco, affirme M. Thomas. Le premier commandant de police chargé de l’enquête avait par ailleurs obtenu dès le début de l’instruction tous les aveux des salariés d’Adecco chargés de ficher les PR4” et de répercuter les ordres des clients qui ne voulaient que des BBR », ajoute-t-il.

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Jusqu’à 30 000 postes pourraient disparaître à Roissy-Charles-de-Gaulle

Chargement d’un avion-cargo d’Air France, à Roissy (Val-d’Oise), en novembre 2020.

Pour la trouver, il faut s’aventurer au fond du « PR », le parking longue durée de l’aéroport Roissy-Charles-de-Gaulle. C’est là, coincée entre des travaux de terrassement et les portiques d’entrée du parking, que se niche la Moszar, la maison des organisations syndicales de la zone aéroportuaire de Roissy (Val-d’Oise). Un bâtiment provisoire, façon « Algeco », où deux syndicats, la CGT et SUD-Aérien, avaient appelé les salariés de Gibag-SGH, un des multiples sous-traitants de l’aéroport, à se réunir jeudi 25 février. A la Moszar, ce jeudi, ils ne sont qu’une demi-douzaine à avoir répondu à l’appel. Après une année de chômage partiel « il est difficile d’organiser les salariés », se désolent, en chœur, Abdelhafid Dif (CGT) et Imad Dachroune (SUD-Aérien).

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De fait, beaucoup n’ont plus donné signe de vie depuis des mois. Pourtant, l’heure est grave. A Roissy, Gibag-SGH, filiale du groupe 3S spécialisé dans l’assistance aéroportuaire et la sûreté, veut supprimer 10 % ses effectifs, soit 18 salariés sur 178. Quelques semaines avant Gibag-SGH, c’est Flybus, une filiale du groupe Transdev, spécialisée dans le transport des passagers de l’aérogare à l’avion, qui a sorti la faucheuse avec l’objectif de supprimer 34 postes sur 96, soit un tiers des effectifs, déplore Zaïnil Nizaraly, secrétaire général de la Fédération de l’équipement, de l’environnement, des transports et des services (FEETS-FO).

Sombre prédiction

Gibag-SGH, Flybus, ne sont que l’avant-garde de ce que Nordine Kebbache, délégué CGT et chauffeur routier pour Transdev sur la plate-forme de Roissy annonce comme « un génocide sur l’emploi » qui devrait décimer les multiples sous-traitants de l’aéroport. Une myriade de sociétés évaluée à 700 ou 800, actives dans la manutention des bagages, la sûreté, l’assistance aéroportuaire, le nettoyage des avions. Une sombre prédiction malheureusement confirmée par Marc Deman, directeur adjoint de Paris CDG Alliance, un groupement d’intérêt public qui rassemble des acteurs publics et privés du territoire de Paris-CDG et ses environs, tels Groupe ADP, Air France, la région IIe-de-France, ou encore les départements riverains de l’aéroport, la Seine-et-Marne, la Seine-Saint-Denis ou le Val-d’Oise.

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M. Deman prévoit « de 20 000 à 30 000 suppressions de postes d’ici à la mi-2022 ». Une véritable hécatombe pour la plate-forme de Roissy-Charles-de-Gaulle qui, selon les derniers chiffres de fin 2019, emploie plus de 94 000 salariés directs et indirects. Et encore, selon les syndicats, ces chiffres « seraient largement en deçà de la réalité car ils ne prennent pas en compte le sort des 20 000 à 30 000 intérimaires employés à Roissy ». Surtout, l’écho de la crise se fait ressentir dans tous les secteurs d’activités. Avec des aéroports au ralenti, les loueurs de voitures, les hôtels, qui mettent en place des plans de sauvegarde de l’emploi, précise le responsable.

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La justice saisie d’affaires de harcèlement au sein de l’agence Campus France

Au Palais de justice de Paris, en 2013.

Ils sont quatre, sur un canapé, de l’autre côté d’un écran. Mesures barrières aidant, nous avons dû recourir à la visioconférence pour échanger. Mais l’émotion n’en est pas moins palpable quand ces ex-salariés de Campus France évoquent leurs années de souffrance.

Burn-out, dépression, hospitalisations, tentative de suicide, procédures judiciaires multiples… « Une situation délirante, de très grande souffrance au travail et de déni rarement vu », note un bon connaisseur du dossier et des problématiques de harcèlement. La direction de l’organisme, elle, répond qu’il n’y a pas « la moindre brutalité dans le management (…) pas plus qu’il n’a été relevé de situation de harcèlement ». Et dénonce la « rancœur personnelle » des quatre salariés qui ont créé un collectif.

Déjà évoqués par Mediapart à l’été 2020, les multiples conflits judiciaires résultant de la situation sociale au sein de Campus France, structure chargée de la promotion des universités françaises dans le monde et de la gestion des étudiants étrangers en France, continuent de se régler devant les tribunaux. Une dizaine de procédures sont en cours au total, devant les prud’hommes, en cour d’appel, en cassation, mais aussi devant des tribunaux judiciaires dans plusieurs cas.

Lundi 18 janvier, un ancien salarié – non membre du collectif – a ainsi obtenu 30 000 euros d’indemnités pour licenciement « sans cause réelle et sérieuse ». D’autres jugements sont attendus dans les mois qui viennent. Parallèlement à ces batailles judiciaires, le collectif d’ex-salariés a multiplié les alertes aux élus, aux ministères. Interrogé, le ministère des affaires étrangères, tutelle de Campus France, explique avoir « demandé un renforcement du dialogue social » et assurer depuis un « suivi étroit » de la situation.

« Brutale »

L’établissement public à caractère industriel et commercial − une structure de droit privé sous tutelle publique − Campus France pilote la venue d’étudiants du monde entier dans les universités de notre pays. Forte de plus de 200 employés, la structure, lancée au début des années 2010, résulte de la fusion d’entités aux pratiques différentes. Principalement une association, Egide, qui gérait depuis 1991 les attributions de bourses pour les étudiants étrangers en France ; et le groupement d’intérêt public EduFrance, créé en 1998 et qui coordonnait la promotion internationale des établissements d’enseignement supérieur hexagonaux. « Deux métiers très différents, avec des cultures peu compatibles, le travail sur les bourses étant plus austère, pendant que les autres font des salons, voyagent, sont plus visibles », note une salariée de Campus France, qui déplore que « l’opposition entre les cultures » perdure, des années après la fusion.

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